KIBRIS TÜRK ORTA EǦITIM ÖǦRETMENLER SENDIKASI v. TÜRKİYE
Doc ref: 63471/14 • ECHR ID: 001-230991
Document date: January 17, 2024
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Publié le 5 février 2024
DEUXIÈME SECTION
Requête n o 63471/14 KIBRIS TÜRK ORTA EǦITIM ÖǦRETMENLER SENDIKASI contre la Türkiye introduite le 9 septembre 2014 communiquée le 17 janvier 2024
OBJET DE L’AFFAIRE
La requête concerne la violation alléguée du droit à la liberté d’association et à la liberté syndicale du syndicat requérant à raison du fait que sa décision de grève a été rendue inefficace par une décision administrative et du refus de la Cour administrative suprême d’examiner le fond de l’affaire.
Le Syndicat chypriote turc des enseignants de l’enseignement secondaire ( Kıbrıs Türk Orta Eğitim Öğretmenler Sendikası ) fut fondé en 1968.
Le 22 novembre 2011, le syndicat décida de faire grève contre la décision du Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports de la « République turque de Chypre du Nord », qui avait décidé de modifier le programme d’enseignement d’un lycée professionnel et d’ouvrir un département de théologie.
Le 25 novembre 2011, le ministère nomma Z.A., professeur de culture religieuse et de savoirs moraux, à l’école où se poursuivait la grève. Le 1 er décembre 2011, après que Z.A. a été identifié par les responsables syndicaux comme travaillant à l’école, ceux-ci déposèrent une plainte pénale auprès de la police, affirmant que l’action administrative qui a rendu inefficace la grève constituait un délit au sens de la législation nationale. Toutefois aucune suite ne fut donnée à cette plainte.
Les 5 et 9 décembre 2011, le syndicat requérant intenta une action devant la Cour administrative suprême en demandant la suspension et l’annulation de l’action administrative au motif que la grève avait été rendue inefficace par la nomination d’un enseignant extérieur à l’école par le ministère. Dans sa requête, le requérant expliqua que la procédure de nomination de nouveaux membres du personnel pendant la grève était contraire à l’article 6 § 3 de la loi n o 42/1996 et qu’en embauchant Z.A., la grève avait été rendue inefficace par l’administration. À une date non identifiée, le syndicat renonça à sa demande de sursis à l’exécution afin de procéder à l’examen au fond de l’affaire dans un délai plus court.
Le 11 mars 2014, la Cour administrative suprême tint une audience pendant laquelle les parties soumirent leurs observations. Le syndicat réitéra le retrait de sa demande quant aux mesures provisoires. Il pria la Cour, dans un premier temps, d’accepter la reformulation de sa demande puisque le professeur Z.A. avait été muté dans une autre école le 17 septembre 2012, et lui demanda de déclarer que la décision de nommer un enseignant de l’extérieur pendant que le syndicat était en grève était nulle et non avenue et d’annuler cette décision. Le syndicat soutint qu’il avait un intérêt juridique à voir cette décision annulée, que c’était le syndicat qui avait payé les salaires de grévistes pendant toute la durée de la grève, qu’en droit interne et international des droits de l’homme un acte illégal nécessitait une compensation ; que cette compensation ne devait pas être forcément pécuniaire et qu’il pourrait s’agir également de la reconnaissance de la violation du droit en question. À l’issue de l’audience, la Cour rejeta la demande du requérant. Elle nota que l’enseignent Z.A. avait été muté le 17 septembre 2012, que l’intérêt juridique au moment de l’introduction de l’affaire devait exister encore au moment où une décision était prise, et que, par conséquent, il n’avait pas en l’occurrence un intérêt juridique actuel.
Invoquant l’article 11 de la Convention, le syndicat requérant soutient que le fait que l’administration a nommé un enseignant de l’extérieur pendant la grève qu’il avait organisé a violé ses droits garantis par l’article 11. Il explique que bien que A.A. et H.G. travaillaient à l’école en tant qu’enseignants de culture religieuse et de savoirs moraux au moment de la grève, la nomination d’une personne extérieure en tant qu’enseignant dans le même département violait l’article 6 § 3 de la loi n o 42/1996 sur la négociation collective, les grèves et les référendums dans la mesure où cet acte administratif violait l’obligation des États d’autoriser et de permettre les actions syndicales afin de protéger leurs intérêts professionnels.
QUESTIONS AUX PARTIES
1. Le syndicat requérant peut-il prétendre avoir le statut de victime alors que le professeur Z.A. avait déjà été muté dans une autre école au moment de la décision de la Cour administrative suprême ?
2. a) La nomination d’un enseignant de l’extérieur pendant que le syndicat menait une grève, malgré les dispositions l’article 6 § 3 de la loi n o 42/1996, a-t-il constitué une ingérence dans son droit à la liberté d’association et son droit d’exercer ses activités syndicales au sens de l’article 11 de la Convention ?
b) Dans l’affirmative :
- cette ingérence a-t-elle respecté la condition « prévue par la loi », au sens de l’article 11 de la Convention ?
- l’ingérence poursuivait-elle un but légitime ?
- cette ingérence a-t-elle respecté un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux du requérant ?
c) Autrement dit, le syndicat requérant a-t-il pu jouir pleinement de la liberté d’association et de la liberté syndicale à raison de la nomination d’un enseignant de l’extérieur alors que ses membres étaient en grève (voir, mutatis mutandis, Chassagnou et autres c. France [GC], n os 25088/94, 28331/95 et 28443/95, § 114, CEDH 1999 ‑ III) ?
d) Par ailleurs, les juridictions internes ont-elles effectué une mise en balance des différents intérêts en présence, ont-elles fourni des motifs pertinents et suffisants relatifs à l’existence de « l’ingérence » et à sa justification, et ont-elles fondé leurs conclusions sur une appréciation acceptable des faits pertinents (voir Makhmoudov c. Russie , n o 35082/04, §§ 63-65, 26 juillet 2007, Annenkov et autres c. Russie , n o 31475/10, §§ 131 et 134 ‑ 139, 25 juillet 2017, et Öğrü et autres c. Turquie , n os 60087/10 et 2 autres, §§ 64-71, 19 décembre 2017) ?