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Darboe et Camara c. Italie

Doc ref: 5797/17 • ECHR ID: 002-13748

Document date: July 21, 2022

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Darboe et Camara c. Italie

Doc ref: 5797/17 • ECHR ID: 002-13748

Document date: July 21, 2022

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Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 264

Juillet 2022

Darboe et Camara c. Italie - 5797/17

Arrêt 21.7.2022 [Section I]

Article 8

Obligations positives

Article 8-1

Respect de la vie privée

Demandeur d’asile mineur non accompagné placé dans un centre d’accueil pour adultes et n’ayant pas bénéficié des garanties procédurales minimales dans une procédure d’évaluation de l’âge : violation

Article 3

Traitement dégradant

Traitement inhumain

Placement d’un mineur dans un centre d’accueil pour adultes, où il a été soumis à des conditions inadéquates pendant plus de quatre mois ainsi qu’à une procédure d’évaluation de son âge contraire à l’article 8 : violation

En fait – Le requérant, de nationalité guinéenne, arriva en Italie pour y demander l’asile en qualité de mineur non accompagné. Il explique qu’il déclara être mineur et avoir l’intention de solliciter le bénéfice de la protection internationale peu après son arrivée sur le territoire italien mais qu’il ne reçut aucune information quant à la manière d’engager la procédure prévue à cet effet et qu’aucune demande de protection internationale ne fut déposée en son nom.

Le requérant fut d’abord placé dans un centre pour mineurs étrangers non accompagnés, puis il fut transféré dans un centre d’accueil pour adultes qui à ses dires était surpeuplé et offrait des équipements et des soins insuffisants. Un mois après son transfert, il fut soumis à un examen médical visant à la détermination de son âge (radiographie du poignet) dont les résultats indiquèrent qu’il était âgé de dix-huit ans.

Le requérant obtint finalement l’assistance d’avocats, et il saisit peu après les juridictions internes d’une requête tendant à ce que lui fût désigné un tuteur et à ce que lui fussent reconnus les droits garantis par la législation nationale aux demandeurs d’asile mineurs non accompagnés. Il ne fut toutefois jamais informé des suites données à sa requête. Après qu’il eut invité la Cour à faire application de l’article 39 de son règlement, il fut transféré dans un centre pour mineurs. Son séjour au centre d’accueil pour adultes avait duré plus de quatre mois.

En droit – Article 8

a) Recevabilité – Considérant que l’âge d’une personne est un moyen d’identification personnelle et que la procédure censée permettre d’évaluer l’âge d’un individu qui affirme être mineur joue un rôle essentiel, notamment quant à ses garanties procédurales, dans la protection de tous les droits qui découlent du statut de mineur, la Cour conclut à la recevabilité du grief formulé par le requérant sous l’angle de l’article 8. Elle souligne également l’importance des procédures de détermination de l’âge dans le contexte migratoire. Les législations internes, européennes et internationales assurant la protection des droits des enfants ne deviennent applicables qu’à partir du moment où un enfant est identifié comme tel. L’établissement de la minorité d’une personne est donc la première étape de la reconnaissance de ses droits et de la mise en place de l’ensemble des modalités de prise en charge nécessaires. Si un mineur est identifié à tort comme un adulte, des mesures portant gravement atteinte à ses droits peuvent en effet être prises à son égard.

b) Fond – La Cour estime qu’il convient d’aborder l’affaire sous l’angle des obligations positives incombant aux États en vertu de l’article 8 de la Convention. À cet égard, il n’appartient pas à la Cour de spéculer sur les points de savoir si le requérant était ou non mineur à la date de son arrivée sur le territoire italien, ni s’il avait ou non présenté des documents justifiant de son âge. L’intéressé a déclaré être mineur postérieurement à son arrivée, et rien n’indiquait que cette déclaration fût infondée ou déraisonnable. La question est plutôt de savoir si les autorités internes ont garanti les droits procéduraux associés au statut de mineur non accompagné sollicitant le bénéfice de la protection internationale.

