Judgment of the Court (Fourth Chamber) of 19 September 2024.
Giacomo Santini and Others v European Parliament.
• 62021CJ0198 • ECLI:EU:C:2024:768
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ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
19 septembre 2024 ( * )
« Pourvoi – Droit institutionnel – Statut unique du député européen – Députés européens élus dans des circonscriptions italiennes – Adoption d’une décision en matière de pensions par la chambre des députés italienne – Modification du montant des pensions des députés nationaux italiens – Modification corrélative, par le Parlement européen, du montant des pensions de certains anciens députés européens élus en Italie – Remplacement des décisions du Parlement – Persistance de l’intérêt à agir en annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne »
Dans l’affaire C‑198/21 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 29 mars 2021,
Giacomo Santini, demeurant à Trente (Italie),
Marco Cellai, demeurant à Florence (Italie),
Domenico Ceravolo, demeurant à Noventa Padovana (Italie),
Natalino Gatti, demeurant à Nonantola (Italie),
Rosa Maria Avitabile, en qualité d’héritière de M. Antonio Mazzone, demeurant à Naples (Italie),
Luigi Moretti, demeurant à Nembro (Italie),
Gabriele Sboarina, demeurant à Vérone (Italie),
Lina Wuhrer, demeurant à Brescia (Italie),
Patrizia Capraro, demeurant à Rome (Italie),
Luciana Meneghini, en qualité d’héritière de M. Ferruccio Pisoni, demeurant à Trente,
représentés par M e M. Paniz, avvocato,
parties requérantes,
l’autre partie à la procédure étant :
Parlement européen, représenté par M mes S. Alves et S. Seyr, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, M me O. Spineanu–Matei, MM. J.–C. Bonichot, S. Rodin (rapporteur) et M me L. S. Rossi, juges,
avocat général : M me J. Kokott,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 11 janvier 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur pourvoi, MM. Giacomo Santini, Marco Cellai, Domenico Ceravolo, Natalino Gatti, M me Rosa Maria Avitabile, en qualité d’héritière de M. Antonio Mazzone, MM. Luigi Moretti, Gabriele Sboarina, M mes Lina Wuhrer, Patrizia Capraro et Luciana Meneghini, en qualité d’héritière de M. Ferruccio Pisoni, demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 février 2021, Santini e.a./Parlement (T‑345/19, T‑346/19, T‑364/19 à T‑366/19, T‑372/19 à T‑375/19 et T‑385/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:78), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant, d’une part, à l’annulation des notes du 11 avril 2019 ainsi que, s’agissant de M me Meneghini, en qualité d’héritière de M. Pisoni, du 8 mai 2019, établies, dans le cas de chacun des requérants, par le Parlement européen (ci-après, ensemble, les « décisions litigieuses ») et concernant l’adaptation du montant des pensions dont les requérants bénéficient à la suite de l’entrée en vigueur, le 1 er janvier 2019, de la décision n o 14/2018 de l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (office de la présidence de la chambre des députés, Italie), du 12 juillet 2018 (ci-après la « décision n o 14/2018 ») et, d’autre part, à obtenir la réparation du préjudice que les requérants auraient prétendument subi à la suite de ces actes.
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. La réglementation FID
2 L’article 1 er de l’annexe III de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen, dans sa version en vigueur jusqu’au 14 juillet 2009 (ci-après la « réglementation FID »), prévoyait :
« 1. Tous les membres du Parlement européen ont le droit de bénéficier d’une pension de retraite.
2. En attendant l’instauration d’un régime communautaire de pension définitif pour tous les membres du Parlement européen, et au cas où le régime national ne prévoit pas de pension, ou au cas où le niveau et/ou les modalités de la pension prévue ne sont pas identiques à ceux applicables pour les membres du parlement national de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu, une pension de retraite provisoire est payée, sur demande du membre concerné, sur le budget de l’Union européenne, section Parlement. »
3 L’article 2 de l’annexe III de la réglementation FID disposait :
« 1. Le niveau et les modalités de la pension provisoire sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu.
2. Tout membre bénéficiant des dispositions de l’article 1 er , paragraphe 2, est tenu, en adhérant à ce régime, de verser au budget de l’Union européenne une cotisation qui est calculée d’une manière telle qu’il paie au total la même contribution que paie un membre de la chambre basse de l’État membre où il a été élu, en vertu des dispositions nationales. »
4 Aux termes de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de l’annexe III de la réglementation FID :
« 1. La demande d’adhésion au présent régime de pension provisoire doit être introduite dans un délai de douze mois à compter du début du mandat de l’intéressé.
Passé ce délai, la date d’effet de l’adhésion au régime de pension est fixée au premier du mois de la réception de la demande.
2. La demande de liquidation de la pension doit être introduite dans un délai de six mois suivant la naissance du droit.
Passé ce délai, la date d’effet du bénéfice de la pension est fixée au premier du mois de la réception de la demande. »
2. Le statut des députés
5 L’article 25, paragraphes 1 et 2, de la décision 2005/684/CE, Euratom, du Parlement européen, du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement européen (JO 2005, L 262, p. 1, ci-après le « statut des députés »), entré en vigueur le 14 juillet 2009, se lit comme suit :
« 1. Les députés qui faisaient déjà partie du Parlement avant l’entrée en vigueur du statut et ont été réélus peuvent opter, s’agissant de l’indemnité, de l’indemnité transitoire et des diverses pensions, pour toute la durée de leur activité, en faveur du régime national actuel.
2. Ces versements sont à la charge du budget de l’État membre. »
6 L’article 28, paragraphe 1, du statut des députés prévoit :
« Tout droit à pension qu’un député a acquis en vertu des régimes nationaux au jour de l’application du présent statut est entièrement maintenu. »
3. Les mesures d’application
7 Le considérant 7 de la décision 2009/C 159/01 du bureau du Parlement européen, des 19 mai et 9 juillet 2008, portant mesures d’application du statut des députés au Parlement européen (JO 2009, C 159, p. 1), telle que modifiée par la décision 2010/C 340/06 du bureau du Parlement européen, du 13 décembre 2010 (JO 2010, C 340, p. 6) (ci-après les « mesures d’application »), énonce :
« Il importe [...] d’assurer, dans les dispositions transitoires, que les personnes jouissant de certaines prestations accordées sur la base de la réglementation FID puissent continuer à en bénéficier après l’abrogation de cette réglementation, conformément au principe de [protection de la] confiance légitime. Il convient également de garantir le respect des droits à pension acquis sur la base de la réglementation FID avant l’entrée en vigueur du statut [des députés]. »
8 L’article 49, paragraphe 1, des mesures d’application dispose :
« Les députés qui ont exercé leur mandat pendant au moins une année complète ont droit, après la cessation du mandat, à une pension d’ancienneté à vie payable à partir du premier jour du mois suivant celui où ils atteignent l’âge de 63 ans.
L’ancien député ou son représentant légal introduit, sauf en cas de force majeure, la demande de paiement de la pension d’ancienneté dans un délai de six mois suivant la naissance du droit. Passé ce délai, la date d’effet du bénéfice de la pension d’ancienneté est fixée au premier jour du mois de réception de la demande. »
9 En vertu de l’article 73 des mesures d’application, celles-ci sont entrées en vigueur le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009.
10 L’article 74 des mesures d’application prévoit que, sous réserve des dispositions transitoires prévues à leur titre IV, et notamment de l’article 75 de celles-ci, la réglementation FID expire le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés.
11 Aux termes de l’article 75 des mesures d’application :
« 1. La pension de survie, la pension d’invalidité, la pension d’invalidité supplémentaire accordée pour les enfants à charge et la pension de retraite attribuées en vertu des annexes I, II et III de la réglementation FID continuent d’être versées en application de ces annexes aux personnes qui ont bénéficié de ces prestations avant la date d’entrée en vigueur du statut [des députés].
Au cas où un ancien député bénéficiant de la pension d’invalidité décède après le 14 juillet 2009, la pension de survie est versée à son conjoint, son partenaire stable non matrimonial ou son enfant à charge, dans les conditions fixées à l’annexe I de la réglementation FID.
2. Les droits à pension de retraite acquis jusqu’à la date d’entrée en vigueur du statut [des députés] en application de l’annexe III précitée restent acquis. Les personnes qui ont acquis des droits dans ce régime de pension bénéficient d’une pension calculée sur la base de leurs droits acquis en application de l’annexe III précitée, dès lors qu’elles remplissent les conditions prévues à cet effet par la législation nationale de l’État membre concerné et qu’elles ont déposé la demande visée à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe III précitée. »
B. Le droit italien
12 Aux termes de l’article 1 er , paragraphes 1 à 3, de la décision n o 14/2018 :
« 1. À compter du 1 er janvier 2019, les montants des allocations viagères, directes et de réversion, et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, dont les droits ont été acquis sur la base de la réglementation en vigueur au 31 décembre 2011, sont calculés suivant les nouvelles modalités prévues par la présente décision.
