Lexploria - Legal research enhanced by smart algorithms
Lexploria beta Legal research enhanced by smart algorithms
Menu
Browsing history:

Judgment of the Court of First Instance (First Chamber) of 18 June 1996.

Juana de la Cruz Vela Palacios v Economic and Social Committee.

T-150/94 • 61994TJ0150 • ECLI:EU:T:1996:82

  • Inbound citations: 11
  • Cited paragraphs: 5
  • Outbound citations: 16

Judgment of the Court of First Instance (First Chamber) of 18 June 1996.

Juana de la Cruz Vela Palacios v Economic and Social Committee.

T-150/94 • 61994TJ0150 • ECLI:EU:T:1996:82

Cited paragraphs only

Avis juridique important

Arrêt du Tribunal de première instance (première chambre) du 18 juin 1996. - Juana de la Cruz Elena Vela Palacios contre Comité économique et social. - Fonctionnaires - Recours en annulation et en indemnité - Recevabilité - Introduction d'une réclamation par télécopie - Rapport de notation - Retard - Motivation d'une régression de la notation - Préjudice moral. - Affaire T-150/94. Recueil de jurisprudence - fonction publique 1996 page IA-00297 page II-00877

Parties Motifs de l'arrêt Décisions sur les dépenses Dispositif

++++

Dans l'affaire T-150/94,

Juana de la Cruz Vela Palacios, fonctionnaire du Comité économique et social des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles, représentée par Me Éric Boigelot, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Louis Schiltz, 2, rue du Fort Rheinsheim,

partie requérante,

contre

Comité économique et social des Communautés européennes, représenté par M. Moises Bermejo Garde, conseiller juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Denis Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique de la Commission, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation, d'une part, de la décision du Comité économique et social du 18 juin 1993 portant établissement des rapports de notation de la requérante pour les périodes du 1er décembre 1986 au 31 août 1988 et du 1er septembre 1988 au 31 août 1990 et, d'autre part, de la décision du 13 janvier 1994 rejetant la réclamation contre ces rapports, ainsi que la réparation du dommage prétendument subi par la requérante à cause des fautes de service qui auraient été commises par l'administration de la défenderesse,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(première chambre),

composé de M. A. Saggio, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 13 mars 1996,

rend le présent

Arrêt

Faits et cadre juridique

1 En 1986, la requérante a été engagée par le Comité économique et social des Communautés européennes (ci-après «CES») comme fonctionnaire stagiaire de grade C 5, en tant que dactylographe d'expression espagnole. En 1987, elle a été nommée secrétaire sténo-dactylographe de grade C 3.

2 Depuis lors, des problèmes d'ordre relationnel et administratif entre la requérante et l'institution défenderesse se sont accumulés. Ces problèmes se sont traduits par de nombreuses mutations dans différents services.

3 La requérante a d'abord été affectée, de 1987 jusqu'à l'été 1989, au service «réunions»; ensuite, pendant les trois mois qui suivirent, au poste de secrétaire d'un concours; plus tard, de mars 1990 jusqu'à juin 1991, à l'unité «sécurité» pour prendre des photos et renouveler les cartes de services; ensuite, de juillet 1991 jusqu'à juillet 1992, au pool espagnol de transcription; puis, de juillet 1992 jusqu'à juin 1993, de nouveau à l'unité de «sécurité», cette fois-ci comme sténo-dactylographe; ensuite, de juin 1993 jusqu'à novembre 1994, à la direction générale Opérations, direction «communication»; enfin, à partir de novembre 1994, à la direction «traduction et édition».

4 Selon la requérante, il y a eu, cependant, de nombreux mois, voire même des années, pendant lesquels elle a été laissée, en réalité, sans aucun travail, et parfois sans bureau. Elle souligne, en outre, que son emploi à l'unité «sécurité» de mars 1990 jusqu'à juin 1991 ne correspondait pas à son grade ni à ses qualifications professionnelles. La défenderesse estime que ces deux allégations sont inexactes. En revanche, elle considère que les problèmes relationnels et les mutations qui en ont résulté ont exclusivement été provoqués par le comportement de la requérante, et notamment par ses difficultés à travailler avec d'autres personnes et à s'adapter aux postes qui lui sont assignés.

