Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 20 mai 2025. M. S. T. contre Varhovna kasatsionna prokuratura na Republika Bulgaria.
• 62025CJ0135 • ECLI:EU:C:2025:366
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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
20 mai 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive (UE) 2016/343 – Article 8 – Droit d’assister à son procès – Information sur la tenue du procès et sur les conséquences d’un défaut de comparution – Impossibilité de localiser la personne poursuivie nonobstant les efforts raisonnables déployés par les autorités compétentes – Possibilité d’un procès et d’une décision par défaut – Article 9 – Droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire – Procédure juridictionnelle permettant de déterminer l’existence d’un droit à un nouveau procès – Obligation de célérité »
Dans l’affaire C‑135/25 PPU [Kachev] ( i ),
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie), par décision du 11 février 2025, parvenue à la Cour le 12 février 2025, dans la procédure pénale contre
M. S. T.,
en présence de :
Varhovna kasatsionna prokuratura na Republika Bulgaria,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de chambre, MM. S. Rodin, N. Piçarra, M me O. Spineanu–Matei et M. N. Fenger, juges,
avocat général : M me L. Medina,
greffier : M me R. Stefanova-Kamisheva, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 avril 2025,
considérant les observations présentées :
–
pour le Varhovna kasatsionna prokuratura na Republika Bulgaria, par M. N. Georgiev,
–
pour la Commission européenne, par MM. M. Wasmeier et I. Zaloguin, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 30 avril 2025,
rend le présent
Arrêt
1
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 4, et de l’article 9 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales ( JO 2016, L 65, p. 1 ).
2
Cette demande a été présentée dans le cadre d’une demande de réouverture d’une procédure pénale, introduite par M. S. T. à la suite de sa condamnation par défaut à un an d’emprisonnement pour vol aggravé.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2016/343
3
Les considérants 33, 36 et 38 de la directive 2016/343 sont libellés comme suit :
« (33)
Le droit à un procès équitable constitue l’un des principes fondamentaux d’une société démocratique. Sur celui-ci repose le droit des suspects ou des personnes poursuivies d’assister à leur procès, qui devrait être garanti dans l’ensemble de l’Union.
[...]
(36)
Dans certaines circonstances, une décision statuant sur la culpabilité ou l’innocence du suspect ou de la personne poursuivie devrait pouvoir être rendue même si la personne concernée n’est pas présente au procès. Tel pourrait être le cas quand le suspect ou la personne poursuivie a été informé, en temps utile, de la tenue du procès et des conséquences d’un défaut de comparution, et ne s’est néanmoins pas présenté. Informer le suspect ou la personne poursuivie de la tenue du procès devrait signifier que ledit suspect ou ladite personne poursuivie est cité en personne ou est informé officiellement, par d’autres moyens, de la date et du lieu fixés pour le procès, de manière à lui permettre d’avoir connaissance du procès. Informer le suspect ou la personne poursuivie des conséquences d’un défaut de comparution devrait signifier, en particulier, que cette personne est informée qu’une décision pourrait être rendue si elle ne se présente pas au procès.
[...]
(38)
Lorsqu’il s’agit de déterminer si la manière dont l’information est fournie est suffisante pour garantir que l’intéressé a connaissance du procès, une attention particulière devrait, le cas échéant, être également accordée, d’une part, à la diligence dont ont fait preuve les autorités publiques pour informer la personne concernée et, d’autre part, à la diligence dont a fait preuve la personne concernée pour recevoir l’information qui lui est adressée. »
4
L’article 1 er de cette directive, intitulé « Objet », dispose :
« La présente directive établit des règles minimales communes concernant :
a)
certains aspects de la présomption d’innocence dans le cadre des procédures pénales ;
b)
le droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales. »
5
L’article 8 de ladite directive, intitulé « Droit d’assister à son procès », prévoit, à ses paragraphes 2 et 4 :
« 2. Les États membres peuvent prévoir qu’un procès pouvant donner lieu à une décision statuant sur la culpabilité ou l’innocence du suspect ou de la personne poursuivie peut se tenir en son absence, pour autant que :
a)
le suspect ou la personne poursuivie ait été informé, en temps utile, de la tenue du procès et des conséquences d’un défaut de comparution ; ou
b)
le suspect ou la personne poursuivie, ayant été informé de la tenue du procès, soit représenté par un avocat mandaté, qui a été désigné soit par le suspect ou la personne poursuivie, soit par l’État.
[...]
4. Lorsque les États membres prévoient la possibilité que des procès se tiennent en l’absence du suspect ou de la personne poursuivie, mais qu’il n’est pas possible de respecter les conditions fixées au paragraphe 2 du présent article parce que le suspect ou la personne poursuivie ne peut être localisé en dépit des efforts raisonnables consentis à cet effet, les États membres peuvent prévoir qu’une décision peut néanmoins être prise et exécutée. Dans de tels cas, les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu’ils sont informés de la décision, en particulier au moment de leur arrestation, soient également informés de la possibilité de contester cette décision et de leur droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, conformément à l’article 9. »
6
L’article 9 de la même directive, intitulé « Droit à un nouveau procès », est ainsi rédigé :
« Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu’ils n’ont pas assisté à leur procès et que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, n’étaient pas réunies, aient droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire, y compris l’examen de nouveaux éléments de preuve, et pouvant aboutir à une infirmation de la décision initiale. À cet égard, les États membres veillent à ce que lesdits suspects et personnes poursuivies aient le droit d’être présents, de participer effectivement, conformément aux procédures prévues par le droit national, et d’exercer les droits de la défense. »
Le règlement (UE) 2018/1862
7
L’article 34, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (UE) 2018/1862 du Parlement européen et du Conseil, du 28 novembre 2018, sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le domaine de la coopération policière et de la coopération judiciaire en matière pénale, modifiant et abrogeant la décision 2007/533/JAI du Conseil, et abrogeant le règlement (CE) n o 1986/2006 du Parlement européen et du Conseil et la décision 2010/261/UE de la Commission ( JO 2018, L 312, p. 56 ), dispose :
« Aux fins de la communication du lieu de séjour ou du domicile de personnes, les États membres introduisent des signalements dans le [système d’information Schengen (SIS)], à la demande d’une autorité compétente, concernant :
[...]
