Judgment of the General Court (Second Chamber) of 19 November 2025.
Heinrich Sieber & Co. GmbH & Co. KG v European Union Intellectual Property Office.
• 62024TJ0641 • ECLI:EU:T:2025:1050
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
19 novembre 2025 ( * )
« Dessin ou modèle de l’Union européenne – Procédure de nullité – Dessin ou modèle de l’Union européenne enregistré représentant un fourre-tout – Motif de nullité – Absence d’unicité du dessin ou modèle – Article 3, sous a), et article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 6/2002 dans sa version antérieure au règlement (UE) 2024/2822 – Cohérence des vues »
Dans l’affaire T‑641/24,
Heinrich Sieber & Co. GmbH & Co. KG, établie à Bad Reichenhall (Allemagne), représentée par M e M. Pütz-Poulalion, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M me E. Nicolás Gómez, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Dieter Achilles, demeurant à Neu-Isenburg (Allemagne), représenté par M e M. Hülsewig, avocat,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé, lors des délibérations, de M me A. Marcoulli, présidente, M. J. Schwarcz et M me D. Jočienė (rapporteure), juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Heinrich Sieber & Co. GmbH & Co. KG, demande l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 9 octobre 2024 (affaire R 1100/2023-3) (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 19 juillet 2022, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande de nullité du dessin ou modèle de l’Union européenne n o 105051-0001, enregistré à la suite d’une demande déposée le 1 er décembre 2003, en revendiquant la priorité de la demande de dessin ou modèle allemand n o 403 03 893.6 du 30 mai 2003, valablement renouvelé et reproduit dans les vues suivantes :
3 Le produit auquel le dessin ou modèle, dont la nullité était demandée, est destiné à être appliqué relevait de la classe 03.01 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspondait à l’indication suivante : « fourre-tout ».
4 Le motif invoqué à l’appui de la demande en nullité était celui visé à l’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n o 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement (UE) 2024/2822 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2024 (JO L, 2024/2822), lu conjointement avec l’article 3, sous a), de ce règlement.
5 La demande en nullité était fondée sur l’absence d’unicité du dessin ou modèle contesté au sens de l’article 3, sous a), du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure.
6 Le 17 avril 2023, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.
7 Le 26 mai 2023, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.
8 Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la division d’annulation n’avait pas commis d’erreur en estimant qu’il existait une unicité du dessin ou modèle contesté. En faisant siennes les conclusions de la division d’annulation, la chambre de recours a considéré que les divergences invoquées par la requérante résultaient uniquement de différences entre une la représentation photographique et la représentation graphique du dessin ou modèle contesté. En outre, elle a indiqué que, contrairement à ce que soutenait la requérante, il n’y avait pas lieu de considérer que le dessin ou modèle contesté protégeait en réalité deux produits à savoir, un fourre-tout et une barrette munie d’un clip.
Conclusions des parties
9 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée et déclarer nul le dessin ou modèle contesté ;
– condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.
10 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens si une audience est organisée.
11 L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur l ’interprétation d u premier chef de conclusions
12 Par la seconde branche du premier chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de déclarer nul le dessin ou modèle contesté.
13 À cet égard, il convient de considérer que, par cette demande, la requérante a formulé, en vertu de l’article 61, paragraphe 3, du règlement n o 6/2002, une demande de réformation visant à ce que le Tribunal adopte la décision que la chambre de recours aurait dû prendre [voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2024, Puma/EUIPO – Fujian Daocheng Electronic Commerce (Chaussure), T‑758/22, EU:T:2024:292, point 12].
14 Par conséquent, il y a lieu d’interpréter le premier chef de conclusions en ce sens que la requérante demande au Tribunal d’annuler la décision attaquée puis, en application de son pouvoir de réformation, d’accueillir la demande en nullité du dessin ou modèle de l’Union européenne enregistré sous le numéro 105051-0001.