La Cour se félicite du fait que les garanties instaurées depuis l’époque des faits par le droit de l’Union européenne et le droit international aient conforté le caractère global et multidisciplinaire de la procédure d’évaluation de l’âge. Cela étant, le cadre juridique national et international qui était applicable à l’époque des faits témoignait déjà d’une reconnaissance générale du besoin des migrants mineurs non accompagnés de bénéficier d’une protection spéciale. Il comportait en effet les garanties que constituent la désignation d’un représentant légal ou d’un tuteur, l’accès à un avocat et la communication préalable aux personnes dont l’âge déclaré est mis en doute de toutes les informations nécessaires pour leur permettre de se prêter en parfaite connaissance de cause à la procédure d’évaluation de leur âge. Or :

- la Cour relève qu’en l’espèce les autorités nationales ont manqué à leur obligation de désigner rapidement un tuteur ou un représentant légal pour le requérant. En dépit du fait que ce dernier, une fois arrivé sur le territoire italien, avait exprimé oralement son souhait de présenter une demande de protection internationale, il n’a été en mesure de solliciter la désignation d’un tuteur que lors du dépôt de sa requête auprès des juridictions internes, soit plus de six mois après son arrivée. Ce manquement l’a empêché d’introduire une demande d’asile dans le respect des formes et délais prévus ;

- la Cour constate également que les radiographies du poignet du requérant ont été réalisées sans que l’intéressé n’eût été informé du type de procédure d’évaluation de son âge auquel il allait être soumis ni de ses conséquences éventuelles. Le rapport médical établi à la suite de la radiographie, qui ne faisait état d’aucune marge d’erreur, ne lui a pas été notifié. De surcroît, aucune autorité judiciaire ou administrative n’a adopté de décision concluant à la non-minorité du requérant, de sorte que l’intéressé s’est trouvé dans l’impossibilité de former un quelconque recours ;

- la Cour observe en outre que le requérant n’a jamais été informé des suites données à sa requête aux juridictions internes qui tendait à ce que lui fût désigné un tuteur et à ce que lui fussent reconnus les droits garantis aux demandeurs d’asile mineurs non accompagnés.

En résumé, les autorités italiennes n’ont pas appliqué le principe de présomption de minorité, qui est un élément inhérent à la protection du droit au respect de la vie privée d’une personne étrangère non accompagnée déclarant être mineure. Si l’évaluation de l’âge d’une personne peut constituer une mesure nécessaire en cas de doute sur sa minorité, ce principe implique que la procédure d’évaluation s’accompagne de garanties procédurales suffisantes. En l’espèce, le requérant n’a pas bénéficié des garanties procédurales minimales en la matière, et son placement dans un centre d’accueil pour adultes pendant plus de quatre mois a nécessairement affecté son droit à l’épanouissement personnel et son droit à pouvoir nouer et développer des relations avec ses semblables. Cela aurait pu être évité par l’adoption de mesures plus conformes à l’intérêt supérieur de l’enfant, telles qu’un placement dans un centre spécialisé ou dans une famille d’accueil.

Conclusion : violation (unanimité).

Article 3 : À l’arrivée du requérant dans le centre d’accueil pour adultes, celui-ci était surpeuplé, manquait de personnel et n’assurait pas un accès normal aux soins médicaux. La Cour considère par ailleurs qu’eu égard à la vulnérabilité de l’intéressé, un certain nombre de circonstances sont en elles-mêmes problématiques : en dépit du fait qu’il avait déclaré être mineur, le requérant a été hébergé dans un centre d’accueil pour adultes ; une fois dans ce centre, il a fait l’objet d’une procédure d’évaluation de son âge menée en méconnaissance des exigences de l’article 8 ; à la suite de cette procédure, il a été considéré comme un adulte et a été maintenu dans le centre pendant plus de quatre mois. La Cour est sensible au fait que le centre d’accueil en cause est un ancien bâtiment militaire que les autorités ont réaménagé pour faire face au phénomène de migration massive, et elle a conscience que le nombre de mineurs non accompagnés arrivant en Italie a considérablement augmenté au cours de la période pendant laquelle les faits de l’espèce ont eu lieu. Cela étant, les difficultés que crée l’afflux accru de migrants et de demandeurs d’asile dans certains États depuis les frontières extérieures de l’Union européenne n’exonèrent pas les États membres du Conseil de l’Europe de leurs obligations découlant de l’article 3, qui présentent un caractère absolu.

Conclusion : violation (unanimité).

La Cour conclut également, à l’unanimité, à la violation de l’article 13 combiné avec les articles 3 et 8, au motif que le droit interne ne comportait aucun recours dont le requérant aurait pu user pour faire valoir ses griefs.

Article 41 : 7 500 EUR au requérant pour préjudice moral.

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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