b)
les personnes citées à comparaître ou recherchées pour être citées à comparaître devant les autorités judiciaires dans le cadre d’une procédure pénale afin de répondre de faits pour lesquels elles font l’objet de poursuites ;
c)
les personnes qui doivent faire l’objet d’une notification d’un jugement en matière pénale ou d’autres documents en rapport avec une procédure pénale afin de répondre de faits pour lesquels elles font l’objet de poursuites ».
Le droit bulgare
8
L’article 219, paragraphe 3, point 3, du Nakazatelno-protsesualen kodeks (code de procédure pénale, DV n o 86, du 28 octobre 2005), dans sa version applicable à la procédure au principal (ci-après le « NPK »), prévoit :
« L’ordonnance de mise en accusation [...] doi[t] préciser [...] les faits pour lesquels [la personne concernée] est mis[e] en accusation et la qualification juridique de ces faits. »
9
L’article 247c, paragraphe 1, du NPK dispose :
« Une copie de l’acte d’accusation est remise à la personne poursuivie sur ordre du juge rapporteur. La signification de l’acte d’accusation informe la personne poursuivie de la date fixée pour l’audience préliminaire [...] et de ce que l’affaire peut être examinée et jugée en l’absence de celle-ci, dans les conditions prévues à l’article 269. »
10
Aux termes de l’article 269 du NPK :
« 1. La présence de la personne poursuivie au procès est obligatoire lorsque celle-ci est accusée d’une infraction pénale grave.
[...]
3. Lorsque cela n’empêche pas de découvrir la vérité objective, l’affaire peut être examinée en l’absence de la personne poursuivie si :
1)
celle-ci ne se trouve pas à l’adresse qu’elle a indiquée ou en a changé sans en informer les autorités compétentes ;
2)
son lieu de résidence en Bulgarie n’est pas connu et n’a pas été établi à la suite d’une recherche approfondie ;
[...]
4)
se situe en dehors du territoire bulgare et [...] son lieu de résidence est inconnu [...]. »
11
Aux termes de l’article 423, paragraphe 1, du NPK :
« Dans un délai de six mois à compter de la prise de connaissance de la condamnation pénale définitive [...], la personne condamnée par défaut peut demander la réouverture de [la procédure] pénale en invoquant son absence lors de [cette procédure]. Il est fait droit à cette demande, à moins que la personne condamnée, après communication des chefs d’accusation pendant l’instruction, n’ait pris la fuite, de sorte que la procédure prévue à l’article 247c, paragraphe 1, n’a pas pu être exécutée, ou bien, après que cette dernière procédure a été exécutée, qu’elle n’ait pas comparu à l’audience sans motif valable. »
La procédure au principal et les questions préjudicielles
12
Le 5 février 2024, M. S. T. et son avocat commis d’office se sont vus notifier une ordonnance de mise en accusation, établie conformément à l’article 219 du NPK (ci-après l’« acte d’accusation préliminaire »), relative à un vol aggravé qui aurait été commis au mois d’octobre 2023. L’acte d’accusation préliminaire imposait à M. S. T. de signer périodiquement un registre tenu par les autorités de police de son lieu de résidence. Cet acte l’informait, en outre, qu’il ne devait pas quitter ce lieu et qu’il serait tenu de se présenter aux autorités en cas de convocation.
13
Au cours de la phase d’instruction, M. S. T. a été auditionné et a fourni une adresse à laquelle il pourrait être joint par les autorités. Il a également déclaré avoir été informé de l’obligation de s’acquitter, en cas de condamnation, des frais liés à la désignation de l’avocat commis d’office.
14
Le 28 février 2024, le procureur a établi un acte d’accusation à charge de M. S. T., en application de l’article 246 du NPK, et en a saisi le Rayonen sad Montana (tribunal d’arrondissement de Montana, Bulgarie). Le chef d’accusation retenu dans cet acte correspondait, en fait et en droit, à celui qui figurait dans l’acte d’accusation préliminaire qui lui avait été remis au cours de la phase d’instruction.
15
Le Rayonen sad Montana (tribunal d’arrondissement de Montana) a envoyé une notification relative à la date et au lieu du procès à l’adresse que M. S. T. avait fournie au cours de la phase d’instruction. Cependant, cette notification a été renvoyée à cette juridiction, accompagnée d’une indication du fonctionnaire compétent selon laquelle il ressortait des informations fournies par ses proches que M. S. T. travaillait en Allemagne.
16
Par la suite, ladite juridiction a cherché à citer M. S. T. en personne, notamment en ordonnant qu’il soit convoqué par téléphone à un numéro qu’il avait indiqué, en procédant à une vérification de ses déplacements transfrontaliers et en ordonnant à la police de le rechercher. Ces recherches se sont toutefois révélées infructueuses, les informations recueillies indiquant que M. S. T. avait quitté la Bulgarie le 16 février 2024.
