CASE OF TKACHENKO v. RUSSIA
Doc ref: 28046/05 • ECHR ID: 001-205792
Document date: November 10, 2020
- 0 Inbound citations:
- •
- 0 Cited paragraphs:
- •
- 2 Outbound citations:
TROISIÈME SECTION
AFFAIRE TKACHENKO c. RUSSIE
( Requête n o 28046/05 )
ARRÊT (Révision)
Art 41 • Satisfaction équitable • Révision visant à l’octroi de sommes aux requérants survivants
STRASBOURG
10 novembre 2020
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l ’ article 44 § 2 de la Convention . Il peut subir des retouches de fo rme.
En l ’ affaire Tkachenko c. Russie (demande de révision de l ’ arrêt rendu le 20 mars 2018) ,
La Cour européenne des droits de l ’ homme ( troisième section ), siégeant en une Chambre composée de :
Paul Lemmens, président, Georgios A. Serghides, Helen Keller, Dmitry Dedov, Branko Lubarda, Pere Pastor Vilanova, Erik Wennerström , juges , et de Olga Chernishova , greffière adjointe d e section ,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 20 octo bre 20 20 ,
Rend l ’ arrêt que voici , adopté à cette date :
PROCÉDURE
1 . À l ’ origine de l ’ affaire se trouve une requête (n o 28046/05) dirigée contre la Fédération de Russie et dont quatre ressortissants de cet État, M. Mikhail Aleksandrovich Tkachenko (« le premier requérant »), M me Nina Nikolayevna Tkachenko (la deuxième requérante »), M. Aleksandr Mikhaylovich Tkachenko (« le troisième requérant ») et M me Nataliya Mikhaylovna Tkachenko (« la quatrième requérante »), ont saisi la Cour le 14 juillet 2005 en vertu de l ’ article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l ’ homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2 . Le premier requérant et la deuxième requérante étaient des époux et le troisième requérant et la quatrième requérante sont leurs enfants. La deuxième requérante est décédée en 2011, après l ’ introduction de la requête. Le 18 avril 2011, les trois autres requérants ont exprimé le souhait de poursuivre l ’ instance au nom de cette dernière devant la Cour.
3 . Dans son arrêt du 20 mars 2018, la Cour a estim é que « le premier requérant – l ’ époux de la deuxième requérante – ainsi que le troisième requérant et la quatrième requérante – les enfants de la deuxième requérante – ont un intérêt légitime au maintien de la requête et, de ce fait, qualité pour agir au titre de l ’ article 34 de la Convention » ( paragraphe 31 de l ’ arrêt).
4 . Dans cet arrêt, la Cour a jugé qu ’ il y avait eu violation de l ’ article 1 du Protocole n o 1 à la Convention en raison de l ’ illégalité de l ’ expropriation de la maison des requérants. Elle a décidé d ’ allouer 5 000 euros (EUR) conjointement à tous les requérants pour dommage matériel, ainsi que 5 000 EUR à chacun des requérants pour dommage moral.
5 . Le 27 mars 2019, le Gouvernement a présenté une demande de rectification et de révision de l ’ arrêt aux motifs que le dispositif de l ’ arrêt n ’ était pas clair quant aux bénéficiaires de la satisfaction équitable, et que la quatrième requérante était décédée en 2016, avant le prononcé de l ’ arrêt, sans que la Cour n ’ en ait été informée.
6 . Cette demande a été communiquée aux parties requérantes pour observations. Le 2 août 2019, les requérants survivants ont informé la Cour que le premier requérant, le père de la quatrième requérante décédée, était l ’ héritier de celle-ci. Ils ont fourni à la Cour une attestation délivrée par un notaire en ce sens.
7 . Le 21 octobre 2019, la Cour a rejeté la demande du Gouvernement.
8 . Le 8 avril 2020, le Gouvernement a présenté une nouvelle demande en révision de l ’ arrêt, au sens de l ’ article 80 du règlement de la Cour, en arguant qu ’ il lui était impossible d ’ exécuter l ’ arrêt du 20 mars 2018 en l ’ absence d ’ indication précise sur les bénéficiaires de la satisfaction équitable.
