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Judgment of the General Court (Third Chamber) of 19 November 2025.

Aboca SpA Soc. agr. v European Union Intellectual Property Office.

• 62024TJ0543 • ECLI:EU:T:2025:1046

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Judgment of the General Court (Third Chamber) of 19 November 2025.

Aboca SpA Soc. agr. v European Union Intellectual Property Office.

• 62024TJ0543 • ECLI:EU:T:2025:1046

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

19 novembre 2025 ( * )

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale ABOCA – Usage sérieux de la marque – Article 18 et article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Preuve de l’usage sérieux – Appréciation des preuves »

Dans l’affaire T‑543/24,

Aboca SpA Soc. agr., établie à Sansepolcro (Italie), représentée par M es C. Comolli Acquaviva, K. Muraro et G. Russo, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. R. Raponi, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Azienda Agroalimentare Grignano Srl, établie à Pontassieve (Italie), représentée par M es S. Bernardini, V. Jandoli, V. Piccarreta et A. Sobol, avocats,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé, lors des délibérations, de M me P. Škvařilová‑Pelzl, présidente, MM. D. Kukovec (rapporteur) et R. Meyer, juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 8 septembre 2025,

rend le présent

Arrêt

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Aboca SpA Soc. agr., demande l’annulation et la réformation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 8 août 2024 (affaire R 555/2023‑4) (ci-après la « décision attaquée »).

Antécédents du litige

2 Le 18 novembre 2002, Mida Milano Srl, prédécesseur en droit de l’intervenante, Azienda Agroalimentare Grignano Srl, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal ABOCA.

3 Les produits pour lesquels la marque a été enregistrée le 30 mars 2004 relevaient des classes 30 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

– classe 30 : « Café, cacao, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain ; pâtisserie et confiserie » ;

– classe 33 : « Vins, liqueurs ; boissons alcoolisées ».

4 Le 9 novembre 2020, la requérante a introduit une demande en déchéance de la marque contestée pour tous les produits pour lesquels elle avait été enregistrée, sur le fondement de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

5 Par décision du 7 février 2023, la division d’annulation a prononcé la déchéance de la marque contestée pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus à l’exception des « vins » relevant de la classe 33.

6 Le 15 mars 2023, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation dans la mesure où sa demande en déchéance avait été rejetée pour les « vins » relevant de la classe 33.

7 Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. Plus particulièrement, elle a considéré que la division d’annulation avait rejeté, à juste titre, la demande en déchéance, au titre de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, en ce qui concernait les « vins » relevant de la classe 33, car les preuves produites par l’intervenante démontraient à suffisance de droit l’usage sérieux de la marque contestée pour lesdits produits.

Conclusions des parties

8 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler et, le cas échéant, reformer la décision attaquée ;

– condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure devant la chambre de recours ;

9 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

10 L’intervenante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés devant l’EUIPO.

En droit

11 À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré, en substance, de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, qui s’articule en deux branches. La requérante reproche à la chambre de recours, d’une part, d’avoir erronément interprété et appliqué les dispositions de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lues conjointement avec l’article 18 du même règlement, et, d’autre part, d’avoir indûment renversé la charge de la preuve de l’usage sérieux.

Sur la première branche du moyen unique , tiré e d e l’ interprétation et d e l ’application erronée s des dispositions de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu es conjointement avec l’article 18 du même règlement

12 À l’appui de la première branche de son moyen unique, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis une erreur dans l’interprétation et l’application de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 18 du même règlement, en concluant à l’usage sérieux de la marque contestée pour les « vins » relevant de la classe 33, alors que les éléments de preuve produits par l’intervenante ne démontreraient pas un tel usage à suffisance de droit.

13 Aux termes de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

14 En vertu de l’article 10, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), applicable aux procédures de déchéance conformément à l’article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625, les preuves de l’usage d’une marque doivent permettre d’établir le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée.

15 Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).

16 Dans le cadre d’une procédure de déchéance d’une marque, c’est au titulaire de cette dernière qu’il incombe, en principe, d’établir l’usage sérieux de ladite marque (voir arrêt du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO, C‑698/17 P, non publié, EU:C:2019:48, point 57 et jurisprudence citée).

