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Judgment of the Court (Ninth Chamber) of 21 July 2016.

European Commission v Romania.

C-104/15 • 62015CJ0104 • ECLI:EU:C:2016:581

  • Inbound citations: 9
  • Cited paragraphs: 5
  • Outbound citations: 34

Judgment of the Court (Ninth Chamber) of 21 July 2016.

European Commission v Romania.

C-104/15 • 62015CJ0104 • ECLI:EU:C:2016:581

Cited paragraphs only

ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

21 juillet 2016 ( * )

« Manquement d’État – Protection de l’environnement – Directive 2006/21/CE – Gestion des déchets – Extraction minière – Bassins de décantation – Émission de poussière – Particules fines de poussière en suspension dans l’air – Pollution – Santé des personnes – Mesures de prévention obligatoires – Articles 4 et 13 – Constat de l’existence d’un manquement »

Dans l’affaire C‑104/15,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 3 mars 2015,

Commission européenne, représentée par M mes L. Nicolae et E. Sanfrutos Cano ainsi que par M. D. Loma-Osorio Lerena, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Roumanie, représentée par M. R.-H. Radu ainsi que par M mes E. Gane, A. Buzoianu et R. Haţieganu, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de chambre, M. C. Vajda et M me K. Jürimäe, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M me L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 mars 2016,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son recours, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour prévenir la pollution par les particules de poussière provenant du bassin de Boșneag – extension appartenant à l’exploitation minière de cuivre et de zinc Moldomin de Moldova Nouă (Roumanie), la Roumanie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l’article 4 et de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, concernant la gestion des déchets de l’industrie extractive et modifiant la directive 2004/35/CE (JO 2006, L 102, p. 15).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 75/442/CEE

2 L’article 4 de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO 1975, L 174, p. 39) disposait :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement [...] ».

La directive 2006/21

3 Le considérant 11 de la directive 2006/21 énonce :

« Afin de respecter les principes et priorités définis dans la directive 75/442/CEE, et notamment dans ses articles 3 et 4, les États membres devraient s’assurer que les exploitants des industries extractives prennent toutes les mesures nécessaires pour prévenir ou réduire autant que possible les effets négatifs, avérés ou potentiels, de la gestion des déchets des industries extractives sur l’environnement ou sur la santé des personnes. »

4 La directive 2006/21 prévoit, à son article premier, des mesures, des procédures et des orientations destinées à prévenir ou à réduire autant que possible les effets néfastes sur l’environnement, en particulier sur l’eau, l’air, le sol, la faune et la flore et les paysages, ainsi que les risques pour la santé humaine résultant de la gestion des déchets des industries extractives.

5 L’article 3 de la directive 2006/21, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

12) “bassin”, un site naturel ou aménagé destiné à recevoir les déchets à grains fins, en principe des résidus, et des quantités variables d’eau libre issue du traitement des ressources minérales ainsi que de l’épuration et du recyclage des eaux de traitement ;

[...]

15) “installation de gestion de déchets”, un site choisi pour y accumuler ou déposer des déchets d’extraction solides, liquides, en solution ou en suspension, pendant les périodes suivantes :

– aucune période en ce qui concerne les installations de gestion de déchets de catégorie A et les installations pour déchets dangereux répertoriés dans le plan de gestion des déchets ;

– une période supérieure à six mois en ce qui concerne les installations pour les déchets dangereux produits inopinément ;

– une période supérieure à un an en ce qui concerne les installations pour les déchets non inertes non dangereux ;

– une période supérieure à trois ans en ce qui concerne les installations pour les terres non polluées, pour les déchets de prospection non dangereux, pour les déchets résultant de l’extraction, du traitement et du stockage de tourbe et pour les déchets inertes.

Ces installations sont équipées d’une digue ou d’une structure de retenue, de confinement, ou de toute autre structure utile, et comprennent aussi, mais pas exclusivement, des terrils et des bassins, mais pas de trous d’excavation dans lesquels les déchets sont replacés, après l’extraction du minéral, à des fins de remise en état et de construction ;

[...]

24) “exploitant”, la personne physique ou morale responsable de la gestion des déchets d’extraction en vertu du droit national de l’État membre dans lequel la gestion des déchets est effectuée, y compris en ce qui concerne le stockage temporaire des déchets d’extraction ainsi que pendant la période d’exploitation de l’installation et après sa fermeture ;

[...] »

6 L’article 4 de la directive 2006/21, intitulé « Exigences générales », prévoit :

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour s’assurer que les déchets d’extraction seront gérés sans mettre en danger la santé humaine et sans que soient utilisés des procédés ou des méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement, et notamment sans créer de risque pour l’eau, l’air ou le sol, ni pour la faune et la flore, sans provoquer de nuisances sonores ou olfactives et sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier. Les États membres prennent également les mesures nécessaires pour interdire l’abandon, le rejet et le dépôt non contrôlé des déchets d’extraction.

2. Les États membres veillent à ce que l’exploitant prenne toutes les mesures nécessaires pour prévenir ou réduire autant que possible les effets néfastes sur l’environnement et la santé humaine résultant de la gestion de déchets d’extraction. Cela comprend la gestion de toute installation de gestion de déchets, y compris après sa fermeture, ainsi que la prévention des accidents majeurs mettant en cause cette installation et la limitation de leurs incidences sur l’environnement et la santé humaine.

3. Les mesures visées au paragraphe 2 doivent s’appuyer, entre autres, sur les meilleures techniques disponibles, sans prescrire l’emploi d’une technique ou d’une technologie spécifique, mais en tenant compte des caractéristiques techniques de l’installation de gestion des déchets, de sa localisation géographique et des conditions environnementales locales. »

7 L’article 13 de la directive 2006/21 dispose :

« 1. L’autorité compétente s’assure que l’exploitant a pris les mesures nécessaires pour respecter les normes environnementales communautaires, en particulier pour prévenir, conformément à la directive 2000/60/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, (JO 2000, L 327, p. 1)], la détérioration de la qualité actuelle de l’eau [...]

[...]

2. L’autorité compétente s’assure que l’exploitant a pris les mesures appropriées pour prévenir ou réduire la poussière et les émissions de gaz. »

8 L’article 24 de la directive 2006/21, intitulé « Dispositions transitoires », prévoit :

« 1. Les États membres veillent à ce que les installations de gestion de déchets qui ont obtenu une autorisation ou qui sont en exploitation le 1 er mai 2008 satisfassent aux dispositions de la présente directive au plus tard le 1 er mai 2012, à l’exception des dispositions de l’article 14, paragraphe 1, auxquelles il faut satisfaire au plus tard le 1 er mai 2014 et des dispositions de l’article 13, paragraphe 6, auxquelles il faut satisfaire conformément au calendrier qui y est indiqué.

2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas aux installations de gestion de déchets fermées au 1 er mai 2008.

3. Les États membres veillent à ce que, à partir du 1 er mai 2006, et nonobstant toute fermeture d’une installation de gestion des déchets après cette date et avant le 1 er mai 2008, les déchets d’extraction soient gérés de sorte à ne pas porter préjudice à l’application de l’article 4, paragraphe 1, de la présente directive, ni aux autres exigences environnementales de la législation communautaire, y compris la directive 2000/60/CE.