17
Le Rayonen sad Montana (tribunal d’arrondissement de Montana) a examiné l’acte d’accusation émis à charge de M. S. T. en l’absence de ce dernier. L’avocat commis d’office qui avait assisté M. S. T. lors de la phase d’instruction a participé à la procédure devant cette juridiction.
18
Le 8 mai 2024, ladite juridiction a condamné par défaut M. S. T. à une peine d’un an d’emprisonnement. Ce jugement est devenu définitif le 24 mai 2024 et M. S. T. a commencé à purger sa peine le 16 juin 2024.
19
M. S. T. a introduit, devant le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie), qui est la juridiction de renvoi, une demande de réouverture de la procédure pénale ayant mené à sa condamnation par défaut.
20
Cette juridiction précise qu’elle interprète, de manière constante, l’article 423, paragraphe 1, du NPK comme impliquant qu’une personne condamnée par défaut n’a pas droit à un nouveau procès lorsque la juridiction ayant prononcé la condamnation a accompli les démarches procédurales requises en vue de l’informer, en temps utile, de la date et du lieu de son procès, mais que cette personne a pris la fuite après avoir reçu un acte d’accusation préliminaire établi contre elle pendant la phase d’instruction, que l’accusation dont ladite personne fait l’objet n’a pas été substantiellement modifiée, en fait et en droit, depuis lors et que la même personne a été représentée par un avocat commis d’office.
21
Dès lors qu’elle estime qu’une personne condamnée ne devrait pas pouvoir se prévaloir d’une absence de comparution qui trouve son origine dans son comportement irrégulier, la juridiction de renvoi considère qu’une personne qui a pris la fuite, qui a violé une mesure de sûreté ou qui a quitté illégalement l’adresse qu’elle avait fournie aux autorités ne devrait pas bénéficier du droit à un nouveau procès. Cette juridiction déduit de ce raisonnement que la réglementation bulgare, telle qu’elle l’interprète, est conforme au droit de l’Union et, en particulier, à l’article 8, paragraphe 4, ainsi qu’à l’article 9 de la directive 2016/343.
22
Ladite juridiction s’interroge toutefois sur la compatibilité de cette interprétation de la réglementation nationale avec celle des articles 8 et 9 de cette directive retenue par la Cour dans les arrêts du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite) ( C‑569/20 , EU:C:2022:401 ), et du 16 janvier 2025, Stangalov ( C‑644/23 , EU:C:2025:16 ). Elle se demande, en particulier, si la remise d’un acte d’accusation préliminaire peut être assimilée à la connaissance, par la personne visée par cet acte, de ce qu’un procès sera tenu contre elle et des conséquences juridiques de sa fuite avant son renvoi devant une juridiction de jugement.
23
Dans ces conditions, le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1)
Les exigences normatives du droit [de l’Union], établies à l’article 9 et à l’article 8, paragraphe 4, de la [directive 2016/343] permettent-elles une réglementation nationale telle que l’article 423, paragraphe 1, seconde phrase, du [NPK], qui écarte la réouverture d’une affaire pénale et refuse le droit à un nouveau procès à une personne condamnée par défaut, lorsque celle-ci a pris la fuite après que l’acte d’accusation [préliminaire] lui a été communiqué personnellement dans le cadre de la procédure d’instruction, ce qui n’a pas permis au tribunal de l’informer de la date et du lieu du procès, ni des conséquences de son défaut de comparution devant le tribunal, à savoir que l’affaire pourra être examinée et tranchée en son absence ?
2)
Si la première question appelle une réponse positive, conformément aux principes d’équivalence et d’effectivité, la juridiction nationale peut-elle considérer que la personne condamnée par défaut n’a pas droit à un nouveau procès, lorsque :
–
le tribunal a déployé tous les efforts raisonnables pour informer celle-ci du procès, mais, tout en ayant été informée officiellement qu’elle est accusée d’avoir commis une infraction pénale et sachant ainsi qu’un procès allait être tenu contre elle, elle a délibérément fait en sorte d’éviter de recevoir officiellement les informations relatives à la date et au lieu de ce procès en quittant l’adresse à laquelle elle devait exécuter la mesure de sûreté dont elle faisait l’objet dans le cadre de la procédure d’instruction, à savoir la mesure d’obligation de signer périodiquement un registre tenu par les autorités de police de son lieu de résidence ;
–
l’acte d’accusation établi au titre de l’article 246 du NPK et le document mentionnant la date et le lieu de l’audience fixée ont été envoyés et effectivement délivrés à l’adresse que la personne condamnée avait communiquée aux autorités chargées de l’instruction après réception de l’acte d’accusation préliminaire visé à l’article 219 du NPK, étant donné que l’acte d’accusation et l’[acte d’]accusation [préliminaire établi] dans le cadre de la procédure d’instruction coïncident quant aux faits et à leur qualification juridique[, et]
–
la personne condamnée a été défendue par un avocat commis d’office au cours de toute la procédure judiciaire menée en son absence ? »
Sur la demande d’application de la procédure préjudicielle d’urgence
24
La juridiction de renvoi a demandé que le présent renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 23 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour.
25
À l’appui de cette demande, cette juridiction indique que M. S. T. purge la peine d’emprisonnement prononcée contre lui par défaut et qu’elle pourrait ordonner sa remise en liberté en cas de réouverture de la procédure pénale ayant donné lieu au prononcé de cette peine. Elle précise également qu’une nouvelle procédure pénale pourrait conduire à une transaction pénale, dans le cadre de laquelle M. S. T. pourrait se voir imposer une sanction plus faible que le minimum légal encouru pour un vol aggravé.
