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Korporativna Targovska Banka AD c. Bulgarie

Doc ref: 46564/15;68140/16 • ECHR ID: 002-13771

Document date: August 30, 2022

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Korporativna Targovska Banka AD c. Bulgarie

Doc ref: 46564/15;68140/16 • ECHR ID: 002-13771

Document date: August 30, 2022

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Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 265

Août 2022

Korporativna Targovska Banka AD c. Bulgarie - 46564/15 et 68140/16

Arrêt 30.8.2022 [Section IV]

Article 6

Procédure administrative

Article 6-1

Accès à un tribunal

Procès équitable

Procédure contradictoire

Banque dans l’incapacité d’obtenir un contrôle juridictionnel approprié du retrait de son agrément, de présenter sa cause et de protéger ses intérêts lors de procédures d'insolvabilité et de liquidation : violations

Article 46

Article 46-2

Exécution de l'arrêt

Mesures individuelles

Mesures générales

La réouverture de la procédure de contrôle juridictionnel est requise mais ne devra pas nécessairement conduire à l’annulation des effets de la décision contrôlée plutôt qu’à l’octroi de dommages-intérêts ; nécessité de mesures générales

Article 1 du Protocole n° 1

Absence de garanties contre l’arbitraire dans une décision de retirer son agrément à une banque : violation

En fait – Les requérants sont d’anciens administrateurs de KTB, qui était une banque en Bulgarie. La Banque nationale de Bulgarie (la BNB) plaça KTB sous administration spéciale, révoqua tous les membres de la direction et des conseils de surveillance de la banque et désigna des administrateurs spéciaux pour l’administrer. Les requérants demandèrent en vain aux tribunaux l’annulation de cette décision.

Plusieurs mois plus tard, la BNB retira à KTB son agrément et prorogea le mandat des administrateurs spéciaux, jusqu’à la désignation de liquidateurs par le tribunal municipal de Sofia. Un certain nombre de personnes et d’entités, dont les actionnaires de KTB et ses anciens administrateurs, tentèrent sans succès devant la Cour administrative suprême d’obtenir un contrôle juridictionnel de la décision de retrait de son agrément à la banque.

Accueillant en fin de compte une demande de la BNB, le tribunal municipal de Sofia déclara KTB insolvable et ordonna sa liquidation. Pendant toute cette procédure, KTB fut représentée par ses administrateurs spéciaux. Les actionnaires de KTB demandèrent en vain l’autorisation d’intervenir dans la procédure et formèrent sans succès, avec les anciens administrateurs, un recours contre les décisions du tribunal municipal de Sofia.

En droit – a) Qualité pour agir – Les anciens administrateurs de KTB ont exceptionnellement été autorisés à saisir la Cour pour le compte de KTB même s’ils l’ont fait alors qu’ils avaient déjà été révoqués et que KTB aurait dû être représentée, en vertu du droit bulgare, par ses liquidateurs. En effet, ces liquidateurs pouvaient être dissuadés de saisir la Cour au nom de KTB à propos des questions examinées en l’espèce, et ils risquaient d’avoir un conflit d’intérêt à cet égard.

b) Article 6 § 1

i) Impossibilité alléguée pour KTB d’obtenir un contrôle juridictionnel du retrait de son agrément – Depuis 2007, le droit bulgare prévoit la possibilité d’obtenir un contrôle juridictionnel d’une décision prise par la BNB de retirer son agrément à une banque, mais la disposition applicable ne précise pas qui peut introduire une demande en ce sens ni quelle est la procédure à suivre. Cela a posé problème en l’espèce car dès le moment du retrait d’agrément litigieux, le pouvoir d’agir pour le compte de KTB, y compris pour introduire une instance en son nom, a été conféré aux administrateurs spéciaux de la banque. Par conséquent, même si KTB avait obtenu l’annulation des décisions antérieures de la BNB de nommer des administrateurs spéciaux et de proroger leur mandat, elle aurait quand même été placée sous la direction d’administrateurs spéciaux au moment du retrait de son agrément.

Avant l’affaire concernant KTB, la Cour administrative suprême n’avait pas eu l’occasion d’interpréter la disposition interne applicable. On ne savait donc pas si, malgré la nomination immédiate d’administrateurs spéciaux, la direction pouvait conserver un pouvoir résiduel de demander un contrôle juridictionnel de la décision de retrait de son agrément à la banque. On ne savait pas non plus si d’autres, tels que les actionnaires, pouvaient saisir les tribunaux d’une demande en ce sens. Face à cette incertitude, un certain nombre d’actionnaires, de même qu’un membre du conseil de surveillance de KTB, des déposants, d’autres clients et des détenteurs d’obligations, ont cherché à obtenir un contrôle juridictionnel, mais la Cour administrative suprême a jugé qu’aucun d’entre eux n’avait qualité pour agir.