4. L’article 5, l’article 6, paragraphes 3 à 5, l’article 7, l’article 8, l’article 12, paragraphes 1 et 2 et l’article 14, paragraphes 1 à 3, ne s’appliquent pas aux installations de gestion de déchets :

– qui ont cessé d’accepter des déchets avant le 1 er mai 2006,

– qui achèvent les procédures de fermeture conformément à la législation communautaire ou nationale applicable ou aux programmes de fermeture approuvés par l’autorité compétente, et

– qui seront effectivement fermées d’ici au 31 décembre 2010.

Les États membres notifient ces cas à la Commission au plus tard le 1 er août 2008 et veillent à ce que ces installations soient gérées de manière à ne pas compromettre la réalisation des objectifs de la présente directive, en particulier les objectifs de l’article 4, paragraphe 1, ni ceux de toute autre législation communautaire, y compris la directive 2000/60/CE. »

9 L’article 25, paragraphe 1, de la directive 2006/21 dispose :

« Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive avant le 1 er mai 2008. Ils en informent immédiatement la Commission.

[...] »

La directive 2008/50/CE

10 L’article 2 de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (JO 2008, L 152, p. 1) dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par:

[...]

5) “valeur limite” : un niveau fixé sur la base des connaissances scientifiques, dans le but d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine et/ou l’environnement dans son ensemble, à atteindre dans un délai donné et à ne pas dépasser une fois atteint ;

[...]

“seuil d’alerte” : un niveau au-delà duquel une exposition de courte durée présente un risque pour la santé humaine de l’ensemble de la population et à partir duquel les États membres doivent immédiatement prendre des mesures ;

[...] »

La directive 2008/98/CE

11 L’article 13 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3) énonce :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement [...] »

Le droit roumain

12 La directive 2006/21 a été transposée en droit roumain par la décision du gouvernement nº 856/2008 sur la gestion des déchets de l’industrie extractive, publiée au Monitorul Oficial al României, partie I, n° 624 du 27 août 2008, et entrée en vigueur le même jour.

La procédure précontentieuse

13 S.C. Moldomin SA Moldova Nouă (ci-après « Moldomin »), établie dans le comté de Caraş-Severin (Roumanie) et dont le capital est intégralement détenu par l’État roumain, a été autorisée à mener des activités d’extraction et de préparation de minerais de cuivre ainsi que de valorisation du concentré de cuivre, en utilisant des bassins de décantation jusqu’à la fin de l’année 2006, date à laquelle elle a temporairement interrompu son activité à la suite de l’adoption d’actes réglementaires prévoyant la fermeture définitive de certaines mines, dont la sienne. Depuis l’année 2007, l’Agence nationale pour les ressources minérales a constamment renouvelé son accord relatif à l’interruption temporaire de l’activité d’exploitation minière de Moldomin.

14 Dans l’exercice de son activité d’exploitation minière, Moldomin a détenu cinq bassins de décantation. Les bassins de Boșneag Est, Boșneag Ouest et Lunca Dunării, tous situés en Roumanie, ont été fermés et mis aux normes écologiques, leurs activités ayant cessé respectivement au cours des années 1979, 1981 et 1995. Les bassins Tăușani et Boșneag – extension, également situés en Roumanie, n’ont, quant à eux, pas été fermés, mais le dépôt des déchets dans ces bassins a été arrêté depuis la fin de l’année 2006, à savoir depuis l’interruption de l’activité de Moldomin.

15 Après avoir été informée de l’existence d’une pollution par la poussière causée par les bassins de décantation appartenant à Moldomin, la Commission a transmis à la Roumanie une lettre de mise en demeure le 25 octobre 2012.

16 Par cette lettre, la Commission a attiré l’attention de la Roumanie sur un manquement supposé aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4, 5 et 7 de la directive 2006/21 ainsi que de l’article 13, paragraphe 2, de cette directive en ce qui concerne les bassins de Tăușani et de Boșneag – extension appartenant à Moldomin, ainsi que sur un manquement supposé aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12 de cette directive en ce qui concerne le bassin de Tăușani. La Commission a également sollicité des informations sur les installations de gestion de déchets appartenant à Moldomin.

17 La Roumanie a répondu à la lettre de mise en demeure le 15 février 2013. Elle a contesté l’applicabilité de la directive 2006/21 dans le cas d’espèce ainsi que, notamment, l’applicabilité des articles 5 et 7 de cette directive aux bassins de Tăușani et de Boșneag – extension. En ce qui concerne l’article 12 de ladite directive, la Roumanie a précisé que les premières démarches avaient été entreprises pour la fermeture du bassin de Tăușani, approuvée par les autorités roumaines au cours de l’année 2007. Au sujet de l’application de l’article 4 de la directive 2006/21, la Roumanie a également précisé qu’un contrat assurant la poursuite des travaux de conservation du bassin de Tăușani était en cours d’exécution. En ce qui concerne le bassin de Boșneag – extension, cet État membre a soutenu que la pollution par la poussière se produit lorsque le vent s’intensifie et soulève des particules de poussière à partir de la surface du bassin.

18 Estimant toujours que la Roumanie violait certaines dispositions de la directive 2006/21, la Commission lui a transmis un avis motivé le 21 février 2014. Après avoir examiné les informations transmises par les autorités roumaines, la Commission n’a pas repris, dans son avis motivé, les griefs relatifs à la violation des articles 5, 7 et 12 de la directive 2006/21. Elle y a en revanche estimé que la Roumanie n’avait pas pris les mesures nécessaires pour faire cesser et/ou prévenir la pollution par les particules de poussière causée par les bassins de Tăușani et de Boșneag – extension, violant ainsi les dispositions de l’article 4 et de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/21, et a invité la Roumanie à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à ses obligations dans un délai de deux mois.

19 La Roumanie a répondu à l’avis motivé le 22 avril 2014. Dans sa réponse, elle continue de contester l’applicabilité de la directive 2006/21 en l’espèce. En ce qui concerne la violation de l’article 4 de cette directive, elle affirme que le contrat d’exécution des travaux de conservation du bassin de Tăușani a été prolongé. S’agissant du bassin de Boșneag – extension, elle déclare que les démarches assurant le financement des travaux d’humidification du bassin ont été entreprises. Pour ce qui est de la violation de l’article 13, paragraphe 2, de ladite directive, elle soutient que la pollution par la poussière provient exclusivement du bassin de Boșneag – extension.

20 Après examen de cette réponse, la Commission a estimé que la Roumanie n’avait pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4 et de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/21 et a décidé de saisir la Cour du présent recours en vertu de l’article 258, deuxième alinéa, TFUE.

21 Cependant, la Commission n’étant pas en mesure de contester la déclaration de la Roumanie selon laquelle, du fait des travaux de conservation, le bassin de Tăușani ne serait pas la source de la pollution dans la région concernée, et de présenter des éléments prouvant que la pollution dans cette région provient de ce bassin, et non du seul bassin de Boșneag – extension, elle a décidé de limiter l’objet de sa requête adressée à la Cour en ne faisant pas état d’une violation de la directive 2006/21 par la Roumanie dans le cas du bassin de Tăușani.

Sur le recours

Sur la recevabilité

22 La Roumanie soulève deux exceptions d’irrecevabilité. La première est tirée d’une prétendue irrégularité de la procédure précontentieuse. La seconde porte sur la non-applicabilité de la directive 2006/21 au bassin de Boșneag – extension.