Sur le fond
15 La requérante invoque en substance trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure, lu conjointement avec l’article 3, sous a), de ce règlement, le deuxième, de la violation de l’article 53, paragraphe 1, dudit règlement, et, le troisième, de la violation de l’article 85, paragraphe 1, de ce même règlement.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure, lu conjointement avec l’article 3, sous a), de ce règlement
16 La requérante soutient que le dessin ou modèle contesté ne représente pas un produit unique, mais deux, voire trois produits différents. Elle affirme qu’il y a lieu de considérer que le clip du fourre-tout est un produit distinct du fourre-tout en lui-même. Elle considère ainsi que le dessin ou modèle contesté, tel qu’enregistré, présente des incohérences et contradictions insurmontables, de sorte qu’il ne protège pas un produit unique au sens de l’article 3, sous a), du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure.
17 L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.
18 En vertu de l’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure, un dessin ou modèle de l’Union européenne doit être déclaré nul s’il ne répond pas à la définition visée à l’article 3, sous a), de ce règlement, aux termes de laquelle on entend par « dessin ou modèle », « l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation ».
19 L’examen d’un dessin ou modèle au titre de l’article 3, sous a), du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure, est limité à la question de savoir si la représentation montre l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit. Si, dans le cadre de l’examen, l’EUIPO constate que le dessin ou modèle qui fait l’objet d’une demande de protection ne répond pas à la définition visée audit article et qu’il n’est pas remédié au motif de rejet dans le délai imparti, l’EUIPO rejette la demande, conformément à l’article 47, paragraphe 1, du même règlement ainsi qu’à l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) n o 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement n o 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28).
20 Conformément à l’article 36, paragraphe 1, sous c), du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure, et à l’article 1, paragraphe 1, sous c), du règlement n o 2245/2002, la demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle de l’Union européenne doit contenir une représentation du dessin ou modèle apte à être reproduite.
21 Eu égard à l’analyse littérale, téléologique et contextuelle de l’article 36, paragraphe 1, sous c), du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure, la représentation d’un dessin ou modèle dont l’enregistrement est demandé doit permettre d’identifier clairement ce dessin ou modèle, objet de la protection visée par cette demande (arrêt du 5 juillet 2018, Mast-Jägermeister/EUIPO, C‑217/17 P, EU:C:2018:534, point 60). À cet égard, il convient, en particulier, d’examiner si les vues qui constituent la représentation dans son ensemble montrent l’apparence d’un produit unique, c’est-à-dire s’il y a unicité du dessin ou modèle [voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2024, Orgatex/EUIPO – Longton (Marquages au sol), T‑25/23, EU:T:2024:725, point 38].
22 L’exigence de cohérence des vues implique que toutes les vues montrent l’apparence d’un seul et même produit (ou partie de produit), de sorte qu’elles permettent d’identifier clairement un seul et même dessin ou modèle (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2024, Marquages au sol, T‑25/23, EU:T:2024:725, point 39).
23 Il ne peut y avoir d’unicité du dessin ou modèle si les vues qui constituent la représentation dans son ensemble sont en incohérence insoluble ou en contradiction insurmontable, de sorte que la représentation ne permet pas d’identifier clairement un seul dessin ou modèle. À l’inverse, l’unicité du dessin ou modèle peut être constatée malgré des divergences mineures entre les vues, dans la stricte mesure où ces vues peuvent néanmoins être conciliées dans le sens d’un dessin ou modèle unique. Cela étant, les instances de l’EUIPO ne sont pas tenues d’envisager toutes les combinaisons possibles entre les vues fournies par le déposant lors de la demande d’enregistrement, mais uniquement les combinaisons qui semblent logiques et plausibles au regard de l’expérience commune (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2024, Marquages au sol, T‑25/23, EU:T:2024:725, point 40).
24 Un dessin ou modèle qui ne constitue pas un objet unique ne répond pas à la définition édictée à l’article 3, sous a), du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure, et doit donc être rejeté à l’enregistrement conformément à l’article 47, paragraphe 1, de ce règlement, ou déclaré nul si le motif de nullité énoncé à l’article 25, paragraphe 1, sous a), dudit règlement a été régulièrement invoqué [voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Ball Beverage Packaging Europe/EUIPO – Crown Hellas Can (Canettes), T‑9/15, EU:T:2017:386, points 57 et 60].
