Urteil des Gerichts (Erste Kammer) vom 14. Mai 2025. Visable gegen Amt der Europäischen Union für geistiges Eigentum.
• 62024TJ0323 • ECLI:EU:T:2025:486
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
14 mai 2025
Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale Europages – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »
( * ) l’affaire T‑323/24,
Visable, établie à Levallois-Perret (France), représentée par M e J. Künzel, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Hanf, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de M. R. Mastroianni, président, M me M. Brkan et M. T. Tóth (rapporteur), juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Visable, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 18 avril 2024 (affaire R 34/2024‑2) (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 15 septembre 2022, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal Europages.
3 Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 35, 38 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 35 : « Collecte, systématisation, mise à jour et transmission de données économiques et d’informations économiques et/ou de données sur les entreprises et d’informations sur les entreprises ; fourniture de renseignements concernant les données économiques et les informations économiques et/ou les données sur les entreprises et les informations sur les entreprises ; publicité ; publicité sur internet ; diffusion de publicité pour des tiers sur l’internet ; marketing ; marketing de produits et de services de tiers ; assistance en matière de marketing ; promotion des ventes ; services de conseil en marketing pour les entrepreneurs et les entreprises ; conseils en publicité et en marketing ; promotion de produits et services de tiers sur l’internet ; services de marketing en matière de moteurs de recherche ; optimisation de moteurs de recherche ; optimisation de moteurs de recherche pour la promotion des ventes ; planification de stratégies de marketing ; planification d’activités de marketing ; médiation d’opérations commerciales pour des tiers ; obtention de contrats pour des tiers concernant l’achat et la vente de produits ; publicité pour le compte de tiers via des réseaux de communications électroniques en ligne ; mise à disposition et location d’espaces publicitaires, notamment sur l’internet et d’autres nouveaux médias ; mise à jour et maintenance de données dans des bases de données informatiques par l’intermédiaire de réseaux informatiques mondiaux (internet) ; systématisation et compilation de données sur les offres et les demandes de données commerciales, de produits et de services dans des bases de données informatiques ; compilation et systématisation de données dans des bases de données informatiques ; informations commerciales sur l’internet concernant des données économiques et des informations économiques ; diffusion d’annonces publicitaires, également sur l’internet ; présentation d’entreprises sur l’internet sur leurs propres sites web et d’autres médias/sites web de tiers ; mise à disposition d’espaces de vente en ligne pour acheteurs et vendeurs de produits et services ; organisation d’expositions à buts commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; organisation de contacts commerciaux et d’affaires, également sur l’internet ; services de placement publicitaire ; consultation d’affaires ; consultation d’affaires sur l’internet ; consultation d’affaires en matière de marketing, en particulier de marketing de moteurs de recherche ; consultation de tiers concernant l’amélioration de la facilité de recherche sur l’internet ; compilation de répertoires pour la publication sur l’internet ; optimisation du trafic de sites web » ;
– classe 38 : « Services de télécommunications, notamment pour les services de données, d’images et de voix ; télécommunications en réseau ; fourniture d’accès à des données et à des informations dans des réseaux informatiques ; transmission de données et d’images par ordinateur ; transmission de données par internet ; services en ligne, à savoir collecte, fourniture d’informations, de textes, d’images de produits et d’images par le biais de réseaux de télécommunications dans le cadre des services ; transmission de messages et d’images par ordinateur ; diffusion de données ou d’images sur un réseau informatique mondial ; transmission d’informations et de contenus créés par l’utilisateur sur internet ; services internet, à savoir fourniture d’un accès à des informations sur internet ; fourniture d’accès à des bases de données sur des réseaux informatiques ; transmission de données ; location de temps d’accès à une base de données pour le téléchargement d’informations par l’intermédiaire de médias électroniques (internet) ; fourniture d’accès à des logiciels dans des réseaux de données d’accès à l’internet ; fourniture d’accès à des informations sur l’internet ; fourniture d’accès à des programmes informatiques dans des réseaux de données ; télécommunications par l’intermédiaire de plateformes et de portails sur l’internet ; fourniture d’accès à des bases de données ; mise à disposition de forums en ligne ; services d’affichage électronique [télécommunications] » ;
– classe 42 : « Stockage électronique de données et d’informations commerciales et/ou commerciales ; mise à jour de logiciels de bases de données ; location de logiciels de suivi, de mise à jour et de contrôle de données ; mise à disposition de moteurs de recherche pour l’internet ; mise à disposition (programmation) d’espaces sur des pages web pour la promotion de produits et de services ; développement, maintenance et mise à jour d’un moteur de recherche pour réseaux de télécommunications ; programmation de pages web et conseil en la matière ; création et maintenance de sites web ; hébergement ; hébergement de contenus numériques sur l’internet ; hébergement de portails internet ; hébergement de plates-formes sur internet ; conseils pour la création de pages d’accueil et de sites internet ; services de conseil pour la conception de pages d’accueil et de sites internet ; mise à disposition d’espaces de mémoire électronique sur internet ; mise à disposition de moteurs de recherche sur internet avec options de recherche spécifiques ; mise à disposition de moteurs de recherche pour la consultation de données via des réseaux de communication ».