Sur la régularité de la procédure précontentieuse

– Argumentation des parties

23 Dans son mémoire en défense, la Roumanie fait valoir que la Commission s’est limitée à mentionner, dans sa lettre de mise en demeure, des faits antérieurs au 1 er mai 2012. Or, ces faits ne pourraient être considérés comme des infractions à l’article 4 et à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/21, puisque, en vertu de l’article 24, paragraphe 1, de cette directive, Moldomin n’était, en toute hypothèse, tenue de respecter l’article 4 et l’article 13, paragraphe 2, de cette directive qu’à compter du 1 er mai 2012. La Roumanie soutient que ce n’est que lors de la deuxième étape de la procédure précontentieuse, dans l’avis motivé, que la Commission a relevé, pour la première fois, des faits qui se sont produits après le 1 er mai 2012.

24 Or, selon la Roumanie, une lettre de mise en demeure doit comprendre une description, même succincte, de faits qui se sont produits à une date à laquelle ils peuvent être considérés comme une violation du droit de l’Union.

25 En outre, la Roumanie fait valoir que, dans le cadre du mécanisme EU Pilot, auquel la Commission a eu recours en l’espèce, toutes les conditions étaient réunies pour que, dès la lettre de mise en demeure, la Commission puisse indiquer, même succinctement, des faits postérieurs au 1 er mai 2012. Par ailleurs, elle souligne que, lorsque le mécanisme EU Pilot est employé, les exigences de précision et de niveau de détail qu’une lettre de mise en demeure doit respecter doivent être plus strictes.

26 La Roumanie en conclut que la Commission a porté atteinte aux règles et aux objectifs de la procédure précontentieuse et n’a pas respecté les exigences, découlant d’une jurisprudence constante de la Cour, auxquelles une lettre de mise en demeure doit satisfaire. À cet égard, la Roumanie rappelle que la lettre de mise en demeure a pour but, d’une part, de circonscrire l’objet du litige et d’indiquer à l’État membre, qui est invité à présenter ses observations, les éléments nécessaires à la préparation de sa défense et, d’autre part, de permettre à celui-ci de se mettre en règle avant que la Cour ne soit saisie. L’État membre devrait ainsi disposer de toutes les informations utiles et nécessaires à sa défense.

27 Dans son mémoire en réplique, la Commission considère que les objectifs de la procédure précontentieuse ont été atteints dans la présente procédure. En particulier, la Commission fait observer que la lettre de mise en demeure a identifié avec suffisamment de précision les manquements qui font l’objet de la procédure, en se référant notamment à la violation de l’article 4 et de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/21 en ce qui concerne le bassin de Boșneag – extension. En outre, l’objet de la procédure concernant ce bassin aurait été identique tout au long de la procédure précontentieuse ainsi que dans le présent recours.

28 À cet égard, la Commission soutient que les autorités roumaines ont compris l’objet de la procédure précontentieuse et ont exercé pleinement leur droit à la défense, la Roumanie ayant pris en compte, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, tous les arguments de la Commission concernant le bassin de Boșneag – extension, sans les contester par ailleurs.

29 La Commission rejette l’argument selon lequel la mention, dans la lettre de mise en demeure, de faits qui se sont exclusivement produits avant le 1 er mai 2012 n’aurait pas permis à la Roumanie de formuler sa défense. La Commission souligne avoir évoqué, dans sa lettre de mise en demeure, des faits en cours. Elle aurait aussi fait référence à la « persistance » de la pollution dans la région, à l’insuffisance des mesures prises par les autorités roumaines afin de corriger ce problème, à l’état d’abandon du bassin de Boșneag – extension et à ce qu’il constituait une source de pollution à l’égard de laquelle aucune mesure n’avait été adoptée, le système d’hydrotransport étant hors d’état de fonctionner. Quant à la critique selon laquelle seul l’avis motivé contenait des informations postérieures au 1 er mai 2012, la Commission relève que celles-ci portent sur des phénomènes qui ont eu lieu après la date de transmission de la lettre de mise en demeure. Les extraits des médias relatifs aux phénomènes du 31 décembre 2012 et du 15 novembre 2013 traiteraient du même phénomène récurrent de pollution qui se manifeste plusieurs fois par an dans la région.

30 S’agissant du système EU Pilot, la Commission relève que celui-ci est un outil utile qui ne fait que formaliser les échanges d’informations entre la Commission et les États membres dans des délais plus courts, mais qu’il ne constitue pas une étape séparée dans le cadre d’une procédure précontentieuse. L’utilisation du système EU Pilot servirait à permettre les premiers échanges d’informations avant l’ouverture d’une procédure en manquement à l’encontre d’un État membre, mais elle ne pourrait créer des obligations procédurales supplémentaires pour la Commission dans le cadre d’une telle procédure.

31 Dans son mémoire en duplique, la Roumanie allègue que l’absence, dans la lettre de mise en demeure, de faits postérieurs au 1 er mai 2012 relève d’un choix de la Commission. En effet, cette dernière aurait non seulement décidé d’ouvrir un dossier EU Pilot avant le 1 er mai 2012, mais n’aurait également utilisé, dans la lettre de mise en demeure, que des informations fournies dans le dossier EU Pilot, sans demander d’informations supplémentaires sur d’éventuels épisodes de pollution ayant eu lieu après cette date.

– Appréciation de la Cour

32 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la lettre de mise en demeure a pour but, d’une part, de circonscrire l’objet du litige et d’indiquer à l’État membre qui est invité à présenter ses observations les éléments nécessaires à la préparation de sa défense et, d’autre part, de permettre à celui-ci de se mettre en règle avant que la Cour ne soit saisie (voir, notamment, arrêts du 28 mars 1985, Commission/Italie, 274/83, non publié, EU:C:1985:148, point 19, et du 7 avril 2011, Commission/Portugal, C‑20/09, non publié, EU:C:2011:214, point 19 ainsi que jurisprudence citée).

33 Il convient également de rappeler que, si l’avis motivé doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons ayant amené la Commission à la conviction que l’État membre intéressé a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en vertu du traité, la lettre de mise en demeure ne saurait être soumise à des exigences de précision aussi strictes que celles auxquelles doit satisfaire l’avis motivé, celle-ci ne pouvant nécessairement consister qu’en un premier résumé succinct des griefs. Rien n’empêche donc la Commission de détailler, dans l’avis motivé, les griefs qu’elle a déjà fait valoir de façon plus globale dans la lettre de mise en demeure (voir, en ce sens, arrêts du 8 avril 2008, Commission/Italie, C‑337/05, non publié, EU:C:2008:203, point 23, et du 13 février 2014, Commission/Royaume-Uni, C‑530/11, non publié, EU:C:2014:67 point 40).

34 Par conséquent, si la lettre de mise en demeure a pour but de circonscrire l’objet du litige, lequel ne peut plus être étendu par la suite, l’avis motivé et la requête devant reposer sur les mêmes griefs, la Commission est toutefois libre de se fonder par la suite sur des mesures ultérieures qui s’apparentent, pour l’essentiel, aux mesures contestées dans la mise en demeure (voir, en ce sens, arrêts et du 18 mai 2006, Commission/Espagne, C‑221/04, non publié, EU:C:2006:329, point 37, du 6 septembre 2012, Commission/Portugal, C‑38/10, non publié, EU:C:2012:521, point 15, du 25 février 2016, Commission/Espagne, C‑454/14, non publié, EU:C:2016:117, point 25).