26
À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que le présent renvoi préjudiciel porte sur l’interprétation de la directive 2016/343, qui relève du titre V de la troisième partie du traité FUE, relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Ce renvoi est, par conséquent, susceptible d’être soumis à la procédure préjudicielle d’urgence.
27
S’agissant, en second lieu, du critère relatif à l’urgence, il découle d’une jurisprudence constante de la Cour que ce critère est satisfait lorsque la personne concernée dans le litige au principal est, à la date d’introduction de la demande de décision préjudicielle, privée de liberté et que son maintien en détention dépend de la solution de ce litige (arrêt du 24 juillet 2023, Lin, C‑107/23 PPU , EU:C:2023:606 , point 52 et jurisprudence citée).
28
En l’occurrence, il ressort des indications de la juridiction de renvoi que M. S. T. est privé de liberté, que la réouverture de la procédure pénale ayant mené à sa condamnation par défaut pourrait conduire à sa remise en liberté dans l’attente d’un nouveau procès et que les questions posées visent à déterminer si une telle réouverture doit être ordonnée dans le cadre de la procédure au principal.
29
Dans ces conditions, en application de l’article 108, paragraphe 1, du règlement de procédure, la troisième chambre de la Cour a décidé, le 26 février 2025, sur proposition du juge rapporteur, l’avocate générale entendue, de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi tendant à soumettre le présent renvoi préjudiciel à la procédure préjudicielle d’urgence.
Sur les questions préjudicielles
30
Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 8 et 9 de la directive 2016/343 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que, en application d’une réglementation nationale relative aux accusés ayant pris la fuite, le droit à un nouveau procès soit refusé à une personne condamnée par défaut qui a présenté une demande à cette fin lorsque
–
premièrement, les autorités compétentes ont déployé des efforts afin d’informer cette personne de la date et du lieu de son procès alors que celle-ci avait pris la fuite, en violation d’une mesure de sûreté qui lui avait été imposée, après avoir reçu un acte d’accusation préliminaire,
–
deuxièmement, l’acte d’accusation ainsi qu’un document mentionnant la date et le lieu de ce procès lui ont été envoyés et effectivement délivrés à l’adresse qu’elle avait fournie à ces autorités après réception de l’acte d’accusation préliminaire, dont le contenu correspond, s’agissant des faits reprochés et de leur qualification juridique, à celui de l’acte d’accusation, et
–
troisièmement, ladite personne a été représentée par un avocat commis d’office au cours de l’ensemble de la procédure judiciaire menée en son absence.
31
Il convient de rappeler que la directive 2016/343 a pour objet, conformément à son article 1 er , d’établir des règles minimales communes concernant certains éléments des procédures pénales, dont le « droit d’assister à son procès ». Ainsi que le confirme expressément le considérant 33 de cette directive, ce droit fait partie intégrante du droit fondamental à un procès équitable [arrêts du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite), C‑569/20 , EU:C:2022:401 , point 25 , et du 16 janvier 2025, Stangalov, C‑644/23 , EU:C:2025:16 , point 34 ].
32
Les États membres peuvent toutefois, conformément à l’article 8 de la directive 2016/343, prévoir, sous certaines conditions, la tenue d’un procès par défaut, étant entendu que, lorsqu’un tel procès est mené alors même que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive ne sont pas réunies, l’intéressé a, en vertu de l’article 8, paragraphe 4, et de l’article 9 de ladite directive, qui sont d’effet direct, droit « à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire [...] et pouvant aboutir à une infirmation de la décision initiale » (ci-après le « droit à un nouveau procès ») [voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite), C‑569/20 , EU:C:2022:401 , points 26 à 28 , et du 16 janvier 2025, Stangalov, C‑644/23 , EU:C:2025:16 , point 35 ].
33
Il s’ensuit qu’une personne condamnée par défaut ne peut être privée du droit à un nouveau procès que si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 sont réunies [arrêts du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite), C‑569/20 , EU:C:2022:401 , point 31 , et du 16 janvier 2025, Stangalov, C‑644/23 , EU:C:2025:16 , point 36 ].
34
À cet égard, il y a lieu de relever que les points a) et b) de cet article 8, paragraphe 2, sont applicables alternativement et qu’ils énoncent, chacun, deux conditions cumulatives, dont la première exige que l’intéressé soit informé de la tenue de son procès.
35
Ainsi qu’il découle du considérant 38 de cette directive, il y a lieu, pour déterminer si ladite condition est remplie, d’accorder une attention particulière, d’une part, à la diligence dont ont fait preuve les autorités publiques pour informer la personne condamnée par défaut de la tenue de son procès et, d’autre part, à la diligence dont a fait preuve cette personne pour recevoir les informations qui y étaient relatives. Par conséquent, présentent une pertinence aux fins de l’appréciation de la même condition d’éventuels indices précis et objectifs que ladite personne, tout en ayant été informée officiellement qu’elle est accusée d’avoir commis une infraction pénale et, sachant ainsi qu’un procès allait être organisé contre elle, fait délibérément en sorte d’éviter de recevoir officiellement les informations relatives à la date et au lieu de ce procès. L’existence de tels indices précis et objectifs peut, par exemple, être constatée lorsque la même personne a communiqué délibérément une adresse erronée aux autorités compétentes ou ne se trouve plus à l’adresse qu’elle leur a communiquée [voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite), C‑569/20 , EU:C:2022:401 , points 48 à 50 , et du 16 janvier 2025, Stangalov, C‑644/23 , EU:C:2025:16 , point 38 ].