Les anciens administrateurs de KTB ont eux aussi cherché à obtenir un contrôle juridictionnel de la décision litigieuse mais comme ils avaient déjà été révoqués, ils ont tenté de justifier leur qualité pour agir par les effets que la décision avait eus sur eux à titre personnel. Même si le Gouvernement a argué qu’ils auraient dû chercher à convaincre la Cour administrative suprême qu’ils devaient être autorisés à agir pour le compte de KTB, la Cour n’est pas convaincue que cet argument aurait été facile à invoquer à l’époque des faits.

Il est évident que les administrateurs spéciaux pouvaient saisir les tribunaux au nom de KTB pour contester la décision litigieuse. Ils dépendaient toutefois de la BNB et étaient responsables devant elle, de sorte qu’ils n’avaient que peu d’intérêt à le faire. Par ailleurs, le droit d’accès à un tribunal suppose que la personne dont les droits et obligations de caractère civil sont en jeu soit en mesure de saisir les tribunaux de manière directe et indépendante. Or, il semble peu probable que la Cour administrative suprême aurait accueilli l’argument du pouvoir résiduel lors de l’examen de la demande de contrôle juridictionnel de la décision de retrait de l’agrément formulée par les anciens administrateurs de la banque.

KTB s’est ainsi trouvée dans une situation où personne n’avait à la fois qualité pour agir et intérêt à obtenir un contrôle juridictionnel du retrait de son agrément. Les juridictions civiles qui ont examiné la demande de la BNB en vue de la déclaration d’insolvabilité de KTB et de sa liquidation ont également refusé d’examiner la décision de la BNB de retirer son agrément à la banque.

La législation pertinente et la manière dont elle a été appliquée par les juridictions bulgares n’ont donc pas offert à KTB elle-même, dûment représentée, une possibilité claire et concrète d’obtenir un contrôle juridictionnel approprié du retrait de son agrément. La situation de KTB était ainsi effectivement la même que celle des banques requérantes dans les affaires Capital Bank AD c. Bulgarie et Banque internationale pour le commerce et le développement AD et autres c. Bulgarie , même si l’interdiction légale de contester une décision de la BNB de retirer son agrément à une banque avait été retirée en 2007.

Conclusion : violation (unanimité).

ii) La représentation de KTB dans la procédure relative à la demande de liquidation de KTB formulée par la BNB – Dans les affaires précitées concernant la Bulgarie, la Cour a estimé que si pour se défendre dans une procédure portant sur une demande de déclaration d’insolvabilité et de mise en liquidation formulée à son encontre par la BNB une banque ne peut être représentée que par ses administrateurs spéciaux ou ses liquidateurs, qui dépendent tous à divers degrés de la BNB, ladite banque n’est alors pas en mesure de présenter sa cause et de défendre ses intérêts dans de bonnes conditions, ce qui emporte violation des droits d’accès à un tribunal et à une procédure contradictoire tels que consacrés par l’article 6 § 1.

Malgré quelques différences dans la manière dont la procédure relative à KTB s’est déroulée, le cas d’espèce ne présente aucune différence significative avec les affaires précitées. Comme les banques requérantes dans ces affaires, KTB n’a pas été en mesure de présenter sa cause et de défendre ses intérêts dans de bonnes conditions. Elle a dès le départ été représentée par des administrateurs spéciaux qui dépendaient de la partie adverse, la BNB, puisque celle-ci les avait désignés, établissait le montant de leur rémunération et pouvait les révoquer sans aucun contrôle externe. Le tribunal municipal de Sofia a par la suite désigné des liquidateurs provisoires (devenus permanents lorsque le tribunal a déclaré KTB insolvable et ordonné sa liquidation), qui ont alors assumé le rôle de représentants de KTB dans la procédure. Bien qu’à un degré inférieur, ceux-ci dépendaient également de la BNB puisqu’elle pouvait les rayer des listes des personnes habilitées à exercer les fonctions de liquidateur bancaire et ainsi procéder à leur révocation d’office.