4 Par décision du 9 novembre 2023, l’examinateur a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 3 ci‑dessus, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement.
5 Le 5 janvier 2024, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur.
6 Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque dont l’enregistrement était demandé était dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
Conclusions des parties
7 La requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée.
8 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens en cas d’organisation d’une audience.
En droit
9 La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en ayant considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif à l’égard du public anglophone de l’Union européenne concernant les services en cause.
10 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
11 Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En outre, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.
12 Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).
13 Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).
14 Afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y ait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (voir arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 82 et jurisprudence citée).
15 En l’espèce, au soutien d’un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la requérante invoque, en substance, trois griefs. En premier lieu, elle remet en cause la signification du signe retenue par la chambre de recours. En deuxième lieu, elle considère que la chambre de recours n’a pas pris en compte les services visés, ni établi l’existence de leur lien suffisamment concret et direct avec la marqué demandée. En troisième lieu, la chambre de recours aurait dû faire une application par analogie de la jurisprudence relative aux signes ambigus.
16 À titre liminaire, il convient de relever que la chambre de recours a considéré que le public pertinent était composé tant du grand public que du public professionnel anglophones, et que rien n’indiquait que le public concerné faisait preuve d’une attention accrue, étant entendu que le degré d’attention ne jouait qu’un rôle minime, voire inexistant, dans le contexte des services en cause.
17 Ces appréciations de la chambre de recours ne sont pas contestées par la requérante.
Sur le premier grief, relatif à la signification du signe demandé
18 La chambre de recours a considéré qu’il y avait lieu de procéder, avant d’apprécier le signe demandé dans son ensemble, à un examen des éléments qui le composaient. Selon celle‑ci, le substantif « pages » était notamment « utilisé dans le domaine informatique », de sorte que le terme « pages » pouvait désigner des « pages (sites) internet, des segments de programme et, de manière générale, plusieurs unités d’information ». Quant à l’élément « euro », généralement perçu par le public pertinent comme une abréviation des mots « europe » ou « européen », il indiquait que les services en cause provenaient d’Europe ou qu’ils étaient spécialement conçus pour le marché européen. Dans le secteur financier, en particulier, l’élément « euro » pouvait également être utilisé et perçu comme une indication de la devise ayant cours au sein de l’Union et comme décrivant cet espace monétaire. Pour la chambre de recours, dans la combinaison de ces deux éléments, le substantif « pages » constituait clairement l’élément clé et l’élément « euro », qui était largement utilisé comme préfixe, servait manifestement à « concrétiser » le terme « pages ». À cet égard, la chambre de recours cite des exemples dans lesquels un terme ou un élément désigne un espace géographique, à savoir « Europe News », www.euronews.com/my-europe , « Search USA Local Businesses Pages », www.uspages.net , « Scotland’s Pages » et « Franklin – Local Town Pages ». La chambre de recours en a conclu que, pour un public anglophone et en ce qui concerne les services revendiqués, le signe pertinent considéré dans son ensemble avait immédiatement, sans analyse approfondie, une signification compréhensible et informative et que cette combinaison de mots et d’éléments exprimait simplement le fait que les services en cause concernaient – par opposition aux sites Internet se rapportant à d’autres régions du monde – des pages et des contenus relatifs à l’Europe ou, dans le domaine financier, à la devise européenne.
