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PENEV c. BULGARIE

Doc ref: 73701/14 • ECHR ID: 001-219799

Document date: September 6, 2022

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PENEV c. BULGARIE

Doc ref: 73701/14 • ECHR ID: 001-219799

Document date: September 6, 2022

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QUATRIÈME SECTION

DÉCISION

Requête n o 73701/14 Ivan Krastev PENEV contre la Bulgarie

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant le 6 septembre 2022 en un comité composé de :

Iulia Antoanella Motoc , présidente,

Yonko Grozev ,

Pere Pastor Vilanova , juges, et de Ilse Freiwirth, greffière adjointe de section ,

Vu :

la requête n o 73701/14 contre la République de Bulgarie et dont un ressortissant de cet État, M. Ivan Krastev Penev (« le requérant ») né en 1952 et résidant à Sofia, représenté par M e M. Ekimdzhiev et M e K. Boncheva, avocats à Plovdiv, a saisi la Cour le 4 novembre 2014 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

la décision de porter à la connaissance du gouvernement bulgare (« le Gouvernement »), représenté par son agent, M me B. Simeonova, du ministère de la Justice, les griefs tirés des articles 8 et 13 de la Convention et de l’article 1 du Protocole n o 1 concernant la suspension temporaire de fonctions du requérant et de déclarer la requête irrecevable pour le surplus,

les observations des parties,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

OBJET DE l’AFFAIRE

1. La requête concerne, sous l’angle des articles 8 et 13 de la Convention et de l’article 1 du Protocole n o 1, la suspension temporaire de fonctions du requérant, qui occupait le poste de secrétaire général du ministère du Travail.

2 . Le requérant fut suspendu de ses fonctions le 23 février 2010 au motif qu’il avait été mis en examen pour complicité de détournement de fonds en lien avec ses fonctions. Il ne contesta pas cette décision dans un premier temps mais, en octobre 2014, il introduisit un recours en annulation devant la Cour administrative suprême, en invoquant directement la Convention et en se plaignant de la durée excessive de sa suspension et de l’absence de contrôle périodique de la justification d’une telle mesure. La Cour administrative suprême considéra qu’il y avait lieu de saisir la Cour constitutionnelle au sujet de la conformité à la Constitution de l’article 100, alinéa 2 de la loi sur la fonction publique, qui prévoyait la suspension automatique des agents mis en examen pour des faits en lien avec leurs fonctions. Le 12 mai 2016, la Cour constitutionnelle déclara la disposition en cause contraire à la Constitution, considérant que l’absence d’examen in concreto de la nécessité d’imposer une mesure de suspension, ainsi que l’absence de contrôle judiciaire de cette nécessité, portaient atteinte au droit au travail et au droit à un recours effectif, garantis par la Constitution.

3 . Le requérant fut réintégré dans ses fonctions par une décision ministérielle du 9 août 2016, avant de conclure une rupture conventionnelle le 3 octobre 2016.

4 . La procédure pénale prit fin le 22 juin 2021, date à laquelle la cour d’appel de Sofia confirma la décision de non-lieu prise par le parquet, concluant que le requérant n’avait pas commis les infractions qui lui étaient reprochées.

5 . Le requérant soutient que la décision de le suspendre de ses fonctions, en raison de son caractère automatique et non limité dans le temps, et en l’absence de tout examen périodique de la proportionnalité d’une telle mesure, a méconnu son droit au respect de sa vie privée, son droit au respect des biens et son droit à un recours effectif.

APPRÉCIATION DE LA COUR

6. La Cour note que le Gouvernement a soulevé une exception d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes, soutenant notamment que le requérant disposait de recours en annulation et de recours indemnitaires dont il n’aurait pas fait usage. Eu égard aux développements des faits de l’espèce intervenus après l’introduction de la requête (paragraphes 2-4 ci-dessus), elle juge cependant approprié d’examiner en priorité la question de savoir si le requérant peut toujours se prétendre victime des violations alléguées, au sens de sa jurisprudence. Elle se réfère à cet égard aux principes généraux de sa jurisprudence exposés dans l’arrêt Kurić et autres c. Slovénie ([GC], n o 26828/06, §§ 259-262, CEDH 2012 (extraits)).