36
Une personne condamnée par défaut pourra notamment être regardée comme ayant disposé d’informations suffisantes pour considérer qu’un procès allait être organisé contre elle si elle a reçu un acte d’accusation préliminaire dont le contenu correspond, s’agissant des faits reprochés et de leur qualification juridique, au contenu de l’acte d’accusation définitif finalement établi à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2025, Stangalov, C‑644/23 , EU:C:2025:16 , point 39 ).
37
Il s’ensuit que, lorsque la personne concernée a pris la fuite après avoir reçu un tel acte d’accusation préliminaire, il est permis aux États membres de considérer que l’envoi, en temps utile, par les autorités compétentes, d’un document officiel mentionnant la date et le lieu d’un procès à l’adresse que cette personne a communiquée à ces autorités pendant l’instruction de l’affaire et la preuve apportée que ce document a effectivement été délivré à cette adresse valent information de ladite personne concernant cette date et ce lieu, au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343. Il ne peut, cependant, en être ainsi qu’à condition que lesdites autorités aient déployé des efforts raisonnables afin de localiser la même personne et de citer cette dernière en personne ou de l’informer officiellement, par d’autres moyens, de la date et du lieu de ce procès, ainsi que cela est envisagé au considérant 36 de cette directive. La personne concernée est, dans ce cas de figure, réputée avoir été informée de la tenue dudit procès [voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite), C‑569/20 , EU:C:2022:401 , point 48 , et du 16 janvier 2025, Stangalov, C‑644/23 , EU:C:2025:16 , point 42 ].
38
La seconde condition exigée pour que la personne condamnée par défaut puisse être privée du droit à un nouveau procès peut être satisfaite soit, conformément à l’article 8, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 4, de la directive 2016/343, si cette personne a été informée, en temps utile, des conséquences d’un défaut de comparution à son procès soit, en application de l’article 8, paragraphe 2, sous b), et paragraphe 4, de cette directive, si ladite personne a été représentée à son procès par un avocat mandaté, qui a été désigné par elle ou par l’État.
39
À cet égard, il y a lieu de souligner que, si l’information quant aux conséquences d’un défaut de comparution peut être communiquée à l’intéressé lors de sa convocation à son procès, il ne saurait être exclu qu’elle puisse déjà lui avoir été transmise durant une phase préalable de la procédure pénale. Il peut notamment en être ainsi lorsque, au cours de la phase d’instruction, il est clairement indiqué à une personne visée par un acte d’accusation préliminaire qu’elle s’exposerait à la tenue d’un procès en son absence si elle se soustrayait aux autorités compétentes, par exemple en violant les mesures de sûreté qui lui ont été imposées ou en ne pouvant plus être contactée à l’adresse fournie à ces autorités (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2025, Stangalov, C‑644/23 , EU:C:2025:16 , point 51 ).
40
En revanche, en l’absence de communication effective à la personne concernée, en temps utile, de l’information sur les conséquences d’un défaut de comparution à son procès, selon des modalités qui permettent d’avoir la certitude que cette information a été fournie et effectivement reçue par cette personne, la seconde condition prévue à l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2016/343 ne saurait être considérée comme ayant été satisfaite. Ainsi, ladite personne ne saurait en aucune circonstance être simplement réputée avoir reçu ladite information, même lorsqu’elle a pris la fuite avant le stade de la procédure où cette même information aurait dû normalement lui être transmise conformément aux règles nationales applicables. En effet, si la connaissance de sa mise en accusation peut permettre raisonnablement à la personne soupçonnée ou poursuivie de savoir qu’un procès sera probablement organisé contre elle, cette seule connaissance ne lui permet pas d’appréhender les conséquences d’un défaut de comparution à ce procès.
41
Par ailleurs, en ce qui concerne la représentation par un avocat mandaté, il importe de préciser que l’existence d’un « mandat », au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous b), de la directive 2016/343, requiert que l’intéressé a lui-même confié à un avocat, le cas échéant celui qui lui a été commis d’office, la mission de le représenter lors de son procès par défaut [voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite), C‑569/20 , EU:C:2022:401 , point 56 ].
42
Il résulte de ce qui précède que, lorsque la personne concernée n’a pas été informée, en temps utile, de la tenue de son procès ou lorsque, tout en ayant été informée de la tenue de celui-ci ou tout en étant réputée avoir reçu une telle information, cette personne n’a pas été informée des conséquences d’un défaut de comparution et n’a pas non plus été dûment représentée par un avocat mandaté à ce procès, ladite personne bénéficie, en principe, à compter de sa prise de connaissance de la décision rendue par défaut, du droit à un nouveau procès [voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite), C‑569/20 , EU:C:2022:401 , point 31 , et du 16 janvier 2025, Stangalov, C‑644/23 , EU:C:2025:16 , point 37 ].
43
En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi estime que la circonstance que la personne condamnée par défaut a pris la fuite après avoir reçu un acte d’accusation préliminaire justifie, à elle seule, que le droit à un nouveau procès prévu par cette directive soit dénié à cette personne, dès lors que son absence au procès résulterait, en définitive, d’un comportement illégal de sa part.
44
Force est toutefois de constater, d’une part, que, ainsi que cela a été souligné au point 37 du présent arrêt, le fait qu’une personne condamnée a pris la fuite après avoir reçu un acte d’accusation préliminaire ne permet de considérer qu’elle est réputée avoir été informée de la tenue de son procès que pour autant que, de surcroît, les autorités compétentes aient déployé des efforts raisonnables afin de localiser cette personne et de la citer en personne ou de l’informer officiellement, par d’autres moyens, de la date et du lieu de ce procès.