19 Selon la requérante, c’est à tort que la chambre de recours a considéré que le signe demandé avait immédiatement, sans analyse approfondie, une signification compréhensible et informative.
20 Premièrement, la requérante réitère l’argument, déjà présenté devant l’examinateur et devant la chambre de recours, selon lequel il n’existe pas de terme « europages » possédant un contenu conceptuel démontrable ou établi. Le fait que ce terme ne soit pas une expression habituelle, dans le secteur dont relèvent les produits en cause, utilisée pour les identifier ou pour les caractériser, serait un facteur pertinent devant être pris en compte aux fins de l’examen du caractère distinctif du signe en cause. À l’appui de cet argument, la requérante renvoie à la jurisprudence selon laquelle tout écart perceptible dans la formulation du terme proposé à l’enregistrement par rapport à la terminologie employée, dans le langage courant de la catégorie de consommateurs concernée, pour désigner le produit ou le service ou leurs caractéristiques essentielles est propre à conférer à ce terme un caractère distinctif lui permettant d’être enregistré comme marque [arrêts du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, C‑383/99 P, EU:C:2001:461, point 40, et du 16 juin 2021, Magnetec/EUIPO (CoolTUBE), T‑481/20, non publié, EU:T:2021:373, point 35].
21 Il convient toutefois de rappeler que, également selon la jurisprudence, la simple juxtaposition de plusieurs termes descriptifs reste en principe descriptive, sauf si, en raison du caractère inhabituel de la combinaison de ces termes, le signe en cause crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la combinaison des significations des termes qui le composent, de sorte que ce signe, dans son ensemble, prime la somme de ses éléments. Le simple fait de juxtaposer plusieurs éléments descriptifs sans y apporter de modifications inhabituelles, notamment d’ordre syntaxique ou sémantique, ne peut produire qu’une marque descriptive dans son ensemble [arrêt du 10 février 2021, Biochange Group/EUIPO – mysuperbrand (medical beauty research), T‑98/20, non publié, EU:T:2021:69, point 57].
22 Deuxièmement, la requérante soutient que, même à supposer que les éléments verbaux « euro » et « pages » puissent, dans l’abstrait, avoir une signification, il n’en demeure pas moins que c’est toujours le signe dans son ensemble qui doit être apprécié. Or, la chambre de recours se serait presque exclusivement concentrée sur la signification isolée des deux éléments « euro » et « pages », pour les réunir par la suite en une signification globale, logique à première vue, mais artificielle.
23 À cet égard, la chambre de recours a considéré que, dans la combinaison de mots demandée, le substantif « pages » constituait clairement l’élément clé du terme « europages », en raison du rapport entre les éléments verbaux constitutifs du signe, en particulier de leur ordre et de leur contenu. Quant à l’élément précédant ce substantif, à savoir « euro », qui est largement utilisé comme préfixe (voir point 18 ci‑dessus), il sert manifestement, selon la chambre de recours, à « concrétiser » le terme « pages ».
24 Or, d’une part, il résulte de la jurisprudence rappelée au point 14 ci‑dessus que la nécessité de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments ne saurait être exclu. D’autre part, dans un second temps, la chambre de recours a bien apprécié le signe de manière globale, puisqu’elle s’est intéressée à la « combinaison » (voir point 18 ci‑dessus) des deux éléments du signe.
25 L’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’aurait pas considéré le signe dans son ensemble doit donc être rejeté.
26 Compte tenu de ce qui précède, le premier grief, relatif à la signification du signe demandé, doit être écarté.
Sur le deuxième grief, relatif à l’absence d’établissement d’un lien suffisamment concret et direct entre les différents services et la marque demandée
27 La chambre de recours a considéré, en ce qui concerne les services revendiqués, que le signe demandé ne constituait rien de plus qu’une indication purement factuelle relative à la nature et aux caractéristiques pertinentes de ces services.
28 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, un signe n’est pas de nature à remplir la fonction essentielle de la marque, et n’est donc pas distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lorsque le lien établi entre sa teneur sémantique et les produits et les services en cause est suffisamment concret et direct pour que, dans l’esprit du public pertinent, ce signe permette une identification immédiate de ces produits et de ces services [voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2013, Restoin/OHMI (EQUIPMENT), T‑356/11, non publié, EU:T:2013:253, point 42, et du 27 juin 2013, International Engine Intellectual Property Company/OHMI (PURE POWER), T‑248/11, non publié, EU:T:2013:333, point 20 et jurisprudence citée].