35 En revanche, le manquement reproché doit préexister à la lettre de mise en demeure, si bien que cette dernière ne saurait avoir pour objet la non-transposition d’une directive dont le délai de mise en œuvre n’est pas encore expiré (voir, en ce sens, ordonnance du 13 septembre 2000, Commission/Pays-Bas, C‑341/97, EU:C:2000:434, point 18, et arrêt du 27 octobre 2005, Commission/Luxembourg, C‑23/05, EU:C:2005:660, point 7).

36 En l’occurrence, il ressort de la lettre de mise en demeure, adressée à la Roumanie le 25 octobre 2012, que la Commission a expressément visé une violation de l’article 4 et de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/21, au motif que cet État membre s’était abstenu d’adopter, à partir du 1 er mai 2012, les mesures structurelles nécessaires pour éviter que, à compter de cette date, le problème de pollution dans la région concernée, tel que décrit dans la lettre de mise en demeure, persiste.

37 Il s’ensuit que la Commission a visé, dans cette lettre de mise en demeure, une situation qui, d’une part, était liée à une obligation de la Roumanie existant à la date de l’envoi de ladite lettre et, d’autre part, était récurrente et avait vocation à perdurer, à défaut d’aménagements structurels du bassin de Boșneag – extension.

38 Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que la Roumanie a vu ses droits de la défense méconnus au seul motif que ce n’est qu’au stade de l’avis motivé que la Commission a identifié des épisodes de soulèvement de poussière postérieurs au 1 er mai 2012.

39 Contrairement à ce que soutient la Roumanie, cette conclusion n’est pas remise en cause par la simple circonstance que la Commission a eu recours, en l’espèce, au mécanisme EU Pilot. En effet, ce mécanisme, qui intervient en amont de la phase précontentieuse proprement dite de la procédure en manquement, ne pourrait avoir pour effet de modifier les étapes de cette procédure, telle qu’elle est établie à l’article 258 TFUE, ni les exigences propres à chacune d’entre elles.

40 Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de l’irrégularité de la procédure précontentieuse, soulevée par la Roumanie, doit être rejetée.

Sur l’application de la directive 2006/21 au bassin de Boșneag – extension

– Argumentation des parties

41 La Roumanie conteste l’application de la directive 2006/21 au bassin de Boșneag – extension. Elle soutient que la cessation de l’activité d’exploitation de Moldomin et, partant, de l’activité de dépôt de déchets est intervenue avant l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne et avant le 1 er mai 2008, si bien que ce bassin ne peut être considéré comme relevant des « installations de gestion de déchets qui ont obtenu une autorisation ou qui sont en exploitation le 1 er mai 2008 », au sens de l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2006/21.

42 La Roumanie relève que l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2006/21 constitue une disposition transitoire devant faire l’objet d’une interprétation et d’une application strictes. Interprétée a contrario, elle exclurait ainsi de son champ d’application les installations qui n’ont ni obtenu une autorisation ni fait l’objet d’une exploitation avant le 1 er mai 2008, mais qui existaient malgré tout. Selon la Roumanie, il ne pourrait être conclu que de telles installations existantes relèvent du champ d’application de l’article 25 de cette directive. Une telle interprétation créerait en effet, de manière injustifiée eu égard aux objectifs poursuivis par ladite directive, deux régimes juridiques distincts pour les installations existantes, à savoir, d’une part, les installations ayant obtenu une autorisation ou étant en exploitation avant le 1 er mai 2008 et qui devraient être mises en conformité au plus tard le 1 er mai 2012 et, d’autre part, les installations n’ayant pas obtenu d’autorisation et n’ayant pas fait l’objet d’une exploitation avant le 1 er mai 2008 et qui devraient être mises en conformité au plus tard le 1 er mai 2008. Elle relève, également, qu’il aurait été objectivement impossible de mettre cette dernière catégorie d’installations en conformité avant le 1 er mai 2008.

43 La Roumanie considère, en outre, qu’il convient d’interpréter la notion d’« autorisation », contenue à l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2006/21, en ce sens qu’elle vise une autorisation valable, étroitement liée à l’activité d’exploitation des déchets d’extraction et régissant la manière dont l’installation de gestion des déchets est utilisée. Concernant la notion d’« exploitation », visée à cette même disposition, cette notion supposerait le dépôt de déchets.

44 Par ailleurs, la Roumanie souligne que toute référence à l’article 24, paragraphe 4, de la directive 2006/21 est dénuée de pertinence, dès lors qu’aucune des dispositions énumérées à cette disposition n’est visée dans l’avis motivé ou dans la requête.

45 La Commission, considère que le bassin de Boșneag – extension relève du champ d’application de la directive 2006/21, puisqu’il a été autorisé avant l’année 2008 et qu’il n’était pas fermé au 1 er mai 2008, de sorte qu’il ne pourrait relever de l’article 24, paragraphe 2, de cette directive. Pour le surplus, ce bassin devrait être considéré comme une « installation de gestion de déchets », au sens de l’article 3, point 15, de la directive 2006/21, et Moldomin comme un « exploitant », au sens de l’article 3, point 24, de cette directive. Selon la Commission, la Roumanie devait donc veiller à ce que les dispositions de ladite directive soient respectées au plus tard le 1 er mai 2012.

46 La Commission estime que l’interprétation de l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2006/21, retenue par la Roumanie, contredit le libellé de cette disposition et aboutit à ce que cette directive ne s’applique, de facto, qu’aux installations ayant obtenu une autorisation après le 1 er mai 2008, alors que ledit article 24 se rapporte précisément aux installations ayant obtenu une autorisation avant cette date. L’intention du législateur de l’Union aurait été d’inclure le plus grand nombre possible d’installations de gestion de déchets dans le champ d’application de la directive 2006/21, précisément pour prévenir et réduire au maximum leurs effets nuisibles sur l’environnement et la santé humaine.

47 À cet égard, la Commission fait valoir que les dispositions transitoires de l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2006/21 auraient pour objectif d’offrir aux autorités nationales un délai plus long pour assurer la conformité des installations de gestion de déchets aux exigences imposées par cette directive, afin de respecter le principe de sécurité juridique. Ces dispositions constitueraient une exception à l’article 25 de ladite directive, qui devrait être interprétée de manière restrictive, et non de manière extensive comme le suggère la Roumanie.

48 En outre, la Commission estime que Moldomin semble bien détenir une autorisation « valable », sur laquelle l’Agence nationale pour les ressources minérales s’est appuyée pour donner son accord aux fins de l’interruption de l’activité d’exploitation, à savoir la licence de concession à des fins d’exploitation n° 2781/2001.

49 La Commission relève, par ailleurs, qu’il n’est pas prévu de fermer le bassin de Boșneag – extension, car l’activité de stockage des déchets dans ce bassin doit recommencer lors de la reprise d’activité de Moldomin, à l’issue du processus de privatisation. Puisqu’il n’existerait aucune décision de fermeture de ce bassin, cette fermeture n’étant même pas envisagée, la Commission considère enfin que le bassin de Boșneag – extension ne répond pas aux conditions d’application de l’article 24, paragraphe 4, de la directive 2006/21.

