Judgment of the General Court (Fifth Chamber) of 23 July 2025.
FV v European Commission.
• 62024TJ0533 • ECLI:EU:T:2025:751
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ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
23 juillet 2025 ( * )
« Fonction publique – Fonctionnaires – Pension d’ancienneté – Réformes du statut de 2004 et de 2014 – Mesures transitoires relatives à certaines modalités de calcul des droits à pension – Article 28 de l’annexe XIII du statut – Agents auxiliaires devenus agents temporaires – Agents temporaires devenus fonctionnaires – Taux annuel d’acquisition des droits à pension – Âge de départ à la retraite – Champ d’application de la loi – Égalité de traitement – Devoir de sollicitude – Responsabilité »
Dans l’affaire T‑533/24,
FV, représentée par M e S. Orlandi, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M mes G. Niddam et A. Baeckelmans, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
Parlement européen, représenté par M mes S. Bukšek Tomac et M. J. Mão Cheia Carreira, en qualité d’agents,
et par
Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Alver et M me X. Chamodraka, en qualité d’agents,
parties intervenantes,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre),
composé de MM. J. Svenningsen, président, C. Mac Eochaidh (rapporteur) et J. Laitenberger, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, FV, demande l’annulation de la décision de la Commission européenne du 18 décembre 2023 fixant ses droits à pension d’ancienneté (ci-après la « décision attaquée »), ainsi que la réparation du préjudice qu’elle aurait subi.
Cadre juridique
2 Avant le 1 er mai 2004, l’article 77 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») prévoyait, notamment, que tout fonctionnaire qui avait accompli au moins dix années de service avait droit, dès l’âge de 60 ans, à une pension d’ancienneté, que le taux annuel d’acquisition des droits à pension s’élevait, pour chaque année de service, à 2 % du dernier traitement de base afférent au dernier grade dans lequel le fonctionnaire avait été classé pendant au moins un an (ci-après le « dernier traitement de base ») et que le montant maximal de cette pension d’ancienneté était fixé à 70 % de ce dernier traitement de base. Par ailleurs, l’article 39 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») renvoyait à l’article 77 du statut s’agissant des droits à pension d’ancienneté des agents temporaires.
3 À compter du 1 er mai 2004, le statut et le RAA ont été modifiés par le règlement (CE, Euratom) n o 723/2004 du Conseil du 22 mars 2004 (JO 2004, L 124, p. 1 ; ci-après la « réforme de 2004 »).
4 Dans le cadre de la réforme de 2004, le législateur de l’Union européenne a modifié l’article 77 du statut, notamment, en relevant l’âge de départ à la retraite à 63 ans et en fixant le taux annuel d’acquisition des droits à pension à 1,9 % du dernier traitement de base pour chaque année de service. La limite de 70 % du dernier traitement de base a été maintenue. Cette réforme s’appliquait également aux agents temporaires ainsi qu’à une nouvelle catégorie d’agents, à savoir les agents contractuels (articles 39 et 109 du RAA).
5 À compter du 1 er janvier 2014, le statut et le RAA ont été modifiés par le règlement (UE, Euratom) n o 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 (JO 2013, L 287, p. 15 ; ci-après la « réforme de 2014 »).
6 Dans le cadre de la réforme de 2014, le législateur de l’Union a, une nouvelle fois, modifié l’article 77 du statut, notamment, en relevant l’âge de départ à la retraite à 66 ans et en définissant un nouveau taux annuel d’acquisition des droits à pension de 1,8 %. La limite de 70 % du dernier traitement de base a été maintenue. Cette réforme s’appliquait également aux agents temporaires ainsi qu’aux agents contractuels (articles 39 et 109 du RAA).
7 Selon le législateur de l’Union, ces modifications, apportées par les réformes de 2004 et de 2014, avaient été rendues nécessaires afin d’assurer l’équilibre actuariel du régime de pensions des institutions de l’Union (ci-après le « RPIUE ») à court et long termes, et ce, en raison de l’évolution démographique et de la modification de la structure par âge de la population concernée, lesquelles imposaient une charge sans cesse croissante sur ledit régime (considérants 28 et 29 du règlement n o 723/2004 ; considérants 14 et 15 du règlement n o 1023/2013).
8 En outre, si la réforme de 2004 visait, de manière générale, à respecter la discipline budgétaire (considérant 10 du règlement n o 723/2004), celle de 2014 s’inscrivait dans un contexte socio-économique particulièrement difficile faisant suite à une crise financière sans précédent, lequel nécessitait, notamment, un assainissement des finances publiques à court, moyen et long termes de la part de chaque administration publique (considérants 11 à 13 du règlement n o 1023/2013).
9 Par ailleurs, par dérogation aux dispositions de l’article 77 du statut et aux articles 39 et 109 du RAA, l’annexe XIII du statut et l’annexe du RAA comprennent des mesures transitoires au bénéfice des fonctionnaires et des autres agents qui étaient en service avant l’entrée en vigueur de la réforme de 2004 ou de celle de 2014.
10 Le législateur de l’Union a adopté ces dispositions transitoires afin de permettre une mise en œuvre progressive des nouvelles règles et mesures, sans préjudice des droits acquis et des attentes légitimes du personnel en place (considérants 29 et 37 du règlement n o 723/2004 ; considérants 14 et 29 du règlement n o 1023/2013).
11 Tout d’abord, l’article 21, premier alinéa, de l’annexe XIII du statut précise qu’un fonctionnaire qui est entré en service avant le 1 er mai 2004 acquiert 2 %, et non 1,8 %, de son dernier traitement de base par année de service ouvrant droit à pension. Bien que son libellé actuel résulte de la réforme de 2014, cette disposition trouve son origine dans la réforme de 2004 (annexe I, point 102, du règlement n o 723/2004).
12 L’article 21, second alinéa, de l’annexe XIII du statut prévoit qu’un fonctionnaire qui est entré en service entre le 1 er mai 2004 et le 31 décembre 2013 acquiert 1,9 %, et non 1,8 %, de son dernier traitement de base par année de service ouvrant droit à pension. Cette disposition a été ajoutée lors de la réforme de 2014 [article 1 er , point 73, sous f), du règlement n o 1023/2013].
13 Selon l’article 22, paragraphe 1, deuxième à quatrième alinéas, de l’annexe XIII du statut, l’âge de départ à la retraite d’un fonctionnaire entré en service avant le 1 er janvier 2014 n’est pas fixé à 66 ans, mais est compris dans une fourchette allant de 60 à 65 ans selon l’âge dudit fonctionnaire au 1 er mai 2014. Ces dispositions ont été ajoutées lors de la réforme de 2014 [article 1 er , point 73, sous g), du règlement n o 1023/2013].
14 Par ailleurs, le législateur de l’Union a précisé que l’annexe XIII du statut était applicable, par analogie, aux autres agents en fonction au 30 avril 2004 et que l’article 21 et l’article 22, à l’exception de son paragraphe 4, de cette même annexe étaient applicables, par analogie, aux autres agents en fonction au 31 décembre 2013 (article 1 er , paragraphe 1, première et deuxième phrases, de l’annexe du RAA).