29 En outre, l’examen effectué lors de la demande d’enregistrement ne doit pas être minimal, mais strict et complet afin d’éviter que les marques soient enregistrées de manière indue (voir, par analogie, arrêt du 6 mai 2003, Libertel, C‑104/01, EU:C:2003:244, point 59 et jurisprudence citée).
30 Dès lors que l’enregistrement d’une marque est toujours demandé au regard de produits ou de services mentionnés dans la demande d’enregistrement, la question de savoir si la marque relève ou non d’un des motifs absolus de refus doit être appréciée in concreto par rapport à ces produits ou services (voir, par analogie, arrêt du 15 février 2007, BVBA Management, Training en Consultancy, C‑239/05, EU:C:2007:99, point 31).
31 Selon la jurisprudence de la Cour, d’une part, l’examen des motifs absolus de refus doit porter sur chacun des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, la décision par laquelle l’autorité compétente refuse l’enregistrement d’une marque doit, en principe, être motivée pour chacun desdits produits ou desdits services (voir ordonnance du 18 mars 2010, CFCMCEE/OHMI, C‑282/09 P, EU:C:2010:153, point 37 et jurisprudence citée).
32 Toutefois, s’agissant de cette dernière exigence, la Cour a précisé que l’autorité compétente pouvait se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou services concernés lorsque le même motif de refus était opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services (voir arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 30 et jurisprudence citée).
33 La Cour a ensuite précisé qu’une telle faculté ne s’étendait qu’à des produits et à des services présentant entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu’ils formaient une catégorie ou un groupe de produits ou de services d’une homogénéité suffisante (arrêts du 17 octobre 2013, Isdin/Bial-Portela, C‑597/12 P, EU:C:2013:672, point 27, et du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 31).
34 Afin d’apprécier si les produits et les services visés par une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union présentent entre eux un lien suffisamment direct et concret et peuvent être répartis dans des catégories ou des groupes d’une homogénéité suffisante, au sens de la jurisprudence citée au point 33 ci‑dessus, il doit être tenu compte de l’objectif de cet exercice visant à permettre et à faciliter l’appréciation in concreto de la question de savoir si la marque concernée par la demande d’enregistrement relève ou non d’un des motifs absolus de refus, conformément à la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus (arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 32).
35 Aussi, la répartition des produits et des services en cause en un ou en plusieurs groupes ou catégories doit être effectuée notamment sur la base des caractéristiques qui leur sont communes et qui présentent une pertinence pour l’analyse de l’opposabilité, ou non, à l’enregistrement de la marque demandée pour lesdits produits et services, d’un motif absolu de refus déterminé. Il s’ensuit qu’une telle appréciation doit être effectuée in concreto pour l’examen de chaque demande d’enregistrement et, le cas échéant, pour chacun des différents motifs absolus de refus éventuellement applicables (arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 33).
36 En l’espèce, la requérante avance que la chambre de recours a déterminé le contenu conceptuel du signe demandé de manière abstraite, sans aucune référence aux services des classes 35, 38 et 42.
37 En premier lieu, s’agissant des services de la classe 35 concernant les « Collecte, systématisation, mise à jour et transmission de données économiques et d’informations économiques et/ou de données sur les entreprises et d’informations sur les entreprises ; fourniture de renseignements concernant les données économiques et les informations économiques et/ou les données sur les entreprises et les informations sur les entreprises », de même que les « Mise à jour et maintenance de données dans des bases de données informatiques par l’intermédiaire de réseaux informatiques mondiaux (internet) ; systématisation et compilation de données sur les offres et les demandes de données commerciales, de produits et de services dans des bases de données informatiques ; informations commerciales sur l’internet concernant des données économiques et des informations économiques », la chambre de recours a considéré, au point 33 de la décision attaquée, que « le signe demandé [pouvait] être perçu de manière évidente comme une référence au format dans lequel certaines données et informations, à savoir des données et informations pertinentes pour le territoire de l’Union, en l’occurrence des données économiques et d’informations économiques et/ou de données sur les entreprises et d’informations sur les entreprises, [étaient] préparées, transmises ou traitées sur des “pages”, en particulier des “pages web” ».