50 Dans son mémoire en duplique, la Roumanie souligne que la licence de concession à des fins d’exploitation n° 2781/2001, qui n’est évoquée par la Commission que dans son mémoire en réplique, ne peut être considérée comme une autorisation valable accordée à Moldomin, au sens de l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2006/21.

– Appréciation de la Cour

51 Il ressort du libellé de l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2006/21 que les installations de gestion de déchets relèvent de son champ d’application si, à la date du 1 er mai 2008, soit à l’échéance du délai de transposition de cette directive, ces installations avaient obtenu une autorisation ou étaient en exploitation.

52 Or, il est constant que le bassin de Boșneag – extension était en exploitation au 1 er mai 2008, la Roumanie s’étant limitée à soutenir que l’activité d’exploitation minière avait cessé, probablement à titre temporaire, ce qui avait entraîné la fin du dépôt de déchets dans ce bassin. Toutefois, la simple absence de dépôt de nouveaux déchets ne saurait être assimilée à une cessation de l’activité de l’installation de gestion de déchets, telle que cette installation est définie à l’article 3, point 15, de la directive 2006/21.

53 En outre, la Roumanie n’a pas contesté l’argument de la Commission selon lequel aucune fermeture du bassin de Boșneag – extension n’était envisagée, la privatisation programmée de Moldomin laissant au contraire supposer que l’activité d’exploitation minière est susceptible de reprendre.

54 Il s’ensuit que l’exception d’irrecevabilité doit être rejetée.

Sur le fond

Sur la violation de l’article 4 de la directive 2006/21

– Argumentation des parties

55 Dans sa requête, la Commission fait valoir que la région de Moldova Nouă est très gravement polluée par des particules de poussière soulevées par le vent à partir du bassin de décantation de Boșneag – extension, détenu par Moldomin. Cette pollution représenterait un danger non seulement pour l’environnement, mais aussi pour la santé humaine, comme le démontrerait un rapport de 2013 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) établissant le caractère nocif d’une exposition, même de courte durée, aux particules fines inhalables, notamment à celles d’un diamètre inférieur à 10 micromètres (ci-après « PM10 »). La Commission relève à cet égard qu’il n’a pas encore pu être établi de seuil au-dessous duquel une telle exposition serait inoffensive.

56 La Commission s’appuie aussi sur des coupures de presse et des reportages vidéo qui attesteraient que de la poussière et du sable se soulèvent de la surface des bassins de décantation durant les périodes de vent intense, ce qui aurait des effets néfastes sur l’état de santé des habitants de la région de Moldova Nouă. En outre, selon la Commission, le rapport sur l’état de l’environnement, publié sur le site Internet de l’Agence de protection de l’environnement de Caraş-Severin, précise que, à partir du 31 janvier 2014, une pollution accidentelle systématique de l’air par des particules fines provenant de bassins de décantation appartenant à Moldomin s’est produite dans cette région. En outre, la Commission considère que, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure et à l’avis motivé, la Roumanie a reconnu l’existence dans ladite région d’une pollution par la poussière en période de vent intense, dont l’origine est le bassin de Boșneag – extension.

57 La Commission relève encore que, à l’échéance du délai imparti par l’avis motivé, au mois de juillet 2014, le commissaire en chef de la Garde pour l’environnement de Caraş-Severin a déclaré que les particules de poussière en cause continuaient à polluer la région de Moldova Nouă, et qu’aucune mesure n’avait été prise pour remédier à une telle pollution.

58 Il s’ensuit, selon la Commission, que, à l’échéance du délai prévu par l’avis motivé, aucune mesure concrète visant à combattre ladite pollution n’avait été prise. La Commission considère que les différents contrôles et saisines, réalisés par les autorités roumaines, ne peuvent suffire à remédier à la pollution constatée. Même si les autorités nationales ont jugé nécessaire d’imposer certaines mesures plus structurelles, la persistance de la pollution à ce jour montre que ces mesures n’ont pas été mises en œuvre, alors même que les autorités roumaines étaient conscientes des effets nocifs d’une telle pollution dans la région de Moldova Nouă.

59 La Roumanie aurait d’ailleurs reconnu, au mois de mars 2012, que le système d’hydrotransport du bassin de Boșneag – extension avait été détérioré et qu’il n’avait pas été possible d’humidifier la surface de ce bassin, ce qui avait permis aux particules de poussière de se soulever par vent fort. Ce système ne serait toujours pas en état de fonctionner.

60 Dans son mémoire en défense, la Roumanie admet que la poussière présente à la surface du bassin de Boșneag – extension est soulevée dans l’air pendant certaines périodes de vent fort et de sécheresse. Elle estime, toutefois, que, entre le 1 er mai 2012 et le 19 mai 2015, date de son mémoire en défense, il n’a pu être ni considéré que la région de Moldova Nouă a été très gravement polluée ni conclu que la santé humaine ou l’environnement ont été mis en danger. Dans tous les cas, la requête de la Commission ne permettrait pas de tirer de telles conclusions.

61 À défaut de définition explicite, dans la directive 2006/21, des expressions « très gravement polluée », « effets néfastes », « mise en danger de la santé humaine ou de l’environnement », la Roumanie considère que ces notions doivent être interprétées à la lumière des obligations découlant de la directive 2008/50. Or, cette dernière directive prévoirait une valeur limite pour l’indicateur PM10 qui, selon les données récoltées, n’aurait jamais été dépassée entre l’année 2010 et l’année 2014, alors même que des analyses ont été réalisées lors des périodes durant lesquelles la pollution par la poussière a été la plus intense.

62 En ce qui concerne les éléments de preuve apportés par la Commission, la Roumanie estime que les coupures de presse, les déclarations et les reportages vidéo cités par la Commission permettent d’attester non pas que la pollution existante met en danger la santé humaine ou l’environnement, mais uniquement que les valeurs maximales autorisées ont été brièvement dépassées, sans pour autant méconnaître la valeur limite annuelle imposée par la directive 2008/50 en ce qui concerne l’indicateur PM10 et, en tout état de cause, sans présenter un danger évident pour la santé humaine ou l’environnement.

63 Bien qu’elle reconnaisse que les particules fines constituent un facteur de pollution susceptible d’avoir des effets nocifs sur la santé en fonction du niveau et du temps d’exposition, la Roumanie estime que les informations fournies par la Commission sont trop générales pour aboutir à une conclusion ferme quant à la nocivité des cas accidentels de pollution qui se sont produits dans la région de Moldova Nouă.

64 La Roumanie conteste aussi ne pas avoir pris toutes les mesures pour remédier à la situation en cause. D’une part, elle aurait procédé à des contrôles et plusieurs amendes auraient été infligées à Moldomin entre l’année 2012 et l’année 2014. D’autre part, un système de conduits à la surface du bassin de Boșneag – extension aurait été imposé et installé en vue d’arroser la zone concernée pendant les périodes de sécheresse et de soulèvement de poussière par le vent.

65 La Roumanie relève encore que, outre le mesurage de la pollution, la législation nationale prévoit aussi une procédure nationale d’alerte en cas de conditions météorologiques défavorables qui permet d’identifier les cas de pollution accidentelle et d’intervenir.

66 Dans son mémoire en réplique, la Commission conteste la prémisse de la Roumanie selon laquelle les effets négatifs de la pollution sur la santé humaine ou l’environnement devraient être matérialisés pour que l’article 4 de la directive 2006/21 s’applique. En effet, le rôle de cet article serait préventif, comme l’attesterait le considérant 11 de cette directive.