15 Enfin, l’article 28, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut prévoit qu’un agent temporaire dont le contrat était en cours au 1 er mai 2004 et qui a été nommé fonctionnaire après cette date et avant le 1 er janvier 2014 a droit, au moment de son départ à la retraite, à une adaptation actuarielle de ses droits à pension acquis comme agent temporaire prenant en compte la modification de l’âge de sa retraite visé à l’article 77 du statut. Bien que son libellé actuel résulte de la réforme de 2014, cette disposition trouve également son origine dans la réforme de 2004 (annexe I, point 102, du règlement n o 723/2004).
16 De même, l’article 28, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut dispose qu’un agent temporaire, un agent contractuel ou un agent contractuel auxiliaire dont le contrat était en cours au 1 er janvier 2014 et qui a été nommé fonctionnaire après cette date a droit, au moment de son départ à la retraite, à une adaptation actuarielle de ses droits à pension acquis comme agent temporaire ou contractuel prenant en compte la modification de l’âge de sa retraite visé à l’article 77 du statut, s’il était âgé d’au moins 35 ans au 1 er mai 2014. Ces dispositions ont été ajoutées lors de la réforme de 2014 [article 1 er , point 73, sous j), du règlement n o 1023/2013].
17 Les adaptations actuarielles dont il est question aux points 15 et 16 ci-dessus sont calculées conformément aux coefficients arrêtés dans la conclusion n o 268/15 adoptée par le collège des chefs d’administration le 25 février 2016 et relative à l’adaptation actuarielle des droits acquis comme agent temporaire ou contractuel (article 28 de l’annexe XIII du statut).
Antécédents du litige
18 Du 1 er novembre 1998 au 31 octobre 1999 et du 1 er mai 2000 au 30 avril 2001, la requérante a travaillé pour la Commission en tant qu’agent auxiliaire, puis, du 1 er mai 2001 au 15 novembre 2004, en tant qu’agent temporaire. Dans le cadre de la constitution de ses droits à pension, les périodes de service que la requérante avait accomplies en tant qu’agent auxiliaire ont été assimilées à des périodes de service accomplies en tant qu’agent temporaire. Elle a été nommé fonctionnaire le 16 novembre 2004 et est partie à la retraite le 1 er janvier 2024.
19 Le 18 décembre 2023, l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission a adopté la décision attaquée. Le PMO a indiqué à la requérante que, pour ses périodes d’activité en tant qu’agent auxiliaire et temporaire (du 1 er novembre 1998 au 31 octobre 1999, du 1 er mai 2000 au 30 avril 2001 et du 1 er mai 2001 au 15 novembre 2004), le taux annuel d’acquisition de ses droits à pension était de 2 % et que, pour sa période d’activité en tant que fonctionnaire (du 16 novembre 2004 au 31 décembre 2023), ce taux annuel d’acquisition était de 1,9 %. Enfin, bien que le PMO ait précisé que son âge normal de départ à la retraite était fixé à 63 ans, la requérante a quitté ses fonctions à 65 ans. Dans ces conditions, le PMO lui a octroyé une majoration supplémentaire de 5 % de son dernier traitement de base pour les deux années durant lesquelles elle a travaillé au-delà de ses 63 ans.
20 Le 15 mars 2024, la requérante a introduit une réclamation contre la décision attaquée.
21 Le 15 juillet 2024, l’autorité investie du pouvoir de nomination a rejeté cette réclamation.
Conclusions des parties
22 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission au paiement d’une indemnité, fixée ex æquo et bono, en réparation du préjudice qu’elle aurait subi ;
– condamner la Commission aux dépens.
23 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
24 Le Parlement européen conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
25 Le Conseil de l’Union européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.
En droit
Sur les conclusions en annulation
26 À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante avance deux moyens.
Sur le premier moyen, tiré de la violation du champ d’application de la loi
27 La requérante soutient que le PMO a commis une erreur de droit en considérant que l’article 28 de l’annexe XIII du statut lui était applicable. À la suite des arrêts du 15 décembre 2022, Picard/Commission (C‑366/21 P, EU:C:2022:984), et du 14 décembre 2018, Torné/Commission (T‑128/17, EU:T:2018:969), il conviendrait d’appliquer les articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut, et non l’article 28 de cette même annexe, à une situation telle que celle de la requérante. En effet, une lecture combinée des articles 21, 22 et 28 de l’annexe XIII du statut et de ces deux arrêts conduirait à limiter le champ d’application dudit article 28 aux seuls agents temporaires ou contractuels nommés fonctionnaires après le 1 er mai 2004 ou après le 1 er janvier 2014, qui auraient connu une interruption de leur affiliation au RPIUE. Dans la mesure où la requérante n’aurait jamais cessé d’être affiliée au RPIUE, elle ne saurait relever de l’article 28 de l’annexe XIII du statut. Seuls les articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut seraient applicables à sa situation.
28 La Commission, soutenue par le Parlement et le Conseil, conteste cette argumentation.
29 En l’espèce, le Tribunal relève que, dans la décision attaquée, le PMO a indiqué, en substance, que l’article 28 de l’annexe XIII du statut était applicable à la situation de la requérante. Par ailleurs, la requérante a bénéficié d’une adaptation actuarielle pour certains de ses droits à pension. En effet, conformément à la conclusion n o 268/15 (voir point 17 ci-dessus), le PMO a appliqué un coefficient de 1,130 auxdits droits à pension.
30 À titre liminaire, le Tribunal constate que la Commission n’a pas appliqué l’adaptation actuarielle visée à l’article 28 de l’annexe XIII du statut à l’ensemble de la période d’activité de la requérante en tant qu’agent temporaire. En effet, la Commission a appliqué cette adaptation actuarielle uniquement pour la période d’activité de la requérante en tant qu’agent temporaire allant du 1 er juin 2002 au 15 novembre 2004. En revanche, la Commission n’a pas appliqué cette adaptation actuarielle pour la période d’activité de la requérante en tant qu’agent temporaire allant du 1 er mai 2001 et le 31 mai 2002. De même, la Commission n’a pas appliqué cette adaptation actuarielle pour les périodes d’activité de la requérante en tant qu’agent auxiliaire, alors que ces périodes étaient assimilées à des périodes prestées en tant qu’agent temporaire (voir point 18 ci-dessus). Toutefois, ni dans sa réclamation ni dans ses écritures devant le Tribunal, la requérante n’a formulé de grief à cet égard, de sorte que ces éléments échappent à l’objet du litige et ne sauraient, partant, entraîner l’annulation de la décision attaquée.
31 Ces précisions étant faites, le Tribunal constate par ailleurs que la requérante remplit les conditions fixées par l’article 28 de l’annexe XIII du statut. En effet, elle a été engagée du 1 er novembre 1998 au 31 octobre 1999 et du 1 er mai 2000 au 30 avril 2001, en tant qu’agent auxiliaire, puis, du 1 er mai 2001 au 15 novembre 2004, en tant qu’agent temporaire et a été nommée fonctionnaire après le 1 er mai 2004 et avant le 1 er janvier 2014.
32 Bien qu’elle remplisse ces conditions, la requérante soutient néanmoins que l’article 28 de l’annexe XIII du statut ne lui est pas applicable, car elle n’a jamais cessé d’être affiliée au RPIUE. En effet, selon la requérante, l’article 28 de l’annexe XIII du statut ne s’applique qu’aux seuls agents temporaires ou contractuels qui remplissent les conditions fixées par cet article et qui, en outre, ont connu une interruption de leur affiliation au RPIUE avant leur nomination en tant que fonctionnaires.
