KULNEVA AND OTHERS v. RUSSIA and two other applications
Doc ref: 22116/08;5536/09;66158/14 • ECHR ID: 001-159736
Document date: December 9, 2015
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Communiquée le 9 décembre 2015
TROISIÈME SECTION
Requête n o 22116/08 Roza Stepanovna KULNEVA et autres contre la Russie et 2 autres requêtes (voir liste en annexe)
EXPOSÉ DES FAITS
1 . La liste des parties requérantes figure en annexe.
A. Les circonstances de l ’ espèce
2 . Les faits de la cause, tels qu ’ ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
1. Requête n o 22116/08
3 . Les requérantes avaient introduit une action civile visant à obtenir des allocations sociales. Cette action avait été déclarée irrecevable. Or, les requérantes n ’ avaient pas reçu le dossier constitué devant le tribunal.
4 . Les requérantes introduisirent un recours judiciaire dirigé contre les juges M. et B. et le département régional de Voronej du Service fédéral de l ’ administration des juridictions auprès de la Cour suprême de Russie ( Судебный департамент ) en responsabilité des juges de paix pour la destruction intentionnelle du dossier constitué devant le tribunal à l ’ appui de l ’ action.
5 . Par une décision avant dire droit du 15 août 2007, le tribunal du district Tsentralni de Voronej déclara l ’ action irrecevable. En ce qui concerne les juges, le tribunal indiqua qu ’ en application de de l ’ article 134 § 1 alinéa 1 du code de procédure civile, le litige ne pouvait pas faire l ’ objet de l ’ examen car les textes en vigueur ne prévoyaient pas les modalités et les fondements de l ’ indemnisation du dommage causé par le juge lorsque la faute de ce dernier n ’ était pas établie au pénal. En ce qui concerne le Service fédéral de l ’ administration des juridictions, le tribunal indiqua que ledit Service ne relevait pas de sa compétence territoriale.
6 . Par un arrêt du 4 décembre 2007, la cour régionale de Voronej confirma, en cassation, la décision aux mêmes motifs.
2. Requête n o 5536/09
7 . Le juge de paix E. de la circonscription judiciaire n o 20 du district Leninski de Perm, mécontent de la conduite du requérant, fit une lettre à l ’ attention du président de l ’ assemblée législative de la région de Perm, employeur du requérant. Dans cette lettre, le juge attira l ’ attention du président sur le comportement, selon lui, indigne du requérant – aide d ’ un député de l ’ assemblée.
8 . Le requérant introduisit une action civile dirigée contre le Trésor public, le gouvernement de la région de Perm et l ’ agence régionale d ’ administration de la justice de paix ( региональное агентство по обеспечению деятельности мировых судей ) en responsabilité du juge E. pour diffamation. Il rectifia par la suite l ’ objet de son action demandant que le juge retirât la lettre contestée et s ’ excusât.
9 . Par une décision avant dire droit du 29 février 2008, le tribunal du district Sverdlovski de Perm se déclara incompétent pour examiner cette action. Se référant à l ’ article 16 de la loi sur le statut des juges dans la Fédération de Russie, le tribunal nota qu ’ aucune responsabilité ne pourrait être engagée contre le juge pour avoir exprimé une opinion – en rapport avec l ’ exercice de sa fonction – ou avoir rendu une décision judiciaire, à moins que ce juge ne soit reconnu coupable d ’ un abus par la voie pénale. Il nota, en outre, que la plainte du requérant tendant à la mise en jeu de la responsabilité disciplinaire du juge a été rejetée par le président du tribunal du district Leninski de Perm comme dénuée de tout fondement.
Fort de ces motifs, le tribunal déclara l ’ action irrecevable, en application de l ’ article 134 § 1 alinéa 1 du code de procédure civile.
10 . Dans son recours, le requérant reprocha au tribunal ne pas avoir indiqué quelle autre voie de recours existait pour faire valoir ses droits.
11 . Par un arrêt du 3 avril 2008, la cour régionale de Perm confirma, en cassation, la décision attaquée. Répondant à l ’ argument du requérant, la cour nota que le motif d ’ irrecevabilité prévu par l ’ article 134 § 1 alinéa 1 du code concernait les droits qui ne se prêtaient pas à la protection judiciaire. La cour ajouta que les textes en vigueur ne prévoyaient pas les modalités et les fondements de l ’ indemnisation du dommage causé par le juge lorsque la faute de ce dernier était établie non au pénal mais au civil.
3. Requête n o 66158/14
a) La genèse de l ’ affaire
12 . La requérante avait introduit une action civile en responsabilité d ’ un certain T. pour viol. Elle avait demandé au tribunal de recueillir les informations relatives à l ’ état de santé de T. Le juge Yu. du tribunal du district Krasnogvardeïski de Saint-Pétersbourg avait envoyé des lettres à une caisse d ’ assurances maladie, à un centre d ’ hygiène et d ’ épidémiologie et au chef d ’ un bureau de police. Le juge, demandant de lui fournir certaines informations relatives à T., avait présenté les faits de la cause dont il était saisi, notamment le viol allégué commis par T. sur la personne de la requérante, la contamination de celle-ci par certaines maladies, sans avoir caché le nom de l ’ intéressée.
b) L ’ introduction d ’ un recours en responsabilité du juge Yu.