2. Le nouveau calcul visé au paragraphe précédent est effectué en multipliant le montant de la contribution individuelle par le coefficient de transformation relatif à l’âge du député à la date à laquelle le député a acquis le droit à l’allocation viagère ou à la prestation de prévoyance pro rata.
3. Les coefficients de transformation figurant dans le tableau 1, annexé à la présente décision, sont appliqués. »
II. Les antécédents du litige
13 Les antécédents du litige figurent aux points 14 à 21 de l’arrêt attaqué. Ils peuvent, aux fins du présent pourvoi, être résumés comme suit.
14 Chacun des requérants est soit un ancien membre du Parlement européen, élu en Italie, soit un ayant droit d’un tel ancien député européen, bénéficiant d’une pension de retraite ou d’une pension de survie (ci-après la « pension »).
15 Par l’ajout d’un commentaire sur les bulletins de pension du mois de janvier 2019, le Parlement a averti les requérants du fait que le montant de leur pension pourrait être révisé en exécution de la décision n o 14/2018 et que ce nouveau calcul pourrait éventuellement donner lieu à un recouvrement des sommes indûment versées.
16 À partir du 1 er janvier 2019, le Parlement a réduit, en appliquant cette décision en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID, le montant de la pension des requérants.
17 Par une note non datée du chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la direction générale (DG) des finances du Parlement (ci-après le « chef d’unité »), annexée aux bulletins de pension des requérants du mois de février 2019, le Parlement a, tout d’abord, averti ces derniers que, par l’avis n o SJ-0836/18 du 11 janvier 2019, son service juridique avait confirmé l’applicabilité automatique de la décision n o 14/2018 à leur situation (ci-après l’« avis du service juridique »). Ensuite, dès qu’il aurait reçu les informations nécessaires de la part de la Camera dei deputati (chambre des députés, Italie), le Parlement notifierait aux requérants le nouveau montant de leur pension et procéderait au recouvrement de l’éventuelle différence sur les douze mois suivants. Enfin, il a informé les requérants que le montant définitif de leur pension serait arrêté par un acte formel contre lequel il serait possible d’introduire une réclamation ou un recours en annulation.
18 Par les décisions litigieuses, le chef d’unité a, en premier lieu, informé les requérants que le montant de leur pension serait adapté, en application de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID, à concurrence de la réduction des pensions analogues versées en Italie aux anciens députés nationaux par la chambre des députés en application de la décision n o 14/2018. En deuxième lieu, le montant des pensions des requérants serait adapté dès le mois d’avril 2019, avec effet rétroactif au 1 er janvier 2019, en application des projets de fixation des nouveaux montants des pensions transmis en annexe de ces décisions. En troisième lieu, les décisions litigieuses accordaient aux requérants un délai de 30 jours, à compter de leur réception, pour faire valoir leurs observations. À défaut d’observations, les effets de ces décisions seraient considérés comme définitifs et impliqueraient, notamment, le recouvrement des montants indûment perçus pour les mois de janvier à mars 2019.
19 Aucun requérant n’ayant formulé de telles observations dans le délai prescrit, les effets des décisions litigieuses sont devenus définitifs à leur égard à l’expiration de ce délai.
III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
20 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 10 juin (affaires T‑345/19 et T‑346/19), le 17 juin (affaires T‑364/19 et T‑365/19), le 18 juin (affaire T‑366/19), le 20 juin (affaires T‑372/19 à T‑375/19) et le 25 juin 2019 (affaire T‑385/19), les requérants ont introduit leurs recours tendant à l’annulation des décisions litigieuses.
21 À l’appui de leurs recours, les requérants ont invoqué huit moyens. Le premier moyen était tiré de l’incompétence de l’auteur des décisions litigieuses et de l’illégalité de l’application automatique de la décision n o 14/2018. Le deuxième moyen était tiré de la violation des dispositions de la réglementation FID, du statut des députés et des mesures d’application. Le troisième moyen était tiré de la violation de l’article 28 du statut des députés ainsi que des articles 75 et 76 des mesures d’application. Le quatrième moyen était tiré de la violation de l’article 49 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et du principe de légalité des peines ainsi que de la violation des principes de non-rétroactivité et d’égalité. Le cinquième moyen était tiré de la violation du droit de propriété. Le sixième moyen était tiré de la violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de protection des droits acquis. Le septième moyen était tiré de la violation des principes de raison, de proportionnalité et d’égalité de traitement. Le huitième moyen était tiré d’autres motifs de violation des principes de raison, de proportionnalité, d’égalité et de solidarité.
22 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’ensemble de ces moyens et a, partant, rejeté ces recours.
IV. La procédure et les conclusions des parties devant la Cour
23 Les requérants demandent à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– d’annuler les décisions litigieuses, et
– de condamner le Parlement aux dépens afférents au pourvoi et à la procédure devant le Tribunal.
24 Le Parlement demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner les requérants aux dépens afférents au pourvoi et à la procédure devant le Tribunal.
25 Le 12 janvier 2022, M. Enrico Falqui a, dans le cadre de l’affaire C‑391/21 P le concernant, déposé au greffe de la Cour une copie de l’arrêt n o 4/2021 du Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (conseil de juridiction de la chambre des députés, Italie), du 23 décembre 2021 (ci-après l’« arrêt n o 4/2021 »), annulant la décision n o 14/2018. Ce document n’a pas, à ce stade, été versé au dossier.
26 Le 9 mars 2022, les requérants ont déposé le même arrêt au greffe de la Cour.
27 Dans la présente affaire, ainsi que dans les affaires Falqui/Parlement (C‑391/21 P) et Coppo Gavazzi e.a./Parlement (C‑725/20 P), le greffe a, le 16 mars 2022, transmis aux parties une mesure d’organisation décidée par le juge rapporteur et l’avocate générale en vertu de l’article 62 du règlement de procédure de la Cour, selon laquelle celles-ci ont été priées de produire tous les documents susceptibles d’avoir une incidence sur l’objet de l’affaire les concernant, et notamment l’arrêt n o 4/2021.
28 Le 23 mars 2022 les requérants dans la présente affaire ont produit plusieurs documents, dont l’arrêt n o 4/2021. Le 29 mars 2022, le Parlement a, lui aussi, produit plusieurs documents, dont l’arrêt n o 4/2021 et un document intitulé « Nouvelles règles pour le calcul des pensions adoptées par la chambre des députés italienne ». Cette institution a également informé la Cour que, dès la réception des clarifications supplémentaires qu’elle avait demandées à la chambre des députés quant à l’application concrète de ces règles, elle effectuerait un nouveau calcul des pensions de retraite des requérants et enverrait à ceux-ci un nouveau projet de décision relatif à la détermination de leurs droits à pension, sur lequel ils auraient la possibilité de présenter des observations avant l’adoption d’une décision finale.
29 Les 12 octobre et 29 novembre 2022, le Parlement a déposé au greffe de la Cour les décisions finales déterminant le nouveau montant des pensions qui serait versé aux requérants à partir du mois de novembre 2022 avec les arriérés dus (ci-après les « nouvelles décisions du Parlement »).
30 Par décision du 25 octobre 2022, le président de la Cour a invité les parties à préciser si elles considéraient, d’une part, que les nouvelles décisions du Parlement avaient remplacé ex tunc les décisions litigieuses et, d’autre part, que, à la suite de l’adoption de ces nouvelles décisions, le pourvoi conservait son objet.
31 Le 29 novembre 2022, le Parlement a précisé qu’il considérait que les nouvelles décisions du Parlement avaient remplacé avec un effet ex tunc les décisions litigieuses, mais que le pourvoi conservait son objet. Il serait en effet dans l’intérêt des parties et d’une bonne administration de la justice que la Cour se prononce sur le bien-fondé du pourvoi, afin d’apporter de la clarté sur la question de savoir si l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit et si le Parlement peut recalculer, sur la base de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID, les pensions des requérants en cas de changement intervenu dans la réglementation nationale applicable.
32 Par lettre déposée le 29 novembre 2022, les requérants ont indiqué qu’ils considéraient que tous les moyens du pourvoi conservaient leur intérêt et leur actualité, dans la mesure où les nouvelles décisions du Parlement n’avaient pas remplacé les décisions litigieuses, qui continuaient de conserver leur pleine efficacité et leur validité. Les nouvelles décisions du Parlement, de même que les décisions litigieuses, impliqueraient un nouveau calcul du montant de leur pension et, en modifiant les conditions constitutives de leur droit à pension, une redéfinition avec effet rétroactif et durable de ce droit. En effet, la décision n o 14/2018 aurait été modifiée uniquement dans la partie relative au coefficient de transformation relatif à l’âge du député bénéficiaire de la pension de retraite.