5 Le 4 mars 1992, la défenderesse a établi les rapports de notation de la requérante pour les périodes du 1er décembre 1986 au 31 août 1988 et du 1er septembre 1988 au 31 août 1990. Ces rapports ont été datés, respectivement, du 1er septembre 1988 et du 14 septembre 1990, et ils ont été mis à la disposition de la requérante le 6 mars 1992. Celle-ci n'a accusé réception des rapports que le 7 avril 1992. Ce retard d'un mois est expliqué par le fait que la requérante, absente pour cause de maladie, n'a pas voulu recevoir les rapports par chauffeur, au motif qu'ils avaient été établis hors délai.

6 L'article 43, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») dispose: «La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire [...] font l'objet d'un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l'article 110.» Le deuxième alinéa précise: «Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d'y joindre toutes observations qu'il juge utiles.»

7 L'article 110, premier alinéa, du statut dispose: «Les dispositions générales d'exécution du présent statut sont arrêtées par chaque institution [...]» La décision n_ 1001/81 A du CES, arrêtant les dispositions générales d'exécution du statut concernant la notation périodique des fonctionnaires du CES, exige, entre autres, qu'un rapport de notation soit établi pour chaque fonctionnaire tous les deux ans (article 1er), que chaque notation porte strictement sur la période de référence (article 6, premier alinéa), que toute modification défavorable des appréciations analytiques par rapport à la notation précédente soit justifiée (article 6, deuxième alinéa), et que le rapport de notation soit communiqué au noté dans un délai d'un mois suivant la fin de la période de référence (article 7).

8 Les 7 avril et 7 mai 1992, la requérante a fait appel contre les deux notations, au motif qu'elles avaient été établies irrégulièrement. Le 19 février 1993, le comité paritaire de notation a émis un avis, dans lequel il a suggéré quelques modifications. Enfin, par une décision qui a été notifiée à la requérante le 18 juin 1993, le directeur général du CES a définitivement établi les deux rapports, en incluant les modifications suggérées par le comité paritaire de notation.

9 Selon l'article 90, paragraphe 2, du statut, les fonctionnaires peuvent introduire des réclamations contre des actes leur faisant grief dans un délai de trois mois, qui court, s'il s'agit d'une mesure de caractère individuel, «du jour de la notification de la décision au destinataire et en tout cas au plus tard du jour où l'intéressé en a connaissance».

10 Le 17 septembre 1993, de 19h07 à 19h10, la requérante a envoyé à la défenderesse, par télécopie, une réclamation conformément à l'article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 18 juin 1993. Le 20 septembre 1993, cette télécopie a été inscrite dans le livre de réception des télécopies de la défenderesse. Le 13 janvier 1994, la défenderesse a rejeté la réclamation, au motif que celle-ci avait été présentée hors délai et était en tout état de cause non fondée.

Procédure et conclusions des parties

11 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 avril 1994, la requérante a introduit le présent recours au titre de l'article 91, paragraphe 2, du statut.

12 Par acte déposé au greffe le 16 juin 1994, la défenderesse a soulevé une exception d'irrecevabilité. Par ordonnance du 1er décembre 1994, le Tribunal a décidé de joindre cette exception au fond.

13 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans ordonner de mesures d'instruction préalables. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 13 mars 1996.

14 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- ordonner le retrait ou l'annulation de la décision du 18 juin 1993;

- ordonner l'annulation de la décision du 13 janvier 1994 rejetant la réclamation contre la première décision;

- ordonner l'établissement de nouvelles notations;

- condamner la défenderesse à un paiement de 150 000 BFR, sous réserve de modification en cours d'instance, à titre de dommage moral;

- condamner la défenderesse à l'ensemble des dépens.

15 La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- déclarer le recours irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé;

- condamner la requérante à ses propres dépens.

Sur la recevabilité

Sur la recevabilité de la demande en annulation

Exposé sommaire des arguments des parties

16 La défenderesse relève que la réclamation lui est parvenue seulement le 20 septembre 1993 et qu'en conséquence celle-ci n'a pas été introduite dans le délai prescrit par l'article 90, paragraphe 2, du statut. Elle précise que la réclamation aurait dû être introduite le 18 septembre 1993 au plus tard, étant donné que la décision du directeur général du CES établissant les rapports de notation définitifs avait été notifiée à la requérante le 18 juin 1993.

17 La défenderesse rappelle que, selon une jurisprudence constante, la sécurité des situations juridiques exige que les délais prévus par le statut soient rigoureusement respectés.