45
D’autre part, ainsi qu’il ressort des points 33, 34 et 38 du présent arrêt, même lorsqu’une personne est réputée avoir été informée de la tenue de son procès, il faut encore, pour qu’elle puisse être valablement privée du droit à un nouveau procès en application de l’article 8, paragraphe 4, de la directive 2016/343, que la seconde condition énoncée soit à l’article 8, paragraphe 2, sous a), de cette directive, soit à l’article 8, paragraphe 2, sous b), de celle-ci soit remplie (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2025, Stangalov, C‑644/23 , EU:C:2025:16 , point 43 ).
46
Or, au vu des exigences découlant de cette seconde condition, qui ont été rappelées aux points 38 à 41 du présent arrêt, ladite condition ne saurait être regardée comme étant satisfaite du seul fait que cette personne a pris la fuite avant la tenue de son procès. De même, la circonstance que la fuite de ladite personne ait, en pratique, fait obstacle à son information quant à cette tenue et quant aux conséquences d’une non-comparution n’est pas de nature à permettre de satisfaire à ces exigences.
47
Il découle de ce qui précède qu’une interprétation de la réglementation bulgare en cause au principal, telle que celle visée au point 43 du présent arrêt, ne serait pas compatible avec la directive 2016/343.
48
Cela étant, il ne saurait être exclu que cette réglementation puisse recevoir une interprétation autre que celle qui a été retenue jusqu’à présent par la juridiction de renvoi. Il lui incombe ainsi de déterminer si ladite réglementation peut être interprétée dans un sens qui permet de cantonner l’exclusion du droit à un nouveau procès aux seuls cas de figure dans lesquels toutes les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 sont réunies. En cas d’impossibilité de procéder à une interprétation de la même réglementation qui soit conforme aux exigences du droit de l’Union, et dès lors que, ainsi qu’il est rappelé au point 32 du présent arrêt, l’article 8, paragraphe 4, et l’article 9 de cette directive sont d’effet direct, cette juridiction serait tenue de laisser inappliquée toute disposition nationale contraire à ces dispositions du droit de l’Union, sans qu’elle ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de la disposition législative nationale qui est incompatible avec celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2025, Stangalov, C‑644/23 , EU:C:2025:16 , point 45 et jurisprudence citée).
49
Dans ce cas de figure, la juridiction de renvoi devrait alors examiner elle-même si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 sont ou non réunies dans la situation en cause au principal.
50
À cet égard, s’agissant, en premier lieu, du point de savoir si M. S. T. peut être réputé avoir été informé de la tenue de son procès, il appartiendra à la juridiction de renvoi de se fonder sur les indications résultant des points 34 à 37 du présent arrêt.
51
Dans cette perspective, le fait que cette personne avait reçu un acte d’accusation préliminaire et qu’elle a enfreint une mesure de sûreté imposée par cet acte, en quittant l’adresse fournie aux autorités chargées de l’instruction sans les en informer, paraît, de prime abord, constituer un indice précis et objectif que ladite personne, sachant qu’elle allait faire l’objet d’un procès, a délibérément fait en sorte d’éviter de recevoir officiellement les informations relatives à la date et au lieu de ce procès.
52
Dans de telles conditions, la notification de l’acte d’accusation ainsi que d’un document mentionnant la date et le lieu du procès prévu à l’adresse que M. S. T. avait fournie aux autorités chargées de l’instruction après réception de l’acte d’accusation préliminaire, dont le contenu correspond, s’agissant des faits reprochés et de leur qualification juridique, à celui de l’acte d’accusation, est de nature à permettre de considérer que cette personne est réputée avoir été informée de la tenue de ce procès, à condition néanmoins que les autorités compétentes aient déployé des efforts raisonnables afin de localiser ladite personne et de citer cette dernière en personne ou de l’informer officiellement, par d’autres moyens, de la date et du lieu de ce procès.
53
S’agissant plus spécifiquement de cette dernière obligation, des démarches telles que celles mentionnées au point 16 du présent arrêt apparaissent, certes, susceptibles de contribuer à la localisation de la personne concernée.
54
Cependant, en vue de déterminer si ladite obligation a été satisfaite dans l’affaire au principal, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les autorités compétentes disposaient d’autres moyens efficaces qui auraient permis de localiser M. S. T. et que celles-ci auraient omis d’utiliser alors qu’elles auraient raisonnablement pu y recourir.
55
À cet égard, il convient, en particulier, de relever que l’article 34, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2018/1862 permet aux États membres, aux fins de la communication du lieu de séjour ou du domicile de personnes, d’introduire des signalements dans le SIS concernant respectivement, d’une part, les personnes citées à comparaître ou recherchées pour être citées à comparaître devant les autorités judiciaires dans le cadre d’une procédure pénale afin de répondre de faits pour lesquels elles font l’objet de poursuites ainsi que, d’autre part, les personnes qui doivent faire l’objet d’une notification de documents en rapport avec une procédure pénale afin de répondre de tels faits.
56
Au regard de l’intérêt de l’introduction d’un tel signalement pour obtenir des informations sur une personne se trouvant dans un autre État membre, il y a lieu de considérer que, lorsque, comme cela semble être le cas dans la situation en cause au principal, les autorités compétentes disposent d’informations indiquant qu’une personne à laquelle elles souhaitent communiquer un acte d’accusation ainsi qu’un document mentionnant la date et le lieu de son procès s’est rendue dans un autre État membre, ces autorités doivent, pour être regardées comme ayant déployé des « efforts raisonnables », au sens visé au point 52 du présent arrêt, introduire dans le SIS un signalement au titre de l’article 34 du règlement 2018/1862.
