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S.F.K. c. Russie

Doc ref: 5578/12 • ECHR ID: 002-13830

Document date: October 11, 2022

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S.F.K. c. Russie

Doc ref: 5578/12 • ECHR ID: 002-13830

Document date: October 11, 2022

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Résumé juridique

Octobre 2022

S.F.K. c. Russie - 5578/12

Arrêt 11.10.2022 [Section III]

Article 3

Traitement dégradant

Traitement inhumain

Enquête effective

Avortement pratiqué dans un hôpital public en violation des normes médicales et contre la volonté d’une jeune adulte vulnérable contrainte par ses parents ; absence d’enquête effective : violation

En fait – La requérante, qui était âgée de 20 ans et enceinte au moment des faits, fut forcée par ses parents à interrompre sa grossesse après que son compagnon, le père de l’enfant à naître, eut été arrêté au motif qu’on le soupçonnait d’avoir commis une infraction violente. L’intervention médicale fut pratiquée dans un hôpital public par un médecin de garde alors même que la requérante avait clairement fait part, d’abord à ses deux parents, qui exerçaient des pressions pour la contraindre à avorter, puis au personnel médical, de son souhait de ne pas interrompre sa grossesse. Une enquête de police fut ouverte relativement à ces événements ; elle aboutit à la décision de n’engager de poursuites pénales ni contre les parents de la requérante, ni contre le médecin, au motif que leurs actes ne révélaient aucun élément constitutif d’une infraction. Les autorités considérèrent que les parents de la requérante n’avaient pas eu d’« intention malveillante » et qu’ils avaient eu la « conviction d’agir dans l’intérêt de leur enfant ». En l’absence de toute conclusion qui aurait été formulée dans le cadre d’un mécanisme de droit pénal, l’hôpital refusa d’ouvrir une procédure disciplinaire contre le médecin concerné. La requérante engagea au civil une action en indemnisation contre l’hôpital. Déboutée en première instance, elle vit sa demande accueillie par la juridiction d’appel, qui lui accorda un montant équivalent à 500 EUR pour dommage moral, précisant qu’elle n’avait pas été victime d’un préjudice grave pour sa santé.

En droit – Article 3 :

a) Sur l’applicabilité de l’article 3 – C’est le personnel médical d’un hôpital public qui a procédé à l’interruption de la grossesse de la requérante. L’intervention fut menée en violation des normes médicales applicables ainsi que des règles et garanties prévues par le droit interne. En particulier, elle ne fut pas consignée et elle fut pratiquée alors que la requérante n’y avait pas donné son consentement exprès, libre et éclairé ; de plus, l’intéressée n’a bénéficié de la supervision et de la prise en charge médicales nécessaires ni avant ni après l’intervention, ce qui a mis sa santé en danger.

La requérante a saisi plusieurs autorités internes de griefs consistant à dire qu’une interruption de grossesse avait été pratiquée sur elle contre son gré, qu’elle avait été forcée par ses parents à subir cette intervention, et qu’elle avait informé le personnel médical concerné de la situation. Sa version des faits a été confirmée par son frère, et ses parents ont reconnu qu’ils l’avaient emmenée à la maternité de l’hôpital pour qu’elle y subisse un avortement. Les forces de l’ordre, de même que les juridictions nationales, ont admis ce dernier fait. Par ailleurs, la juridiction de première instance a admis que c’était par peur des menaces de son père que la requérante avait laissé le personnel médical pratiquer l’avortement ; il est frappant de constater que ladite juridiction a jugé que cela prouvait que la requérante avait librement consenti à l’intervention médicale en cause.

La requérante a produit des éléments de preuve suffisants pour permettre à la Cour de conclure qu’elle a subi l’intervention litigieuse contre son gré. Eu égard à sa dépendance apparente envers ses parents, à son jeune âge et au fait qu’elle était enceinte pour la première fois, elle était vulnérable au moment des faits. Par ailleurs, s’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour que l’on puisse conclure que les professionnels de santé ont exercé une contrainte sur la requérante ainsi que celle-ci l’allègue, ils ont à tout le moins fait preuve de négligence et d’indifférence par rapport à sa situation : ils ne se sont pas assurés qu’elle avait librement consenti à l’intervention et ils ne lui ont pas apporté les soins médicaux nécessaires. Compte tenu des circonstances dans lesquelles sa grossesse a été interrompue, elle a dû éprouver détresse, anxiété et humiliation. Les éléments de preuve médicaux attestent du reste que l’intervention médicale en cause lui a laissé des séquelles physiques et psychologiques.

Partant, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, l’avortement forcé subi par la requérante, combiné avec la peur et l’impuissance qu’elle a dû éprouver, doit être considéré comme ayant atteint le degré de gravité nécessaire pour relever de l’article 3. Dès lors, cette disposition est applicable en l’espèce.

b) Sur le fond

i) Quant au volet matériel – L’interruption de la grossesse de la requérante a été pratiquée contre sa volonté et en violation de toute la réglementation médicale applicable. Cet avortement forcé, pratiqué dans de telles circonstances, a porté atteinte à la dignité humaine de la requérante. Il s’agit là d’une forme extrême de traitement inhumain et dégradant, qui non seulement a entraîné un préjudice grave immédiat pour la santé de la requérante, à savoir la perte de son enfant à naître, mais qui en outre a eu sur elle des effets physiques et psychologiques négatifs à long terme.

Conclusion : violation (cinq voix contre deux).

ii) Quant au volet procédural – Même si la requérante a reçu une réparation à l’issue de la procédure civile engagée par elle contre l’hôpital, cette réparation ne peut être considérée comme suffisante pour que l’État puisse passer pour avoir satisfait aux obligations positives qui lui incombaient en vertu de l’article 3, car le recours civil utilisé par la requérante avait pour but l’octroi d’une réparation et non l’identification et le châtiment des personnes responsables. La réparation en question n’a donc pas fait disparaître la qualité de victime de la requérante pour les besoins de l’article 3.

Les mécanismes de droit pénal se sont clairement montrés inefficaces. Eu égard à la manière dont les autorités ont traité l’affaire – notamment à leur réticence à ouvrir une enquête pénale relativement aux allégations crédibles d’avortement forcé que la requérante avait formulées et au fait qu’elles n’ont pas pris sur le fondement des dispositions juridiques applicables des mesures efficaces visant à sanctionner les parents de la requérante et les professionnels de santé concernés – l’État ne s’est pas acquitté de l’obligation qu’il avait d’enquêter sur les mauvais traitements qu’avait subis la requérante.

Conclusion : violation (unanimité).

Article 41 : 19 500 EUR pour dommage moral.

(Voir aussi V.C. c. Slovaquie , n o 18968/07, 8 novembre 2011, résumé juridique ; Valiulienė c. Lituanie , n o 33234/07, 26 mars 2013, résumé juridique ; Volodina c. Russie , n o 41261/17, 9 juillet 2019, résumé juridique )

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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