Gilanov c. République de Moldova
Doc ref: 44719/10 • ECHR ID: 002-13786
Document date: September 13, 2022
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Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 266
Septembre 2022
Gilanov c. République de Moldova - 44719/10
Arrêt 13.9.2022 [Section II]
Article 5
Article 5-1
Arrestation ou détention régulières
Détention de plusieurs mois dans l’État extradant non prise en compte pour l’appréciation de la validité d’une détention intervenue, sur le fondement d’une ordonnance de placement en détention antérieure qui prévoyait une durée de trente jours, après l’extradition vers l’État de réception : non-violation
En fait – Pendant des années, le requérant avait résidé en Moldova sur la base de permis de séjour temporaires ; au cours de cette période, il avait créé une fondation d’échanges culturels avec la Corée du Nord. En 2006, il quitta officiellement la Moldova, et, à une date inconnue, il entra au Bélarus.
En 2007, une enquête pénale fut ouverte relativement à des allégations selon lesquelles le requérant s’était rendu coupable de fraude lorsqu’il travaillait pour sa fondation. Un mandat d’arrêt fut émis contre l’intéressé, et une juridiction moldave ordonna qu’il fût placé en détention pendant trente jours à compter de la date de son arrestation. Le requérant fut arrêté en mai 2010 par les autorités du Bélarus, où il fut détenu pendant plusieurs mois. Il fut extradé vers la Moldova en décembre 2010. Il continua alors à être détenu en attendant de passer en jugement. En 2014, il fut condamné, mais la décision le condamnant fut par la suite annulée et son affaire fut renvoyée pour réexamen.
En droit – Article 5 § 1 : Le requérant soutient que sa détention au Bélarus, qui a duré plus de trente jours, n’a pas été prise en compte dans le calcul de la durée de validité de l’ordonnance de placement en détention qui avait été rendue à son égard.
Dans l’ordonnance d’arrestation et de placement en détention que la juridiction interne avait rendue, il était indiqué qu’elle serait valable trente jours à compter de l’arrestation du requérant. L’intéressé estime que cela signifie que l’ordonnance a cessé d’être valide un mois après qu’il eut été privé de liberté au Bélarus. Le Gouvernement explique quant à lui que la pratique ordinaire des cours et tribunaux consistait à considérer que la date de début de la détention d’une personne incarcérée en vertu d’une ordonnance de placement en détention rendue par une juridiction moldave était la date à partir de laquelle cette personne s’était effectivement trouvée détenue par les autorités moldaves, et ce quelle qu’eût été la durée de la procédure d’extradition. Cette interprétation a implicitement été confirmée par la cour d’appel qui a rejeté le recours que le requérant avait formé contre l’ordonnance, et elle était à la fois raisonnable et justifiée par des considérations pratiques. Elle tenait compte de la difficulté particulière pour les juridictions internes de vérifier, avant de pouvoir interroger directement la personne concernée, des éléments tels que sa personnalité, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l’État dans lequel étaient menées les poursuites et ses contacts au niveau international.
Souscrire à la thèse du requérant reviendrait par ailleurs à dire que les juridictions moldaves auraient dû, toujours sans avoir rencontré la personne concernée, prolonger à intervalles réguliers la durée de validité du mandat d’arrêt. De plus, dès lors que le droit moldave n’autorisait la détention provisoire que pour une durée maximale de douze mois, dans le cas où une procédure d’extradition se serait prolongée au-delà de cette durée les autorités moldaves auraient été censées demander aux autorités de l’État détenant la personne concernée de la libérer de sa détention extraditionnelle sans que les juridictions moldaves eussent eu la possibilité de l’interroger. En l'espèce, ce n’est qu’une fois que le requérant s’est trouvé sous le contrôle des autorités moldaves que celles-ci ont été en mesure d’assumer l’ensemble des obligations qu’elles avaient à son égard dans le cadre de sa détention provisoire.
Est dès lors conforme aux exigences de l’article 5 § 1 la pratique des juridictions internes consistant à considérer que la période de détention commence au moment où la personne est privée de liberté par les autorités internes (c’est-à-dire, en l’espèce, au moment de l’extradition).
Conclusion : non-violation (quatre voix contre trois).
La Cour juge par ailleurs, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 à raison du caractère stéréotypé et abstrait de la décision de placement en détention provisoire que la juridiction interne a rendue à l’égard du requérant dans l’attente de son procès. Elle conclut également, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 du fait que la décision sur l’appel que l’intéressé avait formé contre l’ordonnance de placement détention a été rendue en l’absence d’un avocat choisi par lui.
Article 41 : 3 000 EUR pour dommage moral.
(Voir aussi Buzadji c. République de Moldova [GC], n o 23755/07, 5 juillet 2016, résumé juridique )
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