57
En ce qui concerne, en second lieu, la seconde condition devant être remplie pour qu’une personne condamnée par défaut puisse être privée du droit à un nouveau procès, d’une part, il ne ressort pas des éléments visés par la seconde question et, plus largement, de la présentation du litige au principal figurant dans la décision de renvoi que les questions posées se rapportent à une situation dans laquelle la personne condamnée a, d’une manière ou d’une autre, été informée, en temps utile, des conséquences d’un défaut de comparution, comme l’exige l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la directive 2016/343.
58
En particulier, la juridiction de renvoi ne relève pas que l’acte d’accusation préliminaire remis à M. S. T. aurait comporté des informations quant aux conséquences d’un défaut de comparution, les termes de la première question indiquant, au contraire, que cette juridiction entend interroger la Cour sur une situation dans laquelle la fuite de la personne condamnée par défaut a fait obstacle à ce que de telles informations lui soient communiquées.
59
D’autre part, s’agissant de la condition tenant à la représentation de la personne condamnée par défaut par un avocat mandaté à cette fin, il découle de la jurisprudence de la Cour rappelée au point 41 du présent arrêt que la seule circonstance qu’une personne condamnée par défaut a été défendue par un avocat commis d’office au cours de l’ensemble de la procédure judiciaire menée en son absence n’est pas suffisante pour satisfaire à la seconde condition énoncée à l’article 8, paragraphe 2, sous b), de la directive 2016/343.
60
Dans ce contexte, il y a certes lieu de relever que la situation en cause au principal se distingue de celle ayant donné lieu aux arrêts du 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura (Procès d’un accusé en fuite) ( C‑569/20 , EU:C:2022:401 ), et du 16 janvier 2025, Stangalov ( C‑644/23 , EU:C:2025:16 ). En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à ces arrêts, il était établi que la personne poursuivie n’avait eu aucun contact avec son avocat commis d’office, alors qu’il ressort des indications de la juridiction de renvoi que l’avocat qui a représenté M. S. T. devant la juridiction de jugement avait déjà été commis d’office, avant la fuite de ce dernier, pour l’assister au cours de la phase d’instruction. Partant, il ne saurait être exclu que cet avocat ait été en contact avec M. S. T. à cette occasion.
61
Cependant, la représentation par un avocat permet de démontrer que la personne jugée en son absence a renoncé volontairement et de manière non équivoque à son droit d’assister à son procès uniquement si cette personne a délibérément laissé le soin à cet avocat d’assurer sa défense devant la juridiction de jugement, ce qui suppose qu’elle l’ait désigné spécifiquement pour la représenter, en son absence, lors de son procès.
62
Il s’ensuit que des contacts entre la personne condamnée par défaut et un avocat commis d’office intervenus exclusivement au cours de la phase d’instruction ne sauraient être regardés comme suffisants pour démontrer que cette personne a été représentée, lors de son procès par défaut, « par un avocat mandaté », au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous b), de la directive 2016/343.
63
Il incombe, en conséquence, à la juridiction de renvoi de vérifier s’il ressort des éléments dont elle dispose que M. S. T. a, sans équivoque, confié à l’avocat commis d’office un mandat pour le représenter, en son absence, devant la juridiction de jugement.
64
Par ailleurs, indépendamment de ce qui précède, il y a lieu de rappeler que la directive 2016/343 ne s’oppose pas à ce qu’un État membre instaure un régime procédural qui exige des personnes condamnées par défaut et intéressées par une réouverture de la procédure pénale d’introduire une demande à cet effet devant une autre juridiction, distincte de celle ayant rendu la décision par défaut, afin que cette autre juridiction vérifie que la condition subordonnant le droit à un nouveau procès, à savoir l’absence de réunion des conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive, est satisfaite. Un tel régime est compatible avec ladite directive pour autant que, d’une part, la procédure de demande de cette réouverture permette effectivement la tenue d’un nouveau procès dans tous les cas de figure où il est établi, après vérification, que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive n’étaient pas réunies et que, d’autre part, la personne condamnée par défaut, lorsqu’elle a été informée de sa condamnation, ait également été informée de l’existence de cette procédure [voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2025, VB II (Information sur le droit à un nouveau procès), C‑400/23 , EU:C:2025:14 , point 46 ].
65
Dès lors, l’instauration d’une procédure de réouverture de la procédure pénale telle que celle en cause au principal, qui ne comporte pas, en soi, de nouveau procès, mais qui est susceptible de conduire à un tel procès n’apparaît pas incompatible avec la directive 2016/343, pourvu que les conditions visées au point précédent soient vérifiées et que cette procédure réponde à l’ensemble des exigences découlant du principe d’effectivité et respecte, par ailleurs, le principe d’équivalence [voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2025, VB II (Information sur le droit à un nouveau procès), C‑400/23 , EU:C:2025:14 , point 57 ].
66
À cet égard, il importe de rappeler que le principe d’effectivité impose notamment que la personne condamnée par défaut reçoive, au moment où elle est informée de sa condamnation ou rapidement après ce moment, copie de l’intégralité de la décision rendue par défaut et communication de ses droits procéduraux, y compris en ce qui concerne la possibilité d’introduire une demande de réouverture de la procédure pénale, la juridiction devant laquelle cette demande doit être introduite et le délai dont cette personne dispose à cet effet [voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2025, VB II (Information sur le droit à un nouveau procès), C‑400/23 , EU:C:2025:14 , point 61 ].
