X and Others v. Albania
Doc ref: 73548/17;45521/19 • ECHR ID: 002-13669
Document date: May 31, 2022
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Information Note on the Court’s case-law 262
May 2022
X and Others v. Albania - 73548/17 and 45521/19
Judgment 31.5.2022 [Section III]
Article 1 of Protocol No. 12
General prohibition of discrimination
Failure to implement swift and comprehensive desegregation measures in an elementary school attended almost exclusively by Roma and Egyptian children: violation
Article 46
Article 46-2
Execution of judgment
Individual measures
Respondent state required to take desegregation measures in an elementary school attended almost exclusively by Roma and Egyptian children
En fait – Les requérants étaient des ressortissants albanais d’origines rom et égyptienne respectivement et formant plusieurs familles. Leurs enfants étaient scolarisés à l’école primaire « Naim Frashëri » de Korça. Les enfants qui avaient fréquenté cette école au cours des années scolaires 2012-2019 étaient presque tous d’origines rom ou égyptienne. Depuis 2012, le gouvernement met en œuvre un programme d’aide alimentaire dans le cadre duquel les enfants roms ou égyptiens qui fréquentent cette école se voient distribuer des colis alimentaires et qui vise à augmenter le taux de scolarisation des enfants appartenant à ces communautés. À la suite d’une plainte pour ségrégation déposée devant lui par le Centre européen pour les droits des Roms (CEDR) et une autre organisation, le Commissaire à la protection contre la discrimination rendit le 22 septembre 2015 une décision juridiquement contraignante constatant que les enfants roms et égyptiens scolarisés dans cette école étaient victimes d’une discrimination indirecte en ce qu’ils y étaient surreprésentés et ordonnant aux autorités compétentes de prendre des mesures propres à mettre fin à cette ségrégation. Les requérants alléguaient que les autorités n’avaient pas mis en œuvre les mesures en question.
En droit – Article 1 du Protocole n° 12
a) Sur l’épuisement des voies de recours internes – Les requérants n’étaient pas tenus de porter plainte pour discrimination devant les juridictions internes, démarche dont le but aurait été pratiquement identique à celui de l’action exercée par le CEDR devant le Commissaire et qui, en tout état de cause, n’aurait pas constitué un recours effectif en l’espèce. Les autorités n’ayant pas fait appel de la décision du Commissaire, celle-ci était devenue définitive et exécutoire.
b) Sur le fond – Les requérants se disent victimes d’une différence de traitement dans l’exercice du droit à l’éducation inclusive garanti par le droit interne. Il n’a pas été contesté, dans le cadre de la procédure interne et de celle suivie devant la Cour, que la situation des requérants constituait une forme de ségrégation et que des mesures devaient être adoptées pour y mettre fin. Les requérants n’ont pas contesté l’argument du Gouvernement selon lequel cette situation n’était pas intentionnelle. Toutefois, une discrimination potentiellement contraire à la Convention peut résulter d’une situation de fait sans qu’il y ait nécessairement une intention discriminatoire.
Dans ces conditions, la principale question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si le Gouvernement s’est conformé à son obligation positive de prendre des mesures propres à corriger l’inégalité factuelle inhérente à la situation des requérants et à prévenir la perpétuation de la discrimination résultant de leur surreprésentation dans l’école concernée, de manière à rompre le cycle de la marginalisation dans lequel ils se trouvent et à leur permettre de vivre en tant que citoyens à part entière dès leur plus jeune âge. La Cour juge que tel n’est pas le cas. En premier lieu, elle relève que la mise en œuvre des deux mesures prises par les autorités pour lutter contre la ségrégation frappant les requérants a accusé un retard incompatible avec l’urgence qu’il y avait à mettre fin à cette situation et avec la décision du Commissaire ordonnant la mise en œuvre « immédiate » de ces mesures. Plus précisément, la suppression du critère ethnique applicable aux enfants bénéficiaires du programme d’aide alimentaire, qui visait à inciter les enfants de toutes origines à fréquenter l’école concernée, a été décidée près d’un an et demi après l’adoption de la décision du Commissaire, et la rénovation des locaux de l’école a été achevée quatre ans après. En second lieu, le Gouvernement n’a fourni aucune raison objective propre à justifier son manquement à mettre en œuvre les mesures étudiées par le ministère compétent, à savoir l’extension du programme d’aide alimentaire à quatre autres écoles du secteur – mesure qui aurait pu inciter certains des élèves de l’école « Naim Frashëri » à changer d’établissement – et la fusion de cette école avec trois autres établissements qui ne connaissaient pas de problème de ségrégation. Ces deux mesures auraient vraisemblablement eu des effets bénéfiques immédiats pour les enfants roms et égyptiens. Sur ce point, la Cour ne saurait admettre l’explication avancée par les autorités selon laquelle l’absence de réalisation de la fusion se justifiait par la rénovation de l’école « Naim Frashëri », car elle observe que les travaux de rénovation se sont achevés rapidement. Or cette fusion paraissait être une solution très judicieuse et aurait contribué à la création d’écoles dans lesquelles le ratio entre les enfants roms et égyptiens d’une part, et les autres enfants, d’autre part, aurait été raisonnablement proche du ratio constaté dans les autres écoles de la ville. À cet égard, la Cour constate que les autorités ont déjà mis en appliqué, dans d’autres régions du pays, des solutions analogues à d’autres écoles qui pâtissaient de cette forme de ségrégation et qu’elles ont également mis en place un système de transport scolaire. S’il n’appartient pas à la Cour d’indiquer les mesures précises à mettre en œuvre pour remédier à un problème de ségrégation scolaire, il lui est néanmoins difficile de comprendre pourquoi cette solution n’a pas été appliquée en l’espèce.
La Cour a déjà conclu à la violation de l’interdiction de la discrimination dans le contexte analogue de l’affaire Lavida et autres c. Grèce , où elle avait constaté que l’état n’avait pas mis en œuvre les mesures antiségrégationnistes qui s’imposaient. De la même manière, elle considère en l’espèce que les retards apportés à la mise en œuvre de mesures antiségrégationnistes appropriées et la non-application de certaines d’entre elles n’avaient pas de justification objective et raisonnable.
Conclusion : violation (unanimité)
Article 41: La Cour alloue à chacune des familles requérantes 4 500 EUR pour dommage moral.
Article 46: La Cour dit que l’état défendeur doit prendre des mesures pour mettre un terme à la discrimination dont les élèves roms et égyptiens de l’école « Naim Frashëri » sont victimes, comme ordonné par le Commissaire.
(See Lavida and Others v. Greece , 7973/10, 30 May 2013; see also Zarb Adami v. Malta , 17209/02, 20 June 2006, Legal Summary ; D.H. and Others v. the Czech Republic [GC], 57325/00, 13 November 2007, Legal Summary ; and Horváth and Kiss v. Hungary , 11146/11, 29 January 2013)
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