67 La Commission estime encore que l’application de la directive 2008/50 est, en l’espèce, inappropriée. Cette directive ne prescrirait pas de seuil d’alerte pour les particules et un manquement à ses dispositions ne pourrait être constaté que si les valeurs limites étaient dépassées pendant un certain nombre de jours. Par conséquent, les valeurs de PM10 mesurées à Moldova Nouă ne permettraient pas de démontrer qu’il n’existe pas dans l’air de concentrations de poussière très élevées et nocives pour la santé humaine pendant des périodes plus courtes.

68 Par ailleurs, le champ d’application de la directive 2008/50 ne pourrait servir à circonscrire l’objectif de la directive 2006/21. En effet, la directive 2008/50 n’effectuerait pas une harmonisation complète de tous les problèmes environnementaux liés à la pollution de l’air ni n’établirait de manière exhaustive les mesures que les États membres sont tenus d’appliquer dans ce domaine. En outre, l’objectif de la directive 2008/50 serait d’établir des obligations à l’échelle nationale, de telle sorte que cette directive porterait, de manière globale, sur les différents polluants de l’air provenant de sources et d’activités différentes ainsi que sur des problèmes récurrents et généraux, les mesures prises étant, elles aussi, variées et ne dépendant pas d’un seul exploitant, à la différence de la directive 2006/21. Par ailleurs, ni l’article 4 ni l’article 13 de la directive 2006/21 ne font référence à la directive 2008/50. En toute hypothèse, la Roumanie n’aurait pas respecté les exigences de la directive 2008/50, en ce qui concerne tant la capture minimale de données que le nombre de points de prélèvement.

69 La Commission estime que l’état de danger pour la santé humaine est avéré et que la Roumanie elle-même a reconnu que le phénomène de pollution contribuait à des crises aiguës de certaines maladies respiratoires ou à accentuer des maladies préexistantes.

70 Face à cette pollution menaçant l’environnement et la santé humaine, la Commission estime que les autorités roumaines n’ont pas pris les mesures nécessaires pour assurer la gestion des déchets d’extraction conformément à l’article 4 de la directive 2006/21, alors même qu’elles n’auraient pas ignoré les solutions qu’il convenait de mettre en œuvre, dans la mesure où ces dernières ressortiraient des résultats des inspections nationales effectuées au cours de l’année 2011.

71 Dans son mémoire en duplique, la Roumanie réaffirme la pertinence, en l’espèce, de la directive 2008/50 et estime que les considérations de la Commission relatives à la saisie minimale de données et au nombre de points de prélèvement sont incohérentes et ne démontrent pas qu’il n’y a pas eu de suivi constant pour la région concernée. La Roumanie estime n’avoir pas reconnu, dans son mémoire en défense, que le phénomène de pollution contribue à des crises aiguës de certaines maladies respiratoires ou à renforcer des maladies préexistantes, mais uniquement avoir soutenu que le scénario négatif le plus plausible qui pourrait être envisagé serait celui dans lequel la pollution pourrait tout au plus provoquer de tels effets.

– Appréciation de la Cour

72 Par ce premier grief, il est reproché à la Roumanie d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4 de la directive 2006/21 au motif qu’elle n’a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir la pollution causée par les particules de poussière provenant du bassin de Boșneag – extension.

73 Il convient de relever, à titre liminaire, que la Roumanie n’a pas contesté devant la Cour que les particules de poussière se trouvant à la surface du bassin de Boșneag – extension sont des déchets de l’industrie extractive auxquels s’appliquent les dispositions de la directive 2006/21.

74 L’article 4, paragraphe 1, de la directive 2006/21 énonce notamment que les États membres prennent les mesures nécessaires pour s’assurer, d’une part, que les déchets d’extraction seront gérés sans mettre en danger la santé humaine et sans que soient utilisés des procédés ou des méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement ainsi que pour interdire, d’autre part, l’abandon, le rejet ou le dépôt non contrôlé des déchets d’extraction. L’article 4, paragraphe 2, de cette directive impose aux États membres de veiller à ce que l’exploitant prenne toutes les mesures nécessaires pour prévenir ou réduire autant que possible les effets néfastes sur l’environnement et la santé humaine résultant de la gestion de déchets d’extraction. Ces mesures doivent, conformément à l’article 4, paragraphe 3, de ladite directive, s’appuyer, notamment, sur les meilleures techniques disponibles, sans prescrire l’emploi d’une technique ou d’une technologie spécifique.

75 Par ailleurs, il ressort du considérant 11 de la directive 2006/21 que les États membres devraient s’assurer que les exploitants des industries extractives prennent toutes les mesures nécessaires pour prévenir ou réduire autant que possible les effets négatifs, avérés ou potentiels, de la gestion des déchets des industries extractives sur l’environnement ou sur la santé des personnes afin de respecter les principes et les priorités définis dans la directive 75/442 et, notamment, aux articles 3 et 4 de celle-ci.

76 À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 4 de la directive 75/442 prévoyait que « les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement ».

77 L’article 4 de la directive 2006/21 est donc rédigé en des termes très semblables et poursuit les mêmes objectifs que l’article 4 de la directive 75/442, disposition qui a été abrogée et reprise, en substance, à l’article 4 de la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets (JO 2006, L 114, p. 9), puis à l’article 13 de la directive 2008/98.

78 Il s’ensuit que la jurisprudence de la Cour relative à l’article 4 de la directive 2006/12 et à l’article 13 de la directive 2008/98 est applicable mutatis mutandis à l’article 4 de la directive 2006/21.

79 Or, il résulte de cette jurisprudence que, dans la mesure où les déchets peuvent causer des dommages importants à l’environnement, il y a lieu de considérer que les dispositions de l’article 4 de la directive 2006/21 visent à mettre en œuvre le principe de précaution (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Slovénie, C‑140/14, non publié, EU:C:2015:501, point 66). Ce constat est par ailleurs confirmé par le considérant 11 de la directive 2006/21 qui vise les effets négatifs, tant avérés que potentiels, de la gestion des déchets sur l’environnement ou la santé des personnes.

80 Par ailleurs, si l’article 4 de la directive 2006/21 ne précise pas le contenu concret des mesures qui doivent être prises pour s’assurer que les déchets soient gérés sans mettre en danger la santé humaine et sans que soient utilisés des procédés ou des méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement, il n’en reste pas moins que cette disposition lie les États membres quant à l’objectif à atteindre, tout en leur laissant une marge d’appréciation dans l’évaluation de la nécessité de telles mesures (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Slovénie, C‑140/14, non publié, EU:C:2015:501, point 68).

81 Par conséquent, s’il n’est, en principe, pas possible de déduire directement de la non-conformité d’une situation de fait avec les objectifs fixés à l’article 4 de la directive 2006/21 que l’État membre concerné a nécessairement manqué aux obligations imposées par cette disposition, à savoir prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les déchets soient gérés sans mettre en danger la santé humaine et sans que soient utilisés des procédés ou des méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement, la persistance d’une telle situation de fait, notamment lorsqu’elle entraîne une dégradation significative de l’environnement pendant une période prolongée sans intervention des autorités compétentes, peut révéler que les États membres ont outrepassé la marge d’appréciation que leur confère cet article (voir, mutatis mutandis, arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Slovénie, C‑140/14, non publié, EU:C:2015:501, point 69).