25 L’article 4 du règlement n o 2245/2002 autorise expressément le dépôt de plusieurs vues d’un même dessin ou modèle. Le demandeur est libre de choisir quelles illustrations il soumet et si les vues présentées sont des photographies de l’objet réel, des dessins techniques ou des représentations générées par ordinateur. Les vues déposées peuvent présenter le dessin ou modèle sous différents angles et perspectives, y compris à des échelles différentes. Toutefois, eu égard à l’exigence de cohérence des vues, le demandeur a l’obligation de s’assurer que les vues sont cohérentes (arrêt du 23 octobre 2024, Marquages au sol, T‑25/23, EU:T:2024:725, point 43).
26 C’est à la lumière des principes exposés aux points 18 à 25 ci-dessus qu’il y a lieu d’examiner si les vues déposées en l’espèce sont cohérentes et permettent donc d’identifier clairement un seul et même dessin ou modèle.
27 Dans la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté les arguments de la requérante selon lesquels les différentes vues du dessin ou modèle contesté montrent trois produits distincts, à savoir, le fourre-tout figurant sur les photographies (vues 1 à 3), le fourre-tout figurant sur les reproductions graphiques (vues 4 et 5) et la barrette munie d’un clip (vue 6). La chambre de recours a considéré que les six vues, dans leur ensemble, offraient une vue cohérente d’un fourre-tout.
28 À titre liminaire, il convient de décrire les six vues qui composent le dessin ou modèle contesté, tel qu’enregistré. Les vues 1 à 3 sont des photographies du fourre-tout, lequel est souple et doté d’un cadre rigide en son sommet. Sur la vue 1, ce sac apparait de biais, ouvert et posé sur une surface plane. La vue 2 montre un fourre-tout de face, dont les côtés se déploient latéralement. La vue 3, prise de côté, met en évidence un fourre-tout légèrement fermé dont les poignées sont jointes en son sommet. Les vues 4 et 5 sont des représentations graphiques d’un fourre-tout. Elles reprennent les éléments visibles figurant sur les vues photographiques. Enfin, la vue 6 représente isolément une barrette et un crochet.
29 Premièrement, la requérante fait valoir que la vue 6 représente une barrette pour sac munie d’un crochet, qui ne figure sur aucune autre vue. Selon elle, cette barrette constitue un élément distinct et détachable, sans lien structurel ni fonctionnel avec le reste du sac représenté sur les autres vues. Elle souligne que les autres vues montrent le sac sous différents angles sans que ce crochet apparaisse, ce qui témoignerait d’une incohérence insurmontable. Selon la requérante, les autres vues démontrent qu’il est impossible d’insérer latéralement la barrette figurant sur la vue 6 sans défaire la couture, contrairement à ce qu’a indiqué la chambre de recours. Or, elle soutient qu’un dessin ou modèle ne peut contenir des éléments autonomes non intégrés visuellement ou fonctionnellement. Ainsi, la requérante est d’avis que la chambre de recours a supposé, à tort, une modularité du produit qui n’existerait pas.
30 À cet égard, la chambre de recours a, sans commettre d’erreur d’appréciation, estimé que la vue 6 ne saurait être considérée comme une vue indépendante d’un produit distinct, mais qu’elle devait être comprise comme représentant un détail fonctionnel du produit objet du dessin ou modèle contesté. En effet, l’analyse attentive des vues 1, 2, 4 et 5 montre une pièce rectangulaire au sommet du cadre rigide du sac, identique en forme et en position à l’élément isolé figurant sur la vue 6. Sur la vue 3, bien que l’on ne puisse voir la barrette, le sac étant présenté de côté, on distingue le crochet, fixé sur ladite barrette.
31 Il découle de la jurisprudence rappelée au point 25 ci-dessus que les vues déposées par le demandeur d’un dessin ou modèle peuvent être de différents angles et perspectives et également d’échelles différentes. Ainsi, le fait que la pièce figurant sur la vue 6 soit représentée isolément à une échelle plus grande correspond à une pratique admise en droit des dessins ou modèles, destinée à mettre en évidence un élément technique détachable ou essentiel. En l’espèce, l’élément représenté dans la vue 6 participe clairement à la structure d’ensemble du sac, en tant qu’élément de fixation intégré au cadre supérieur. Il n’y a donc pas de contradiction, mais une complémentarité entre les vues.