18 Elle se réfère, en particulier, à l'arrêt du Tribunal du 25 septembre 1991, Lacroix/Commission (T-54/90, Rec. p. II-749, point 29), selon lequel «le simple dépôt [d'une réclamation] à la poste n'[est] pas susceptible en lui-même de fournir une indication suffisamment certaine quant à la date à laquelle la lettre contenant la réclamation sera transmise à l'institution destinataire». De même, en l'espèce, l'envoi du fax par la requérante le 17 septembre 1993 ne serait rien de plus qu'un simple dépôt de la réclamation dans l'appareil de la requérante, qui n'est pas susceptible de fournir une indication certaine sur le moment où le document a été reçu par la défenderesse.

19 Par ailleurs, la défenderesse estime qu'il est contestable qu'une réclamation puisse être introduite par télécopie sans être confirmée par une lettre ordinaire ou par un autre document authentique. Elle souligne que le Tribunal n'accepte pas l'envoi de recours par télécopie.

20 La requérante fait valoir que le «transmission report» et le «journal» de son télécopieur du 17 septembre 1993 indiquent clairement que la réclamation a été envoyée ce jour-là, et plus précisément pendant 3 minutes et 52 secondes à partir de 19h07. Elle remarque également que, si la défenderesse prétend avoir reçu la réclamation après cette date, elle doit encore en fournir la preuve.

21 La requérante souligne aussi que, à l'égard du délai prévu par l'article 90, paragraphe 2, du statut, ce n'est pas l'enregistrement du document reçu qui importe, mais la réception elle-même. Dans ce contexte, elle se réfère à l'arrêt du Tribunal Lacroix/Commission, précité (points 30 et 31), selon lequel «le fonctionnaire ne saurait pâtir de facteurs indépendants de sa volonté, susceptibles de retarder la transmission de sa lettre de réclamation. En particulier, il ne saurait être rendu responsable des défauts ou lenteurs de transmission de service en service à l'intérieur de l'institution destinataire. En l'espèce, [...] la réclamation [...] a été reçue au service du courrier de la Commission le 27 avril 1990. C'est, partant, à cette dernière date qu'il faut se placer pour apprécier si la réclamation a été introduite dans le délai statutaire de trois mois».

22 Enfin, en ce qui concerne la valeur juridique de la télécopie, la requérante se réfère à la doctrine défendant la thèse selon laquelle la télécopie fait foi de son contenu et de sa date, à moins que la défenderesse n'apporte la preuve du contraire.

Appréciation du Tribunal

23 A titre liminaire, le Tribunal considère que la recevabilité du recours ne saurait être mise en cause au motif que la réclamation a été introduite par voie de télécopie. A cet égard, il suffit de rappeler que l'introduction des réclamations administratives par les fonctionnaires n'est soumise à aucune condition de forme (arrêt du Tribunal du 26 septembre 1990, Virgili-Schettini/Parlement, T-139/89, Rec. p. II-535, point 19).

24 Ensuite, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, seule la date à laquelle l'administration est en mesure de prendre connaissance de la réclamation peut être prise en considération (arrêt Lacroix/Commission, précité, point 29).

25 En outre, il résulte d'une jurisprudence établie qu'il appartient à la partie qui se prévaut d'un dépassement de délai d'en apporter la preuve (arrêt du Tribunal du 11 juillet 1991, Von Hoessle/Cour des comptes, T-19/90, Rec. p. II-615, point 25).

26 Le Tribunal constate que, dans le cas d'espèce, il n'est pas contesté que la requérante a envoyé sa réclamation par télécopie le 17 septembre 1993, date qui précède le jour d'expiration du délai. La partie défenderesse a d'ailleurs précisé, lors de la procédure orale, qu'elle n'accuse pas le conseil de la requérante d'avoir manipulé la date figurant sur la télécopie et sur les transcrits du télécopieur, qui ont confirmé la transmission effective et immédiate du message contenant la réclamation.

27 Ces éléments permettent de considérer que la défenderesse était en mesure de prendre connaissance de la réclamation dès le 17 septembre 1993. La défenderesse n'a produit aucun élément de preuve à l'encontre de cette conclusion, qui n'est pas non plus remise en cause par l'inscription du message dans le livre de réception des télécopies du CES le 20 septembre 1993 seulement, à savoir le premier jour ouvrable suivant le jour de l'envoi de la télécopie.