17 Dans le cadre de l’appréciation des preuves de l’usage sérieux d’une marque, il ne s’agit pas d’analyser chacune des preuves de façon isolée, mais conjointement, afin d’en identifier le sens le plus probable et le plus cohérent. Ainsi, même si la valeur probante d’un élément de preuve est limitée dans la mesure où, pris isolément, il ne démontre pas avec certitude si les produits concernés ont été mis sur le marché et comment ils l’ont été et si cet élément n’est dès lors pas décisif à lui seul, il peut néanmoins être pris en compte dans l’appréciation globale du caractère sérieux de l’usage de la marque concernée. Il en va ainsi, par exemple, lorsque cet élément vient s’ajouter à d’autres éléments de preuve [voir arrêt du 20 décembre 2023, Feed/EUIPO – The Feed.com (THE FEED), T‑27/23, non publié, EU:T:2023:856, point 27 et jurisprudence citée].

18 En l’espèce, il ressort du point 6 de la décision attaquée que, aux fins de prouver le caractère sérieux de l’usage de la marque contestée, l’intervenante a produit devant les instances de l’EUIPO les éléments de preuve suivants (la numérotation des annexes indiquées ci-après, que l’intervenante a produites en annexe A.4 à son mémoire en réponse devant le Tribunal, correspond à celle utilisée dans la décision attaquée) :

– des factures de vente de vins émises par l’intervenante au cours de la période allant de l’année 2015 à l’année 2020 (annexe A) ;

– des listes des prix pour les années 2016-2017 et pour l’année 2019 ainsi que des photographies de bouteilles de vins et de leurs étiquettes (annexe B) ;

– des photographies de stands sur des salons internationaux et une brochure (annexe C) ;

– un extrait du site Internet de l’intervenante (annexe D) ;

– des exemples d’étiquettes figurant au dos des bouteilles de différents vins (annexe E) ;

– une étiquette apposée à l’avant de la bouteille du vin Chianti Rufina Aboca (annexe F) ;

– des analyses de préembouteillage de 2019 et 2020 (annexe G) ;

– un extrait du site de commerce électronique « Vivino » présentant le vin Chianti Aboca et des commentaires d’utilisateurs (annexe H) ;

– un extrait du site de commerce électronique « Winesearcher » sur lequel figure le vin portant le signe ABOCA (annexe I) ;

– une capture d’écran contenant des avis de consommateurs sur le vin Chianti Aboca (annexe L) ;

– un extrait d’un article en italien intitulé « Regali di natale last minute » (annexe M) ;

– un extrait d’un article en italien intitulé « Grignano Winery, vino di Toscana » (annexe N).

19 Il convient ainsi d’examiner si les arguments de la requérante visant à contester la valeur probante de ces différents éléments de preuve sont susceptibles de remettre en cause une ou plusieurs conclusions de la chambre de recours portant sur la durée, le lieu, l’importance et la nature de l’usage de la marque contestée.

Sur la durée de l’usage

20 La chambre de recours a considéré la période allant du 9 novembre 2015 au 8 novembre 2020 comme étant la période pertinente de cinq ans pour laquelle il incombait à l’intervenante de démontrer un usage sérieux de la marque contestée, ce qui n’est au demeurant pas contesté par les parties. Elle a, en outre, estimé que l’usage de la marque contestée avait été démontré au cours de cette période, en dépit du fait que certains des éléments de preuve n’étaient pas datés et/ou ne concernaient pas ladite période.

21 Plus précisément, la chambre de recours a constaté que plusieurs documents produits par l’intervenante relevaient de la période pertinente, notamment, les factures présentées à l’annexe A, les listes de prix figurant à l’annexe B ainsi que les avis de consommateurs produits en annexe L. Elle a, par contre, relevé que les articles produits en annexes M et N ne relevaient pas de cette période. En outre, la chambre de recours a observé que plusieurs preuves, notamment celles produites en annexes C, F et G, n’étaient pas datées. Elle a toutefois considéré que ces preuves ne pouvaient pas être complètement écartées dans la mesure où leur fonction principale était de montrer comment le signe en cause a été utilisé et sur quels produits.

22 La requérante émet des critiques sur la valeur probante, d’une part, des articles contenus dans les annexes M et N qui font référence à l’année 2022, laquelle ne relève pas de la période pertinente, et, d’autre part, des listes de prix figurant à l’annexe B qui, selon elle, ne contiennent pas d’indications de date. Elle fait également valoir que les factures de l’annexe A sont limitées à la période allant du 20 novembre 2015 au 21 octobre 2020, alors que l’intervenante revendique, sans le prouver, l’usage de la marque contestée pendant dix ans.