7. La Cour constate que, le 12 mai 2016, l’article 100, alinéa 2 de la loi sur la fonction publique, c’est-à-dire la disposition sur laquelle se fondait la mesure de suspension prise à l’encontre du requérant, fut déclaré contraire à la Constitution et privé d’effet à compter de cette date. Elle relève que cette décision est intervenue à la suite du recours en annulation introduit par l’intéressé et que les motifs retenus par la Cour constitutionnelle coïncident pour l’essentiel avec les griefs qu’il a soulevés dans la procédure interne et dans la présente requête (paragraphes 2 et 5 ci-dessus). À la suite de cette décision, l’intéressé a été réintégré dans ses fonctions le 9 août 2016 (paragraphe 3 ci-dessus). Dans ces circonstances, la Cour estime que les autorités nationales ont explicitement reconnu les violations de la Convention alléguées par le requérant ( Kurić et autres , précité, § 265).

8. Il est vrai qu’une mesure favorable à un requérant ne suffit cependant pas à elle seule à lui enlever sa qualité de victime ( Scordino c. Italie (n o 1) [GC], n o 36813/97, § 180, CEDH 2006-V). En l’espèce, la Cour relève que la situation dénoncée par le requérant a perduré pendant plus de six ans, durant lesquels il est resté sans emploi, de sorte que sa réintégration seule n’apparaît pas comme un redressement suffisant des violations qu’il allègue (voir, mutatis mutandis , Kurić et autres , précité, § 267).

9. Néanmoins, comme l’a souligné le Gouvernement, à la suite du prononcé d’un non-lieu définitif dans son affaire pénale en 2021 au motif qu’il n’avait pas commis les infractions dont il avait été accusé, le requérant avait la possibilité, en vertu de l’article 2, alinéa 1, point 3 de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes pour dommage, de demander réparation du préjudice subi en raison de l’engagement des poursuites pénales contre lui (pour un exposé détaillé des textes applicables, voir Kolev c. Bulgarie (déc.), n o 69591/14, §§ 12-15 et 24, 30 mai 2017). Dans ce cas, la responsabilité de l’État est engagée même en l’absence de faute de l’État et l’indemnité accordée peut couvrir l’ensemble des préjudices moral et matériel causés du fait des poursuites pénales (article 4 de la loi). Il ressort de la jurisprudence existante en application de ces textes que les juridictions internes prennent en compte divers préjudices tels que les souffrances psychiques, l’atteinte à la réputation, les salaires non perçus etc. Le Gouvernement a notamment produit des exemples de jurisprudence où l’indemnité accordée couvrait le préjudice résultant de la suspension de fonctions des personnes concernées, dans la mesure où cette mesure découlait automatiquement de l’engagement des poursuites pénales, comme c’est le cas en l’espèce. À la suite du non-lieu dont il bénéficié, le requérant peut ainsi, dans le délai de cinq ans prévu par le droit interne pour l’introduction d’une action en responsabilité, demander réparation pour le préjudice subi du fait des violations qu’il allègue. Rien en l’espèce ne permet de douter des perspectives de succès d’une telle action (voir, a contrario , Kurić et autres , précité, § 268).

10. Au vu de ces considérations, la Cour constate que les autorités internes ont reconnu les violations de la Convention allégées par le requérant et que celui-ci dispose toujours d’une voie de recours susceptible de lui offrir un redressement approprié. Partant, elle considère que l’intéressé ne peut plus se prétendre victime de ces violations (voir, mutatis mutandis , Daniel-P S.A. c. Moldavie (déc.), n o 32846/07, § 23, 20 mars 2012, Altin c. Turquie (déc.) [comité], n o 19483/05, §§ 32-34, 10 avril 2018). Il s’ensuit que les griefs soulevés sont incompatibles ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 a) et doivent être rejetés en application de l’article 35 § 4. Au vu de ce constat, il n’y a pas lieu d’examiner l’exception de non-épuisement soulevée par le Gouvernement.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Fait en français puis communiqué par écrit le 29 septembre 2022.

Ilse Freiwirth Iulia Antoanella Motoc Greffière adjointe Présidente

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