33 Cette thèse doit être rejetée, dès lors que cette dernière condition, à savoir l’interruption de l’affiliation au RPIUE, ne ressort pas du libellé clair de l’article 28 de l’annexe XIII du statut. Faire droit à la thèse de la requérante impliquerait ainsi de limiter la portée de l’article 28 de l’annexe XIII du statut par l’ajout d’une condition qui n’a pas été prévue par le législateur de l’Union.
34 Or, selon une jurisprudence constante, dès lors que le sens d’une disposition du droit de l’Union ressort sans ambiguïté du libellé même de celle-ci, le juge de l’Union ne saurait se départir de ce libellé (voir arrêts du 19 octobre 2023, Sad Trasporto Locale, C‑186/22, EU:C:2023:795, point 22 et jurisprudence citée, et du 29 juillet 2024, HDI Global et MS Amlin Insurance, C‑771/22 et C‑45/23, EU:C:2024:644, point 56 et jurisprudence citée).
35 Ainsi, considérer que l’application d’une disposition du statut est subordonnée à une condition qui n’y est pas définie constituerait une interprétation contra legem de cette disposition, de sorte qu’une telle interprétation ne saurait être acceptée (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 17 décembre 2020, De Masi et Varoufakis/BCE , C‑342/19 P, EU:C:2020:1035, point 36, et du 8 novembre 2023, OA/Parlement, T‑39/22, non publié, EU:T:2023:709, point 69).
36 Cette conclusion s’impose d’autant plus que le juge de l’Union ne dispose pas, eu égard aux principes de l’équilibre institutionnel et de l’attribution des compétences, tels qu’ils sont consacrés à l’article 13, paragraphe 2, TUE [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2017, Commission/Conseil (CMR-15), C‑687/15, EU:C:2017:803, point 40 et jurisprudence citée], de la compétence pour déroger aux dispositions du statut.
37 Enfin, outre les considérations rappelées aux points 34 à 36 ci-dessus, l’ajout à l’article 28 de l’annexe XIII du statut d’une condition qui n’a pas été prévue par le législateur de l’Union se heurterait également à la jurisprudence constante selon laquelle les dispositions transitoires doivent faire l’objet d’une interprétation stricte en raison de leur caractère dérogatoire et de leurs implications budgétaires (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2018, Torné/Commission, T‑128/17, EU:T:2018:969, point 80 et jurisprudence citée).
38 Partant, le PMO n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que l’article 28 de l’annexe XIII du statut était applicable à la situation de la requérante.
39 Cette conclusion n’est pas infirmée par les arrêts du 15 décembre 2022, Picard/Commission (C‑366/21 P, EU:C:2022:984), et du 14 décembre 2018, Torné/Commission (T‑128/17, EU:T:2018:969), invoqués par la requérante.
40 Dans les arrêts du 15 décembre 2022, Picard/Commission (C‑366/21 P, EU:C:2022:984), et du 14 décembre 2018, Torné/Commission (T‑128/17, EU:T:2018:969), la Cour et le Tribunal ne se sont pas prononcés sur le champ d’application de l’article 28 de l’annexe XIII du statut. Aucun motif de ces arrêts n’indique que la Cour ou le Tribunal aurait entendu remettre en cause les choix du législateur de l’Union et modifier le champ d’application de l’article 28 de l’annexe XIII du statut en réservant ce dernier aux seuls agents temporaires ou contractuels dont le contrat était en cours au 1 er mai 2004 ou au 1 er janvier 2014 et qui auraient connu une interruption de leur affiliation au RPIUE avant leur nomination en tant que fonctionnaires.
41 En effet, dans les arrêts du 15 décembre 2022, Picard/Commission (C‑366/21 P, EU:C:2022:984), et du 14 décembre 2018, Torné/Commission (T‑128/17, EU:T:2018:969), la Cour et le Tribunal se sont limités à interpréter et à appliquer l’article 21 et l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, lus conjointement avec l’article 1 er , paragraphe 1, de l’annexe du RAA, à des situations relevant du champ d’application desdits articles.
42 À cet égard, le Tribunal rappelle que, prises isolément et conformément à l’intitulé de l’annexe XIII du statut, les dispositions de cette annexe ne sont applicables qu’aux seuls fonctionnaires (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2022, Picard/Commission, C‑366/21 P, EU:C:2022:984, point 65).
43 Il importe de préciser que c’est uniquement par le truchement de l’article 1 er , paragraphe 1, de l’annexe du RAA que l’article 21 et l’article 22, à l’exception de son paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut sont applicables par analogie aux autres agents (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2022, Picard/Commission, C‑366/21 P, EU:C:2022:984, points 66 et 80).
44 Ainsi, tout d’abord, s’agissant des fonctionnaires, l’article 77 du statut, dans sa version résultant de la réforme de 2004, prévoit que, en principe, le taux annuel d’acquisition des droits à pension s’élève à 1,9 % et que l’âge de départ à la retraite est fixé à 63 ans. Ce même article, dans sa version résultant de la réforme de 2014, prévoit que, en principe, le taux annuel d’acquisition des droits à pension s’élève à 1,8 % et que l’âge de départ à la retraite est fixé à 66 ans.
45 L’article 21 et l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, tant dans leur version résultant de la réforme de 2004 que dans celle résultant de la réforme de 2014, dérogent expressément à ce régime de principe. Pour autant, selon la lettre même de ces deux articles, le bénéfice de ce régime dérogatoire est limité aux seuls « fonctionnaires » qui sont entrés en service, respectivement, pour ce qui concerne la réforme de 2004, « avant » le 1 er mai 2004 ou, pour ce qui concerne la réforme de 2014, « avant » le 1 er janvier 2014.
46 Le Tribunal constate également que l’article 21 et l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut font uniquement référence à la date d’« entrée en service », c’est-à-dire la date d’entrée en fonction, des fonctionnaires, et non, comme c’est le cas de l’article 28 de cette même annexe (voir points 47 et 48 ci-après), à celle de leur « nomination ».
47 Par ailleurs, l’article 28 de l’annexe XIII du statut organise un régime spécial pour les « agents » qui avaient un « contrat en cours » au 1 er mai 2004 ou au 1 er janvier 2014 et qui ont, par la suite, été « nommés » fonctionnaires.
48 L’article 28 de l’annexe XIII du statut prévoit donc deux conditions distinctes et cumulatives. La première condition est l’entrée en fonction en tant qu’agent, laquelle devait avoir eu lieu au plus tard le 1 er mai 2004 ou le 1 er janvier 2014, puisque, à l’une de ces dates, cet agent devait avoir un contrat en cours. La seconde condition est la nomination dudit agent en tant que fonctionnaire, laquelle est nécessairement postérieure à son entrée en fonction, puisque, selon la lettre de l’article 28 de l’annexe XIII du statut, cette nomination doit avoir eu lieu « après » le 1 er mai 2004 ou « après » le 1 er janvier 2014.
49 Il ressort ainsi d’une lecture littérale et systémique de l’article 77 du statut ainsi que de l’article 21, de l’article 22, paragraphe 1, et de l’article 28 de l’annexe XIII de ce même statut que le législateur de l’Union a voulu réserver le bénéfice dudit article 21 et dudit article 22, paragraphe 1, pris isolément, aux seuls « fonctionnaires » qui sont « entrés en service » en cette qualité « avant » le 1 er mai 2004 ou « avant » le 1 er janvier 2014.