23 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

24 D’abord, il y a lieu de constater que la quasi-totalité des factures figurant à l’annexe A relèvent de la période pertinente, ce que la requérante ne conteste pas. À cet égard, il y a lieu de souligner, à l’instar de l’EUIPO, que ces factures montrent que des ventes de vin portant le signe ABOCA ont été réalisées de manière régulière tout au long de cette période.

25 Ensuite, selon la jurisprudence, la durée de vie commerciale d’un produit s’étendant généralement sur une période donnée et la continuité de l’usage faisant partie des indications à prendre en compte pour établir que l’usage était objectivement destiné à créer ou à conserver une part de marché, les pièces ne relevant pas de la période pertinente, loin d’être dépourvues d’intérêt, doivent être prises en compte et évaluées conjointement avec les autres éléments, car elles peuvent apporter la preuve d’une exploitation commerciale réelle et sérieuse de la marque concernée [voir arrêt du 16 juin 2015, Polytetra/OHMI – EI du Pont de Nemours (POLYTETRAFLON), T‑660/11, EU:T:2015:387, point 54 et jurisprudence citée].

26 Il s’ensuit que, dans la mesure où la chambre de recours n’a pas fondé son appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée sur les seules preuves non datées ou ne relevant pas de la période pertinente, mais a pris ces éléments en considération conjointement avec d’autres éléments de preuve, notamment de nombreuses factures de l’annexe A émises lors de ladite période, elle n’a pas commis d’erreur de droit en ce qui concerne les éléments pris en compte dans le cadre de cette appréciation.

27 Au surplus, il n’est pas nécessaire que les preuves ayant pour but de montrer comment la marque concernée apparaît sur les produits pour lesquels elle est utilisée soient datées [voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2015, Husky CZ/OHMI – Husky of Tostock (HUSKY), T‑287/13, EU:T:2015:99, point 68]. C’est donc à bon droit que la chambre de recours a pris en considération les preuves non datées présentées par l’intervenante dans ce but, telles les photographies des étiquettes de bouteilles de vin produites en annexes B et F.

28 Enfin, l’allégation de la requérante selon laquelle l’intervenante aurait tenté de démontrer un usage sérieux de la marque contestée pendant dix ans est dénuée de toute pertinence. En effet, ainsi que le souligne l’intervenante, celle-ci était tenue de démontrer l’usage de la marque contestée pendant une période de cinq ans, de sorte que les éléments de preuve devaient être appréciés en tenant compte de cette période, ce que la chambre de recours a fait dans le cas d’espèce.

29 Il s’ensuit que les arguments avancés par la requérante ne remettent pas en cause la conclusion de la chambre de recours, au point 44 de la décision attaquée, selon laquelle les preuves soumises par l’intervenante satisfaisaient au critère de la durée de l’usage.

Sur le lieu de l’usage

30 L’usage sérieux de la marque contestée, en tant que marque de l’Union européenne, doit être démontré sur le territoire de l’Union, conformément à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 18, paragraphe 1, du même règlement.

31 En l’espèce, la chambre de recours a constaté, au point 49 de la décision attaquée, que, à tout le moins, les éléments de preuve qui concernaient les territoires de l’Allemagne et de l’Italie satisfaisaient au critère relatif au lieu de l’usage. En outre, elle a observé qu’il existait plusieurs factures destinées à des clients de l’intervenante résidant dans d’autres États membres.

32 La requérante conteste cette appréciation en faisant valoir, d’une part, que seules deux des factures produites concernent l’usage de la marque contestée en dehors de l’Italie, et, d’autre part, que les factures adressées en Italie concernent toutes des clients résidant en Toscane ou, plus exceptionnellement, en Lombardie.

33 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

34 À cet égard, s’agissant de l’étendue territoriale de l’usage, il ressort de la jurisprudence que, s’il est certes raisonnable de s’attendre à ce qu’une marque de l’Union européenne soit utilisée sur un territoire plus important que celui couvert par des marques nationales, il n’est pas nécessaire que cet usage soit toujours géographiquement étendu pour être qualifié de sérieux. Ainsi, l’usage d’une marque de l’Union européenne cantonné au territoire d’un seul État membre peut, dans certaines circonstances, répondre à la condition de l’usage sérieux de la marque de l’Union européenne [voir arrêt du 4 décembre 2024, Haddad/EUIPO – Celebi (CELEBRITI), T‑538/23, non publié, EU:T:2024:877, point 50 et jurisprudence citée].

