REKVÉNYI v. HUNGARYOPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE M. J.-C. GEUS,
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Document date: July 9, 1998
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OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE M. J.-C. GEUS,
A LAQUELLE MME G.H. THUNE, M. M.A. NOWICKI
et M. M. VILA AMIGO DECLARENT SE RALLIER
A mon grand regret, je ne peux me rallier à l'avis de la majorité de la Commission quant à l'absence de violation de l'article 11 de la Convention.
La seconde phrase du paragraphe 2 de cette disposition permet certes d'imposer aux policiers des restrictions à l'exercice de leur droit d'association pouvant aller jusqu'à l'interdiction de celui-ci. Encore faut-il que ces restrictions soient légitimes, c'est-à-dire conformes à la loi nationale et exemptes d'arbitraire (Commission européenne des Droits de l'Homme, req . no. 11603/85, déc. 20.01.1987, D.R. 50, p. 228). Ceci implique, en premier lieu, d'examiner si la loi est suffisament précise.
La notion de "parti politique" n'est guère plus précise que celle d'"activités politiques". Bon nombre d'associations ont pour objet principal la promotion de valeurs essentielles dans la vie en société, et, par là, ont pour objectif d'influencer les choix politiques. Certaines d'entre elles ont des relais plus ou moins directs au parlement, d'autres se sont transformées petit à petit pour se présenter aux élections afin de défendre elles-mêmes leurs idées dans le forum politique. Enfin, un mouvement ayant pour unique objet social la lutte contre le racisme et la xénophobie est à l'évidence l'adversaire idéologique d'un "parti" faisant de la préférence nationale son cheval de bataille. Dans ces conditions, il m'apparaît que la frontière entre ce qui est politique et ce qui ne l'est pas est particulièrement incertaine.
Par ailleurs, pour être considérée comme un parti, une association doit-elle être représentée au Parlement? Certainement pas, comme le prouvent les récentes élections en République Tchèque, où le parti républicain, d'extrême droite, n'a plus d'élus faute d'avoir franchi le seuil de 5% des voix nécessaire pour entrer au Parlement, mais poursuivra ses activités et se présentera aux prochaines élections. Faut-il se présenter aux suffrages des électeurs? Pas plus. Ainsi, la section belge de la quatrième Internationale, le parti ouvrier socialiste, avec les deux cents militants qu'il avoue, serait bien en peine de le faire. En outre, il convient de ne pas perdre de vue qu'il existe des mouvements politiques qui entendent accéder au pouvoir sans passer par les voies démocratiques.
Sur ce point, la loi ne me paraît pas avoir la précision requise.
De toute manière, s'il est compréhensible que soit interdit aux policiers, notamment, d'exprimer sans retenue des opinions relatives aux activités des organes de l'Etat , de participer à des manifestations publiques ayant un tel objet, ou d'exercer leurs fonctions de manière partisane, je n'aperçois pas en quoi la simple affiliation de l'un d'eux à un parti démocratique, fait qu'ignorera le grand public, pourrait affecter la confiance des citoyens dans les forces de l'ordre.
La référence faite au paragraphe 63 du rapport à l'histoire récente de la Hongrie n'est pas de nature à me convaincre. Si les membres actuels de la police étaient liés au régime communiste, l'interdiction qui leur est faite de s'affilier à quelque parti que ce soit n'a certainement pas pour conséquence de les "dépolitiser", c'est-à-dire de modifier leurs convictions. Quant aux policiers recrutés depuis le retour à la démocratie, je ne voie pas en quoi il se justifie de leur interdire d'être membres d'un parti démocratique. La restriction apportée à l'exercice de droit d'association est donc arbitraire.
(Or. English)