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HOLM v. SWEDENOPINION DISSIDENTE DE M. J.-C. GEUS

Doc ref:ECHR ID:

Document date: October 13, 1992

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HOLM v. SWEDENOPINION DISSIDENTE DE M. J.-C. GEUS

Doc ref:ECHR ID:

Document date: October 13, 1992

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              OPINION DISSIDENTE DE M. J.-C. GEUS

1.   Le présente affaire pourrait être lourde de conséquences pour

nombre d'Etats parties à la Convention. Bien que l'avis de la

Commission ne porte pas sur la conformité d'un système juridique aux

normes conventionnelles mais seulement - comme il se doit - sur le

point de savoir si ces normes ont été respectées dans un cas (très)

particulier, les conclusions qu'il faut nécessairement tirer d'un

constat de violation m'amènent à me démarquer de la majorité de la

Commission.

     Que le litige en cause ait un caractère éminemment politique

n'est pas douteux, mais cette circonstance n'a rien d'exceptionnel ou

de surprenant lorsque la liberté d'expression est en question.

     Le problème qui se pose est de savoir comment il serait possible

de faire trancher un tel litige par une juridiction qui présenterait

toutes les apparences de l'impartialité vis-à-vis de toutes les

parties. Inévitablement, cela conduit à examiner, et le cas échéant,

à critiquer un système juridictionnel. Il me paraît clairement résulter

de l'avis de la Commission que celle-ci estime que de tels litiges

devraient être jugés par des magistrats professionnels plutôt que par

un jury représentatif de la population.

2.   Je tiens d'emblée à observer que les membres du jury ont été

tirés au sort sur des listes présentées par des administrations locales

et que, par conséquent, le jury devait être composé en majorité par des

personnes de tendance sociale-démocrate, puisque ce parti a bénéficié

de la majorité absolue en Suède pendant plusieurs décennies, à la suite

d'élections dont le caractère démocratique n'est pas contesté.

     Il me m'apparaît pas illégitime que la justice soit exercée par

des organes représentatifs de la population.

     Par ailleurs, compte tenu de la grande stabilité politique qui

a régné en Suède, il n'est nullement impossible qu'un grand nombre de

magistrats professionnels de ce pays soient des sympathisants de la

tendance sociale-démocrate.

3.   Les personnes susceptibles de faire partie d'un jury sont

présentées pour quatre ans et rien n'indique que cette qualité

offrirait des avantages tels que ces personnes seraient tentées de

faire preuve de docilité vis-à-vis du parti politique qui les a

présentées. De plus, l'opinion exprimée par chacun des membres du jury

n'est pas rendue publique, si bien qu'ils ne sont en aucun cas amenés

à devoir rendre des comptes en cas de verdict défavorable à leur parti

politique (voir spécialement les par. 37 à 39 de l'avis de la

Commission).

     Il convient d'ajouter qu'en l'espèce l'issue du litige présentait

certes un certain intérêt pour le parti social-démocrate, mais l'enjeu

financier du procès n'était pas tel que l'activité de ce parti aurait

pu être entravée de quelque manière que ce soit.

4.   La question qui se pose en l'espèce est de savoir si des

magistrats professionnels sont plus capables que des jurés de statuer

en faisant abstraction de leurs convictions.

     On peut le penser, comme on peut penser qu'un simple citoyen sera

impressionné par la charge occasionnelle qui lui est confiée et sera

par conséquent particulièrement attentif à exercer sa fonction

juridictionnelle en toute impartialité et en toute indépendance, ayant

bien à l'esprit le serment qu'il vient de prêter.

     Il ne s'agit là, à mon avis, que de supputations assez vaines,

insuffisantes en soi pour se prononcer sur une éventuelle violation de

l'article 6 par. 1 de la Convention.

5.   L'essentiel, s'agissant de l'impartialité objective d'un

tribunal, me paraît être ailleurs.

     Un homme politique a tendance à tout voir à travers le prisme -

parfois ou souvent - déformant de la politique, et éprouve donc

généralement des difficultés à admettre que toutes les activités

humaines ne sont pas dominées par des considérations d'ordre politique.

Lorsqu'un litige a une connotation politique certaine, ne sera-t-il pas

tenté de s'interroger sur la nature des convictions de ses juges et

s'il n'obtient pas gain de cause ne sera-t-il pas automatiquement tenté

de soupçonner ses juges d'être des adversaires politiques? Pour ma

part, je suis convaincu que ces questions appellent dans la plupart des

cas une réponse affirmative.

     Dans les années soixante-dix, le pouvoir en France maudissait les

magistrats qualifiés - à tort ou à raison - de "juges rouges".

Aujourd'hui, le pouvoir se plaint d'être traqué par des magistrats

téléguidés par la droite. Cela a amené M. Pierre DRAI, premier

président de la Cour de cassation de France, à s'adresser en ces termes

au ministre de la Justice :

     "Depuis un certain temps, l'action des juges, à l'occasion de

     procédures particulières, donne lieu à des débordements, par le

     verbe et par l'écrit, que je tiens pour excessifs et même chargés

     de périls pour l'institution judiciaire.

     Dès lors que cette action est engagée suivant les règles (...)

     le juge, qui en est le moteur, ne saurait faire l'objet

     d'attaques visant sa personne ou tendant à le faire suspecter de

     noirs desseins ou à le déconsidérer dans l'esprit de nos

     concitoyens.

     (...)

     Laissons les juges juger: il y va de l'intérêt supérieur de notre

     justice et, donc, de notre société libre et démocratique"

     (Le Monde du 12 août 1992, p. 8).

     On ne saurait mieux exprimer combien les magistrats

professionnels peuvent être soupçonnés, voire accusés, de partialité

en raison de leurs convictions politiques, réelles ou supposées.

6.   Le rôle de la justice dans une société démocratique est à la fois

trop important et suffisamment difficile pour ne pas exiger, de

surcroît, qu'elle échappe à toute critique formulée par des

justiciables naturellement enclins à la subjectivité, cette dernière

constatation ayant un poids tout particulier dans le cas d'un litige

opposant des adversaires politiques.

     C'est la raison pour laquelle je ne puis me rallier à l'avis de

la Commission, même si j'en reconnais les mérites et apprécie les

efforts faits pour tendre vers une justice parfaite. Mais ne dit-on pas

que le mieux est l'ennemi du bien ?

                          APPENDIX I

                    HISTORY OF PROCEEDINGS

Date                          Item

_________________________________________________________________

24 January 1987               Introduction of the application

6 September 1988              Registration of the application

Examination of Admissibility

7 May 1990                    Commission's decision to invite the

                              Government to submit observations on

                              the admissibility and merits of the

                              application

23 August 1990                Submission of the Government's

                              observations

30 November 1990              Submission of the applicant's

                              observations

14 October 1991               Commission's decision to hold a

                              hearing on the admissibility and

                              merits of the case

9 January 1992                Hearing on the admissibility and

                              merits and Commission's decision to

                              declare the application admissible

Examination of the merits

2 March 1992                  Submission of the applicant's

                              observations on the merits

26 March 1992                 Submission of the Government's

                              observations on the merits

16 May 1992                   Consideration of the state of

                              proceedings

13 October 1992               Commission's deliberations on the

                              merits, final vote and adoption of

                              the Report

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