38 Premièrement, la requérante considère que la chambre de recours ne se serait référée qu’au seul élément « pages ». Or, selon elle, cet élément ne possèderait pas de contenu conceptuel clair. Même à supposer qu’il crée, pour le public pertinent, une certaine association thématique avec Internet, le terme « europages » serait tellement détaché de tout contenu conceptuel qu’il serait distinctif dans son ensemble pour des services de traitement et de transmission d’informations économiques sur Internet.
39 À cet égard, il convient de relever que la requérante indique elle‑même que « “page” est la forme abrégée du terme correct “page Internet” ». Ainsi, une « page » peut, de toute évidence, désigner une « page web ». De plus, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que, dans la marque demandée, le terme soit au pluriel, ne change rien à cette constatation.
40 En outre, même si la chambre de recours, dans l’extrait reproduit au point 37 ci‑dessus, ne se réfère explicitement qu’à l’élément « pages », cet extrait ne saurait être détaché des autres explications portées dans la décision attaquée, et notamment de celle, figurant au point 28 de la décision attaquée, selon laquelle la combinaison des mots « euro » et « pages » signifie que les services en cause concernent « des pages et des contenus relatifs, dans le domaine financier, spécifiquement [à] la devise européenne ».
41 Dans ce contexte, force est de constater que, pour les services énumérés au point 37 ci‑dessus, à l’exception des services de « mise à jour et maintenance de données dans des bases de données informatiques par l’intermédiaire de réseaux informatiques mondiaux (internet) », le signe demandé pouvait être perçu de manière évidente comme une référence au format dans lequel certaines données et informations étaient « préparées, transmises ou traitées sur des « “pages”, en particulier des “pages web” », mais également comme une indication que les services portaient sur des contenus liés au domaine financier, en particulier à la devise européenne.
42 Deuxièmement, la requérante soutient que la chambre de recours n’a pas établi l’existence d’un lien suffisamment direct et concret entre la marque demandée et les services qu’elle couvre, permettant au public pertinent de percevoir immédiatement et sans autre réflexion une description des services en cause ou de l’une de leurs caractéristiques.
43 À cet égard, il importe également de relever que, au point 27 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté, sans être contestée sur ce point par la requérante, que, dans le secteur financier, en particulier, l’élément « euro » pouvait être utilisé et perçu comme une indication de la devise ayant cours au sein de l’Union et décrivant cet espace monétaire.
44 C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 33 de la décision attaquée, que, concernant les services de « Collecte, systématisation, mise à jour et transmission de données économiques et d’informations économiques et/ou de données sur les entreprises et d’informations sur les entreprises ; fourniture de renseignements concernant les données économiques et les informations économiques et/ou les données sur les entreprises et les informations sur les entreprises » et « informations commerciales sur l’internet concernant des données économiques et des informations économiques » relevant de la classe 35, le signe demandé pouvait être perçu comme une référence à des « pages web » contenant des « données économiques ».
45 En effet, les services concernant des « données économiques » contiennent, de toute évidence, des données exprimées en euros.
46 De même, contiennent nécessairement des données exprimées en euros des services relatifs à des données commerciales, à savoir la « systématisation et compilation de données sur les offres et les demandes de données commerciales, de produits et de services dans des bases de données informatiques ».
47 À cet égard, […] il convient de relever qu’il en va de même s’agissant de la « médiation d’opérations commerciales pour des tiers » qui relèvent également de la classe 35.
48 Il en va également de même s’agissant des services de « Stockage électronique de données et d’informations commerciales et/ou commerciales » relevant de la classe 42.
49 Toutefois, s’agissant des autres services de la classe 35 visés au point 37 ci‑dessus, à savoir les services de « Mise à jour et maintenance de données dans des bases de données informatiques par l’intermédiaire de réseaux informatiques mondiaux (internet) », même à supposer qu’ils relèvent de la dénomination « données sur les entreprises et informations sur les entreprises », la chambre de recours n’a pas démontré quel serait le lien suffisamment concret et direct, au sens de la jurisprudence rappelée au point 28 ci‑dessus, entre ces services et le terme « europages » pour conclure à l’absence de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
50 En particulier, la chambre de recours a considéré, au point 33 de la décision attaquée, que, pour les services revendiqués compris dans la classe 35, le signe demandé pouvait être perçu de manière évidente comme une référence aux données et informations pertinentes pour le territoire de l’Union.