Conclusion : violation (unanimité).

c) Article 1 du Protocole n o 1 : Le retrait à KTB de son agrément, qui a presque automatiquement été suivi de la décision du tribunal municipal de Sofia de déclarer KTB insolvable et d’ordonner sa liquidation, s’analyse en une atteinte aux biens de la banque.

KTB n’a pas eu la possibilité de contester les motifs à l’appui de la décision de la BNB de lui retirer son agrément. Il a déjà été établi que KTB ne pouvait obtenir dans la pratique un contrôle juridictionnel de la décision de la BNB par une représentation appropriée. Aucune autre garantie procédurale n’entourait la décision de la BNB. KTB n’a pas été informée que la BNB allait adopter la décision litigieuse et elle n’a pas eu la possibilité de s’y opposer, avant ou après l’adoption de la décision, puisque ces garanties procédurales étaient expressément exclues en droit interne. Aucune autre possibilité de contester la décision de la BNB devant une autorité non judiciaire n’existait.

La situation de KTB était ainsi effectivement la même que celle des banques requérantes dans les affaires précitées contre la Bulgarie, où le retrait de leur agrément aux banques concernées n’avait été entouré d’aucune garantie contre l’arbitraire. L’atteinte n’était donc pas légale au sens de l’article 1 du Protocole n o 1.

Conclusion : violation (unanimité).

Article 41 : Demande pour dommage matériel rejetée.

Article 46 : Concernant les mesures individuelles, la seule manière de redresser la violation de l’article 6 § 1 relativement à l’impossibilité pour KTB de demander et d’obtenir un contrôle juridictionnel approprié du retrait de son agrément est d’offrir à la banque cette possibilité. Il ne s’ensuit pas nécessairement que la forme du redressement qui ferait suite à un constat du caractère illégal ou injustifié de la décision de la BNB de retirer à KTB son agrément doive consister en l’annulation de cette décision ou de ses effets plutôt qu’en l’octroi d’une réparation. La décision de retirer son agrément à KTB adoptée il y a plus de sept ans, qui a été suivie de la déclaration judiciaire d’insolvabilité et de mise en liquidation de la banque, a touché de nombreuses autres personnes, notamment les clients et créanciers de KTB mais aussi le système financier de la Bulgarie dans son ensemble. Toute procédure de contrôle devrait néanmoins être organisée de manière à donner à KTB une possibilité effective de contester, en étant dûment représentée, les constats qui ont poussé la BNB à lui retirer son agrément. En particulier, KTB devrait pouvoir avoir accès à tout rapport ou document ayant eu une incidence sur ces conclusions.

Concernant les mesures générales, puisqu’il s’agit de la troisième affaire contre la Bulgarie où des questions se posent quant à la manière dont le retrait de l’agrément d’une banque pour insolvabilité et la procédure de liquidation qui suit sont régis par le droit interne, il y a lieu pour la Cour de donner des indications sur la manière d’éviter à l’avenir les violations constatées en l’espèce :

– Concernant la violation de l’article 6 § 1 quant à la possibilité pour KTB de demander et d’obtenir un contrôle juridictionnel du retrait de son agrément : il n’appartient pas à la Cour de dire si la législation ou son interprétation et son application doivent changer pour prévenir d’autres violations de ce type à l’avenir. La Bulgarie doit toutefois prendre des mesures pour s’assurer qu’une banque qui se voit retirer son agrément puisse directement et de manière indépendante demander et obtenir un contrôle juridictionnel de cette mesure.

– Concernant la violation de l’article 6 § 1 quant à la manière dont KTB a été représentée dans la procédure relative à la demande de la BNB en vue de la déclaration d’insolvabilité de KTB et de sa liquidation : la Bulgarie doit modifier les dispositions internes pertinentes de manière à ce qu’une banque faisant l’objet d’une telle demande puisse être représentée dans cette procédure, tant en première instance qu’en appel, d’une manière qui lui permette de présenter sa cause et de défendre ses intérêts dans de bonnes conditions.

– Concernant la violation de l’article 1 du Protocole n o 1 : la disposition législative qui supprimait toutes les garanties procédurales du processus décisionnel de la BNB en matière de retrait d’agrément bancaire ayant été récemment abrogée, il est superflu d’indiquer des mesures en plus de celles indiquées ci-dessus relativement à la possibilité d’obtenir un contrôle juridictionnel approprié.

(Voir aussi Capital Bank AD c. Bulgarie, 49429/99, 24 novembre 2005, Résumé juridique ; Banque Internationale pour le Commerce et le Développement AD et autres c. Bulgarie, 7031/05 , 2 juin 2016)

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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