50 En revanche, les fonctionnaires qui ont été « nommés » « après » le 1 er mai 2004 ou « après » le 1 er janvier 2014 relèvent de l’article 28 de l’annexe XIII du statut s’ils étaient entrés en fonction auparavant en tant qu’agents temporaires ou contractuels et si leur contrat était en cours le 1 er mai 2004 ou le 1 er janvier 2014.
51 Ensuite, en ce qui concerne les agents, le législateur de l’Union a permis, par le truchement de l’article 1 er , paragraphe 1, de l’annexe du RAA, que l’article 21 et l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut soient appliqués par analogie aux agents « en fonction » ou encore « en place » au 30 avril 2004 ou au 31 décembre 2013.
52 Toutefois, une telle application par analogie de l’article 21 et de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, selon la lettre même de l’article 1 er , paragraphe 1, de l’annexe du RAA, ne concerne que des agents, et non des fonctionnaires (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2022, Picard/Commission, C‑366/21 P, EU:C:2022:984, points 66 et 80).
53 Cette solution est d’ailleurs cohérente avec l’essence même du RAA et de son annexe, lesquels visent expressément et exclusivement les agents. Un fonctionnaire ne saurait donc revendiquer le bénéfice du RAA et de son annexe.
54 Ainsi qu’il a déjà été relevé au point 47 ci-dessus, le législateur de l’Union a néanmoins arrêté un régime spécial, à savoir l’article 28 de l’annexe XIII du statut, pour les agents temporaires ou contractuels qui avaient un contrat en cours au 1 er mai 2004 ou au 1 er janvier 2014 et qui ont, ensuite, été nommés fonctionnaires.
55 Il s’ensuit que la situation de la requérante, en ce qui concerne sa période d’activité en tant qu’agent temporaire, en ce compris, par assimilation, ses périodes d’activité en tant qu’agent auxiliaire (voir point 18 ci-dessus), relevait initialement de l’application combinée de l’article 77 du statut et de l’article 39 du RAA, tels qu’ils étaient applicables avant la réforme de 2004. En revanche, sa situation relevait, entre le 1 er mai 2004 et le terme de son contrat d’agent temporaire, de l’application combinée de l’article 21 de l’annexe XIII du statut et de l’article 1 er , paragraphe 1 de l’annexe du RAA, tels qu’ils résultaient de la réforme de 2004. En vertu de ces dispositions, le taux annuel d’acquisition de ses droits à pension est de 2 % pour sa période d’activité en tant qu’agent temporaire.
56 La situation de la requérante, en ce qui concerne sa période d’activité en tant que fonctionnaire, relevait, à partir du 16 novembre 2004, date de sa nomination, et jusqu’au 31 décembre 2013, de l’application combinée de l’article 77 du statut et de l’article 28 de l’annexe XIII du statut, tels qu’ils résultaient de la réforme de 2004. En revanche, sa situation relève, depuis le 1 er janvier 2014, de l’application combinée de l’article 21, second alinéa, de l’article 22, paragraphe 1, quatrième alinéa, et de l’article 28 de l’annexe XIII du statut, tels qu’ils résultent de la réforme de 2014. En vertu de ces dispositions, le taux annuel d’acquisition de ses droits à pension est de 1,9 % pour ladite période et son âge de départ à la retraite est fixé à 63 ans. En outre, le relèvement de son âge de départ à la retraite est compensé financièrement par le biais d’une adaptation actuarielle des droits à pension qu’elle a acquis en tant qu’agent temporaire (voir point 29 ci-dessus).
57 Ces conclusions ne contreviennent pas aux enseignements issus des points 76 et 80 de l’arrêt du 15 décembre 2022, Picard/Commission (C‑366/21 P, EU:C:2022:984). Tout d’abord, la situation de la requérante se distingue de celle de M. Picard. Ce dernier avait conclu un nouveau contrat en tant qu’agent, alors que la requérante a été nommée fonctionnaire. En outre, contrairement à ce que contestait M. Picard, et indépendamment de la question de savoir si les fonctions de la requérante ont, ou non, été substantiellement modifiées en raison de sa nomination, la décision attaquée en l’espèce ne lui a pas fait « perdre » le bénéfice des dispositions transitoires figurant à l’annexe XIII du statut. En effet, comme cela a été relevé au point 56 ci-dessus, la période d’activité, en tant que fonctionnaire, de la requérante est régie par plusieurs dispositions des articles 21, 22 et 28 de l’annexe XIII du statut.
58 Ensuite, contrairement à ce que soutient la requérante, la Cour n’a pas affirmé que l’affiliation continue au RPIUE constituait l’unique critère permettant de déterminer qui sont les bénéficiaires des dispositions transitoires figurant aux articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut. En effet, par l’usage de l’adverbe « notamment » au point 76 de l’arrêt du 15 décembre 2022, Picard/Commission (C‑366/21 P, EU:C:2022:984), la Cour a indiqué qu’il ne s’agissait que d’un critère parmi d’autres. La même solution doit nécessairement être retenue pour l’article 28 de l’annexe XIII du statut, sur lequel la Cour ne s’est toutefois pas prononcée (voir point 40 ci-dessus), dès lors que cet article figure, aux côtés des articles 21 et 22 de cette même annexe, parmi les dispositions transitoires.
59 Or, ainsi qu’il ressort des points 49 et 50 ci-dessus, la nomination d’un agent en tant que fonctionnaire, après le 1 er mai 2004 ou après le 1 er janvier 2014, et la possession d’un contrat en cours à l’une de ces dates constituent les critères d’application de l’article 28 de l’annexe XIII du statut.
60 À titre surabondant, le Tribunal relève que l’article 28 de l’annexe XIII du statut peut également être applicable si un agent a connu une interruption de son affiliation au RPIUE avant la réforme de 2004 ou avant celle de 2014 à condition qu’il ait disposé d’un contrat en cours au 1 er mai 2004 ou au 1 er janvier 2014 et qu’il ait été nommé fonctionnaire par la suite. En d’autres termes, afin de déterminer si l’article 28 de l’annexe XIII du statut est applicable, seul importe que les conditions fixées par cet article et rappelées au point 48 ci-dessus soient remplies.
61 Le Tribunal rappelle enfin que les conclusions figurant aux points 56 et 57 ci-dessus reflètent les choix du législateur de l’Union et que, dans le cadre des missions qui lui ont été attribuées par les auteurs des traités, il n’appartient pas au juge de l’Union, contrairement à ce que sollicite la requérante, de déroger à l’article 28 de l’annexe XIII du statut par l’ajout d’une condition actuellement inexistante (voir points 32 à 38 ci-dessus).
62 Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.
Sur le second moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement
63 Par le second moyen, avancé à titre subsidiaire, la requérante soulève une exception d’illégalité de l’article 28 de l’annexe XIII du statut, au motif que celui-ci méconnaît le principe d’égalité de traitement.
64 À cet égard, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 18 avril 2024, Dumitrescu e.a./Commission et Cour de justice, C‑567/22 P à C‑570/22 P, EU:C:2024:336, point 67 et jurisprudence citée).
65 Pour déterminer s’il y a ou non une violation de ce principe, il convient notamment de tenir compte de l’objet et du but poursuivi par la disposition dont il est allégué qu’elle le violerait (voir arrêt du 18 avril 2024, Dumitrescu e.a./Commission et Cour de justice, C‑567/22 P à C‑570/22 P, EU:C:2024:336, point 68 et jurisprudence citée).