51 À l’instar de la requérante, la chambre de recours s’est donc limitée dans son appréciation à relever que ces services concernaient des contenus relatifs à l’Europe pour établir un lien entre eux et le signe en cause. Ce raisonnement repose sur la prémisse selon laquelle la simple possibilité que les services en cause pourraient concerner un contenu relatif à l’Europe suffit à établir un lien suffisamment concret et direct, permettant ainsi au public pertinent de percevoir immédiatement et sans autre réflexion, une description des services.
52 Or, force est de constater que les services de « Mise à jour et maintenance de données dans des bases de données informatiques par l’intermédiaire de réseaux informatiques mondiaux (internet) », dans la forme sous laquelle leur enregistrement est proposé, ne se rapportent ni spécifiquement à des informations relatives aux entreprises européennes, ni à des données pertinentes pour les marchés européens, ni à toute autre référence explicite à l’Europe, sous quelque forme que ce soit.
53 Force est également de constater qu’il en va de même s’agissant des services de « Publicité ; publicité sur internet ; diffusion de publicité pour des tiers sur l’internet ; marketing ; marketing de produits et de services de tiers ; assistance en matière de marketing ; promotion des ventes ; services de conseil en marketing pour les entrepreneurs et les entreprises ; conseils en publicité et en marketing ; promotion de produits et services de tiers sur l’internet ; services de marketing en matière de moteurs de recherche ; optimisation de moteurs de recherche ; optimisation de moteurs de recherche pour la promotion des ventes ; planification de stratégies de marketing ; planification d’activités de marketing ; publicité pour le compte de tiers via des réseaux de communications électroniques en ligne ; mise à disposition et location d’espaces publicitaires, notamment sur l’internet et d’autres nouveaux médias ; diffusion d’annonces publicitaires, également sur l’internet ; présentation d’entreprises sur l’internet sur leurs propres sites web et d’autres médias/sites web de tiers ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; services de placement publicitaire » de la classe 35.
54 En effet, la chambre de recours se limite, au point 34 de la décision attaquée, a relevé que « le signe Europages indique de manière évidente que des actions publicitaires sont proposées sur l’internet suivant un format et à l’échelle d’un recueil d’informations relatif à l’Europe ».
55 Or, pour la raison exposée au point 52 ci‑dessus, une telle affirmation ne saurait suffire à démontrer l’existence d’un lien suffisamment concret et direct, au sens de la jurisprudence rappelée au point 28 ci‑dessus.
56 Par ailleurs, il en va encore de même s’agissant des autres services relevant de la classe 35, pour lesquels la chambre de recours s’est limité, au même point 34 de la décision attaquée, à indiquer que ceux‑ci « [pouvaient] également être proposés suivant un format communément appelé “pages” et qui [présentait] un lien matériel avec l’Europe, par exemple suivant un format qui [proposait] des contacts commerciaux, des offres de produits ou des services de conseil localisés en Europe ou orientés vers le marché européen ».
57 En deuxième lieu, s’agissant des services compris dans la classe 38, la chambre de recours s’est limité à avancer, au point 35 de la décision attaquée, que « le signe demandé [était] exclusivement compris comme un message relatif au format et au contenu des services de transmission de données proposés, à savoir en lien géographique ou matériel avec l’Europe ».
58 Or, pour la raison exposée au point 52 ci‑dessus, une telle affirmation ne saurait suffire à démontrer l’existence d’un lien suffisamment concret et direct, au sens de la jurisprudence rappelée au point 28 ci‑dessus.
59 En troisième lieu, s’agissant des services compris dans la classe 42, à l’exception des services relatifs au « Stockage électronique de données et d’informations commerciales et/ou commerciales », la chambre de recours s’est limité à indiquer, au point 36 de la décision attaquée, qu’ils étaient « également perçus par le public ciblé comme une indication du contenu ou de la destination des services proposés, en ce sens qu’ils se [rapportaient] à des sites internet comportant des informations ou d’autres offres qui [présentaient] un lien avec l’Europe ».
