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Kotov et autres c. Russie

Doc ref: 6142/18, 51015/18, 51020/18, 51022/18, 51640/18, 51685/18, 51777/18, 52169/18, 56764/18, 106/19, 142... • ECHR ID: 002-13828

Document date: October 11, 2022

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Kotov et autres c. Russie

Doc ref: 6142/18, 51015/18, 51020/18, 51022/18, 51640/18, 51685/18, 51777/18, 52169/18, 56764/18, 106/19, 142... • ECHR ID: 002-13828

Document date: October 11, 2022

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Résumé juridique

Octobre 2022

Kotov et autres c. Russie - 6142/18, 51015/18, 51020/18 et al.

Arrêt 11.10.2022 [Section III]

Article 8

Obligations positives

Article 8-1

Respect de la vie privée

Mesures de protection prises pour réduire les effets de la pollution causée par une décharge afin de prévenir les risques sanitaires liés à celle-ci, inadéquates de 2015 à 2018 mais adéquates à partir de 2019 : violation, non-violation

En fait – Les dix requérants résident dans la ville de Klin, située près de la carrière d’Aleksinskiy. Depuis 1993, cette carrière est utilisée comme décharge pour les déchets ménagers solides collectés dans le district de Klin. Cette dernière est exploitée par une société locale de gestion des déchets, Kombinat LLC, en vertu d’un contrat de bail conclu avec l’administration municipale de Klin. Les requérants allèguent que l’entreprise y a déposé de grandes quantités de déchets solides, sans que les autorités aient pris les mesures de contrôle ou de protection requises pour minimiser ou éliminer les effets des nuisances environnementales qui en ont résulté.

Le premier requérant (requête n o 6142/18) a en vain intenté une action devant les juridictions civiles. Par ailleurs, tous les requérants, à l’exception de celui à l’origine de la requête n o 106/19, ont été déclarés coupables de diverses infractions administratives à raison des manifestations qu’ils avaient organisées contre la décharge. Certains d’entre eux se sont vu infliger une amende.

En droit –

Article 8 combiné avec l’article 13 :

a) Recevabilité –

i) Épuisement des voies de recours internes – Les requérants disposaient d’une voie de recours interne effective : les personnes dont le bien‑être avait été affecté par des conditions environnementales défavorables pouvaient intenter devant les juridictions civiles une action à même d’apporter une réponse judiciaire adéquate à leurs griefs. Pourtant, seul le premier requérant a saisi les quatre degrés de juridiction civile. Les autres n’ont pas exercé cette voie de recours alors qu’aucune circonstance exceptionnelle ne les en dispensait. Sept requérants n’ont pas poursuivi la procédure jusqu’à son terme faute pour eux d’avoir respecté les conditions procédurales requises pour se pourvoir en cassation, malgré l’absence d’obstacles apparents. Deux requérants n’ont engagé aucune action devant les juridictions civiles alors que l’action intentée par le premier requérant ne pouvait les exonérer de l’obligation d’épuiser les voies de recours. Le tribunal de district a en effet examiné les circonstances individuelles de l’affaire du premier requérant mais ses conclusions ne concernaient pas la situation des autres requérants qui auraient pu bénéficier d’une appréciation et d’une issue différentes. Au vu de la procédure engagée par le premier requérant et étant donné que l’effectivité d’une voie de recours au sens de l’article 13 ne dépend pas de la certitude d’avoir une issue favorable, on ne saurait dire que l’examen juridictionnel du grief formulé par le premier requérant a été ineffectif aux fins de l’article 13.

Conclusion : recevable en ce qui concerne le premier requérant et irrecevable en ce qui concerne tous les autres.

Requête n o 6142/18

ii) Applicabilité – Même si Kombinat LLC était légalement tenue de procéder à des mesures de ses émissions dans le cadre de l’autosurveillance industrielle requise par au moins deux lois fédérales, il apparaît qu’elle n’a commencé à le faire qu’en 2018 ou 2019, soit environ dix ans après avoir commencé à déposer des déchets dans la carrière. Les autorités avaient également placé l’entreprise dans la catégorie I, ce qui signifie qu’elle appartenait au groupe d’entités ayant le plus d’impact négatif sur l’environnement et émettait dans l’air et les sources d’eau situées dans la carrière ou à proximité de celle-ci, au cours de ses opérations de traitement des déchets, des substances toxiques à des concentrations supérieures aux limites maximales admissibles, comme l’ont montré les mesures.