V. Sur le pourvoi
33 Dans le cadre du présent pourvoi, les requérants soulèvent six moyens visant à remettre en cause, en substance, la confirmation, par le Tribunal, du bien-fondé de l’interprétation de l’article 75, paragraphe 1, des mesures d’application, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID (ci-après les « règles internes du Parlement »), ayant mené cette institution à appliquer la décision n o 14/2018 en vue de revoir le montant de leur pension de retraite. Les premier à quatrième moyens, qu’il convient d’examiner ensemble, sont tirés d’une interprétation erronée des règles internes du Parlement et de la méconnaissance des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de proportionnalité, du droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte ainsi que de l’omission du Parlement d’adopter un acte. Le cinquième moyen est tiré de l’interprétation erronée de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement. Le sixième moyen est tiré d’une erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal quant à l’appréciation de la juste motivation des décisions litigieuses.
A. Observations liminaires relatives à la persistance de l’intérêt à agir des requérants
34 Il ressort du point 29 du présent arrêt que les nouvelles décisions du Parlement, adoptées en cours de procédure devant la Cour, visent à fixer le nouveau montant des pensions versées aux requérants à partir du mois de novembre 2022 avec les arriérés dus.
35 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, l’objet du litige doit perdurer, de même que l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission , C‑57/16 P, EU:C:2018:660, point 43 et jurisprudence citée).
36 Toutefois, l’intérêt à agir d’un requérant ne disparaît pas nécessairement en raison du fait que l’acte attaqué par ce dernier a cessé de produire des effets en cours d’instance (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission , C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 62).
37 Dans certaines circonstances, un requérant peut conserver un intérêt à demander l’annulation d’un acte abrogé en cours d’instance, afin d’amener l’auteur de l’acte attaqué à apporter, à l’avenir, les modifications appropriées et, ainsi, éviter le risque de répétition de l’illégalité dont cet acte est prétendument entaché (arrêt du 6 septembre 2018, Bank Mellat/Conseil , C‑430/16 P, EU:C:2018:668, point 64 et jurisprudence citée).
38 En l’espèce, il découle sans ambiguïté de la réponse du Parlement du 29 novembre 2022, résumée au point 31 du présent arrêt, que cette institution souhaite, également à l’avenir, recalculer les pensions d’anciens députés européens en cas de changement intervenu dans la réglementation nationale visée à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID (ci-après le « régime dynamique »).
39 Bien que le Parlement ait remplacé les décisions litigieuses par les nouvelles décisions, il demeure que toutes ces décisions sont fondées sur une interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle celui-ci est tenu d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens bénéficiant de la pension de retraite et aux personnes bénéficiant de la pension de survie qui, tels que les requérants, relèvent du champ d’application des annexes de la réglementation FID (ci-après les « anciens députés européens concernés »).
40 Or, c’est précisément cette interprétation qui est remise en cause par les requérants dans le cadre du présent pourvoi. Il en résulte que, nonobstant le remplacement ex tunc des décisions litigieuses, les requérants conservent un intérêt à faire constater que le Tribunal a commis une erreur de droit en confirmant le bien-fondé de cette interprétation, celle-ci étant susceptible d’être mise en œuvre par le Parlement lors de l’adoption, à l’avenir, de décisions analogues aux décisions litigieuses ou aux nouvelles décisions du Parlement, de telle sorte qu’il existe non seulement un risque de répétition de l’illégalité alléguée, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 37 du présent arrêt, mais également un risque que, en cas de recours en annulation contre de telles décisions similaires, le Tribunal commette à nouveau les prétendues erreurs de droit l’ayant mené à confirmer le bien-fondé de ladite interprétation.
41 Il découle, en outre, des nouvelles décisions que le Parlement demeure d’avis que le chef d’unité est habilité à adopter des décisions portant modification du montant des pensions en cas de changement intervenu dans la réglementation nationale et que ces décisions ne doivent pas comporter une motivation portant sur leur conformité au droit de l’Union.
42 Il s’ensuit qu’il y a lieu de considérer que les requérants conservent un intérêt à agir devant la Cour, pour autant que le présent pourvoi est dirigé contre les motifs de l’arrêt attaqué qui constituent le soutien nécessaire des appréciations du Tribunal selon lesquelles, premièrement, il résulte des règles internes du Parlement que ce dernier est tenu d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés, deuxièmement, le chef d’unité est compétent pour adopter les décisions portant modification du montant des pensions de ces anciens députés et, troisièmement, le Parlement n’est pas tenu d’exposer, dans de telles décisions, les motifs justifiant leur conformité au droit de l’Union.
B. Sur les premier à quatrième moyens
1. Argumentation des parties
43 Deux griefs distincts sont avancés à l’appui des premier à quatrième moyens.
44 Par un premier grief, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir constaté, d’une part, au point 81 de l’arrêt attaqué, que l’annexe III de la réglementation FID leur est demeurée applicable après l’entrée en vigueur du statut des députés et, d’autre part, au point 90 de l’arrêt attaqué, que les règles internes du Parlement ne portent pas atteinte aux droits acquis des anciens députés européens concernés.
45 À cet égard, les requérants font valoir que l’article 74 des mesures d’application a abrogé l’annexe III de la réglementation FID et ne maintient en vigueur que les dispositions transitoires contenues dans le titre IV de ces mesures ainsi que l’article 75 de celles-ci. À compter de l’entrée en vigueur du statut des députés, le contenu de cette annexe III au moment de son abrogation aurait été maintenu par les articles 74 et 75 desdites mesures, ainsi qu’il ressortirait notamment du considérant 7 des mesures d’application.
46 En effet, le renvoi opéré par l’article 75 des mesures d’application aux annexes de la réglementation FID devrait être considéré comme se référant à la prestation de pension qui était applicable lorsque ces annexes étaient en vigueur. Cette disposition aurait pour objectif de sauvegarder les droits acquis des anciens députés européens concernés, ce qui serait d’ailleurs confirmé par l’article 28 du statut des députés.
47 Dans ces conditions, constater qu’une réduction du montant de la pension n’affecte pas le droit acquis à percevoir une pension exigerait de préciser les circonstances dans lesquelles tel est le cas et d’opérer une distinction entre les paragraphes 1 et 2 de l’article 75 des mesures d’application, ce que le Tribunal n’aurait pas fait.
48 En l’espèce, le montant des pensions des requérants aurait été calculé à l’aide d’un coefficient multiplicateur fixé unilatéralement et de manière rétroactive par l’office de la présidence de la chambre des députés, sur la base d’évènements qui, dans la logique actuarielle, devraient être considérés comme étant incertains, en ce qu’ils seraient liés à des évènements futurs et incertains, tels que la probabilité de survie moyenne du bénéficiaire à la date du versement de la pension de retraite et l’existence probable d’un conjoint ou d’héritiers titulaires d’une pension de survie. Toutefois, au moment de la modification du montant des pensions des requérants, il aurait pu être déterminé avec certitude si ces évènements avaient déjà eu lieu ou non.
49 Même si l’article 2 de l’annexe III de la réglementation FID était applicable en l’espèce en vertu de l’article 75 des mesures d’application, cette disposition ne porterait pas sur les conditions de constitution du droit à pension. En revanche, les décisions litigieuses auraient modifié non seulement le montant des pensions concernées, mais également la méthode de calcul de ce montant, remplaçant la méthode fondée sur l’indemnité perçue pendant le mandat des anciens députés européens concernés par la méthode fondée sur les cotisations versées par ces députés et cela comme si elles avaient toujours été calculées selon une méthode inspirée de la méthode contributive. Les requérants n’auraient pas eu, lorsqu’ils étaient en activité, la possibilité de prévoir la modification induite par les décisions litigieuses, ni eu la possibilité d’augmenter leurs cotisations à ce régime de pensions pour en atténuer les effets négatifs.
50 À titre subsidiaire, à savoir dans l’hypothèse où la distinction entre le droit à la pension et le droit à la prestation de pension était applicable, les requérants soutiennent qu’ils sont non seulement titulaires d’un droit à pension, mais également d’un droit de percevoir un montant fixe de pension de retraite, ainsi qu’il ressortirait de l’article 75 des mesures d’application, de sorte qu’ils ont le droit de percevoir un montant de pension correspondant à celui auquel ils auraient pu s’attendre lors du versement de leurs cotisations. Les décisions litigieuses entraîneraient un déséquilibre au préjudice des requérants, étant donné que les cotisations versées n’avaient à l’époque aucune influence sur l’acquisition du droit à pension ou sur l’étendue de ce droit, et étaient donc d’un montant peu élevé lors des premières législatures, ce qui pénaliserait actuellement surtout les anciens députés européens concernés les plus âgés, comme les requérants.
51 Par un second grief, les requérants font valoir que le Tribunal a méconnu le principe de sécurité juridique, le principe de protection de la confiance légitime, le droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte et le principe de proportionnalité.
52 Premièrement, la détermination des droits à pension sur la base des nouvelles règles violerait le principe de sécurité juridique pour autant qu’il s’oppose à une atteinte des droits acquis conformément à la raison d’être de l’article 28 du statut des députés et de l’article 75 des mesures d’application.