82 En l’espèce, il y a lieu de constater que le bien-fondé du grief reproché à la Roumanie ressort clairement de l’ensemble des informations dont dispose la Cour.

83 Il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure en manquement en vertu de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Slovénie, C‑140/14, non publié, EU:C:2015:501, point 38 et jurisprudence citée).

84 Toutefois, les États membres sont tenus, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de faciliter l’accomplissement par la Commission de sa mission, consistant notamment, selon l’article 17, paragraphe 1, TUE, à veiller à l’application des traités ainsi que des mesures adoptées par les institutions de l’Union européenne en vertu de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Commission/Italie, C‑135/05, EU:C:2007:250, point 27 et jurisprudence citée).

85 Dans cette perspective, il convient de tenir compte du fait que, s’agissant de vérifier l’application correcte, en pratique, des dispositions nationales destinées à assurer la mise en œuvre effective des directives, dont celles adoptées dans le domaine de l’environnement, la Commission, qui ne dispose pas de pouvoirs propres d’investigation en la matière, est largement tributaire des éléments fournis par d’éventuels plaignants, des organismes privés ou publics actifs sur le territoire de l’État membre concerné ainsi que par cet État membre (arrêt du 26 avril 2007, Commission/Italie, C‑135/05, EU:C:2007:250, point 28 et jurisprudence citée). De même, tout document officiel émis par les autorités de l’État membre concerné peut être considéré comme une source valable d’informations aux fins de l’engagement, par la Commission, de la procédure visée à l’article 258 TFUE (arrêt du 11 décembre 2014, Commission/Grèce, C‑677/13, non publié, EU:C:2014:2433, point 66 et jurisprudence citée).

86 En l’occurrence, il y a lieu de relever que la Roumanie admet que le soulèvement des poussières présentes à la surface du bassin de Boșneag – extension occasionne des épisodes récurrents de pollution qui pourraient s’avérer nocifs pour la santé humaine, même si elle précise que cette pollution ne survient que par vent fort et qu’elle la qualifie d’« accidentelle ». Or, comme il a été rappelé au point 81 du présent arrêt, l’article 4 de la directive 2006/21 met en œuvre le principe de précaution et a dès lors une vocation préventive. Ainsi, le paragraphe 2 de cet article impose aux États membres de veiller à ce que l’exploitant, qui est défini à l’article 3, point 24, de la directive 2006/21, comme la personne physique ou morale responsable, en vertu du droit national, de la gestion des déchets d’extraction, prenne toutes les mesures nécessaires pour prévenir ou réduire autant que possible les effets négatifs, avérés ou potentiels, de la gestion desdits déchets sur l’environnement et la santé humaine.

87 En outre, les éléments avancés par la Commission et visés aux points 55 à 57 du présent arrêt peuvent être considérés comme des sources d’information susceptibles d’être prises en compte par la Cour dans le cadre d’un recours en constatation de manquement.

88 Dans ces conditions, la Commission ayant fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître certains faits situés sur le territoire de l’État membre défendeur, il incombe à celui-ci de contester de manière substantielle et détaillée les données ainsi présentées et les conséquences qui en découlent (arrêts du 26 avril 2007, Commission/Italie, C‑135/05, EU:C:2007:250, point 30 et jurisprudence citée, ainsi que du 4 mars 2010, Commission/Italie, C‑297/08, EU:C:2010:115, point 102 et jurisprudence citée).

89 Dans de telles circonstances, c’est en effet aux autorités nationales qu’il appartient au premier chef de procéder aux vérifications nécessaires sur place, dans un esprit de coopération loyale, conformément au devoir de tout État membre, rappelé au point 86 du présent arrêt, de faciliter la mission générale de la Commission (arrêt du 26 avril 2007, Commission/Italie, C‑135/05, EU:C:2007:250, point 31 et jurisprudence citée).

90 Or, la Roumanie n’a pas démontré en quoi le rapport de l’OMS, qui conclut au caractère nocif, pour la santé humaine, d’une exposition, même de courte durée, à la pollution causée par des particules fines inhalables, ne pouvait être pris en compte par la Cour. Il en va de même du rapport sur l’état de l’environnement publié sur le site Internet de l’Agence de protection de l’environnement de Caraş-Severin qui atteste de l’existence d’une pollution accidentelle systématique de l’air par des particules fines en provenance des bassins appartenant à Moldomin.

91 En outre, contrairement à ce que soutient la Roumanie, à supposer même que les plafonds de pollution par les PM10 fixés par la directive 2008/50 n’aient pas été dépassés au cours des épisodes de pollution causés par la poussière s’élevant de la surface du bassin de Boșneag – extension, cette circonstance ne saurait en toute hypothèse démontrer l’absence de violation de l’article 4 de la directive 2006/21.

92 En effet, d’une part, cette disposition concerne la pollution tant de l’air que du sol et de l’eau et la Commission a avancé certaines données attestant que la poussière s’élevant du bassin de Boșneag – extension polluait, non seulement l’air, mais aussi le sol et des zones humides aux alentours de ce bassin. D’autre part, l’article 4 de la directive 2006/21 ne fixe pas de seuil de pollution de l’air au-dessous duquel elle ne s’appliquerait pas et le rapport de l’OMS, invoqué à l’appui de la requête de la Commission, ne fixe pas davantage de seuil au-dessous duquel une exposition aux particules fines inhalables peut être réputée sans danger pour la santé humaine.

93 Alors que l’état du bassin de Boșneag – extension n’était donc pas conforme à l’objectif poursuivi par l’article 4 de la directive 2006/21, force est de constater que la Roumanie n’a pas adopté les mesures nécessaires pour mettre un terme à cette situation.

94 À cet égard, il convient de relever que, afin de lutter contre la pollution occasionnée par le bassin de Boșneag – extension, les autorités roumaines ont procédé à des mesures de surveillance, prononcé des amendes contre l’exploitant du site en cause et imposé l’installation d’un système d’hydrotransport destiné à humidifier le sol afin d’y maintenir les poussières lors de périodes de vent violent et de sécheresse.

95 Or, le simple mesurage de la pollution atmosphérique ne suffit pas à satisfaire aux obligations imposées à l’article 4 de la directive 2006/21. En effet, cette disposition exige des États membres qu’ils prennent des mesures destinées, notamment, à prévenir la pollution liée aux déchets des industries extractives et non uniquement des mesures destinées à détecter l’existence d’une telle pollution.

96 De même, si elle atteste d’une situation contraire aux exigences environnementales, il suffit de constater que l’imposition d’amendes a été, en l’espèce, sans incidence sur la perpétuation de la pollution due aux poussières présentes à la surface du bassin de Boșneag – extension. En outre, la Roumanie a admis à l’audience que ces amendes n’avaient pas toutes été pleinement acquittées par l’exploitant du site en cause.

97 Il convient de souligner, à cet égard, que l’article 19 de la directive 2006/21 impose aux États membres d’établir un régime de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, applicables en cas d’infractions aux dispositions du droit national adoptées en application de cette directive, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour en garantir l’application. En outre, dans le cadre des « mesures nécessaires » qui doivent être prises en vertu de l’article 4 de la directive 2006/21 par les États membres, ceux-ci peuvent soumettre les exploitants à des exigences qui ne sont pas prescrites par les autres dispositions de la directive en vue d’assurer la réalisation de l’objectif essentiel de celle-ci (voir, par analogie, arrêt du 9 novembre 1999, Commission/Italie, C‑365/97, EU:C:1999:544, point 65).