66 Par ailleurs, dans une matière qui relève de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, tel que l’édiction de règles transitoires visant à garantir la transition équitable d’un ancien régime statutaire vers un nouveau, le principe d’égalité de traitement n’est méconnu que lorsque le législateur de l’Union procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêt du 14 décembre 2018, GQ e.a./Commission, T‑525/16, EU:T:2018:964, point 104 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 18 avril 2024, Dumitrescu e.a./Commission et Cour de justice, C‑567/22 P à C‑570/22 P, EU:C:2024:336, point 69 et jurisprudence citée).
67 Selon la jurisprudence, le Tribunal doit donc se limiter à vérifier si la différence de traitement n’apparaît pas arbitraire ou manifestement inadéquate au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Álvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, points 53 et 54).
68 En revanche, compte tenu de ce contrôle juridictionnel restreint, il n’appartient pas au Tribunal de vérifier s’il n’apparaît pas déraisonnable pour le législateur de l’Union d’estimer que la différence de traitement instituée puisse être appropriée et nécessaire aux fins de la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 129, et ordonnance du 22 décembre 2022, Commission/KM et Conseil/Commission, C‑341/21 P et C‑357/21 P, EU:C:2022:1042, point 64).
69 C’est à l’aune de cette jurisprudence que le Tribunal examinera les deux branches du second moyen.
– Sur la première branche du second moyen
70 La requérante soutient que l’article 28 de l’annexe XIII du statut méconnaît le principe d’égalité de traitement en traitant différemment des catégories de personnes se trouvant dans des situations comparables. En effet, en raison de sa seule nomination en tant que fonctionnaire et alors qu’elle n’a jamais cessé d’être affiliée au RPIUE, la requérante serait moins bien traitée que si elle était devenue agent contractuel, plutôt que fonctionnaire, ou si elle était restée agent temporaire. En outre, la requérante indique que le Parlement a retenu, pendant plus de cinq ans, la même lecture que la sienne de l’article 21, de l’article 22, paragraphe 1, et de l’article 28 de l’annexe XIII du statut.
71 La Commission, soutenue par le Parlement et le Conseil, conteste cette argumentation.
72 À cet égard, s’agissant de la comparabilité des situations, la Cour a déjà indiqué que le statut et le RAA instituaient un régime de pensions commun aux fonctionnaires et aux autres agents, à savoir le RPIUE. En effet, compte tenu du renvoi aux conditions prévues au chapitre 3 du titre V du statut, effectué par l’article 39, paragraphe 1, ainsi que par l’article 109, paragraphe 1, du RAA, les agents temporaires et les agents contractuels contribuent également, dans les conditions fixées à l’article 83, paragraphe 2, du statut, au financement de ce régime de pensions (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2022, Picard/Commission, C‑366/21 P, EU:C:2022:984, points 77 et 78).
73 Pour autant, la Cour a également indiqué qu’il existait des différences entre les fonctionnaires et les autres agents (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2022, Picard/Commission, C‑366/21 P, EU:C:2022:984, point 69).
74 Sur ce point, le Tribunal rappelle que les fonctionnaires ont, en principe, l’assurance de pouvoir être au service de l’Union jusqu’à l’âge de départ à la retraite. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles, telles que le congé pour convenance personnelle, s’il est pris en fin de carrière, le congé dans l’intérêt du service, la démission volontaire, la démission d’office, le retrait d’emploi dans l’intérêt du service, le licenciement pour insuffisance professionnelle, la révocation, le décès et la mise d’office à la retraite en raison d’une invalidité permanente, que leurs fonctions prennent fin avant qu’ils atteignent l’âge de départ à la retraite [articles 40, 42 quater, 47 à 51 et 53 du statut ainsi qu’article 9, paragraphe 1, sous h), de l’annexe IX du statut].
75 À l’inverse, en règle générale, et comme le reconnaît la requérante elle-même, les agents ne disposent pas d’une telle stabilité d’emploi. En effet, selon une jurisprudence constante, la durée de la relation de travail entre une institution et un agent engagé à durée déterminée est régie par les conditions établies dans le contrat conclu entre les parties. En outre, l’administration jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour renouveler, ou non, le contrat (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2022, SU/AEAPP, T‑296/21, EU:T:2022:808, point 49 et jurisprudence citée). Ainsi, seule la conclusion d’un contrat à durée indéterminée crée un lien plus stable et sans limite de temps entre l’institution et l’agent concerné (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2022, QM/Europol, T‑164/21, EU:T:2022:695, point 83 et jurisprudence citée).
76 Aussi, compte tenu de leur durée de service généralement plus longue auprès de l’Union, mais également en raison des avancements automatiques d’échelon et des promotions de grade dont ils bénéficient, les fonctionnaires atteignent, au terme de leur carrière, des grades et des échelons habituellement plus élevés que ceux atteints par les agents. Ce classement plus élevé dont bénéficient habituellement les fonctionnaires s’accompagne d’une rémunération plus importante que celle dont bénéficient la plupart des agents, dès lors que cette rémunération est directement liée au grade et à l’échelon.
77 Ce dernier point est déterminant en l’espèce, puisque, dans le cadre du calcul du montant de la pension d’ancienneté d’un fonctionnaire ou d’un agent, seul son dernier traitement de base est pris en compte (voir points 4 à 16 ci-dessus).
78 En outre, le montant de la pension d’ancienneté ne dépend pas exclusivement du dernier traitement de base. Ce montant est également tributaire de la durée de service du fonctionnaire ou de l’agent, puisque celui-ci acquiert, pour chaque année de service, 1,8 %, 1,9 % ou 2 % de son dernier traitement de base (voir points 4 à 16 ci-dessus). Mécaniquement, dans la mesure où, généralement, les fonctionnaires ont une durée de service plus longue que celle des agents, ils acquièrent davantage d’annuités que ces derniers.
79 Compte tenu de ces différences objectives, et ainsi que la Commission, le Parlement et le Conseil le soutiennent, l’impact global sur le budget de l’Union des réformes de 2004 et de 2014 est nécessairement plus important en ce qui concerne les pensions des fonctionnaires qu’en ce qui concerne les pensions des autres agents.
80 Dans ces conditions, eu égard à l’objectif de préservation de l’équilibre actuariel du RPIUE, et ce, sans qu’il soit porté atteinte aux droits acquis et aux attentes légitimes du personnel en place (conclusions de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire Picard/Commission, C‑366/21 P, EU:C:2022:582, points 44 et 51), lequel s’ajoute aux objectifs plus généraux de discipline budgétaire et d’assainissement des finances publiques dans un contexte socio-économique difficile (voir points 7 et 8 ci-dessus), et compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont il dispose, le législateur de l’Union a pu considérer que les fonctionnaires nommés après le 1 er mai 2004 ou après le 1 er janvier 2014 devaient se voir appliquer un traitement différent de celui dont ils auraient pu bénéficier s’ils avaient conservé, au moins dix ans, leur statut d’agent temporaire ou d’agent contractuel.
