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Rabczewska c. Pologne

Doc ref: 8257/13 • ECHR ID: 002-13794

Document date: September 15, 2022

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Rabczewska c. Pologne

Doc ref: 8257/13 • ECHR ID: 002-13794

Document date: September 15, 2022

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Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 266

Septembre 2022

Rabczewska c. Pologne - 8257/13

Arrêt 15.9.2022 [Section I]

Article 10

Article 10-1

Liberté d'expression

Absence de raisons suffisantes pour justifier la condamnation de la requérante à une amende pour atteinte aux convictions religieuses d’autrui par des propos publics insultants concernant la Bible : violation

En fait – La requérante est une chanteuse populaire connue. Dans une interview pour un site Internet d’information, qui fut par la suite reproduite dans un journal à sensation, elle tint des propos concernant la Bible et ses auteurs. Elle déclara en particulier qu’elle était davantage convaincue par les découvertes scientifiques que par ce qu’elle qualifia d’« écrits d’une personne bourrée à force de boire du vin et de fumer de l’herbe ». Deux personnes saisirent un parquet d’une plainte consistant à dire que les propos qui avaient été tenus par la requérante étaient constitutifs d’une infraction au regard du code pénal (à savoir l’infraction d’atteinte aux convictions religieuses d’autrui par une insulte publique à un objet de vénération religieuse). La requérante fut reconnue coupable de l’infraction et condamnée à payer une amende. Elle forma contre cette décision un recours dont elle fut déboutée.

En droit – Article 10 :

La condamnation pénale de la requérante s’analyse en une ingérence dans l’exercice par elle de son droit à la liberté d’expression. Cette ingérence était prévue par la loi et elle avait pour but la protection des convictions religieuses, qui relève de la protection des droits d’autrui au sens de l’article 10 § 2. Le problème soulevé devant la Cour portait sur la mise en balance des intérêts concurrents en jeu dans un contexte où les autorités internes jouissaient d’une ample marge d’appréciation.

La requérante n’a pas soutenu que ses propos s’inscrivaient dans le cadre d’une discussion sur une question d’intérêt public ; elle n’a pas non plus prétendu être experte du sujet, journaliste ou historienne. Elle a simplement répondu à une question qu’un journaliste lui avait posée au sujet de sa vie privée, en s’adressant à son auditoire dans des termes qui correspondaient à son style de communication, c’est-à-dire d’une manière délibérément frivole et truculente destinée à susciter l’intérêt.

Les juridictions internes n’ont pas examiné comme elles l’auraient dû – à savoir au moyen d’une analyse détaillée de la formulation des propos de la requérante – la question de savoir si ces propos constituaient des déclarations factuelles ou des jugements de valeur. Elles n’ont pas identifié les intérêts concurrents en jeu et elles ne les ont pas soigneusement mis en balance. Elles n’ont pas non plus cherché à déterminer la frontière entre la critique admissible au regard de la Convention de doctrines religieuses et le dénigrement de ces doctrines. En particulier, les juridictions internes ne se sont pas penchées sur le point de savoir si les propos de la requérante étaient propres à susciter une indignation justifiée ni sur le point de savoir s’ils étaient de nature à inciter à la haine ou à troubler d’une autre manière la paix et la tolérance religieuses en Pologne.

Il n’a été soutenu ni devant les juridictions internes ni devant la Cour que les propos tenus par la requérante fussent constitutifs d’un discours de haine, et les juridictions internes n’ont pas examiné la question de savoir si le fait que la requérante les avait prononcés était susceptible d’entraîner des répercussions négatives. Il apparaît que la disposition applicable du droit interne érigeait en infraction pénale toute conduite propre à heurter des convictions religieuses et non uniquement les conduites qui constituaient en outre une menace pour l’ordre public.

Il n’a pas été démontré que l’ingérence survenue en l’espèce fût nécessaire pour permettre à l’État, conformément aux obligations positives découlant pour lui de l’article 9, d’instaurer une atmosphère de tolérance mutuelle dans le but d’assurer la coexistence pacifique entre les groupes et individus religieux et non religieux qui relevaient de sa juridiction. Par ailleurs, la Cour estime que les expressions qui sont soumises à son examen ne s’analysent pas en une attaque inconvenante ou injurieuse contre un objet de vénération religieuse qui aurait été susceptible d’inciter à l’intolérance religieuse ou de porter atteinte à l’esprit de tolérance qui constitue l’un des fondements de toute société démocratique.

Enfin, c’est dans le cadre d’une procédure pénale qui avait été engagée parce qu’un parquet, sur le fondement d’une plainte formée par deux personnes, avait déposé un acte d’accusation contre elle que la requérante a été condamnée. La procédure pénale s’est en conséquence poursuivie même après que la requérante fut parvenue à un accord amiable avec l’un des auteurs de la plainte initiale. L’intéressée a été condamnée à payer une amende d’un montant équivalent à 1 160 euros, soit cinquante fois le montant minimal prévu par la loi. On ne saurait donc conclure que la sanction qui lui a été infligée était négligeable.

En conséquence, même si elles jouissaient d’une ample marge d’appréciation en l’espèce, les autorités internes n’ont pas présenté des motifs suffisants pour justifier leur ingérence dans l’exercice par la requérante de sa liberté d’expression.

Conclusion : violation (six voix contre une).

Article 41 : 10 000 EUR pour dommage moral.

(Voir aussi E.S. c. Autriche , n o 38450/12, 25 octobre 2018, résumé juridique )

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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