28 Le dépassement du délai de trois mois n'étant pas établi, la demande en annulation doit être déclarée recevable.

Sur la recevabilité de la demande en indemnité

Exposé sommaire des arguments des parties

29 La défenderesse rappelle que, lorsqu'une demande en indemnité n'a pas pour seule origine le préjudice résultant de l'acte dont l'annulation est demandée mais plusieurs fautes de service, elle doit être précédée de la procédure précontentieuse visée à l'article 90 du statut. Or, selon la défenderesse, la requérante demande une indemnisation non seulement en raison du retard des rapports, mais aussi en raison de la «situation administrative irrégulière dans laquelle elle a été maintenue». Dans ce contexte, faute d'avoir été précédée d'une procédure précontentieuse, la demande en indemnité serait irrecevable.

30 Selon la requérante, il est évident que sa demande vise la réparation d'un préjudice qui résulte de l'acte dont l'annulation est demandée. Concernant ses autres allégations, elle précise que «la situation administrative irrégulière dans laquelle elle a été maintenue» est une conséquence de l'établissement tardif des rapports de notation, du caractère incomplet de ceux-ci et des erreurs manifestes d'appréciation qu'ils contiennent.

Appréciation du Tribunal

31 Le Tribunal rappelle qu'un lien étroit doit exister entre la demande en annulation et la demande en indemnité pour que cette dernière soit recevable sans avoir été précédée d'une procédure précontentieuse (arrêt du Tribunal du 25 septembre 1991, Marcato/Commission, T-5/90, Rec. p. II-731, point 49).

32 En l'espèce, il ressort des mémoires soumis au Tribunal par la requérante que celle-ci fonde sa demande en indemnité sur le caractère tardif, incomplet et erroné des rapports de notation attaqués et sur le préjudice qu'une telle conduite de l'administration lui aurait causé. A l'appui de sa demande en indemnité, la requérante invoque donc le même comportement irrégulier que celui qui l'avait conduite à demander l'annulation de ses rapports de notation.

33 Il s'ensuit qu'il existe un lien étroit entre la demande en indemnité et la demande en annulation. Dans ces circonstances, la requérante n'était pas tenue de faire précéder sa demande en indemnité d'une procédure précontentieuse.

34 Il ressort de tout ce qui précède que le recours est recevable.

Sur le fond

Exposé sommaire des arguments des parties

35 La requérante indique que les deux rapports de notation litigieux ont été respectivement établis plus de trois ans et demi et plus de un an et demi après les délais prévus par le statut, et que, en plus, ces rapports ne tiennent compte ni des fonctions qu'elle a réellement exercées, ni du fait qu'elle a été laissée sans aucune tâche pendant de longues périodes. Selon la requérante, ces lacunes sont constitutives d'un manquement grave aux obligations incombant à l'AIPN tant en vertu des articles 26, 43 et 45 du statut que des dispositions générales d'exécution de l'article 43 du statut et du principe de l'égalité. Ce manquement lui a été préjudiciable dans la mesure où elle a été privée de la possibilité de faire valoir ses mérites et de voir son dossier individuel pris en compte au cours du déroulement de sa carrière. La requérante avance qu'un dossier individuel complet l'aurait certainement aidée à obtenir un poste digne de son grade et de ses qualifications professionnelles, lui évitant ainsi de subir un préjudice.

36 Le retard survenu dans l'établissement des rapports constituerait en plus une violation des droits de la défense. En effet, l'existence de délais pour établir les rapports de notation doit permettre la formulation d'observations en réponse aux potentielles appréciations négatives, à un moment le plus contemporain possible de la période visée.

37 La requérante souligne également que le rapport de notation pour la période du 1er septembre 1988 au 31 août 1990 contient des modifications défavorables par rapport à la notation pour la période du 1er décembre 1986 au 31 août 1988 et qu'aucun commentaire ne les justifie, contrairement à ce que prescrit l'article 6 de la décision n_ 1001/81 A du CES, précitée.

38 La requérante conclut que le retard survenu dans l'établissement des rapports de notation constitue une faute de service qui lui a causé un préjudice moral. A cet égard, elle se réfère à l'arrêt de la Cour du 6 février 1986, Castille/Commission (173/82, 157/83 et 186/84, Rec. p. 497, point 36), ainsi qu'à l'arrêt du Tribunal du 24 janvier 1991, Latham/Commission (T-27/90, Rec. p. II-35, point 48), selon lesquels «le retard survenu dans l'établissement des rapports de notation est de nature, en lui-même, à porter préjudice au fonctionnaire du seul fait que le déroulement de sa carrière peut être affecté par le défaut d'un tel rapport à un moment où des décisions le concernant doivent être prises».