81 À cet égard, le Tribunal rappelle que les fonctionnaires et agents ne contribuent que pour un tiers au financement du RPIUE, alors que le paiement des pensions, garanti collectivement par les États membres, est à la charge du budget de l’Union (article 83, paragraphes 1 et 2, du statut). Face à une telle structure de financement du RPIUE, laquelle repose avant tout sur les ressources allouées par les États membres à l’Union, la prise en compte des intérêts des fonctionnaires bénéficiant du régime spécial organisé par l’article 28 de l’annexe XIII du statut ne peut pas être effectuée en ignorant totalement que lesdits États ont été contraints d’adopter des mesures draconiennes pour faire face aux effets durables d’une grave crise économique et financière (considérant 13 du règlement n o 1023/2013). D’ailleurs, l’équilibre actuariel du RPIUE doit, précisément, tenir compte, sur le long terme, des évolutions économiques et de variables financières [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 décembre 2017, Arango Jaramillo e.a./BEI, T‑482/16 RENV, EU:T:2017:901, point 126 (non publié) et jurisprudence citée]. Partant, dans une société caractérisée par la solidarité, ainsi que le souligne l’article 2 TUE (arrêt du 25 février 2025, Sąd Rejonowy w Białymstoku et Adoreikė, C‑146/23 et C‑374/23, EU:C:2025:109, point 71), et dans un contexte marqué par une grave crise économique et financière, le législateur de l’Union a pu, parmi d’autres mesures, instituer ledit régime spécial afin d’exprimer cette solidarité de la fonction publique européenne face aux efforts que les États membres ont dû consentir à leur propre niveau.
82 Par ailleurs, il convient de relever que les contributions des agents temporaires et contractuels au RPIUE sont, en règle générale, moins élevées que celles des fonctionnaires, dont le traitement de base est susceptible d’évoluer en fonction de la progression de grade et des avancements d’échelon tout au long de leur carrière. Sur ce point, il est vrai que le RPIUE est organisé sur la base du principe de solidarité et qu’il n’est pas conçu en ce sens que la pension perçue par un fonctionnaire ou un agent constituerait une contrepartie exacte de ses contributions audit régime (voir arrêt du 8 novembre 2023, OA/Parlement, T‑39/22, non publié, EU:T:2023:709, point 60 et jurisprudence citée). Pour autant, le législateur de l’Union a pu considérer, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation et compte tenu du principe de solidarité qui gouverne le RPIUE, qu’un agent qui a été nommé fonctionnaire après le 1 er mai 2004 ou après le 1 er janvier 2014 ne saurait bénéficier du taux annuel d’acquisition des droits à pension d’ancienneté qui lui était applicable au cours de sa période d’activité en tant qu’agent temporaire ou contractuel, dès lors que cela aurait impliqué qu’il profite de manière disproportionnée de ce taux plus élevé en vue du calcul du montant de sa pension effectué sur la base du dernier traitement de base afférent au grade dans lequel ce fonctionnaire a été classé avant son départ à la retraite.
83 Compte tenu des considérations qui précèdent, la différence de traitement contestée par la requérante n’apparaît pas manifestement inadéquate au regard des objectifs poursuivis par le législateur de l’Union. Ce choix du législateur de l’Union est d’ailleurs conforme aux principes de discipline budgétaire et de bonne gestion financière (articles 310 et 317 TFUE) ainsi qu’à celui de préservation de l’équilibre actuariel du RPIUE (article 83 bis et annexe XII du statut).
84 Cette différence de traitement n’est pas, non plus, arbitraire.
85 À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’une disposition du statut introduit une différenciation arbitraire entre des fonctionnaires et/ou des agents lorsque celle-ci repose sur un critère discriminatoire qui est sans rapport avec l’objectif poursuivi. Dans une telle situation, des considérations de nature purement budgétaire, administrative ou de politique du personnel ne sauraient constituer, à elles seules, une justification objective de la différence de traitement instituée entre des fonctionnaires et/ou des agents se trouvant dans des situations comparables (voir, en ce sens, arrêt du 18 avril 2024, Dumitrescu e.a./Commission et Cour de justice, C‑567/22 P à C‑570/22 P, EU:C:2024:336, points 79 à 81, 93 et 94).
86 En l’espèce, contrairement à l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut dont l’illégalité a été constatée par la Cour dans l’arrêt du 18 avril 2024, Dumitrescu e.a./Commission et Cour de justice (C‑567/22 P à C‑570/22 P, EU:C:2024:336), la différence de traitement contestée par la requérante ne repose pas sur un critère discriminatoire prohibé, notamment, par l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, mais se fonde sur les raisons objectives mentionnées aux points 73 à 79 ci-dessus.
87 Or, selon une jurisprudence constante, si le principe d’égalité de traitement exige que des fonctionnaires et/ou des agents placés dans des situations identiques ou comparables soient régis par les mêmes règles, il n’interdit cependant pas au législateur de l’Union de tenir compte des différences objectives de condition ou de situation dans lesquelles se trouvent placés les intéressés (voir arrêts du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, EU:C:1980:238, point 7, et du 3 mai 2018, SB/EUIPO, T‑200/17, non publié, EU:T:2018:244, point 33 et jurisprudence citée).
88 Du reste, selon une jurisprudence également constante, ne sauraient être remises en cause les différences de statut existant entre les diverses catégories de personnes employées par l’Union et ne saurait dès lors être considéré comme une discrimination le fait que, du point de vue des garanties statutaires et des avantages de sécurité sociale, certaines catégories de personnes employées par l’Union peuvent jouir de garanties ou d’avantages qui ne sont pas accordés à d’autres catégories (voir arrêt du 12 mars 2020, XB/BCE, T‑484/18, non publié, EU:T:2020:90, point 82 et jurisprudence citée).
89 Le Tribunal constate également, ainsi que l’a relevé le Parlement, que la différenciation entre les fonctionnaires et les agents n’est pas propre à l’article 28 de l’annexe XIII du statut. Le RPIUE lui-même, bien qu’il soit commun aux fonctionnaires et aux agents, n’est pas pour autant uniforme. Ainsi, contrairement aux fonctionnaires, les articles 42 et 112 du RAA permettent aux agents temporaires et contractuels de demander que leur institution effectue les versements pour la constitution ou le maintien des droits à pension dans leur pays d’origine. De même, eu égard à l’article 3, sous d), de l’annexe VIII du statut, lorsqu’un agent contractuel devient fonctionnaire ou lorsqu’un fonctionnaire devient agent contractuel, ce changement de statut peut conduire à une réduction des annuités acquises sous le régime précédent, ou bien à un remboursement des excédents de contribution correspondant à la différence entre le nombre d’annuités calculé et le nombre d’années de service effectif.
90 Si le critère de différenciation contesté en l’espèce n’est donc pas discriminatoire et s’il se fonde sur des raisons objectives, le Tribunal relève que, à nouveau contrairement à ce qui a été jugé en ce qui concerne l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut, ce critère n’est pas, non plus, « sans rapport » ou « dépourvu de tout lien » avec les objectifs poursuivis. En adoptant l’article 28 de l’annexe XIII du statut, et conformément aux objectifs de préservation de l’équilibre actuariel du RPIUE, de discipline budgétaire et d’assainissement des finances publiques, le législateur a voulu que le taux annuel d’acquisition des droits à pension des fonctionnaires concernés, uniquement s’agissant de leur période d’activité en cette qualité, soit réduit et la durée de leur carrière allongée précisément en raison du fait que la charge budgétaire des pensions des fonctionnaires est plus lourde que celle des agents (voir points 7, 8 et 79 ci-dessus).