32 Par ailleurs, l’argument de la requérante selon lequel la barrette représentée dans la vue 6 ne pourrait être insérée sans défaire les coutures du sac ne saurait remettre en cause l’unicité du dessin ou modèle contesté. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 23 ci-dessus, l’examen de l’unicité d’un dessin ou modèle porte sur la perception visuelle du produit tel que représenté dans l’ensemble des vues déposées, et non sur les modalités précises d’assemblage des éléments qui le composent. Il suffit que les vues soient visuellement cohérentes et puissent être perçues comme représentant un même produit.
33 Or, tel est bien le cas en l’espèce. Comme indiqué au point 30 ci-dessus, les vues 1, 2, 4 et 5 montrent la présence d’un élément identique, en forme et en position, à celui figurant isolément dans la vue 6. Ce dernier s’insère donc visuellement dans l’ensemble représenté, ce qui suffit à établir l’unicité du dessin ou modèle. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas supposé une modularité du produit, mais a légitimement interprété la vue 6 comme représentant un détail du produit figurant dans les autres vues.
34 Deuxièmement, la requérante relève une contradiction entre la vue 1 et les vues 4 et 5. Elle soutient que, sur la vue 1, le renforcement des bords supérieurs des côtés de la poignée du sac est entièrement cousu dans l’ourlet et se termine de manière arrondie aux extrémités alors que les vues 4 et 5 ne montrent parfois aucun renforcement du bord supérieur. En outre, ces deux vues ne montreraient pas que le bord est arrondi aux extrémités. Sur ces deux vues, le bord se terminerait à un angle de 90 degrés entre les deux côtés qui se rencontrent.
35 Il est notoire, ainsi que l’a indiqué la chambre de recours, qu’un produit de matériel souple, tel que le fourre-tout, objet du dessin ou modèle contesté, présente des variations d’apparence en fonction de sa position et de son état de charge ou de l’angle de vue. En l’espèce, les vues 1 et 4 montrent le sac ouvert, tel qu’il serait vu s’il était accroché à un chariot de provisions, ce qui a pour effet de tendre les matériaux et de rigidifier les contours du sac. La vue 5, quant à elle, présente le sac à moitié fermé, utilisé comme sac de transport, ce qui a pour effet de détendre les contours du sac. La chambre de recours a donc relevé à juste titre que les divergences pouvant exister entre la vue 1 et les vues 4 et 5 relèvent de l’élasticité des matériaux qui peuvent apparaître plus rigides ou plus souples selon l’état du produit et l’usage qui en est fait. En outre, les divergences pouvant exister entre les vues 1 et 4, notamment s’agissant du renforcement des bords supérieurs des côtés de la poignée du sac, peuvent s’expliquer par les différences existant entre une représentation photographique et une représentation graphique. Ces différences n’affectent pas pour autant la cohérence globale du dessin ou modèle contesté.
36 Troisièmement, la requérante soutient que, sur les vues 1, 2, 4 et 5, la barrette est cousue dans l’ourlet et est reliée au tissu du fourre-tout par des boutons. Ainsi, elle considère que la barrette devrait comporter des trous dans lesquels passent les fixations de ces boutons. Or, elle relève que la barrette figurant sur la vue 6 ne dispose pas de trous. Elle en conclut que cette barrette n’est pas un détail du produit dans son ensemble, mais un produit distinct du fourre-tout.
37 À cet égard, la chambre de recours a correctement relevé que l’absence de tels détails n’était pas de nature à remettre en cause la cohérence entre les différentes vues. En effet, d’une part, l’absence de trous sur une vue particulière ne signifie pas nécessairement son inexistence matérielle, notamment lorsque la perspective adoptée ne permet pas de voir certains plans ou éléments internes. D’autre part, il est constant, comme indiqué au point 23 ci-dessus, que l’EUIPO, dans le cadre de son analyse de l’unicité du dessin ou modèle contesté, doit s’intéresser à la question de savoir si les combinaisons entre les différentes vues semblent logiques et plausibles au regard de l’expérience commune. Or, en l’espèce, ainsi que l’a relevé à juste titre l’EUIPO dans ses écritures, il n’est pas exclu que les boutons présents sur les vues 1, 2, 4 et 5 ne soient pas fixés à l’aide d’éléments de fixation, comme semble le soutenir la requérante, mais soient maintenus grâce à un système magnétique, de sorte qu’il ne serait pas nécessaire que la barrette présente des trous.