39 Compte tenu de l'importance du retard et du caractère incomplet des rapports, la requérante estime son préjudice à 75 000 BFR pour chaque notation, soit à une somme totale de 150 000 BFR. Elle demande l'indemnisation de ce préjudice, indépendamment de la décision du Tribunal sur la demande en annulation.

40 Bien que la défenderesse admette que les rapports de notation litigieux ont été établis tardivement, elle estime que les retards n'ont pas empêché la requérante de recourir au notateur d'appel et de voir sa candidature prise en compte dans le cadre d'exercices de promotion. En outre, la défenderesse souligne que lors de l'établissement des rapports elle a respecté toutes les garanties procédurales tendant à la sauvegarde des droits de la défense. Elle rappelle aussi que, contrairement à ce que prétend la requérante, celle-ci n'a jamais été laissée dans une situation de travail irrégulière, de sorte que les arguments de la requérante qui se basent sur cette allégation doivent être écartés par manque de vérité et de preuve.

41 Quant à la seule appréciation analytique qui a été moins favorable dans le rapport de notation pour la période du 1er septembre 1988 au 31 août 1990 par rapport à la notation pour la période du 1er décembre 1986 au 31 août 1988, à savoir celle concernant l'«adaptation aux exigences du service» («laisse à désirer» au lieu de «passable»), la défenderesse suggère que cette modification a été motivée par l'avis du Comité paritaire de notation. Elle fait valoir, en effet, que la décision établissant définitivement les rapports s'est référée à une telle motivation et, en plus, que cette motivation a encore été reprise dans la réponse à la réclamation de la requérante.

42 Quant à la demande en indemnité, la défenderesse fait remarquer, en premier lieu, que la requérante n'a subi, dans le déroulement de sa carrière, aucun préjudice à cause du retard des rapports de notation, puisqu'au seul moment où cela aurait pu être le cas, à savoir lors d'une procédure en 1991, le Tribunal a décidé, dans un arrêt du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES (T-25/92, Rec. p. II-201, point 46), que l'absence du rapport de notation était compensée par la disponibilité d'autres informations et n'empêchait donc pas l'AIPN de faire une comparaison valable entre les mérites de la requérante et ceux d'autres fonctionnaires. Elle fait remarquer, en second lieu, qu'elle a, dans la même affaire, offert au Tribunal d'être condamnée à supporter les dépens de la requérante, précisément pour compenser le retard des rapports de notation (point 54 de l'arrêt).

43 La défenderesse estime qu'en tout cas une distinction doit être maintenue entre, d'une part, le retard des rapports et le préjudice qui pourrait hypothétiquement en résulter, et, d'autre part, la validité des rapports. A cet égard, elle se réfère à la jurisprudence de la Cour, selon laquelle la tardiveté d'un rapport de notation n'affecte pas, en tant que telle, la validité de ce rapport.

Appréciation du Tribunal

Sur les conclusions aux fins d'annulation

44 Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que le retard survenu dans le déroulement d'une procédure de notation n'est pas de nature à affecter, à lui seul, la validité du rapport qui en est issu (arrêt de la Cour du 1er juin 1983, Seton/Commission, 36/81, 37/81 et 218/81, Rec. p. 1789, point 14). Il en est ainsi puisque, si un rapport de notation était annulé au seul motif de sa tardiveté, il resterait impossible d'établir un rapport valable, étant donné que le rapport qui devrait remplacer le rapport annulé ne pourrait être moins tardif que celui-ci.

45 Si le retard survenu dans l'établissement des rapports litigieux ne saurait donc affecter la validité de ceux-ci, il reste toutefois à examiner, à la lumière des arguments de la requérante, si la validité des rapports a été affectée par des erreurs manifestes d'appréciation ou par des défauts de motivation.

46 A cet égard, le Tribunal constate, tout d'abord, que la présence de l'erreur dont se plaint la requérante, à savoir que les rapports litigieux n'auraient pas reflété sa situation administrative et ses fonctions réelles, n'a été appuyée par aucun élément de preuve. L'argument tiré du caractère erroné des rapports ne saurait, dans ces circonstances, être accueilli.

47 Il convient d'examiner, ensuite, si l'appréciation «laisse à désirer» pour la rubrique «adaptation aux exigences du service», qui figure dans le rapport de notation pour la période du 1er septembre 1988 au 31 août 1990 et qui est défavorable par rapport à l'appréciation correspondante figurant dans le rapport pour la période du 1er décembre 1986 au 31 août 1988 («passable»), a été accompagnée d'une motivation, comme l'exige l'article 6, deuxième alinéa, de la décision n_ 1001/81 A du CES, précitée.

