C.R. v. the UNITED KINGDOMOPINION DISSIDENTE DE M. I. BÉKÉS
Doc ref: • ECHR ID:
Document date: June 27, 1994
- 0 Inbound citations:
- •
- 0 Cited paragraphs:
- •
- 0 Outbound citations:
OPINION DISSIDENTE DE M. I. BÉKÉS
Je ne partage pas l'avis de la majorité lorsqu'elle estime qu'il
n'y a pas eu violation de l'article 7 de la Convention.
Le requérant se plaint d'avoir été condamné pour tentative de
viol de sa femme alors qu'au moment de la commission des faits, ceux-ci
ne constituaient pas une infraction pénale en vertu du droit anglais.
S'agissant de la question de la légalité des infractions et des
peines, il importe de présenter les textes juridiques pertinents.
Aux termes de l'article 1 (1) de la loi anglaise de 1976 relative
aux infractions sexuelles; "un homme commet un viol si (a) il a des
relations sexuelles illégales avec une femme qui au moment de l'acte
n'est pas consentante ...". Deux notions je semblent essentielles :
l'absence de consentement et l'illégalité.
En vertu du droit coutumier (common law), qui en l'espèce résulte
de la proposition de Sir Matthew Hale publiée en 1736, le mari ne peut
être coupable de viol envers son épouse. En effet, selon ce droit, les
liens du mariage créent une présomption irréfragable de consentement
de la femme à son époux. Dès lors, celui-ci ne saurait être considéré
pénalement responsable d'aucun acte sexuel illégal envers sa femme.
Ce principle, qualifié d'"exemption matrimoniale de viol",
confère au mari une immunité pénale pour ce qui est de l'ensemble des
relations sexuelles qu'il entretient avec son épouse indépendamment du
consentement de celle-ci.
C'est tout au moins ainsi que j'interprète les règles du droit
anglais pertinentes dans cette affaire.
En l'espèce, pour condamner le requérant; la "House of Lords"
jugé qu'à l'époque des faits, il ressortait clairement des termes de
la loi de 1976 que toute relation sexuelle avec une femme non
consentante constituait un viol et donc une infraction pénale, et donc
que "l'exemption matrimoniale de viol" ne faisait plus partie
intégrante du droit anglais.
Notre Commission a estimé qu'en statuant de la sorte, les
juridictions anglaises n'avaient pas excédé leur devoir légitime de
clarification du droit pénal au regard des conditions sociales de
l'époque et qu'en conséquence, le requérant n'avait pas été condamné
pour une action qui au moment où elle avait été commise ne constituait
pas un crime.
Je pense pour ma part que les juridictions anglaises ont excédé
leur pouvoir d'interprétation du droit écrit. Certes, le droit
coutumier est par nature sujet à modification au regard notamment de
l'évolution des mentalités et des comportements, mais il n'en deneure
pas moins que l'on ne saurait lui substituer ex abrupto une règle du
droit écrit. En effet, pareille interprétation extensive de la loi
emporte une incertitude juridique pour le mari, incertitude que
l'évolution des moeurs ne saurait aucunement justifier.
A mon sens, la solution eut été de légiférer en excluant
expressément l'immunité pénale du mari en cas de relation sexuelle non
consenties par l'épouse. A défaut, j'estime que l'immunité pénale du
mari consacrée par la common law constituait à l'époque de la
commission des faits le règle de droit applicable au sens de
l'article 7 de la Convention et qu'en conséquence, les juridictions
anglaises ne pouvaient légitimement condamner le requérant pour le viol
de son épouse.
Il y a donc eu violation de l'article 7 de la Convention.
J'aimereais enfin ajouter, que s'il est vrai que d'un point de
vue moral cette règle coutumière est anachronique, il appartient
justement à notre Commission de distinguer la morale de l'exigence de
sécurité juridique des ressortissants des Etats parties. La présente
affaire lui donnait l'opporunité de se pencher sur cette question et
de poser des lignes directrices pour l'avenir. Je regrette que tel
n'en ait pas été le cas.
Appendix I
HISTORY OF THE PROCEEDINGS
Date Item
________________________________________________________________
31.03.92 Introduction of the application
19.06.92 Registration of the application
Examination of admissibility
12.10.92 Commission's decision to invite the parties to
submit observations on the admissibility and
merits
29.01.93 Government's observations
24.03.93 Applicant's reply
08.04.93 Commission's decision to grant the applicant
legal aid
28.06.93 Commission's decision to invite the parties to
an oral hearing
14.01.94 Hearing on admissibility and merits
14.01.94 Commission's decision to declare the application
admissible
Examination of the merits
14.01.94 Commission's deliberations
21.03.94 Applicant's observations on the merits
13.05.94 Consideration of the state of proceedings
27.06.94 Commission's deliberations on the merits, final
votes and adoption of the Report