Le premier requérant résidait dans une ville très proche de la carrière et cultivait des terres dans le village immédiatement voisin. Il pouvait par conséquent être affecté par la pollution excessive émanant de la carrière. Si, en l’absence de tout élément médical, on ne saurait dire que cette pollution a nécessairement porté atteinte à sa santé, il est possible d’établir, sur la base des rapports officiels et des éléments de preuve disponibles, que le fait de vivre dans cette région où la pollution est nettement supérieure aux normes de sécurité applicables a rendu l’intéressé plus vulnérable à diverses maladies. Par ailleurs, la description des nuisances que le requérant dit avoir subi du fait de l’exploitation de la carrière est conforme aux constats sur la base desquels les autorités ont reconnu dans de nombreuses procédures administratives la responsabilité de Kombinat LLC à raison de la violation de la réglementation pertinente, aux plaintes d’autres résidents de Klin concernant l’odeur et à leurs demandes de fermeture de la carrière, et aux observations d’un expert désigné par le tribunal.

Eu égard aux éléments du dossier et, en particulier, aux données de surveillance de la qualité de l’air fournies par les parties ainsi qu’aux constats opérés par les autorités internes, la Cour considère que les nuisances environnementales que le premier requérant a subies depuis au moins 2015 dans sa vie quotidienne ne sont pas négligeables par rapport aux risques écologiques inhérents à la vie dans n’importe quelle ville moderne, et que la pollution provenant de la carrière a porté atteinte de manière suffisante à sa vie privée pendant la période considérée.

Conclusion : Article 8 applicable

b) Sur le fond – Le fait que les autorités nationales confient à des organismes tiers la gestion d’un service public ne les dispense pas des obligations de vigilance leur incombant en vertu de l’article 8. Le Gouvernement n’a en effet pas contesté qu’il avait envers le premier requérant, au titre de l’article 8, une obligation positive de répondre aux préoccupations environnementales liées aux opérations de traitement des déchets de Kombinat LLC et de garantir à l’intéressé l’exercice des droits qui lui sont garantis par la Convention. Il est, par conséquent, établi qu’il existe entre les émissions polluantes et le comportement de l’État un lien suffisant pour que la question de la responsabilité de l’État se pose sous l’angle de l’article 8, d’autant que la décharge a été louée à la société de gestion des déchets par l’administration municipale de Klin. Dès lors, la Cour examine le grief du premier requérant sous l’angle de l’obligation pour l’État de prendre des mesures raisonnables et appropriées pour garantir les droits garantis à l’intéressé par l’article 8 § 1.

La collecte régulière et le traitement efficace des déchets ménagers solides sont, sans aucun doute, essentiels pour la protection de la santé publique, des intérêts socio-économiques et d’un mode de vie normal de la population dans les zones résidentielles et non résidentielles. La collecte, le traitement et l’élimination des déchets constituent sans nul doute des activités dangereuses qui appellent une réglementation adaptée aux spécificités de l’activité en jeu notamment au niveau du risque qui pourrait en résulter pour la vie humaine.

Dans son appréciation du cas d’espèce, la Cour distingue deux périodes :

i) De 2015 jusqu’à fin 2018 – Il ressort des éléments du dossier qu’entre 2009 (date de l’entrée en activité de Kombinat LLC) et 2015 (date à laquelle les premières sanctions pour pollution environnementale lui ont été infligées), l’entreprise a déposé des déchets dans la carrière sans pratiquement aucune supervision de la part des autorités, malgré l’existence d’un cadre réglementaire solide régissant les opérations de gestion des déchets. En particulier, un certain nombre d’exigences légales n’ont pas été respectées par Kombinat LLC ni mises en œuvre par les autorités en temps utile et avec diligence. En l’absence de toute explication de la part du Gouvernement, la Cour ne peut que conclure qu’à partir de 2009, au moins pendant une partie du temps et dans une certaine mesure, Kombinat LLC a probablement mené ses activités en violation de la réglementation pertinente, ce qui n’aurait pas été possible sans certaines omissions de la part des autorités. Dès lors, contrairement aux cas d’ingérence directe de l’État, la légalité interne n’est qu’un des facteurs à prendre en compte pour apprécier si l’État s’est acquitté de son obligation positive ; l’État pourrait choisir d’autres moyens qu’il jugerait appropriés pour garantir le « respect de la vie privée ».