60 Or, pour la raison exposée au point 52 ci-dessus, une telle affirmation ne saurait suffire à démontrer l’existence d’un lien suffisamment concret et direct, au sens de la jurisprudence rappelée au point 28 ci‑dessus.
61 Partant, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a pas établi qu’il existait un rapport suffisamment concret et direct, au sens de la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus, entre le signe verbal Europages et les services autres que ceux visés aux points 44 et 46 à 48 ci‑dessus, pour conclure à l’absence de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
62 Il y a donc lieu de déclarer le deuxième grief fondé dans la mesure où il concerne les services autres que ceux visés aux points 44 et 46 à 48 ci‑dessus et de le rejeter pour le surplus.
Sur le troisième grief, tiré d’une application par analogie de la jurisprudence relative à l’ambigüité des signes
63 La requérante souligne que, dès lors que, selon la chambre de recours, le préfixe « euro » peut avoir deux significations différentes, à savoir une référence soit à l’Europe soit à la devise européenne, cette ambigüité peut constituer un facteur pertinent qu’il convient de prendre en compte dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n o 2017/1001. En effet, la jurisprudence portant sur l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, selon laquelle un signe est considéré comme descriptif lorsqu’au moins une de ses significations potentielles désigne une caractéristique des produits concernés, ne serait pas applicable lorsque le caractère distinctif de la marque demandée, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, est mis en cause pour des raisons autres que son caractère descriptif. Toutefois, la chambre de recours n’aurait ni démontré ni examiné le caractère descriptif du signe Europages. Or, au regard des services couverts, le signe demandé pourrait être perçu comme un message ambivalent ou comme un jeu de mots inattendu, et être ainsi facile à mémoriser, de sorte qu’il serait, par nature, susceptible d’être perçu par le public concerné comme un signe distinctif pour les services en cause.
64 À cet égard, il convient de relever que, dans le cadre de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours a bien examiné la question du caractère descriptif du signe en analysant son contenu sémantique dans le contexte des services pour lesquels l’enregistrement de ce signe était demandé (voir les points 21 à 36 de la décision attaquée).
65 Il s’ensuit que, même s’il existe une ambiguïté relative au signe Europages en raison des deux significations potentielles du préfixe « euro », la chambre de recours a considéré, à juste titre en ce qui concerne les services mentionnés aux points 44 et 46 à 48 ci-dessus, que le signe contesté était dépourvu de caractère distinctif, du fait de son caractère descriptif.
66 En effet, au moins l’une des significations potentielles constitue une indication purement factuelle relative à la nature et aux caractéristiques de ces services.
67 Par conséquent, le troisième grief, tiré d’une application par analogie de la jurisprudence relative à l’ambigüité des signes, doit être écarté en ce qui concerne ces services.
68 Au vu de ce qui précède, il convient d’annuler la décision attaquée en ce qui concerne les services autres que ceux visés aux points 44 et 46 à 48 ci‑dessus, et de rejeter le recours pour le surplus.
Sur les dépens
69 Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.
70 En l’espèce, la requérante et l’EUIPO ont, respectivement, partiellement succombé en leurs conclusions, dans la mesure où la décision attaquée est partiellement annulée. Par conséquent, il y a lieu d’ordonner que chaque partie supporte ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 18 avril 2024 (affaire R 34/2024 2) est annulée en ce qu’elle concerne les services de la classe 35, à l’exception des services « Collecte, systématisation, mise à jour et transmission de données économiques et d’informations économiques et/ou de données sur les entreprises et d’informations sur les entreprises ; fourniture de renseignements concernant les données économiques et les informations économiques et/ou les données sur les entreprises et les informations sur les entreprises ; informations commerciales sur l’internet concernant des données économiques et des informations économiques ; systématisation et compilation de données sur les offres et les demandes de données commerciales, de produits et de services dans des bases de données informatiques ; médiation d’opérations commerciales pour des tiers », ainsi qu’en ce qui concerne les services de la classe 38 et de la classe 42, à l’exception des services de « Stockage électronique de données et d’informations commerciales et/ou commerciales ».
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) Chaque partie supportera ses propres dépens.
Mastroianni
Brkan
Tóth
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mai 2025.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.