53 Deuxièmement, ce nouveau mode de détermination du montant des pensions de retraite violerait le principe de protection de la confiance légitime, dans la mesure où ce dernier s’oppose à toute altération des modalités de calcul auxquelles les requérants ont volontairement adhéré. En effet, les anciens députés européens concernés n’auraient pas eu connaissance de ce que leur régime de pension était fondé sur un renvoi automatique aux montants des pensions de retraite des anciens membres du parlement de l’État membre dans lequel ils ont été élus.
54 En outre, le Tribunal aurait omis de tenir compte du fait que le Parlement n’aurait informé les requérants de la possible application de la décision n o 14/2018 à leur égard qu’au cours de l’année 2019, c’est-à-dire après la date à laquelle la diminution du montant de leur pension de retraite aurait dû s’appliquer, à savoir le 1 er janvier 2019, leur assurant ainsi effectivement la continuation du droit précédemment acquis.
55 Au demeurant, la décision n o 14/2018 ne mentionnerait aucunement les anciens députés européens concernés.
56 En tout état de cause, la chambre des députés et le Senato (Sénat, Italie) auraient donné des assurances quant à l’immuabilité du droit à pension des requérants, conformément aux articles 27 et 28 du statut des députés ainsi qu’à l’article 75 des mesures d’application.
57 S’agissant, troisièmement, du droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte, les requérants observent que le Tribunal a constaté que l’objectif invoqué par le Parlement pour justifier l’atteinte à ce droit par les décisions litigieuses est explicitement mentionné dans le préambule de la décision n o 14/2018. Toutefois, cette dernière ne mentionnerait pas qu’elle vise à procéder à un nouveau calcul du montant des pensions de retraite. En outre, ni le Parlement ni la décision n o 14/2018 n’auraient fait état d’un objectif d’intérêt général qui justifierait cette atteinte.
58 Les requérants soulignent également que le Tribunal a opéré, au point 160 de l’arrêt attaqué, une distinction entre une atteinte au droit à pension et une simple adaptation du montant de la pension de retraite. Le Tribunal n’aurait toutefois pas indiqué où se trouverait la limite au-delà de laquelle la modification du montant de cette pension ne respecte plus le contenu essentiel du droit de propriété et entraîne une violation du droit à pension en tant que tel.
59 Par ailleurs, au point 172 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait erronément constaté que la réduction du montant des pensions des requérants avait pour objectif d’adapter le montant des pensions versées à tous les membres du Parlement à la méthode de calcul contributive en se fondant sur le contenu de la décision n o 14/2018.
60 Selon les requérants, ce raisonnement du Tribunal est circulaire. Il se fonderait en effet sur les dispositions du droit italien et non pas sur un objectif d’intérêt général reconnu par l’ordre juridique de l’Union, tout en s’inscrivant pourtant dans le cadre de l’examen de la conformité des décisions litigieuses au droit de propriété consacré par la Charte.
61 En outre, ledit raisonnement aurait dénaturé la méthode de calcul du montant des pensions de retraite prévue par la décision n o 14/2018 qui ne saurait être considérée comme étant de nature contributive, dans la mesure où, d’une part, en vertu de l’article 1 er , paragraphe 4, de cette décision, le montant des allocations viagères serait limité. D’autre part, la nouvelle méthode de calcul prévue par ladite décision se fonderait non pas sur un taux de cotisations déterminé individuellement, mais sur un taux identique pour tous les anciens députés européens concernés. Ainsi, un ancien député européen qui aurait versé, durant son mandat, des cotisations calculées à un taux supérieur à ce taux identique perdrait le bénéfice de la part de cotisation allant au-delà dudit taux.
62 Quatrièmement, la méthode de calcul du montant des pensions de retraite instaurée par la décision n o 14/2018 démontrerait également une atteinte au principe de proportionnalité, dans la mesure où elle se fonderait sur un taux de cotisations non individualisé.
63 Les décisions litigieuses auraient imposé une charge individuelle excessivement lourde, en particulier pour les requérants les plus âgés. M. Gatti, actuellement âgé de 80 ans, serait le plus fortement pénalisé puisqu’il aurait vu le montant de sa pension de retraite réduit de 61 %, alors qu’il aurait siégé au Parlement durant deux législatures. Quant à M. Ceravolo, actuellement âgé de 91 ans, il aurait vu ce montant réduit de 47 %. M. Pisoni, qui avait 83 ans au moment de son décès, aurait vu ledit montant réduit de 24 %, alors qu’il aurait exercé la même fonction pendant la même période que M. Ceravolo, qui aurait vu le même montant réduit de 47 %.
64 La violation du principe de proportionnalité par rapport à la justification avancée serait d’autant plus évidente si l’on considère que le régime contributif des pensions de retraite a été introduit pour la première fois en Italie le 1 er janvier 1996, et qu’il a été étendu à la majorité des travailleurs à partir du 1 er janvier 2012. En revanche, par les décisions litigieuses, le système contributif serait imposé aux requérants pour ce qui concerne une période de versement des cotisations bien antérieure à l’année 1995, lorsque ce système contributif n’existait pour personne en Italie.
65 Le Parlement fait valoir que les premier à quatrième moyens doivent être rejetés comme étant en partie irrecevables et en partie non fondés.
2. Appréciation de la Cour
a) Observations liminaires
66 Par le premier grief, les requérants contestent, en s’appuyant sur les règles internes du Parlement, le maintien du régime dynamique après l’entrée en vigueur du statut des députés et font valoir qu’un tel régime porte atteinte aux droits acquis à percevoir une pension de retraite.
67 Dès lors, par un tel grief, les requérants contestent, en substance, le bien-fondé de l’interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle cette institution est tenue d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.
68 Il en va de même en ce qui concerne le deuxième grief, pour autant que, par celui-ci, les requérants font valoir que l’application des nouvelles règles de calcul du montant de leur pension n’est conforme ni au principe de sécurité juridique, dans la mesure où ces nouvelles règles portent atteinte aux droits acquis à percevoir une pension, ni au principe de protection de la confiance légitime, celui-ci s’opposant à toute diminution du montant de la pension auquel les requérants devaient pouvoir prétendre en adhérant volontairement au régime instauré par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.
69 En revanche, pour autant que, par le deuxième grief, les requérants reprochent au Tribunal de n’avoir pas tenu compte du fait, premièrement, que le Parlement les a informés tardivement d’une possible application de la décision n o 14/2018, deuxièmement, que celle-ci ne mentionne pas les anciens députés européens concernés et, troisièmement, que la chambre des députés ainsi que le Sénat ont donné des assurances quant à l’immuabilité du droit à pension des requérants, ceux-ci ne critiquent pas, même indirectement, des motifs de l’arrêt attaqué qui constituent le soutien nécessaire de la décision du Tribunal confirmant le bien-fondé de l’interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle cette institution est tenue d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.
70 En ce qui concerne le troisième grief, dans la mesure où, par celui-ci, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir apprécié la conformité des décisions litigieuses au droit de propriété consacré par la Charte au regard non pas d’un objectif reconnu par le droit de l’Union, mais de celui poursuivi par la décision n o 14/2018, ils contestent, en substance, la conformité au droit de l’Union de l’interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle cette institution est tenue d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.
71 En revanche, les requérants ne contestent pas le bien-fondé de l’interprétation des règles internes du Parlement lorsqu’ils reprochent au Tribunal, premièrement, de ne pas avoir précisé la limite au-delà de laquelle une modification du montant de la pension de retraite ne respecte plus le contenu essentiel du droit de propriété et entraîne une violation du droit à pension en tant que tel, deuxièmement, d’avoir jugé que l’objectif invoqué par le Parlement pour justifier l’atteinte à ce droit par les décisions litigieuses est explicitement mentionné dans le préambule de la décision n o 14/2018 et, troisièmement, d’avoir dénaturé la méthode de calcul des pensions prévue par cette décision.
72 S’agissant du quatrième grief, tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité, il y a lieu de relever que, par ce grief, les requérants soutiennent que la décision n o 14/2018 n’est pas conforme à ce principe en raison, premièrement, de la méthode de calcul des pensions prévue par cette décision, deuxièmement, de l’effet que cette méthode produit sur la situation des requérants et, troisièmement, du contexte historique dans lequel ladite décision s’insère. Partant, par un tel grief, les requérants ne contestent pas, même indirectement, l’interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle cette institution est tenue d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.
73 Il s’ensuit qu’il convient d’examiner les premier à quatrième moyens uniquement en ce que, par ceux-ci, les requérants critiquent l’interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle celui-ci est tenu d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés, au motif qu’une telle interprétation, premièrement, ne ressort pas de ces règles, deuxièmement, n’est pas conforme aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, et troisièmement, n’est pas conforme au droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte.
b) Sur le fond
1) Sur la violation alléguée des règles internes du Parlement
74 Les requérants reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir jugé, au point 99 de l’arrêt attaqué, que le Parlement pouvait valablement se fonder sur ses règles internes pour appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.
75 Il convient de relever, tout d’abord, que, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID, « le niveau et les modalités de la pension provisoire sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu ».