Entre 2015 (année où le premier requérant dit avoir commencé à ressentir des nuisances olfactives causées par les activités de la carrière) et 2018, les autorités ont adopté une approche plus proactive dans le contrôle des activités de Kombinat LLC et l’application de la réglementation pertinente. Au cours de cette période, Kombinat LLC a été jugée responsable de la violation des règles sanitaires, épidémiologiques et environnementales pertinentes dans seize procédures administratives distinctes et a remédié à certaines des violations constatées. La question de savoir si la société a mis en œuvre des mesures de réparation et de décontamination, en particulier relativement à ses émissions, n’est toutefois pas tranchée. Ainsi, les sanctions imposées n’ont pas eu l’effet escompté sur l’entreprise et n’ont pas contribué de manière significative à l’amélioration des conditions environnementales dans la carrière et dans le district de Klin. Le non-respect par Kombinat LLC de la réglementation pertinente, qui, au moins en partie, a été causé et aggravé par le laxisme des autorités dans l’application de la réglementation, a exposé le premier requérant à des nuisances environnementales durables. Les autorités ont donc manqué pendant cette période à leur obligation positive de protéger le droit du requérant au respect de sa vie privée.

Conclusion : violation (unanimité)

ii) De 2019 à aujourd’hui – À partir de 2019, les autorités ont mis en œuvre des mesures plus solides et plus larges pour lutter contre la pollution provenant de la carrière. Fin 2020, une grande usine a commencé à fonctionner à plein régime pour trier, recycler et traiter les déchets ménagers solides du district de Klin, ce qui a permis de ne déposer que des volumes limités de déchets non recyclables dans la décharge. Des équipements de collecte et de traitement des gaz d’enfouissement ont été installés dans la carrière, des technologies pour la collecte des lixiviats et des filtres d’épuration ont été mis en place, et des mesures ont été prises pour sceller le corps de la décharge et ses bords afin d’empêcher les fuites. Le processus décisionnel gouvernemental concernant la construction de l’usine a été transparent et entouré de garanties procédurales suffisantes, notamment un droit d’accès à l’information et un droit de recours contre les décisions prétendument défavorables. Les intérêts du requérant ont été dûment pris en compte lors de l’adoption de la décision de poursuivre le projet. D’autres mesures ont également été prises par les autorités pour promouvoir la durabilité et la protection de l’environnement et de la santé des résidents.

Ainsi, depuis 2019, le Gouvernement est parvenu à ménager un juste équilibre entre, d’une part, l’intérêt socio-économique général à mettre en place une politique de gestion des déchets saine et des pratiques efficaces de traitement des déchets et, d’autre part, l’intérêt individuel du premier requérant à vivre dans des conditions environnementales favorables.

Conclusion : non-violation (unanimité)

La Cour conclut aussi, à l’unanimité, à la non-violation de l’article 13 concernant le premier requérant.

Enfin, la Cour constate, par six voix contre une, une violation de l’article 11 : concernant tous les requérants, à l’exception de celui à l’origine de la requête n o 106/19 (qui n’a pas invoqué cette disposition) relativement aux mesures prises à leur égard en lien avec des manifestations organisées contre la décharge ; et concernant le premier requérant (requête n o 56764/18) relativement aux refus des autorités d’approuver les avis d’organisation d’événements publics soumis par lui.

Article 41 : pour la violation des articles 8 et 11, 9 800 EUR au premier requérant (requêtes n os 6142/18, 52169/18 et 56764/18) pour dommage moral ; pour la violation de l’article 11, 4 000 EUR à chacun des autres requérants pour dommage moral et 140 EUR pour dommage matériel à chacun des requérants s’étant vu infliger une amende dans le cadre d’une procédure administrative.

(Voir aussi Fadeïeva c. Russie , 55723/00, 9 juin 2005, Résumé juridique ; Pavlov et autres c. Russie , 31612/09, 11 octobre 2022, Résumé juridique )

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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