13 . Le 12 septembre 2013, la requérante introduisit une action civile dirigée contre le ministère fédéral des Finances visant à se faire dédommager pour la divulgation des informations personnelles et le manquement du juge à transmettre un recours concernant les mesures conservatoires à l ’ instance d ’ appel.
14 . Par une décision avant dire droit du 8 octobre 2013, le tribunal du district Tverskoï de Moscou se déclara incompétent pour examiner cette action. Se référant à l ’ article 16 de la loi sur le statut des juges dans la Fédération de Russie, le tribunal nota qu ’ aucune responsabilité ne pourrait être engagée contre le juge, même destitué de ses pouvoirs, pour avoir exprimé une opinion – en rapport avec l ’ exercice de sa fonction – ou avoir rendu une décision judiciaire, à moins que ce juge ne soit reconnu coupable d ’ un abus par la voie pénale. En outre, le tribunal nota qu ’ en effet, selon l ’ arrêt n o 1-P du 25 janvier 2001 de la Cour constitutionnelle de Russie (voir la partie « le droit interne pertinent » ci-dessous), la responsabilité d ’ un juge pourrait être engagée si la faute de ce dernier était établie non seulement au pénal mais également par une décision civile. Or, releva le tribunal, en dépit de la recommandation de la Cour constitutionnelle, le législateur avait omis d ’ adopter les textes concernant les fondements et les modalités d ’ un tel dédommagement, ainsi que les compétences des juridictions en la matière. Fort de ces motifs, le tribunal déclara l ’ action irrecevable, en application de l ’ article 134 § 1 alinéa 1 du code de procédure civile.
15 . Le 24 mars 2014, la cour de la ville de Moscou confirma, en appel, cette décision faisant siens les motifs de la décision contestée.
B. Le droit et la pratique internes pertinents
16 . Selon l ’ article 134 § 1 alinéa 1 du code de procédure civile, le juge déclare la demande irrecevable, notamment, lorsque cette dernière ne peut faire l ’ objet de l ’ examen en justice, car une autre voie de recours est prévue.
17 . Pour le résumé des textes concernant la responsabilité de l ’ État pour fonctionnement défectueux de la justice, voir l ’ arrêt Gryaznov c. Russie , n o 19673/03 , §§ 36-39, 12 juin 2012 .
GRIEF
Invoquant l ’ article 6 § 1 de la Convention, ne serait-ce qu ’ en substance, combiné avec l ’ article 13, les requérants se plaignent que le refus d ’ examiner leurs recours en responsabilité des juges, au motif de l ’ immunité de ces derniers, a porté atteinte à leur droit d ’ accès à un tribunal.
QUESTIONS AUX PARTIES
1. La contestation sur les droits et obligations de caractère civil des requérants a-t-elle été entendue équitablement, comme l ’ exige l ’ article 6 § 1 de la Convention ? Plus particulièrement, le refus opposé par la justice d ’ examiner les recours en responsabilité de l ’ État pour fonctionnement défectueux de la justice, a-t-il été porté atteinte au droit des requérants d ’ accès à un tribunal, au sens de cet article ( Chernichkin c. Russie , n o 39874/03, §§ 28-30, 16 septembre 2010, et Vasilyev et Kovtun c. Russie , n o 13703/04, §§ 48-56, 13 décembre 2011) ?
2. Les requérants avaient-ils à leur disposition, comme l ’ exige l ’ article 13 de la Convention, un recours interne effectif au travers duquel ils auraient pu formuler leur grief de méconnaissance de l ’ article 6 § 1 de la Convention ?
ANNEXE
N o
N o de requête
Date d ’ introduction
Nom du requérant
Date de naissance
Lieu de résidence
Représentant
22116/08
12/04/2008
Roza Stepanovna KULNEVA
23/09/1939
Voronej (région de Voronej)
Asiya Fedorovna YARMONOVA
13/04/1938
Voronej
Faina Alekseyevna GONCHAROVA
01/01/1938
Voronej
Lyubov Mifodyevna KARABLINA
11/05/1945
Voronej
Anastasiya Andreyevna KONDUSOVA
01/11/1925
Voronej
Nina Ilinichna CHEKRYGINA
11/01/1943
Voronej
Mariya Timofeyevna DEGTYAREVA
14/07/1929
Voronej
Nina Mikhaylovna KOROTKOVA
27/07/1943
Voronej
Nina Ivanovna AGUPOVA
03/01/1929
Voronej
V. TARNARUTSKIY
5536/09
19/09/2008
Aleksandr Valeryevich KONOVALOV
16/06/1958
Perm, région de Perm
66158/14
16/09/2014
M. B.
St Pétersbourg