48 Le Tribunal constate que ni le texte du rapport, ni le texte de l'avis du comité paritaire de notation, ni la lettre du 18 juin 1993 portant établissement du rapport ne contiennent une motivation de la régression d'appréciation susmentionnée. Une telle motivation ne peut être trouvée que dans la lettre de la défenderesse du 13 janvier 1994 rejetant la réclamation de la requérante. Cette lettre fait part à la requérante des «observations réitérées de vos supérieurs hiérarchiques concernant la période 1988-1990, relatives à votre manque d'adaptation aux exigences du service dans les tâches que vous avez remplies», et indique que «[a]u cours de la période citée, il a été constaté une aggravation progressive et continue de l'insuffisance de votre rendement». Il convient de rappeler, dans ce contexte, que l'obligation pour une institution de motiver les décisions qu'elle adresse à ses fonctionnaires peut encore être accomplie au stade du rejet de la réclamation contre ces décisions (arrêts du Tribunal du 12 février 1992, Volger/Parlement, T-52/90, Rec. p. II-121, point 36, et du 17 mai 1995, Benecos/Commission, T-16/94, RecFP p. II-335, point 31).

49 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que la demande en annulation doit être rejetée.

Sur les conclusions aux fins d'indemnité

50 Le Tribunal constate, liminairement, que même si certains arguments de la requérante concernent en substance l'existence d'un préjudice matériel, la requérante s'est bornée, dans les conclusions formelles de ses mémoires, à demander la réparation du préjudice moral qu'elle aurait subi.

51 Il convient de rappeler, ensuite, que selon une jurisprudence constante les conclusions tendant à la réparation d'un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées (arrêt du Tribunal du 19 octobre 1995, Obst/Commission, T-562/93, RecFP p. II-737, point 88).

52 Le Tribunal estime, toutefois, qu'une exception à ce principe s'impose dans les cas, comme en l'espèce, où le rejet des conclusions en annulation ne repose pas sur l'absence d'une illégalité, mais s'explique uniquement par le fait que l'acte attaqué, s'il était annulé, ne pourrait pas être remplacé par un acte qui est plus conforme au droit communautaire. Dans un tel cas, le retard survenu dans l'établissement d'un rapport de notation ne met pas en cause sa validité mais peut néanmoins constituer une faute de service susceptible d'ouvrir droit à réparation au profit de l'agent concerné (arrêt de la Cour du 9 février 1988, Picciolo/Commission, 1/87, Rec. p. 711, point 32). Il convient de rappeler, à cet égard, que selon une jurisprudence constante un fonctionnaire qui ne possède qu'un dossier individuel irrégulier et incomplet subit de ce fait un préjudice moral tenant à l'état d'incertitude et d'inquiétude dans lequel il se trouve quant à son avenir professionnel (arrêts du Tribunal du 8 novembre 1990, Barbi/Commission, T-73/89, Rec. p. II-619, point 41, et Latham/Commission, précité, point 49).

53 En l'espèce, il a fallu attendre respectivement trois ans et demi et un an et demi pour que soient établis les projets des rapports litigieux, ce qui n'est pas compatible avec les principes de bonne administration. Partant, la requérante s'est trouvée, pendant plus de trois années, dans un état d'incertitude et d'inquiétude. Il s'ensuit que la faute de service commise par la défenderesse lui a effectivement causé un préjudice moral, ouvrant droit à réparation. Dans les circonstances de l'espèce, le Tribunal estime qu'il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 50 000 BFR.

Sur les dépens

54 Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent, en tout état de cause, à la charge de celles-ci.

55 La défenderesse ayant partiellement succombé en ses conclusions et la requérante ayant conclu à la condamnation de la défenderesse aux dépens, il y a lieu de condamner la défenderesse à supporter ses propres dépens et une moitié des dépens de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

(première chambre)

déclare et arrête:

1) Le Comité économique et social est condamné à verser à la requérante une somme correspondant à 50 000 BFR, en réparation du préjudice moral qu'elle a subi.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Le Comité économique et social supportera ses propres dépens et une moitié des dépens de la requérante. La requérante supportera une moitié de ses propres dépens.

© European Union, https://eur-lex.europa.eu, 1998 - 2024
Active Products: EUCJ + ECHR Data Package + Citation Analytics • Documents in DB: 398107 • Paragraphs parsed: 43931842 • Citations processed 3409255