35 Il convient, en l’espèce, d’observer que plusieurs dizaines de factures produites par l’intervenante, dans lesquelles la marque contestée est utilisée pour désigner du vin, ont été adressées à différents clients en Italie. À cet égard, compte tenu notamment du nombre de ces factures ainsi que du fait que leurs destinataires résident dans des villes différentes, la circonstance que ces villes sont situées dans la même région ne saurait être considérée, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, comme étant un facteur décisif pour l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée.

36 S’agissant de l’usage en dehors de l’Italie, il y a lieu de constater qu’une dizaine de factures produites par l’intervenante, contenant la marque contestée, ont été adressées à des clients en Allemagne. En outre, même s’il ne s’agit pas de quantités importantes, plusieurs factures produites ont été adressées à des clients dans d’autres États membres, tels que la Bulgarie, la République tchèque, le Danemark, la France, le Luxembourg ou les Pays-Bas.

37 Ainsi, il y a lieu de constater que l’argument de la requérante selon lequel seules deux factures ont été adressées à des clients en dehors de l’Italie manque en fait.

38 Compte tenu de ce qui précède et à la lumière de la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, il y a lieu de constater que les factures figurant en annexe A permettent de confirmer que la condition relative au lieu d’usage a été remplie dans le cas d’espèce.

39 Par ailleurs, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle les listes de prix de l’annexe B n’indiquent pas de lieu, il convient d’observer que, dans la mesure où les factures contenues dans l’annexe A permettent de constater que le critère du lieu de l’usage était rempli, lesdites listes de prix ne constituent, en tout état de cause, qu’un indice additionnel permettant de confirmer l’usage de la marque contestée.

Sur l’importance de l’usage

40 La chambre de recours a constaté, au point 66 de la décision attaquée, que les éléments de preuve produits par l’intervenante étaient « plus que suffisants pour satisfaire [...] à la condition relative à l’importance de l’usage ».

41 La requérante conteste cette appréciation en faisant valoir que les chiffres de vente, tels qu’ils ressortent des factures produites par l’intervenante, sont insuffisants pour démontrer l’usage sérieux de la marque contestée, alors que la production de l’intervenante en 2018 correspondait, selon elle, à 200 000 bouteilles.

42 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

43 À cet égard, il convient de rappeler que l’exigence d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise, ni encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 19 mars 2025, e-dialog/EUIPO – Dialoga Servicios Interactivos (Dialoga), T‑1075/23, non publié, EU:T:2025:311, point 21 et jurisprudence citée].

44 En effet, il n’est pas exclu qu’il soit économiquement et objectivement justifié pour le titulaire d’une marque de commercialiser un produit ou une gamme de produits, même si la part de ceux-ci dans son chiffre d’affaires annuel est minime. Aux fins de prouver l’usage sérieux d’une marque, l’important est de fournir des éléments probants de l’activité économique réalisée grâce à l’exploitation commerciale de cette marque qui soient suffisants pour exclure tout usage purement fictif de celle-ci et qui attestent des efforts concrets consentis par son titulaire pour créer un débouché commercial sur le marché pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, Unifarco/EUIPO – GD Tecnologie Interdisciplinari Farmaceutiche (TRICOPID), T‑359/18, non publié, EU:T:2019:626, points 56 et 57 et jurisprudence citée].

45 Comme cela a été constaté par la chambre de recours, les factures figurant en annexe A démontrent indéniablement des ventes en grandes quantités de produits désignés par la marque contestée, à savoir les vins.

46 La plupart de ces factures confirment la vente de nombreuses bouteilles de vin portant la marque contestée au cours de la période pertinente, pour des montants importants allant de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros.

47 À la lumière de la jurisprudence citée aux points 43 et 44 ci-dessus, il y a lieu de constater que les éléments de preuve, en particulier les factures produites en annexe A, permettent d’exclure l’existence d’un usage purement symbolique de la marque contestée, à savoir d’un usage dont le seul objet aurait été le maintien des droits conférés par cette marque. À l’instar de l’EUIPO, il y a donc lieu de constater que l’intensité de l’usage, telle que prouvée par les ventes de bouteilles de vin, n’est pas minime, mais notable.