76 Ainsi que le Tribunal l’a indiqué, en substance, au point 86 de l’arrêt attaqué, il ressort de l’expression « [l]e niveau et les modalités de la pension provisoire sont identiques » que le Parlement est tenu d’appliquer aux anciens députés européens concernés les règles de calcul des pensions telles qu’elles sont appliquées aux membres du parlement de l’État membre dans lequel ces anciens députés européens ont été élus. En d’autres termes, cette institution est tenue d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.
77 Cette interprétation de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID est conforme à l’objectif que poursuit cette disposition, tel qu’il découle de l’article 1 er , paragraphe 2, de cette annexe.
78 En effet, cette dernière disposition prévoit que seuls peuvent bénéficier de la pension prévue à l’article 2, paragraphe 1, de ladite annexe les anciens députés européens dont le régime de retraite de l’État membre dans lequel ils ont été élus ne prévoit pas de régime de pension, ou dont le niveau et/ou les modalités de calcul de la pension à laquelle ils peuvent prétendre ne sont pas identiques à ceux applicables aux membres du parlement national.
79 Dès lors, l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID a essentiellement pour objectif de permettre aux anciens députés européens se trouvant dans la situation visée à l’article 1 er , paragraphe 2, de cette annexe d’être traités de la même manière que les députés européens dont le régime de pension national prévoyait une pension de retraite dont le niveau et/ou les modalités de calcul étaient identiques à ceux applicables aux membres de leur parlement national.
80 L’interprétation de cette disposition en ce sens qu’elle impose au Parlement d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés a ainsi pour conséquence de soumettre ceux-ci, à l’instar de ces autres anciens députés européens, aux modifications apportées aux règles de calcul du montant des pensions des membres de leur parlement national.
81 En outre, le régime de pension instauré par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID a été maintenu, en vertu des mesures d’application, après l’entrée en vigueur du statut des députés pour ce qui concerne les anciens députés européens concernés qui avaient commencé à percevoir une pension de retraite sur la base de ce régime avant cette entrée en vigueur.
82 L’article 74 des mesures d’application dispose, d’une part, que la réglementation FID expire le jour de l’entrée en vigueur de ce statut, mais aussi, d’autre part, que cette abrogation est sans préjudice des dispositions transitoires prévues au titre IV de ces mesures, et notamment de l’article 75 de celles-ci.
83 Conformément à l’article 75, paragraphe 1, des mesures d’application, les pensions de retraite attribuées en vertu de l’annexe III de la réglementation FID continuent d’être versées aux personnes qui ont bénéficié de ces prestations avant la date d’entrée en vigueur du statut des députés.
84 Ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 88 de l’arrêt attaqué, il doit être déduit du libellé de cette disposition, et plus précisément du caractère impératif de la formulation « continuent d’être versées en application d[e l’annexe III de la réglementation FID] » ainsi que de l’utilisation du présent de l’indicatif dans cette formulation, que le régime dynamique demeure applicable aux anciens députés européens concernés après l’entrée en vigueur du statut des députés.
85 Partant, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit, contrairement à ce que font valoir les requérants, en ayant constaté, au point 81 de l’arrêt attaqué, que les dispositions de l’annexe III de la réglementation FID n’ont pas été abrogées à la suite de l’entrée en vigueur du statut des députés.
86 L’interprétation de l’article 75, paragraphe 1, des mesures d’application selon laquelle le régime dynamique demeure applicable aux anciens députés européens concernés après l’entrée en vigueur du statut des députés n’est infirmée, contrairement à ce que font valoir les requérants, ni par le paragraphe 2 de cette disposition, ni par le considérant 7 des mesures d’application, ni par l’article 28 du statut des députés.
87 S’agissant, d’abord, de l’article 75, paragraphe 2, première phrase, des mesures d’application, celui-ci prévoit que « les droits à pension de retraite acquis jusqu’à la date d’entrée en vigueur du statut [des députés] en application de l’annexe III [de la réglementation FID] restent acquis ».
88 Or, il ne saurait être déduit de cette disposition aucune garantie, contrairement à ce que font valoir les requérants, ni quant au versement d’une pension de retraite calculée sur la base des règles de calcul des pensions nationales applicables au jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, ni d’un montant de pension fixe et immuable au moment de l’adhésion au régime de pension instauré par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID.
89 Le Tribunal a, à juste titre, relevé, au point 146 de l’arrêt attaqué, que le statut des députés et les mesures d’application ont instauré deux régimes de pension successifs qui impliquent deux types de droits à pension, à savoir, d’une part, les droits à pension de retraite acquis jusqu’au 14 juillet 2009, date de l’entrée en vigueur dudit statut, sur la base des règles internes du Parlement, et, d’autre part, les droits à pension d’ancienneté acquis depuis cette date, sur le fondement de l’article 49 des mesures d’application.
90 Dans ce contexte, l’article 75, paragraphe 1, des mesures d’application s’applique, ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 92 de l’arrêt attaqué, aux anciens députés européens concernés, dont certains des requérants, qui ont versé au budget de l’Union des cotisations au titre de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe III de la réglementation FID et avaient commencé à percevoir une pension de retraite avant l’entrée en vigueur du statut des députés, alors que l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application s’applique aux députés européens, qui, tout en ayant eux aussi versé de telles cotisations, n’avaient pas encore commencé à percevoir une pension de retraite au jour de l’entrée en vigueur du statut des députés.
91 En effet, conformément à la seconde phrase de l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application, « [l]es personnes qui ont acquis des droits en [application de l’annexe III de la réglementation FID] bénéficient d’une pension calculée sur la base de leurs droits acquis en application de [cette annexe], dès lors qu’elles remplissent les conditions prévues à cet effet par la législation nationale de l’État membre concerné et qu’elles ont déposé la demande visée à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe III précitée ».
92 Dans la mesure où l’article 75, paragraphe 2, seconde phrase, des mesures d’application prévoit des conditions que les anciens députés européens doivent remplir pour bénéficier d’une pension calculée sur la base de leurs droits acquis en application de l’annexe III de la réglementation FID, cette disposition n’a pas vocation à s’appliquer aux anciens députés européens qui ont commencé à bénéficier d’une pension en application de cette annexe avant l’entrée en vigueur du statut des députés, tels que les requérants.
93 Par ailleurs, en ce que la seconde phrase de l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application prévoit que les anciens députés européens concernés bénéficient d’une pension de retraite en application de l’annexe III de la réglementation FID sur la base des droits acquis, la notion de « droits à pension de retraite acquis », au sens de cet article 75, paragraphe 2, doit être comprise, ainsi que le Tribunal l’a souligné à bon droit, en substance, au point 91 de l’arrêt attaqué, comme visant les droits à pension résultant des cotisations payées à titre individuel par chacun des anciens députés européens concernés et qui constituent la base de calcul de la pension de retraite qui leur est servie au titre de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID. Cette notion ne saurait dès lors être comprise en ce sens qu’elle ferait référence à un prétendu droit de percevoir un montant fixe et immuable de pension de retraite, calculé sur la base des règles nationales en vigueur au moment de l’entrée en vigueur du statut des députés ou lors de l’adhésion au régime de pension instauré par cette disposition.
94 En ce qui concerne, ensuite, le considérant 7 des mesures d’application, celui-ci énonce, d’une part, que « les personnes jouissant de certaines prestations accordées sur la base de la réglementation FID [doivent pouvoir] continuer à en bénéficier après l’abrogation de cette réglementation, conformément au principe de [protection de la] confiance légitime » et, d’autre part, qu’« il convient également de garantir le respect des droits à pension acquis sur la base de la réglementation FID avant l’entrée en vigueur du statut [des députés] ».
95 Il découle de ce considérant que celui-ci précise que les prestations accordées en vertu de cette réglementation continuent d’être versées, sans qu’il puisse en être déduit que cette réglementation cesserait de s’appliquer après ladite date.
96 Ainsi, la notion de « droits à pension acquis » a la même portée dans ce considérant que celle qu’elle revêt à l’article 75, paragraphe 2, des mesures d’application, telle que précisée au point 93 du présent arrêt.
97 C’est dans ce contexte d’examen des règles internes du Parlement que le Tribunal a pu constater, au point 90 de l’arrêt attaqué, sans commettre d’erreur de droit, que les règles internes du Parlement ne portent pas atteinte aux droits à pension acquis.
98 S’agissant, enfin, de l’article 28 du statut des députés, ainsi que le Tribunal l’a relevé à bon droit au point 93 de l’arrêt attaqué, cette disposition s’applique aux droits à pension que les anciens députés européens ont acquis en vertu non pas de l’annexe III de la réglementation FID, mais de régimes de pension nationaux. En tant que telle, cette disposition n’a pas d’incidence, contrairement à ce que font valoir les requérants, sur l’interprétation de l’article 75, paragraphe 1, des mesures d’application.