67
Le principe d’effectivité implique également que toute procédure de demande d’un nouveau procès doit être aménagée de manière à ce que cette demande soit traitée avec célérité, afin qu’il soit déterminé dans les meilleurs délais si le procès par défaut a eu lieu sans que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 aient été réunies. Lorsqu’un État membre instaure un régime procédural dans lequel il n’a pas encore été déterminé, au moment où l’intéressé est informé de l’existence d’une condamnation par défaut prononcée à son égard, si cette condamnation a été prononcée sans que lesdites conditions aient été réunies, il incombe à cet État membre, sous peine de porter atteinte au principe d’effectivité, de veiller à ce que cet examen ait lieu rapidement après l’introduction de la demande d’un nouveau procès [voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2025, VB II (Information sur le droit à un nouveau procès), C‑400/23 , EU:C:2025:14 , point 63 ].
68
En particulier, dans les cas, tels que celui en cause dans l’affaire au principal, où l’examen de la demande de réouverture de la procédure pénale est effectué alors que la personne concernée exécute la peine de détention à laquelle elle a été condamnée, l’adoption avec la plus grande célérité de la décision relative à cette demande est indispensable afin que le principe d’effectivité soit respecté [voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2025, VB II (Information sur le droit à un nouveau procès), C‑400/23 , EU:C:2025:14 , points 64 et 65 ].
69
Cette exigence d’adopter une décision avec la plus grande célérité vise à garantir le respect des droits fondamentaux de la personne condamnée par défaut, en évitant que celle-ci puisse être durablement maintenue en détention au titre d’une peine prononcée en son absence, alors qu’il n’a pas encore été déterminé si la culpabilité de cette personne et la peine lui ayant été infligée ont été décidées dans le respect du droit à un procès équitable, tel que concrétisé par le législateur de l’Union dans la directive 2016/343.
70
En outre, étant donné que les autorités judiciaires de l’État membre concerné disposent normalement, à la date du jugement par défaut, des informations nécessaires pour pouvoir apprécier si les conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 sont satisfaites, la juridiction saisie d’une demande de réouverture de la procédure pénale doit être considérée comme étant en mesure de statuer dans un court laps de temps sur cette demande.
71
Compte tenu de l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que les articles 8 et 9 de la directive 2016/343 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que, en application d’une réglementation nationale relative aux accusés ayant pris la fuite, le droit à un nouveau procès soit refusé à une personne condamnée par défaut qui a présenté une demande à cette fin lorsque
–
premièrement, les autorités compétentes ont déployé des efforts afin d’informer cette personne de la date et du lieu de son procès alors que celle-ci avait pris la fuite, en violation d’une mesure de sûreté qui lui avait été imposée, après avoir reçu un acte d’accusation préliminaire,
–
deuxièmement, l’acte d’accusation ainsi qu’un document mentionnant la date et le lieu de ce procès lui ont été envoyés et effectivement délivrés à l’adresse qu’elle avait fournie à ces autorités après réception de l’acte d’accusation préliminaire, dont le contenu correspond, s’agissant des faits reprochés et de leur qualification juridique, à celui de l’acte d’accusation, et
–
troisièmement, ladite personne a été représentée par un avocat commis d’office au cours de l’ensemble de la procédure judiciaire menée en son absence,
pour autant que, d’une part, lesdites autorités ont mis en œuvre tous les moyens auxquels elles pouvaient raisonnablement recourir pour localiser la personne condamnée par défaut avant son procès et que, d’autre part, cette personne soit a été informée, en temps utile, des conséquences d’un défaut de comparution, soit a, sans équivoque, confié à l’avocat qui lui avait été commis d’office un mandat pour la représenter, en son absence, devant la juridiction de jugement.
Sur les dépens
72
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :
Les articles 8 et 9 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales,
doivent être interprétés en ce sens que :
ils ne s’opposent pas à ce que, en application d’une réglementation nationale relative aux accusés ayant pris la fuite, le droit à un nouveau procès soit refusé à une personne condamnée par défaut qui a présenté une demande à cette fin lorsque
–
premièrement, les autorités compétentes ont déployé des efforts afin d’informer cette personne de la date et du lieu de son procès alors que celle-ci avait pris la fuite, en violation d’une mesure de sûreté qui lui avait été imposée, après avoir reçu un acte d’accusation préliminaire,
–
deuxièmement, l’acte d’accusation ainsi qu’un document mentionnant la date et le lieu de ce procès lui ont été envoyés et effectivement délivrés à l’adresse qu’elle avait fournie à ces autorités après réception de l’acte d’accusation préliminaire, dont le contenu correspond, s’agissant des faits reprochés et de leur qualification juridique, à celui de l’acte d’accusation, et
–
troisièmement, ladite personne a été représentée par un avocat commis d’office au cours de l’ensemble de la procédure judiciaire menée en son absence,
pour autant que, d’une part, lesdites autorités ont mis en œuvre tous les moyens auxquels elles pouvaient raisonnablement recourir pour localiser la personne condamnée par défaut avant son procès et que, d’autre part, cette personne soit a été informée, en temps utile, des conséquences d’un défaut de comparution, soit a, sans équivoque, confié à l’avocat qui lui avait été commis d’office un mandat pour la représenter, en son absence, devant la juridiction de jugement.
Signatures
( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.
( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.