48 C’est donc à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 66 de la décision attaquée, que les preuves produites par l’intervenante remplissaient le critère de l’importance de l’usage.

Sur la nature de l’usage

49 Il convient d’examiner, successivement, trois aspects de la nature de l’usage de la marque contestée, premièrement, son usage en tant que marque, deuxièmement, son usage telle qu’elle a été enregistrée ou selon une variante de celle-ci n’altérant pas son caractère distinctif et, troisièmement, son usage en rapport avec les produits pour lesquels elle a été enregistrée [voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2024, Fractal Analytics/EUIPO – Fractalia Remote Systems (FRACTALIA), T‑194/23, non publié, EU:T:2024:696, point 97].

Sur l’usage de la marque contestée en tant que marque

50 La chambre de recours a constaté que les preuves présentées par l’intervenante démontraient que la marque contestée avait été utilisée en tant que marque dans le commerce.

51 La requérante conteste cette appréciation de la chambre de recours en soutenant, en substance, que les preuves ne confirment pas que la marque contestée a été utilisée en tant que signe distinctif et conformément à sa fonction essentielle, à savoir garantir l’identité d’origine des produits pour lesquels elle a été enregistrée.

52 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

53 En l’espèce, il convient d’observer que les vins figurant sur la plupart des factures produites en annexe A sont notamment désignés par le terme « aboca ». La manière dont ce terme est utilisé ne permet pas de douter que celui-ci vise à indiquer l’origine commerciale des vins, puisqu’il est reproduit entre guillemets et figure dans la partie des factures intitulée « description », ce qui permet de considérer qu’il s’agit d’un nom permettant de distinguer les produits commercialisés. En outre, aucune circonstance ne permet de supposer que la marque contestée aurait été utilisée, dans ce contexte, avec un objectif autre que celui de garantir l’identité d’origine des vins en cause.

54 À cet égard, il convient de souligner que, conformément à la jurisprudence, l’établissement d’une facture permet en tant que tel d’établir que l’usage de la marque s’est effectué de manière publique et vers l’extérieur, et non uniquement à l’intérieur de l’entreprise titulaire de la marque contestée [voir arrêt du 29 avril 2020, Lidl Stiftung/EUIPO – Plásticos Hidrosolubles (green cycles), T‑78/19, non publié, EU:T:2020:166, point 45 et jurisprudence citée].

55 Ainsi, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que l’utilisation de la marque contestée dans les factures de l’annexe A pourrait être considérée comme suffisante, à elle seule, pour établir un lien de rattachement de la marque contestée avec des vins commercialisés par l’intervenante.

56 Or, dans le cas d’espèce, l’usage de la marque contestée, démontré par lesdites factures, est, en tout état de cause, également corroboré par d’autres éléments de preuves présentés par l’intervenante.

57 En particulier, il convient de souligner que plusieurs photographies d’étiquettes figurant dans les annexes B et F démontrent que la marque contestée était apposée sur les produits en cause. Certaines photographies produites en annexe B démontrent également que les bouteilles de vin portant lesdites étiquettes étaient placées dans des rayons de supermarchés.

58 À cet égard, premièrement, il y a lieu d’observer que, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, dans le contexte de l’appréciation de la force probante des factures produites en annexe A et des étiquettes produites en annexes B et F, il ne saurait être requis que chaque étiquette soit corroborée par des factures mentionnant le nom du vin apposé sur cette étiquette ni que chaque facture soit corroborée par des étiquettes sur lesquelles est apposé le nom du vin mentionné sur cette facture. En effet, la jurisprudence confirme qu’un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits (voir arrêt du 13 février 2015, HUSKY, T‑287/13, EU:T:2015:99, point 66 et jurisprudence citée).

59 Deuxièmement, dans la mesure où la requérante conteste la force probante des photographies des étiquettes de vin figurant dans les annexes B et F, en raison de la manière dont la marque contestée y est apposée, il convient d’observer que, d’une part, s’agissant des vins IGT Toscana Rosso, Chianti et Chianti Rufina, cette marque est placée à un endroit central et bien visible sur la face avant des bouteilles de vin commercialisées par l’intervenante.

