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Traskunova c. Russie

Doc ref: 21648/11 • ECHR ID: 002-13764

Document date: August 30, 2022

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Traskunova c. Russie

Doc ref: 21648/11 • ECHR ID: 002-13764

Document date: August 30, 2022

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Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 265

Août 2022

Traskunova c. Russie - 21648/11

Arrêt 30.8.2022 [Section III]

Article 2

Obligations positives

Décès d’une participante à un essai clinique sur un nouveau médicament, défaut de mise en œuvre effective du cadre réglementaire et absence de consentement éclairé : violation

En fait – M me A. T., la fille de la requérante, décéda alors qu’elle prenait part à un essai clinique portant sur un nouveau médicament destiné au traitement de la schizophrénie, maladie mentale dont elle souffrait depuis de longues années. Elle participait pour la seconde fois à un essai clinique de ce type.

Les démarches que la requérante effectua pour obtenir l’ouverture d’une procédure disciplinaire contre les personnes responsables du décès de sa fille se soldèrent par un échec après qu’une commission d’experts cliniques eut examiné l’affaire et estimé que les essais cliniques avaient respecté l’ensemble des obligations existantes et qu’il n’y avait pas de lien causal direct entre la prise du médicament et le décès de la participante. Saisies par la requérante, les autorités judiciaires refusèrent elles aussi, après avoir mené une enquête préliminaire, d’ouvrir des poursuites pénales, et le recours formé par la requérante contre cette décision de refus fut rejeté par les juridictions internes. Des rapports d’expertise établis dans le cadre de l’enquête préliminaire révélèrent toutefois que M me A. T. était atteinte d’une maladie cardiovasculaire qui n’avait pas été détectée antérieurement et que la prise du médicament expérimental en question pouvait avoir aggravé son état de santé et, partant, avoir indirectement causé son décès.

En droit – Article 2 :

a) Volet matériel – Les circonstances de la présente affaire ont dépassé le cadre de la simple négligence médicale. Il y allait de la sécurité de M me A. T. au cours d’essais cliniques d’un nouveau médicament qui avaient été approuvés par les autorités internes. Les essais cliniques de ce type de produits comportent des risques inhérents pour la santé et la vie des personnes qui y prennent part et constituent de ce fait une forme d’activité dangereuse qui fait peser sur les États l’obligation positive d’adopter et de mettre en œuvre des mesures visant à assurer la sécurité des participants.

La question centrale de l’affaire était donc le point de savoir si, lorsqu’elles ont sélectionné la fille de la requérante pour la faire participer aux essais cliniques d’un nouveau médicament, les autorités ont rempli leur obligation positive de s’assurer, au moyen d’un ensemble de règles et d’un contrôle suffisant, que les risques pour sa vie étaient réduits à un minimum raisonnable.

Aucune insuffisance dans le cadre réglementaire de l’État défendeur applicable à l’époque des faits n’a pu être identifiée, mais sa mise en œuvre pratique dans le cas d’espèce est sujette à caution.

En premier lieu, la Cour observe que, contrairement aux exigences fixées par les protocoles internes applicables, M me A. T. ne semble pas avoir été soumise à un examen médical complet avant d’être admise à prendre part aux essais. Elle relève également qu’aucune information relative au suivi de l’état de santé de l’intéressée n’a été portée dans son dossier médical pendant la durée des deux essais cliniques. Bien qu’après le premier essai clinique M me A. T. ait présenté des symptômes de nature à contre-indiquer sa participation au second essai, elle a néanmoins été invitée à y prendre part sans que son état de santé fût dûment examiné.

La Cour ne saurait spéculer sur le point de savoir si la maladie cardiovasculaire de M me A. T. aurait pu être détectée dans l’hypothèse où celle-ci aurait fait l’objet d’un examen préalable et d’un suivi durant les essais. Compte tenu de ce qui était en jeu pour l’intéressée, la Cour estime toutefois inacceptable que l’on ait admis celle-ci à prendre part aux essais cliniques puis à poursuivre sa participation, au mépris des règles et garanties mises en place par l’ordre juridique interne lui-même.

En second lieu, la Cour n’est pas convaincue que M me A. T. ait consenti à participer aux essais. Si, dans les circonstances de l’espèce, elle pouvait être regardée comme ayant été dûment informée des risques généraux inhérents aux essais cliniques, les professionnels de santé responsables de ces essais n’avaient pas connaissance de son état de santé réel, et notamment de sa maladie cardiovasculaire, faute d’avoir procédé aux examens médicaux les plus élémentaires. M me A. T. ne s’est donc pas vu communiquer l’ensemble des informations qui lui auraient permis d’évaluer les risques liés à sa situation particulière et de faire ainsi un choix éclairé quant à sa participation à chacun des deux essais.

De surcroît, eu égard à leur vulnérabilité, il est important que les patients atteints de maladie mentale bénéficient d’une protection accrue et que leur participation à des essais cliniques soit encadrée par des garanties particulièrement strictes, prenant dûment en compte les spécificités de leur état de santé mentale et son évolution au cours du temps. Il est en particulier essentiel que la capacité de tels patients à prendre des décisions soit établie de manière objective pour que le risque qu’ils donnent leur consentement sans en mesurer pleinement les conséquences puisse être écarté. M me A. T. souffrait depuis de longues années d’une grave maladie mentale, qui a empiré au cours du premier essai clinique. Une maladie mentale telle que celle dont l’intéressée était atteinte pouvait se manifester, parmi d’autres symptômes, par des troubles de la pensée et des difficultés de communication. Or il n’est nullement établi que, lorsqu’ils l’ont invitée à participer au second essai et ont recueilli son consentement, les médecins responsables de l’essai aient dûment évalué sa capacité à prendre une décision rationnelle quant à la poursuite de sa participation.

Conclusion : violation (unanimité).

b) Volet procédural – Pour l’appréciation de l’affaire, il convenait d’examiner si les essais cliniques en cause avaient été conduits conformément au cadre juridique pertinent, et en particulier s’ils avaient respecté les garanties mises en place. Or les autorités nationales n’en ont rien fait. Parmi d’autres manquements, elles n’ont pas pris en considération les conclusions émises par les experts quant au défaut apparent d’examen médical complet et de suivi de l’état de santé de M me A. T. avant et pendant chacun des deux essais. Elles n’ont pas davantage évalué les conclusions des experts qui signalaient des contre-indications à la participation de M me A. T. au second essai clinique. Par conséquent, le recours de nature pénale exercé par la requérante ne peut s’analyser comme ayant constitué un recours effectif dans les circonstances de l’espèce.

La requérante n’a pas engagé d’action civile contre les professionnels de santé ni l’établissement concernés. Il est difficile de déterminer si un recours de cette nature était disponible et si, le cas échéant, cette voie de recours aurait permis à la requérante d’atteindre le résultat visé par l’article 2, c’est-à-dire d’établir les circonstances du décès de sa fille, de contraindre les responsables à rendre des comptes et de lui fournir une réparation adéquate. Il est également malaisé de déterminer si un recours de nature civile aurait poursuivi le même but qu’un recours de nature pénale ou, en d’autres termes, s’il aurait présenté certaines caractéristiques essentielles dont le recours de nature pénale aurait été dépourvu.

Conclusion : violation (unanimité).

Article 41 : 20 000 EUR pour préjudice moral.

(Voir aussi Arskaya c. Ukraine , 45076/05 , 5 décembre 2013)

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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