99 Dès lors, il ressort tant du libellé que du contexte et de la finalité des règles internes du Parlement que, au point 99 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit lorsqu’il a jugé que le Parlement avait valablement pu se fonder sur ses règles internes pour appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.
2) Sur la violation alléguée des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique ainsi que du droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte
100 Les requérants soutiennent que l’interprétation des règles internes du Parlement retenue par le Tribunal contrevient aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique ainsi qu’au droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte.
101 Selon un principe général d’interprétation, un acte de l’Union doit être interprété, dans la mesure du possible, d’une manière qui ne remette pas en cause sa validité et en conformité avec l’ensemble du droit primaire et, notamment, avec les dispositions de la Charte. Ainsi, lorsqu’un texte du droit dérivé de l’Union est susceptible de plus d’une interprétation, il convient de donner la préférence à celle qui rend la disposition conforme au droit primaire plutôt qu’à celle conduisant à constater son incompatibilité avec celui-ci (arrêt du 21 juin 2022, Ligue des droits humains , C‑817/19, EU:C:2022:491, point 86 et jurisprudence citée).
102 En ce qui concerne, d’abord, le principe de protection de la confiance légitime, les requérants font valoir que le fait qu’ils ont adhéré au régime de pension instauré par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID leur garantit, en vertu de ce principe, que le montant de leur pension de retraite soit calculé selon les modalités en vigueur au moment de leur adhésion à ce régime.
103 Selon la jurisprudence de la Cour, nul ne peut invoquer utilement une violation dudit principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration. La possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à toute personne à l’égard de laquelle une institution a fait naître des espérances fondées. Constituent à cet égard des assurances susceptibles de faire naître de telles espérances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels, concordants et émanant de sources autorisées et fiables (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2019, Deza/ECHA , C‑419/17 P, EU:C:2019:52, points 69 et 70 ainsi que jurisprudence citée).
104 En revanche, lorsqu’une personne prudente et avisée est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à porter atteinte à ses intérêts, elle ne saurait invoquer le bénéfice du principe de protection de la confiance légitime lorsque cette mesure est adoptée (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2019, Deza/ECHA , C‑419/17 P, EU:C:2019:52, point 71 et jurisprudence citée).
105 Le fait que les requérants ont adhéré au régime de pension instauré par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID ne leur a pas pour autant ouvert le droit de percevoir un montant de pension de retraite prévisible, fixe et immuable, au moment de leur adhésion à ce régime. En effet, comme le Tribunal l’a jugé à bon droit aux points 211 et 212 de l’arrêt attaqué, la seule assurance, précise et inconditionnelle, que le Parlement était en mesure de leur donner était celle que, en application de ses règles internes, ils percevraient une pension de retraite dont le niveau et les modalités seraient identiques à ceux qui étaient applicables aux membres du parlement de l’État membre dans lequel ils ont été élus, conformément au régime dynamique.
106 Il s’ensuit que l’interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle celui-ci est tenu d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés est conforme au principe de protection de la confiance légitime.
107 S’agissant, ensuite, du droit de propriété, les requérants font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, au point 171 de l’arrêt attaqué, lorsqu’il a considéré que l’appréciation de l’objectif d’intérêt général poursuivi par les décisions litigieuses ne pouvait faire abstraction des buts ayant présidé à l’adoption de la décision n o 14/2018.
108 Il y a lieu de rappeler que, au point 163 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, même si les décisions litigieuses n’emportent pas une privation pure et simple des pensions des requérants, il n’en demeure pas moins qu’elles en réduisent le montant, restreignant ainsi leur droit de propriété.
109 Par la suite, aux points 164 à 179 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné si cette restriction répondait aux exigences de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, rappelées au point 157 de cet arrêt. À cet égard, au point 171 dudit arrêt, le Tribunal a jugé que l’appréciation de l’objectif d’intérêt général poursuivi par les décisions litigieuses ne pouvait être menée sans avoir égard aux buts ayant présidé à l’adoption de la décision n o 14/2018. C’est dans cette mesure que, au terme de l’examen de la conformité de ces décisions au droit de propriété, auquel il s’est livré, aux points 172 à 178 du même arrêt, en tenant compte de ces buts, le Tribunal a décidé, au point 180 de celui-ci, que le grief tiré de la violation du droit de propriété devait être rejeté.
110 Selon la jurisprudence de la Cour, la portée de ce droit doit, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, être déterminée en tenant compte de l’article 1 er du protocole additionnel n o 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, qui consacre ledit droit (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a. , C‑258/14, EU:C:2017:448, point 49).
111 Il découle de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que les droits découlant du versement de cotisations à un régime de sécurité sociale constituent des droits patrimoniaux aux fins de cet article 1 er (arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a. , C‑258/14, EU:C:2017:448, point 50).
112 En outre, une réduction du montant d’une pension de retraite qui est susceptible d’avoir un effet sur la qualité de vie de l’intéressé constitue une restriction de son droit de propriété (voir, en ce sens, Cour EDH, 1 er septembre 2015, Da Silva Carvalho Rico c. Portugal, CE:ECHR:2015:0901DEC001334114, § 33).
113 Dans la mesure où l’interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle celui-ci est tenu d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés est susceptible de conduire à une telle réduction du montant de la pension de ces derniers, cette interprétation peut conduire à une restriction du droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte.
114 Or, le droit de propriété n’est pas absolu et son exercice peut donc faire l’objet de restrictions, pourvu, notamment, que celles-ci soient justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a. , C‑258/14, EU:C:2017:448, point 51 ainsi que jurisprudence citée).
115 En effet, en vertu de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation du droit de propriété consacré à l’article 17 de celle-ci est conforme à cette dernière disposition pour autant qu’elle soit prévue par la loi, qu’elle respecte le contenu essentiel du droit de propriété et, dans le respect du principe de proportionnalité, qu’elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.
116 À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que l’exigence selon laquelle toute limitation de l’exercice des droits fondamentaux doit être prévue par la loi implique que l’acte qui permet l’ingérence dans ces droits doit définir lui‑même la portée de la limitation de l’exercice du droit concerné, étant précisé, d’une part, que cette exigence n’exclut pas que la limitation en cause soit formulée dans des termes suffisamment ouverts pour pouvoir s’adapter à des cas de figure différents ainsi qu’aux changements de situation et, d’autre part, que la Cour peut, le cas échéant, préciser, par voie d’interprétation, la portée concrète de la limitation au regard tant des termes mêmes de la réglementation de l’Union en cause que de son économie générale et des objectifs qu’elle poursuit, tels qu’interprétés à la lumière des droits fondamentaux garantis par la Charte (arrêt du 21 juin 2022, Ligue des droits humains , C‑817/19, EU:C:2022:491, point 114).
117 Ainsi qu’il est relevé au point 99 du présent arrêt, il ressort tant du libellé que du contexte et de la finalité des règles internes du Parlement, qui ont une portée générale à l’égard des députés européens et peuvent donc être considérées comme étant l’équivalent, sur le plan interne de cette institution, d’une « loi », au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte [voir, par analogie, avis 1/15 ( Accord PNR UE-Canada ), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, points 145 et 146], que ladite institution est tenue d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.
118 En deuxième lieu, le Tribunal a, en sa qualité de juge du fond et sans commettre d’erreur de droit, pu constater aux points 160 et 179 de l’arrêt attaqué que les requérants n’avaient pas apporté d’éléments concrets susceptibles de démontrer que la réduction du montant de leurs pensions portait atteinte au contenu essentiel de leur droit de propriété ou devait être qualifiée de disproportionnée.
119 S’agissant, en troisième lieu, du point de savoir si le régime dynamique et les réductions des montants des pensions pouvant en résulter sont nécessaires et répondent effectivement à un ou à plusieurs objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union, il y a lieu de constater que le Tribunal a commis une erreur de droit, au point 171 de l’arrêt attaqué, lorsqu’il a considéré que, compte tenu de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID, l’adoption des décisions litigieuses était nécessairement tributaire des choix posés par les autorités italiennes compétentes, de telle sorte que « l’appréciation de l’objectif d’intérêt général poursuivi [par les décisions litigieuses] ne [pouvait] faire abstraction des buts ayant présidé à l’adoption de la décision n o 14/2018 ».
120 En effet, les objectifs poursuivis par la décision n o 14/2018, applicable aux anciens députés européens concernés en vertu du régime dynamique, sont de nature purement nationale. En tant que tels, ils ne sont, dès lors, pas susceptibles de justifier une réduction du montant des pensions de retraite, ces sommes étant versées au titre d’un régime de pension instauré en vertu non pas du droit national, mais du droit de l’Union, et étant à charge du budget de l’Union.
121 C’est, partant, également à tort que, aux points 172 à 178 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a pris en considération les objectifs poursuivis par cette décision nationale aux fins d’examiner si l’atteinte au droit de propriété des requérants, induite par les décisions litigieuses, était justifiée.