38 En définitive, en l’espèce, aucun des arguments avancés par la requérante ne permet de conclure à l’existence d’incohérences insolubles ou de contradictions insurmontables. Les divergences relevées par cette dernière sont des divergences mineures entre les vues, qui peuvent néanmoins, comme l’exige la jurisprudence citée au point 23 être conciliées dans le sens d’un dessin ou modèle unique, à savoir l’apparence d’un fourre-tout souple, muni d’un cadre supérieur rigide, de poignées, d’un système de fermeture et d’un élément de fixation.
39 Il s’ensuit que le dessin ou modèle contesté, pris dans son ensemble, satisfait aux exigences de l’article 3, sous a), du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure. La chambre de recours n’a donc pas commis d’erreur d’appréciation en concluant que les vues déposées étaient cohérentes et que le dessin ou modèle contesté revendiquait l’apparence d’un seul produit.
40 Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen de la requérante comme non fondé.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 1, du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure
41 Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur de droit en omettant d’examiner concrètement et rigoureusement le motif de nullité, violant ainsi l’article 53, paragraphe 1, du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure. Plus précisément, au point 24 de la décision attaquée, la chambre de recours aurait énoncé une constatation globale et non étayée et n’aurait donc pas procédé à un examen objectif et rigoureux du motif de nullité invoqué par la requérante.
42 L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.
43 L’article 53, paragraphe 1, du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure, prévoit que, si l’EUIPO juge la demande en nullité recevable, il examine si les motifs de nullité visés à l’article 25 s’opposent au maintien du dessin ou modèle de l’Union européenne enregistré. Comme le soutient à juste titre l’EUIPO, cette disposition n’impose pas de condition de fond spécifique quant au contenu ou à l’étendue de l’examen requis, pour autant que celui-ci permette de vérifier le bien‑fondé des motifs invoqués. En outre, comme le relève l’EUIPO, compte tenu de la continuité fonctionnelle entre divisions d’annulation et chambres de recours, dont atteste l’article 60, paragraphe 1, du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure, la décision de la division d’annulation ainsi que sa motivation font partie du contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée, contexte qui est connu de la requérante et qui permet au juge de l’Union européenne d’exercer pleinement son contrôle de légalité [voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Dairek Attoumi/OHMI – Diesel (DIESEL), T‑278/14, non publié, EU:T:2015:606, point 71 et jurisprudence citée].
44 En l’espèce, ainsi qu’il découle des développements figurant aux points 27 à 39 ci-dessus, il ressort de la décision attaquée, lue en combinaison avec les considérations de la division d’annulation, que la chambre de recours a bien examiné le motif de nullité tiré de l’absence de cohérence entre les vues du dessin ou modèle contesté. Plus particulièrement, elle a relevé que les divergences invoquées par la requérante entre les différentes vues s’expliquaient notamment par la différence de nature entre les représentations photographiques et les représentations graphiques.
45 Les développements de la chambre de recours s’inscrivent dans la continuité de ceux exposés par la division d’annulation, laquelle avait justement analysé en détail les différentes vues faisant l’objet du dessin ou modèle contesté et avait exposé, de manière claire et objective, les raisons pour lesquelles elle avait estimé que le lien entre les différentes illustrations était précisément visible et que les vues ne faisaient pas apparaître d’incohérences ou de contradictions. Elle en avait ainsi déduit, à la suite d’un raisonnement clair, que la représentation du dessin ou modèle contesté ne montrait pas des produits différents, mais l’apparence d’un seul produit.
46 Il s’ensuit que la motivation figurant au point 24 de la décision attaquée, replacée dans son contexte global, satisfait aux exigences de l’article 53, paragraphe 1, du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure, lu conjointement avec l’article 62 de ce règlement.
