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Y.P. c. Russie

Doc ref: 43399/13 • ECHR ID: 002-13796

Document date: September 20, 2022

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Y.P. c. Russie

Doc ref: 43399/13 • ECHR ID: 002-13796

Document date: September 20, 2022

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Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 266

Septembre 2022

Y.P. c. Russie - 43399/13

Arrêt 20.9.2022 [Section III]

Article 8

Article 8-1

Respect de la vie privée

Stérilisation non consentie pratiquée en violation du droit interne, manquement des juridictions internes à leur devoir d’établir les responsabilités et d’apporter une réparation : violation

Article 3

Traitement dégradant

Traitement inhumain

Une stérilisation non consentie pratiquée dans une situation imprévue et urgente par des médecins n’agissant pas de mauvaise foi n’atteint pas le seuil de gravité requis : irrecevable

En fait – La requérante, qui était enceinte au moment des faits, subit une césarienne en urgence dans un hôpital public. Au cours de l’intervention, les médecins constatèrent une rupture de l’utérus. Un conseil médical fut réuni en urgence ; il décida qu’il fallait stériliser la requérante afin d’éviter le risque réel qu’une grossesse ultérieure ne provoque une nouvelle rupture de l’utérus, qui mettrait en danger la vie de l’intéressée. La requérante n’apprit qu’après l’intervention qu’elle avait été stérilisée.

Elle engagea contre l’hôpital une action civile en indemnisation du dommage moral qu’elle estimait avoir subi du fait de sa stérilisation. N’ayant pas obtenu gain de cause, elle contesta la décision rendue en première instance, sans succès.

En droit – Article 3 : La requérante se plaignait d’avoir subi une stérilisation non consentie. Elle s’estimait victime d’un traitement inhumain et dégradant.

La Cour a conscience que la stérilisation constitue une atteinte majeure à la capacité d’une personne à procréer, et concerne ainsi l’une des fonctions corporelles essentielles des êtres humains ( V.C. c. Slovaquie ). L’intervention a eu des conséquences psychologiques et affectives pour la requérante ainsi que des incidences sur sa relation avec son mari, et la requérante s’est sentie humiliée et dégradée.

Cela étant, les professionnels de santé en question se sont trouvés soudainement confrontés, au cours d’une intervention médicale de routine, à une situation (rupture de l’utérus) dans laquelle ils ont dû décider en urgence de l’étendue de l’intervention chirurgicale à pratiquer, et où même une hystérectomie (ablation de l’utérus) aurait pu se justifier. La décision de conserver l'utérus, de suturer la rupture et de stériliser la requérante a été prise par un conseil réunissant plusieurs médecins, dont le médecin chef, à l’issue d’une réflexion approfondie, pour des raisons médicales confirmées ultérieurement par une expertise. Il s’agissait d’une mesure que ces professionnels de la santé estimaient nécessaire pour prévenir la survenue à l’avenir d’un risque pour la vie de la requérante. Les médecins n’ont pas agi de mauvaise foi, et encore moins dans l’intention de maltraiter ou de rabaisser la requérante, mais animés par le souci réel de protéger sa santé et sa sécurité. Il n’existe par ailleurs aucun élément supplémentaire – par exemple une vulnérabilité particulière de la requérante – de nature à permettre à la Cour de conclure que, dans les circonstances de l’espèce, le seuil de gravité requis pour que l’article 3 trouve à s’appliquer ait été atteint.

Conclusion : irrecevable ( ratione materiae ).

Article 8 : À deux niveaux de juridiction, les juridictions internes ont rejeté l’action en indemnisation engagée par la requérante, en se fondant sur les arguments suivants, que le Gouvernement fait siens :

a) La requérante aurait consenti à être stérilisée, cette intervention ayant été pratiquée dans le cadre d’une complication constatée à l’occasion de la césarienne . La Cour observe sur ce point que le formulaire de consentement relatif à la césarienne que la requérante avait signé excluait explicitement la stérilisation. En outre, tant l’expert que la juridiction de première instance ont souligné que la stérilisation avait été pratiquée sans que la requérante y eût donné son consentement éclairé. Or il ne s’agit pas d’une intervention susceptible d’être pratiquée couramment dans le cadre de n’importe quelle intervention médicale ni même d’un élargissement de l’étendue d’une intervention par suite de complications, à moins que le patient n’ait donné son consentement exprès, libre et éclairé à la stérilisation elle-même. La seule exception à la nécessité de recueillir le consentement de la personne concernée est celle des situations d’urgence où le traitement médical ne peut être retardé et où le consentement ne peut être obtenu.

b) Une complication inattendue aurait rendu nécessaire une intervention en urgence pour sauver la vie de la requérante, et même une intervention plus radicale aurait pu se justifier. Sur ce point, la Cour observe que le risque évoqué n’était pas imminent et n’était susceptible de se concrétiser qu’en cas de grossesse ultérieure. Il était en outre possible de le prévenir par d’autres méthodes moins invasives. Dans ces conditions, il était indispensable d’obtenir au préalable le consentement éclairé de la requérante, quand bien même le personnel de l’hôpital pensait qu’elle risquait de se conduire à l’avenir de manière irresponsable à l’égard de sa santé.

c) En toute hypothèse, il resterait loisible à la requérante d’avoir recours à la fécondation in vitro. La Cour ne peut admettre la thèse consistant à dire que, compte tenu de cette possibilité, il n’a pas été porté atteinte à la santé de la requérante. Cette thèse est en effet inconciliable avec l’allégation selon laquelle il était nécessaire de stériliser la requérante pour empêcher toute nouvelle grossesse afin de prévenir le risque d’une dégradation potentiellement fatale de la santé de l’intéressée. De plus, la requérante, qui était au moment des faits dans la période de sa vie où elle était le plus à même de procréer, a été privée de manière irréversible de sa capacité reproductive naturelle, ce qui a porté un préjudice grave à sa santé.

Il est donc clair que la requérante a subi une atteinte à son droit au respect de sa vie privée à raison du fait que, contrairement aux exigences du droit interne, les médecins n’ont pas demandé et obtenu son consentement exprès, libre et éclairé avant de la stériliser.

De plus, les juridictions internes ont refusé de reconnaître la responsabilité des médecins quant à la stérilisation, approuvant ainsi leur approche contraire au principe de l’autonomie du patient, consacré à la fois en droit interne et au niveau international. L’intervention médicale, qui a eu les conséquences graves évoquées ci-dessus, a été accomplie au mépris des règles et garanties instituées dans le système interne lui-même, ce qui est difficilement conciliable avec les garanties procédurales prévues par l’article 8. En outre, aucune réparation n’a été accordée à la requérante pour l’atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée.

Conclusion : violation (unanimité).

Article 41 : 7 500 EUR pour dommage moral.

(Voir aussi V.C. c. Slovaquie , n o 18968/07, 8 novembre 2011, résumé juridique ; N.B. c. Slovaquie , n o 29518/10, 12 juin 2012)

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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