122 Il importe, cependant, de rappeler que, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cet arrêt et il y a lieu de procéder à une substitution de motifs et de rejeter le pourvoi (arrêt du 14 décembre 2023, Commission/Amazon.com e.a. , C‑457/21 P, EU:C:2023:985, point 51 ainsi que jurisprudence citée).
123 Il convient dès lors de vérifier si le rejet du grief tiré d’une violation du droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte apparaît fondé pour des motifs de droit autres que ceux entachés de l’erreur identifiée aux points 119 et 121 du présent arrêt.
124 À cet égard, il y a lieu de relever que l’application du régime dynamique aux anciens députés européens se trouvant dans la situation visée à l’article 1 er , paragraphe 2, de l’annexe III de la réglementation FID poursuit un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, dans la mesure où elle vise, ainsi qu’il ressort du point 79 du présent arrêt, à traiter de la même manière, d’une part, les députés européens qui soit ne bénéficiaient pas d’un régime de pension dans l’État membre dans lequel ils avaient été élus, soit bénéficiaient d’un régime de pension dont le niveau et/ou les modalités de calcul de la pension n’étaient pas identiques à ceux applicables aux membres du parlement national et, d’autre part, les députés européens dont le régime de pension national prévoyait un tel niveau et/ou des modalités de calcul de la pension identiques à ceux applicables aux membres du parlement national.
125 L’application du régime dynamique aux anciens députés européens concernés répond effectivement à cet objectif d’égalité de traitement, dès lors qu’elle a pour effet que les deux catégories de députés européens mentionnées au point précédent sont soumises, en tout temps, aux règles nationales relatives au calcul des pensions de retraite des membres du parlement de l’État membre concerné.
126 Cette application était, en outre, nécessaire pour atteindre ledit objectif, seul un alignement du niveau et/ou des modalités de calcul de la pension tel que celui prévu à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III de la réglementation FID, lu en combinaison avec l’article 1 er , paragraphe 2, de cette annexe, pouvant conduire à l’égalité de traitement entre lesdites catégories de députés européens.
127 Il apparaît ainsi que, nonobstant l’erreur de droit identifiée aux points 119 et 121 du présent arrêt, le rejet du grief tiré d’une violation du droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte est fondé, la restriction du droit de propriété en cause satisfaisant à l’ensemble des conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.
128 S’agissant, enfin, du principe de sécurité juridique, les requérants soutiennent que la distinction entre les « droits à pension acquis » et les « montants des pensions », telle qu’opérée par le Tribunal, conduit à la conclusion erronée selon laquelle le régime dynamique est conforme à ce principe.
129 Dans le cadre de son examen de la conformité des décisions litigieuses au principe de sécurité juridique, le Tribunal a rappelé, au point 196 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait déjà des points 81 à 97 de cet arrêt que les « droits à pension acquis » devaient être distingués des « montants des pensions ». Le Tribunal a indiqué, à cet égard, que, si les « droits à pension » sont définitivement acquis et ne peuvent être modifiés, et si les pensions de retraite continuent d’être versées, rien ne s’opposait à ce que les montants de ces pensions soient adaptés à la hausse ou à la baisse, ce que le Parlement était tenu de faire en l’espèce, eu égard à son obligation d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés.
130 Au point 206 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu son analyse en jugeant que les requérants n’avaient pas démontré que le principe de sécurité juridique avait été méconnu en l’espèce. En effet, les règles internes du Parlement impliquaient que les nouveaux montants des pensions de retraite des requérants entraient en vigueur au 1 er janvier 2019. Or, le Tribunal a rappelé que ces règles internes étaient largement antérieures au 1 er janvier 2019, et non pas postérieures à cette date. De plus, les requérants n’avaient ni établi ni soutenu que le Parlement avait appliqué ces nouveaux montants avant le 1 er janvier 2019, c’est-à-dire avant la date retenue à cet effet par la décision n o 14/2018. Enfin, selon le Tribunal, le Parlement avait, dès le mois de janvier 2019, informé les requérants d’une possible application des règles énoncées dans la décision n o 14/2018 à leur égard, ce que cette institution leur aurait confirmé au mois de février 2019. Le Tribunal en a déduit que les requérants avaient été mis au courant de la modification des règles applicables au calcul du montant de leur pension de retraite avant que les décisions litigieuses ne soient adoptées.
131 Il convient de rappeler à cet égard que le principe de sécurité juridique exige qu’une réglementation de l’Union permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose et que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêt du 9 novembre 2023, Global Silicones Council e.a./Commission , C‑558/21 P, EU:C:2023:839, point 99 et jurisprudence citée).
132 Ainsi, les lois nouvelles, qui apportent des modifications à la loi ancienne, s’appliquent, sauf dérogation, aux effets futurs des situations nées sous l’empire de cette dernière. Il n’en va autrement que pour les situations nées et définitivement réalisées sous l’empire de la loi ancienne, qui créent des droits acquis. Un droit est considéré comme acquis lorsque le fait générateur de celui-ci s’est produit avant la modification législative. Tel n’est pas le cas d’un droit dont le fait constitutif ne s’est pas réalisé sous l’empire de la législation qui a été modifiée (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2023, Grossetête/Parlement , C‑714/21 P, EU:C:2023:187, point 84 et jurisprudence citée).
133 En ce qui concerne, en particulier, le droit de percevoir une pension de retraite, celui-ci ne peut être considéré comme étant acquis, en principe, qu’au moment où le fait générateur de ce droit intervient, c’est-à-dire au moment où la pension devient exigible (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2023, Grossetête/Parlement , C‑714/21 P, EU:C:2023:187, points 85 à 87).
134 Cela n’implique cependant pas que toute modification apportée aux modalités de calcul d’une pension qui entraîne une réduction de ce montant, appliquée sur le fondement d’une réglementation adoptée après que cette pension est devenue exigible, constitue une atteinte à ces droits acquis.
135 Il y a lieu de rappeler, à cet égard, qu’il n’existe pas, en droit de l’Union, de principe selon lequel les droits acquis ne sauraient en aucun cas être modifiés ou réduits. Il est possible, sous certaines conditions, de modifier de tels droits (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2023, Grossetête/Parlement , C‑714/21 P, EU:C:2023:187, points 88 et 89).
136 En l’espèce, le Tribunal a pu conclure à bon droit, sur le fondement des éléments visés notamment au point 206 de l’arrêt attaqué, que l’application du régime dynamique, telle que prévue par l’annexe III de la réglementation FID et l’article 75 des mesures d’application, est compatible avec le principe de sécurité juridique.
137 Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter les premier à quatrième moyens, dans la mesure où, par ceux-ci, les requérants contestent l’interprétation des règles internes du Parlement selon laquelle celui-ci est tenu d’appliquer le régime dynamique aux anciens députés européens concernés, comme étant, pour partie, non fondés et, pour partie, inopérants.
C. Sur le cinquième moyen, tiré de l’interprétation erronée de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement
1. Argumentation des parties
138 Les requérants font valoir que, aux points 70 à 72 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a erronément conclu que le chef d’unité était compétent pour adopter les décisions litigieuses, dès lors qu’il était titulaire d’une subdélégation régulière.
139 D’une part, il ressortirait des informations fournies lors de l’audience devant le Tribunal que les décisions litigieuses auraient en réalité été adoptées par le service juridique du Parlement, ledit chef d’unité s’en étant remis à l’appréciation de ce service et n’ayant effectué lui-même aucune analyse ou élaboré aucune motivation propre. D’autre part, les décisions litigieuses auraient dû être adoptées par le bureau du Parlement, dès lors qu’elles constitueraient des actes d’administration extraordinaire. En effet, ces décisions relevant d’une situation nouvelle, complexe et imprévue, confirmée par ailleurs par l’engagement du service juridique du Parlement, leur conformité aux normes et aux principes de rang supérieur de l’ordre juridique de l’Union auraient dû être vérifiée avant qu’elles ne soient adoptées. Dès lors, il ne s’agirait pas de décisions purement techniques, susceptibles d’être déléguées à un chef d’unité.
140 Le Parlement soutient que le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
2. Appréciation de la Cour
a) Observations liminaires
141 Par le cinquième moyen, les requérants contestent, notamment, la compétence du chef d’unité pour adopter les décisions litigieuses. Eu égard à la jurisprudence rappelée au point 37 du présent arrêt, il convient d’examiner le bien-fondé de ce grief, dès lors que, par celui-ci, les requérants invoquent une illégalité qui risque d’être répétée à l’avenir.
142 En revanche, le grief, également soulevé dans le cadre de ce cinquième moyen, par lequel les requérants reprochent au chef d’unité de n’avoir élaboré aucune analyse ou motivation autre que celle contenue dans l’avis du service juridique, revient à présenter à la Cour une assertion factuelle que celle-ci ne saurait, en l’absence d’un argument tiré d’une dénaturation des faits ou d’une erreur de droit commise par le Tribunal, examiner dans le cadre du pourvoi.
143 En effet, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 28 septembre 2023, Changmao Biochemical Engineering/Commission , C‑123/21 P, EU:C:2023:708, point 121 et jurisprudence citée).