9 . Le 16 juin 2020, la Cour a examiné la demande en révision et a décidé d ’ inviter les requérants survivants à présenter leurs éventuelles observations jusqu ’ au 17 août 2020.
10 . Dans leurs observations, parvenues à la Cour le 29 juin 2020, les requérants survivants ont indiqué que, à la suite du décès de la quatrième requérante, ils s ’ étaient trouvés dans un état de désarroi et ignoraient ce qu ’ ils devaient faire, mais qu ’ ils avaient néanmoins informé de ce décès leur ancien avocat qui avait omis de transmettre cette information à la Cour. Les requérants ont confirmé que le premier requérant était l ’ héritier de la quatrième requérante.
EN DROIT
SUR LA DEMANDE EN RÉVISION
11 . Le Gouvernement demande à la Cour de réviser l ’ arrêt du 20 mars 2018 et d ’ indiquer quelles sommes doivent être payées à quelles personnes. Il soutient à cet égard, que, sans indication expresse de la Cour en ce sens, les sommes allouées dans l ’ arrêt à la deuxième et à la quatrième requérante ne peuvent pas être perçues par les requérants survivants.
12 . Les requérants survivants répètent que le premier requérant est le père et l ’ héritier légal de la quatrième requérante. Ils arguent qu ’ ils ont agi de bonne foi et ils prient la Cour de tenir compte de leurs explications.
13 . La Cour note que les deux requérants survivants sont les proches de la quatrième requérante qui est décédée après l ’ introduction de la requête mais avant l ’ adoption de l ’ arrêt du 20 mars 2018 par la Cour. Bien qu ’ aucun d ’ eux n ’ ait expressément demandé de poursuivre l ’ instance au nom de la quatrième requérante, la Cour estime que les intéressés, n ’ étant pas représentés par un avocat, ont exprimé ce souhait en substance.
14 . Elle estime que, afin de permettre aux requérants survivants de recevoir les sommes allouées à leurs proches (voir la jurisprudence constante dans ce domaine, par exemple, Dyller c. Pologne (révision), n o 39842/05, 15 février 2011, Frančiška Štefančič c. Slovénie (révision) , n o 58349/09 , 9 octobre 2018, et Ana Ionescu et autres c. Roumanie (révision), n os 19788/03 et 18 autres, 3 mars 2020), il y a lieu de réviser l ’ arrêt du 20 mars 2018 par application de l ’ article 80 de son règlement qui, en ses parties pertinentes, est ainsi libellé :
« En cas de découverte d ’ un fait qui, par sa nature, aurait pu exercer une influence décisive sur l ’ issue d ’ une affaire déjà tranchée et qui, à l ’ époque de l ’ arrêt, était inconnu de la Cour et ne pouvait raisonnablement être connu d ’ une partie, cette dernière peut (...) saisir la Cour d ’ une demande en révision de l ’ arrêt dont il s ’ agit. (...) »
15 . La Cour décide en conséquence qu ’ il y a lieu d ’ octroyer 10 000 EUR au premier requérant et 10 000 EUR au troisième requérant pour dommage moral, ainsi que 5 000 EUR conjointement au premier et au troisième requérant pour dommage matériel, plus tout montant pouvant être dû à titre d ’ impôt sur ces sommes.
16 . La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d ’ intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L ’ UNANIMITÉ,
en conséquence
a) que l ’ État défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où l ’ arrêt sera devenu définitif conformément à l ’ article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l ’ État défendeur , au taux applicable à la date du règlement :
b) qu ’ à compter de l ’ expiration dudit délai et jusqu ’ au versement, ces montants sont à majorer d ’ un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage .
Fait en français, puis communiqué par écrit le 10 novembre 2020 , en application de l ’ article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Olga Chernishova Paul Lemmens Greffière adjointe Président