47 Partant, le deuxième moyen de la requérante doit être rejeté comme non fondé.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 85, paragraphe 1, du règlement n o 6/2002
48 Par son troisième moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a effectué une lecture erronée de l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) du 8 mars 2012 (I ZR 124/10, GRUR 2012, 1139, Weinkaraffe), qu’elle a invoqué. Dans cet arrêt, rendu dans le cadre d’une procédure en contrefaçon, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) aurait jugé, en se référant à la présomption de validité, que la représentation isolée du dessin ou modèle dans des représentations individuelles n’entraîne pas une multiplication des objets protégés. Selon la requérante, la chambre de recours a inversé cette conclusion en constatant que l’objet de la protection du dessin ou modèle contesté était uniquement un fourre-tout et que, par conséquent, aucune protection séparée ne pouvait être revendiquée pour la barrette et le crochet représentés sur la vue 6, de sorte que le dessin ou modèle contesté montrait nécessairement un produit unique.
49 L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.
50 À cet égard, comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, il y a lieu de constater que la motivation déterminante de la décision attaquée se trouve dans les développements contenus aux points 13 à 24 de celle-ci, les points suivants, notamment les points 25 à 27, ne faisant que répondre aux autres arguments de la requérante. C’est à travers lesdits développements que la chambre de recours a exposé les raisons pour lesquelles elle considérait que les conditions d’application du motif de nullité visée à l’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement n o 6/2002, dans sa version antérieure, lu conjointement avec l’article 3, sous a), de ce même règlement, n’étaient pas remplies en l’espèce. Or, il ressort clairement de cette partie de la décision attaquée que la chambre de recours n’a nullement fondé son appréciation sur l’existence d’une présomption de validité au sens de l’article 85, paragraphe 1, du règlement n o 6/2002.
51 Au point 27 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est contentée de répondre à l’argument de la requérante fondé sur l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) du 8 mars 2012, mais n’a tiré aucune conséquence de cet arrêt quant à la validité du dessin ou modèle contesté.
52 Par ailleurs, il convient de rappeler que le régime des dessins ou modèles de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Ainsi, en principe, les décisions des juridictions nationales ne lient pas l’EUIPO et ne sauraient remettre en cause la légalité de ses décisions (voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, points 65 et 66). Toutefois, il ressort de la jurisprudence que, dans certains cas, les décisions d’une juridiction d’un État membre peuvent lier l’EUIPO, à condition qu’elles disposent de l’autorité de la chose jugée, laquelle requiert que les procédures parallèles devant cette juridiction et l’EUIPO concernent les mêmes parties et qu’elles aient le même objet et la même cause (voir, par analogie, arrêt du 21 juillet 2016, Apple and Pear Australia et Star Fruits Diffusion/EUIPO, C‑226/15 P, EU:C:2016:582, point 52).
53 En l’espèce, l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) cité par la requérante porte sur une procédure en contrefaçon. Il n’a donc pas le même objet que la procédure en nullité devant l’EUIPO et ne lie ainsi pas la chambre de recours. En outre, au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a exposé à bon droit les raisons pour lesquelles l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) ne saurait déterminer l’issue de la présente procédure en nullité, ce que la requérante ne conteste pas.
54 Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante, tenant à une prétendue application erronée de la présomption de validité en l’espèce, doit être écartée comme inopérante.
55 Partant, il convient de rejeter le troisième moyen de la requérante.
56 Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, la demande d’annulation de la décision attaquée est rejetée. Par voie de conséquence, la demande visant à ce que le Tribunal déclare nul le dessin ou modèle contesté est également rejetée.
Sur les dépens
57 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
58 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenant, conformément aux conclusions de ce dernier. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas de convocation à une audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.
59 En ce qui concerne les conclusions de la requérante ayant trait aux dépens relatifs à la procédure devant la chambre de recours, il suffit de constater que ceux-ci restent régis par la décision attaquée [arrêt du 3 avril 2019, NSC Holding/EUIPO – Ibercondor (CONDOR SERVICE, NSC), T‑468/18, non publié, EU:T:2019:214, point 91].
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Heinrich Sieber & Co. GmbH & Co. KG est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par M. Dieter Achilles.
3) L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.
Marcoulli
Schwarcz
Jočienė
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 novembre 2025.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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