144 Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être examiné au fond pour autant qu’il comporte un grief tiré de l’incompétence dudit chef d’unité pour adopter les décisions litigieuses, et que ce moyen est irrecevable pour le surplus.
b) Sur le fond
145 Il convient de relever que le Tribunal a constaté, au point 71 de l’arrêt attaqué, que le chef d’unité avait été désigné ordonnateur subdélégué pour la ligne budgétaire 1030, relative aux pensions d’ancienneté visées par l’annexe III de la réglementation FID, par la décision FINS/2019-01 du directeur général des finances du Parlement du 23 novembre 2018 et que cette décision indique expressément que le chef d’unité est autorisé à procéder, notamment, à l’établissement des engagements juridiques et des engagements budgétaires, à la liquidation des dépenses et à l’ordonnancement des paiements, mais aussi à l’établissement des prévisions de créances, à la constatation des droits à recouvrer et à l’émission des ordres de recouvrement.
146 Au point 72 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a notamment relevé que les règles fixées par les mesures d’application et par la réglementation FID, telles qu’elles ont été adoptées par le bureau du Parlement, n’ont pas été modifiées par le chef d’unité, mais qu’elles ont seulement été mises en œuvre par lui.
147 Dans ces circonstances, le Tribunal a jugé, au point 73 de l’arrêt attaqué, que le chef d’unité était compétent pour adopter les décisions litigieuses.
148 Dans la mesure où la décision FINS/2019-01 du directeur général des finances du Parlement du 23 novembre 2018 autorise le chef d’unité à procéder notamment à l’établissement des engagements juridiques et des engagements budgétaires, à la liquidation des dépenses et à l’ordonnancement des paiements, mais aussi à l’établissement des prévisions de créances, à la constatation des droits à recouvrer et à l’émission des ordres de recouvrement, elle est rédigée de manière suffisamment large pour englober les situations invoquées par les requérants, à savoir des situations nouvelles, complexes et imprévues dans les domaines délégués.
149 En outre, les requérants ne font pas valoir que cette décision comporte une réserve relative à la compétence pour appliquer le droit primaire de l’Union et, notamment, les dispositions de la Charte, dans le cadre de l’adoption des décisions relevant de ces domaines.
150 Par ailleurs, l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement ne comporte, contrairement à ce que font valoir les requérants, aucune réserve de compétence en la matière au profit du bureau du Parlement. En effet, aux termes de cette disposition, « [l]e bureau du Parlement règle les questions financières, d’organisation et administratives concernant les députés sur proposition du secrétaire général de cette institution ou d’un groupe politique ». Une prétendue distinction entre les actes d’administration extraordinaire, dont l’adoption serait réservée au bureau du Parlement et les actes d’administration ordinaire, lesquels auraient été délégués au chef d’unité, ne saurait non plus être déduite de ladite disposition.
151 Partant, le grief tiré de l’incompétence du chef d’unité est non fondé.
152 Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.
D. Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans le cadre de son appréciation de la motivation des décisions litigieuses
1. Argumentation des parties
153 Les requérants reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit lors de l’appréciation de la motivation des décisions litigieuses.
154 Le Parlement ayant l’obligation d’examiner la compatibilité avec les normes de rang supérieur du droit de l’Union, cet examen aurait dû être accompagné d’une motivation à cet égard. L’avis du service juridique, invoqué par le Parlement ne suffirait pas à cette fin, dès lors que, d’une part, il ne serait pas mentionné dans les décisions litigieuses ni annexé à celles-ci et, d’autre part, il ne contiendrait qu’un examen très partiel et sommaire du respect des normes de rang supérieur et des principes fondamentaux de l’Union.
155 En outre, aux points 57 et 178 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait commis une erreur en considérant que l’article 1 er , paragraphe 7, de la décision n o 14/2018 garantissait la proportionnalité globale de l’intervention, en permettant d’augmenter le montant de la pension de personnes qui ne perçoivent pas d’autres revenus annuels et qui sont atteintes d’une maladie grave. Ces augmentations auraient une portée limitée et cette disposition de la décision n o 14/2018 ne serait pas susceptible de constituer une clause de sauvegarde valable en faveur des autres personnes, non visées par celle-ci. Par ailleurs, ladite disposition aurait été annulée par le conseil de juridiction de la chambre des députés, de sorte que le Tribunal aurait fondé son appréciation de la proportionnalité sur une disposition inexistante.
156 Le Parlement fait valoir que le sixième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable et, à titre subsidiaire, comme étant non fondé.
2. Appréciation de la Cour
a) Observations liminaires
157 Par le sixième moyen, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir omis de constater que le Parlement a méconnu son obligation de motiver les décisions litigieuses. Selon les requérants, le Parlement devait non seulement vérifier si l’application de la décision n o 14/2018 était compatible avec le droit de l’Union, mais également indiquer, expressément, dans les décisions litigieuses, les raisons pour lesquelles il estimait que tel était le cas. Le Tribunal aurait, à tort, qualifié de pertinente l’analyse de la décision n o 14/2018 figurant dans l’avis du service juridique et portant notamment sur la proportionnalité de cette décision.
158 Ce moyen concerne l’interprétation des règles internes du Parlement, dès lors qu’il vise à contester que, en vertu de ces règles, un régime national de pension puisse automatiquement être appliqué aux anciens députés européens, sans évaluation motivée de la compatibilité d’une telle application avec le droit de l’Union.
159 Partant, il y a lieu d’examiner le sixième moyen au fond.
b) Sur le fond
160 Ainsi qu’il résulte de l’examen des premier à quatrième moyens du présent pourvoi, le Tribunal a pu, à bon droit, constater aux points 86 et 89 de l’arrêt attaqué que le Parlement était tenu d’appliquer, aux requérants, les mêmes règles relatives au niveau et aux modalités des pensions que celles fixées par le droit italien.
161 C’est également à bon droit que le Tribunal a indiqué, dans ces mêmes points, que le Parlement peut s’affranchir de cette obligation dans l’hypothèse où une telle application conduirait à violer une norme de rang supérieur du droit de l’Union, telle qu’un principe général de ce droit ou une disposition de la Charte.
162 Si les requérants soulignent, dès lors, à juste titre qu’il incombe au Parlement de s’assurer que l’application de ses règles internes, consistant à adapter les pensions de ses anciens députés en fonction de l’évolution des régimes nationaux, ne se heurte pas aux principes généraux du droit de l’Union ou à la Charte, il n’en résulte pas pour autant que les décisions litigieuses devaient exposer les raisons pour lesquelles le Parlement estimait que l’adaptation en cause était compatible avec ces principes et avec la Charte.
163 Il convient de rappeler, à cet égard, que l’exigence de motivation des actes juridiques de l’Union, prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est donc pas exigé que la motivation d’un acte spécifie tous les éléments de fait et de droit qui pourraient être considérés comme étant pertinents [arrêt du 30 janvier 2024, Agentsia « Patna infrastruktura » (Financement européen d’infrastructures routières) , C‑471/22, EU:C:2024:99, point 26 et jurisprudence citée].
164 Au regard de cette jurisprudence, il doit certes être considéré qu’il incombait à l’auteur des décisions litigieuses d’exposer dans celles-ci les raisons, tenant aux règles internes du Parlement, qui amenaient cette institution à adapter les pensions des destinataires de ces décisions.
165 En revanche, il ne pouvait être exigé de la part de cet auteur qu’il précise, par ailleurs, pour quelles raisons le Parlement considérait que ni les principes généraux du droit de l’Union ni la Charte ne s’opposaient à sa décision. Conférer une telle portée à l’exigence de motivation reviendrait à obliger l’auteur de l’acte d’exposer non seulement les raisons de sa décision, mais également les raisons pour lesquelles il a estimé qu’il n’y avait pas lieu de s’abstenir d’adopter celle-ci. Or, sous réserve de situations particulières qui sont étrangères au cas d’espèce, il ne saurait être considéré qu’il est nécessaire, aux fins de comprendre la motivation de l’auteur de l’acte, que celui-ci fournisse une analyse de la compatibilité de sa décision avec les principes généraux du droit de l’Union et avec la Charte.
166 Il s’ensuit que le sixième moyen est non fondé.
167 Tous les moyens avancés par les requérants à l’appui de leur pourvoi ayant été écartés, il y a lieu de rejeter ce dernier dans son intégralité.
VI. Sur les dépens
168 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
169 Les requérants ayant succombé en leurs moyens et le Parlement ayant conclu à leur condamnation aux dépens, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Parlement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) MM. Giacomo Santini, Marco Cellai, Domenico Ceravolo, Natalino Gatti, M me Rosa Maria Avitabile, en qualité d’héritière de M. Antonio Mazzone, MM. Luigi Moretti, Gabriele Sboarina, M mes Lina Wuhrer, Patrizia Capraro et Luciana Meneghini, en qualité d’héritière de M. Ferruccio Pisoni, sont condamnés à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen.
Signatures
* Langue de procédure : l’italien.