91 En outre, même si le Tribunal n’exclut pas que, dans certaines situations particulières, un agent puisse avoir une carrière similaire à celle d’un fonctionnaire, que ce soit en termes de durée, de grade, de rémunération et de fonctions, il n’en demeure pas moins que, en règle générale, tel n’est pas le cas. Or, selon une jurisprudence constante, même s’il doit résulter dans des situations marginales des inconvénients casuels de l’instauration d’une réglementation générale et abstraite, il ne peut être reproché au législateur de l’Union d’avoir eu recours à une catégorisation, dès lors qu’elle n’est pas discriminatoire par essence au regard de l’objectif qu’elle poursuit (arrêts du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, EU:C:1980:238, point 14, et du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, EU:C:2010:188, point 81).
92 Ainsi, loin d’être arbitraire, la différence de traitement contestée par la requérante repose sur un critère objectif et non discriminatoire, et elle est, en outre, justifiée par les objectifs de préservation de l’équilibre actuariel du RPIUE, de discipline budgétaire et d’assainissement des finances publiques.
93 De surcroît, lorsque le critère de différenciation n’est ni discriminatoire ni dépourvu de tout lien avec les objectifs poursuivis, comme c’est le cas en l’espèce, la Cour a déjà admis, en substance, que des mesures de restriction budgétaire frappant les fonctionnaires et/ou les agents, notamment par la réduction de leurs avantages, pouvaient être justifiées par les objectifs de discipline budgétaire et d’assainissement des finances publiques (voir, en ce sens, arrêt du 18 avril 2024, Dumitrescu e.a./Commission et Cour de justice, C‑567/22 P à C‑570/22 P, EU:C:2024:336, point 81 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 février 2025, Sąd Rejonowy w Białymstoku et Adoreikė, C‑146/23 et C‑374/23, EU:C:2025:109, points 67, 69 et 71).
94 Au surplus, aucune différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate ne peut être déduite des dispositions de l’article 28 de l’annexe XIII du statut par rapport à l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union visant à préserver les droits acquis et les attentes légitimes des fonctionnaires concernés, dès lors que, à l’instar des autres membres du personnel en place au 1 er mai 2004 ou au 1 er janvier 2014, leurs droits acquis et leurs attentes légitimes sont respectés.
95 En effet, leurs droits à pension, acquis durant leur période d’activité en tant qu’agents, demeurent préservés. En outre, et en toute logique, avant leur nomination, ils n’avaient pas encore acquis de droits à pension en tant que fonctionnaires. Ce n’est qu’à compter de leur nomination que les fonctionnaires concernés ont acquis des droits à pension en cette qualité.
96 Par ailleurs, lorsqu’ils étaient encore agents, ils n’avaient reçu aucune assurance précise et inconditionnelle que, s’ils faisaient le choix de devenir fonctionnaires, le taux annuel d’acquisition de leurs droits à pension et leur âge de départ à la retraite resteraient inchangés.
97 Outre que, comme c’est le cas des autres membres du personnel en place au 1 er mai 2004 ou au 1 er janvier 2014, leurs droits acquis et leurs attentes légitimes sont respectés, le Tribunal constate encore que, aux termes de l’article 28 de l’annexe XIII du statut, le relèvement de l’âge de départ à la retraite des fonctionnaires concernés est compensé financièrement par une adaptation actuarielle des droits à pension qu’ils ont acquis lorsqu’ils étaient agents. En pratique, un coefficient compris entre 1 et 1,178, suivant la situation personnelle de chacun des fonctionnaires concernés, est appliqué à leurs droits à pension acquis en tant qu’agents (voir point 17 ci-dessus), comme ce fut le cas pour la requérante (voir point 29 ci-dessus). Ainsi, en réalité, loin d’être méconnus, lesdits droits acquis sont maintenus (coefficient égal à 1), voire augmentés (coefficient supérieur à 1) par l’application de ce coefficient.
98 En tout état de cause, le Tribunal constate que, avant sa nomination en tant que fonctionnaire, la requérante n’avait aucune assurance de pouvoir bénéficier d’une pension d’ancienneté, puisque, à cette date et contrairement à ce qu’exige l’article 77, premier alinéa, du statut, elle ne comptait pas encore dix années de service auprès de l’Union.
99 Enfin, est sans pertinence la circonstance, mise en avant par la requérante, selon laquelle le Parlement a retenu, pendant plus de cinq ans, la même lecture que celle qu’elle propose de l’article 21, de l’article 22, paragraphe 1, et de l’article 28 de l’annexe XIII du statut au bénéfice d’autres agents devenus fonctionnaires. En effet, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect de la légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (voir arrêt du 16 octobre 2019, Palo/Commission, T‑432/18, EU:T:2019:749, point 38 et jurisprudence citée).
100 Par conséquent, la première branche du second moyen doit être rejetée.
– Sur la seconde branche du second moyen
101 La requérante soutient que l’article 28 de l’annexe XIII du statut méconnaît le principe d’égalité de traitement en traitant de la même manière tous les agents, devenus fonctionnaires après le 1 er mai 2004 ou après le 1 er janvier 2014, sans tenir compte de l’éventuelle interruption de leur affiliation au RPIUE avant leur nomination. Or, la situation de la requérante ne saurait être assimilée à celle d’un agent ayant connu une interruption de son affiliation au RPIUE et ayant, ensuite, été nommé fonctionnaire. En effet, la requérante n’aurait, quant à elle, jamais cessé d’être affiliée au RPIUE.
102 La Commission, soutenue par le Parlement et le Conseil, conteste cette argumentation.
103 À cet égard, le Tribunal rappelle que le principe d’égalité de traitement n’exige pas une parfaite identité des situations pour qu’un même traitement puisse être appliqué. Seul le caractère comparable de ces situations est requis (arrêt du 15 octobre 2020, Coppo Gavazzi e.a./Parlement, T‑389/19 à T‑394/19, T‑397/19, T‑398/19, T‑403/19, T‑404/19, T‑406/19, T‑407/19, T‑409/19 à T‑414/19, T‑416/19 à T‑418/19, T‑420/19 à T‑422/19, T‑425/19 à T‑427/19, T‑429/19 à T‑432/19, T‑435/19, T‑436/19, T‑438/19 à T‑442/19, T‑444/19 à T‑446/19, T‑448/19, T‑450/19 à T‑454/19, T‑463/19 et T‑465/19, EU:T:2020:494, point 257).
104 Or, eu égard à l’objet de l’article 28 de l’annexe XIII du statut et des objectifs poursuivis par le législateur de l’Union, l’ensemble des fonctionnaires concernés par cet article doivent être considérés comme étant dans une situation comparable, dès lors qu’ils ont tous été précédemment agents et qu’ils ont tous été nommés après le 1 er mai 2004 ou après le 1 er janvier 2014.
105 En revanche, dans l’examen de la comparabilité de leurs situations respectives, il est sans importance que ces fonctionnaires aient connu, ou non, une interruption de leur affiliation au RPIUE avant leur nomination. En effet, cette circonstance se rapporte à leur période d’activité en tant qu’agents, alors que l’application des dispositions de l’article 28 de l’annexe XIII du statut dépend de leur nomination en tant que fonctionnaires. Ainsi, tout au plus, cette circonstance impliquera en pratique qu’un fonctionnaire ayant connu une interruption de son affiliation et, corrélativement, du versement de ses contributions, au RPIUE avant sa nomination comptabilisera moins d’annuités, relatives à sa seule période d’activité en tant qu’agent, que s’il n’avait pas connu une telle interruption.