98 Quant au système d’hydrotransport, dont la Commission a affirmé à l’audience qu’il serait en mesure de résoudre le problème, la Roumanie a confirmé à l’audience qu’il n’était pas en état de fonctionner au terme du délai fixé par l’avis motivé.

99 En outre, contrairement à ce que soutient la Roumanie, le fait que Moldomin, l’exploitant du site en cause, soit en liquidation judiciaire ne peut la dispenser des obligations qui découlent de l’article 4 de la directive 2006/21. En effet, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union (voir arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Italie, C‑653/13, non publié, EU:C:2015:478, point 39).

100 À cet égard, il y a lieu de relever plus particulièrement que, malgré la liquidation de la société exploitant le site de Boșneag – extension, les autorités roumaines auraient pu décider, le cas échéant, de faire réaliser le système d’hydrotransport et d’inscrire le coût de cette intervention, à titre de créance de l’État, dans la masse des créanciers de la société en liquidation.

101 Dès lors, la Commission a démontré à suffisance de droit que les autorités roumaines ont omis, pendant une période prolongée, d’adopter les mesures nécessaires pour assurer que les poussières déposées en surface du bassin de Boșneag – extension soient gérées sans mettre en danger l’environnement et la santé de l’homme.

102 Il s’ensuit que le premier grief, tiré d’une violation de l’article 4 de la directive, est fondé.

Sur la violation de l’article 13 de la directive 2006/21

– Argumentation des parties

103 Dans sa requête, la Commission relève que l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/21 exige que les autorités compétentes veillent à ce que les exploitants prennent les mesures appropriées notamment pour prévenir ou réduire la poussière et qu’il instaure à cet égard une obligation spécifique de résultat pour les États membres, indépendamment des effets de la pollution sur la santé humaine ou l’environnement.

104 La Commission soutient que, dans sa réponse à l’avis motivé, la Roumanie a déclaré que la pollution par les particules de poussière à laquelle la région de Moldova Nouă est exposée provenait exclusivement du bassin de Boșneag – extension. La persistance de la pollution dans cette région indiquerait, par ailleurs, que Moldomin n’aurait pas pris les mesures appropriées afin de prévenir ou de réduire les poussières provenant de ce bassin. En effet, le système d’hydrotransport, qui devait permettre d’humidifier la surface de ce bassin, ne fonctionnerait pas.

105 La Commission rappelle que la directive 2008/50 n’est pas pertinente en l’espèce. Quant aux inspections et aux sanctions adoptées par les autorités roumaines, elles ne pourraient être considérées comme des mesures appropriées puisqu’elles n’auraient pas vraiment eu d’effet dissuasif.

106 Dans son mémoire en défense, la Roumanie précise que la directive 2006/21 ne définit pas ce qu’il convient d’entendre par « mesures appropriées » au sens de son article 13, paragraphe 2, ni ne prévoit de critère pour évaluer l’efficacité des mesures adoptées.

107 Selon la Roumanie, la directive 2006/21 ne définit pas les expressions « très gravement polluée », « forte pollution », « pollution significative » ou « pollution constante ». Elle déduit des arguments de la Commission que, pour celle-ci, l’obligation prévue à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/21 ne pourrait être respectée qu’en l’absence totale de poussière. Or, selon elle, une telle interprétation serait contredite par le libellé même de cette disposition, qui vise la prévention ou la réduction de la poussière et non son élimination, ainsi que par l’application combinée de la directive 2006/21 et de la directive 2008/50.

108 Quant aux mesures à adopter, la Roumanie fait valoir que l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/21 n’impose qu’une obligation de diligence à l’autorité compétente. Elle souligne à cet égard que, sur le fondement de la réglementation en vigueur, qui n’a jamais été contestée par la Commission, l’autorité roumaine compétente a effectué plusieurs contrôles auprès de Moldomin et adopté des sanctions à l’encontre de celle-ci. Selon la Roumanie, la Commission n’a pas démontré que les mesures adoptées étaient inappropriées ou qu’il aurait été possible d’adopter d’autres mesures plus adéquates.

109 Dans son mémoire en réplique, la Commission souligne que ni l’application de l’article 4 de la directive 2006/21 ni l’application de l’article 13, paragraphe 2, de celle-ci ne dépendent de la quantification du degré de pollution, même si ce dernier peut offrir une indication importante de la gravité du manquement.

110 Dans son mémoire en duplique, la Roumanie fait valoir que c’est l’exploitant qui doit prendre les mesures appropriées, l’autorité compétente pouvant se limiter à s’assurer que l’exploitant prenne de telles mesures. Elle estime encore que l’obligation de prévenir ou de réduire la poussière est remplie même lorsqu’il demeure de la poussière, pourvu que cela soit en quantités moindres.

– Appréciation de la Cour

111 Il est reproché à la Roumanie de ne pas avoir veillé à ce que l’exploitant du bassin de Boșneag – extension prenne les mesures appropriées pour prévenir ou réduire la pollution par les poussières se trouvant à sa surface, en méconnaissance de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/21.

112 L’article 13, paragraphe 1, de cette directive prévoit que l’autorité compétente s’assure que l’exploitant a pris les mesures nécessaires pour respecter les normes environnementales imposées par le droit de l’Union. L’article 13, paragraphe 2, de ladite directive impose, quant à lui, aux autorités compétentes de s’assurer que l’exploitant a pris les mesures appropriées pour prévenir ou réduire la poussière.

113 Ledit paragraphe 2 contient donc une prescription distincte de l’obligation faite à l’autorité compétente de veiller à ce que l’exploitant respecte les normes de droit de l’Union relatives à l’environnement, en ce compris la directive 2008/50.

114 Par ailleurs, il y a lieu de relever que, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 87 à 93 du présent arrêt, la pollution due à l’envol des poussières situées à la surface du bassin de Boșneag – extension n’a pas disparu et que, pour les raisons exposées aux points 94 à 101 du présent arrêt, la Roumanie n’a pas effectivement veillé à ce que Moldomin adopte les mesures nécessaires pour prévenir ou réduire autant que possible cet envol de poussière.

115 En outre, s’il est vrai que l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/21 n’impose aux autorités nationales que l’obligation de s’assurer que l’exploitant adopte les mesures appropriées pour atteindre un tel objectif, il n’en demeure pas moins que cette disposition ne saurait être interprétée comme empêchant de faire peser sur lesdites autorités l’obligation de se substituer à un exploitant manifestement défaillant pour autant que le coût des opérations réalisées soit porté à la charge de ce dernier, ainsi qu’il a été exposé au point 100 du présent arrêt.

116 Il s’ensuit que le second grief, tiré d’une violation de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/21, est fondé.

Sur les dépens

117 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la Roumanie et le manquement ayant été constaté, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :

1) En n’adoptant pas les mesures appropriées pour prévenir le soulèvement de poussière à partir de la surface du bassin de Boșneag – extension, la Roumanie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4 et de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, concernant la gestion des déchets de l’industrie extractive et modifiant la directive 2004/35/CE.

2) La Roumanie est condamnée aux dépens.

Signatures

* Langue de procédure : le roumain.

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