106 Par ailleurs, au regard de la protection de leurs droits acquis, les agents devenus fonctionnaires après une interruption de leur affiliation au RPIUE et les agents devenus fonctionnaires sans interruption de cette affiliation se trouvent dans une situation comparable. En effet, dans les deux cas, ces agents ont versé des contributions au RPIUE dans la perspective d’un âge de départ à la retraite plus bas que celui qui leur sera finalement applicable. Leurs droits acquis sont donc de même nature et seul diffère le nombre d’annuités que chacun d’entre eux aura obtenues. Dès lors, les agents devenus fonctionnaires doivent pouvoir bénéficier d’une adaptation actuarielle indépendamment de la question de savoir si leur nomination en tant que fonctionnaire a été, ou non, précédée d’une interruption de leur affiliation au RPIUE.
107 De même, s’agissant de leurs attentes légitimes, les agents devenus fonctionnaires après une interruption de leur affiliation au RPIUE et les agents devenus fonctionnaires sans interruption de leur affiliation à ce régime se trouvent dans une situation comparable. En effet, étant donné qu’ils sont devenus fonctionnaires après le 1 er mai 2004 ou après le 1 er janvier 2014, ils ne pouvaient pas légitimement s’attendre à se voir appliquer, immédiatement après leur nomination, l’article 21 et l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, alors que ces deux articles contiennent des mesures transitoires visant uniquement à préserver les droits acquis et les attentes légitimes qui existaient préalablement à l’entrée en vigueur de la réforme de 2004 ou de celle de 2014.
108 En tout état de cause, comme cela a déjà été exposé dans le cadre de l’examen du premier moyen, le caractère continu, ou non, de l’affiliation au RPIUE ne constitue pas l’unique critère permettant de déterminer qui sont les bénéficiaires des différentes dispositions transitoires figurant à l’annexe XIII du statut (voir points 58 et 59 ci-dessus).
109 L’identité de traitement contestée par la requérante ne méconnaît donc pas le principe d’égalité de traitement, dès lors qu’elle s’applique à des catégories de personnes se trouvant dans une situation comparable.
110 Dans ces conditions, la seconde branche du second moyen doit être rejetée.
111 Partant, il convient de rejeter le second moyen et, par conséquent, le premier chef de conclusions dans son ensemble.
Sur les conclusions indemnitaires
112 À l’appui de ses conclusions indemnitaires, la requérante soutient que les informations qui lui avaient été antérieurement communiquées s’agissant de son âge de départ à la retraite et des taux d’acquisition de ses droits à pension ne correspondent pas aux paramètres finalement pris en compte dans la décision attaquée. Ce faisant, le PMO aurait méconnu le devoir de sollicitude et commis une faute de service. La requérante sollicite la réparation du préjudice subi en raison de ces manquements par le versement d’une indemnité fixée ex æquo et bono par le Tribunal.
113 La Commission fait valoir que la demande indemnitaire est irrecevable et, à titre subsidiaire, qu’elle est non fondée.
114 À cet égard, selon une jurisprudence constante, si un recours indemnitaire est recevable en l’absence même de demande préalablement adressée en ce sens à l’administration, lorsqu’il existe un lien direct entre ledit recours et le recours en annulation, il en va autrement lorsque le préjudice allégué résulte de fautes ou omissions commises par l’administration. Dans ce dernier cas, lorsque le préjudice allégué ne résulte pas de l’acte dont l’annulation est demandée, mais de fautes ou omissions prétendument commises, la procédure précontentieuse doit impérativement débuter par une demande invitant l’administration à réparer ce préjudice (voir, en ce sens, arrêts du 8 novembre 2018, QB/BCE, T‑827/16, EU:T:2018:756, point 123 et jurisprudence citée, et du 7 mars 2019, L/Parlement, T‑59/17, EU:T:2019:140, point 53 et jurisprudence citée).
115 En l’espèce, le préjudice allégué par la requérante ne découle pas de la décision attaquée en tant que telle, mais des informations erronées que le PMO lui avait communiquées avant l’adoption de cette décision. En effet, tant dans la requête que dans ses observations du 26 juin 2025 en réponse à une question écrite du Tribunal, la requérante explique que c’est la communication desdites informations erronées qui constitue un manquement au devoir de sollicitude et une faute de service. En particulier, la requérante fait grief au PMO de ne pas l’avoir informée du caractère erroné de ces informations, sur le fondement desquelles elle avait pourtant organisé sa vie. En revanche, si le PMO avait averti la requérante du caractère non fiable de ces informations, elle aurait pu, le cas échéant, retarder son départ à la retraite.
116 De plus, à supposer même que lesdites informations erronées doivent être assimilées à des actes préparatoires de la décision attaquée, ce seul constat ne permet pas de conclure que le préjudice allégué découle de cette décision. Comme relevé au point 115 ci-dessus, la requérante reconnaît elle-même que la décision attaquée ne correspond pas aux informations erronées qui lui avaient été transmises précédemment et qui ont été déterminantes dans ses choix de vie et de carrière. Plus encore, la requérante affirme, au point 87 de la requête, que la faute de service qu’elle reproche au PMO « [n’a pas été] prise en compte au moment de l’adoption de la décision attaquée ».
117 Dès lors que le préjudice allégué ne résulte pas de la décision attaquée, la requérante devait, conformément à la jurisprudence rappelée au point 114 ci-dessus, inviter les services de la Commission à réparer ledit préjudice.
118 Or, nulle part dans la réclamation, la requérante ne fait valoir que la transmission d’informations erronées par le PMO était constitutive d’un manquement au devoir de sollicitude ou d’une faute de service. En outre, nulle part dans la réclamation, la requérante n’indique que la transmission de ces informations erronées lui aurait causé un quelconque dommage.
119 Dès lors que la requérante n’a pas préalablement invité la Commission à réparer le préjudice qu’elle allègue, sa demande indemnitaire doit être rejetée comme étant irrecevable.
120 Cette conclusion n’est pas remise en cause par le point 156 de l’arrêt du 7 février 2007, Caló/Commission (T‑118/04 et T‑134/04, EU:T:2007:37), auquel se réfère la requérante dans ses observations du 26 juin 2025. En effet, audit point, le Tribunal a constaté l’existence d’une faute de service de la part de la Commission de nature à engager sa responsabilité, dès lors que cette faute était « étroitement liée » à la décision attaquée dans cette affaire, bien que cette décision fût dépourvue de toute illégalité. Toutefois, en l’espèce et contrairement aux faits ayant donné lieu à l’arrêt du 7 février 2007, Caló/Commission (T‑118/04 et T‑134/04, EU:T:2007:37), la faute que la requérante reproche au PMO n’est pas étroitement liée à la décision attaquée, puisque cette faute découle exclusivement des informations erronées que le PMO lui avait transmises avant l’adoption de cette décision et qui, en tout état de cause, n’ont pas été reprises dans cette même décision (voir points 115 et 116 ci-dessus).
121 Par conséquent, le recours est rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
122 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
123 Par ailleurs, aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Il s’ensuit que le Parlement et le Conseil supporteront, chacun, leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) FV supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.
3) Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supporteront, chacun, leurs propres dépens.
Svenningsen
Mac Eochaidh
Laitenberger
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 juillet 2025.
Signatures
* Langue de procédure : le français.