60 D’autre part, même s’il est vrai que, s’agissant du vin Chianti Rufina Riserva Poggio Gualtieri, la marque contestée n’apparaît que sur les étiquettes au dos des bouteilles, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que le choix de cet emplacement pourrait être justifié par des exigences spécifiques en matière de marketing et/ou d’espace.

61 Dans le même ordre d’idées, il convient de rejeter les arguments de la requérante selon lesquels, d’une part, sur certaines étiquettes, la marque contestée serait apposée à un endroit qui serait habituellement réservé au nom des caves, et, d’autre part, ladite marque n’apparaît pas de manière uniforme sur tous les produits de l’intervenante.

62 En effet, l’apposition de la marque à un endroit particulier d’un produit relève du choix commercial libre du titulaire de cette marque, sans que ce dernier soit nécessairement tenu de suivre les habitudes des autres entreprises à cet égard ou de placer ladite marque de manière identique sur l’ensemble de ses produits.

63 Ce qui compte, c’est que, dans le cas d’espèce, la marque contestée apparaît sur toutes les étiquettes de vin présentées par l’intervenante, sans qu’il y ait d’indice qui pourrait permettre de considérer que ladite marque a été apposée sur les produits à des fins descriptives et donc de façon non distinctive. Au contraire, elle y apparaît de manière bien visible, séparée et distincte des autres éléments figurant sur les étiquettes de vin.

64 En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, l’usage de la marque contestée en tant que marque ne saurait non plus être remis en cause par le fait que la quasi-totalité des factures présentées par l’intervenante concernant le vin Chianti Rufina Riserva Poggio Gualtieri ne mentionnent pas la marque contestée, alors pourtant que celle-ci est utilisée sur les étiquettes des bouteilles de ce vin. En effet, il est probable que certaines factures ne contiennent pas d’informations complètes sur tous les produits qu’elles visent, ce qui, compte tenu des autres éléments de preuve sur lesquels la marque contestée apparaît, ne permet aucunement de conclure que celle-ci n’aurait pas été utilisée en tant que marque.

65 Ainsi, il y a lieu de constater que les factures de l’annexe A ainsi que les photographies des annexes B et F, prises dans leur ensemble, confirment à suffisance de droit que l’intervenante a utilisé la marque contestée en tant que marque de manière publique et vers l’extérieur.

66 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a considéré, à tort, que la marque contestée était utilisée dans le commerce afin de distinguer une gamme particulière de vins « qui se caractérisent tous par le fait qu’ils ont été obtenus par des procédés biologiques ».

67 À cet égard, bien que certains éléments de preuve, à savoir un extrait du site Internet de l’intervenante et deux articles contenus dans les annexes D, M et N, plaident en faveur d’une utilisation de la marque contestée à cette fin particulière, la requérante fait cependant valoir, à juste titre, que certains des vins portant cette marque ne sont identifiés ni dans les factures de l’annexe A ni sur les étiquettes figurant dans l’annexe B comme des vins biologiques.

68 Ainsi, les preuves présentées devant la chambre de recours ne permettent pas de constater, sans aucun doute possible, que l’intervenante aurait utilisé la marque contestée exclusivement pour ses vins appartenant à la catégorie des vins biologiques.

69 Toutefois, cette circonstance n’est pas un élément décisif dans le contexte de l’appréciation de l’usage de la marque contestée en tant que marque. En effet, les éléments de preuve démontrent à suffisance que la marque contestée a été utilisée pour indiquer l’origine commerciale des produits en cause, qu’ils appartiennent à la catégorie des vins biologiques ou non.

70 Il convient d’observer, à cet égard, que l’intervenante est libre de choisir ceux de ses produits pour lesquels la marque contestée sera utilisée. En effet, il s’agit d’un choix commercial qui ne saurait avoir d’incidence sur l’appréciation de l’usage de ladite marque en tant que marque.

71 En outre, la requérante fait valoir que, dans le document figurant à l’annexe G des observations de l’intervenante devant la division d’annulation, le mot « aboca », associé au mot « taglio » (« récolte » en français), est utilisé de manière descriptive pour désigner un type de vendanges.

72 L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, fait valoir que cet argument a été présenté pour la première fois devant le Tribunal et est, dès lors, irrecevable.

73 La requérante conteste l’irrecevabilité alléguée de son argument visé au point 71 ci-dessus.

74 Aux termes de l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, les mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. En outre, il appartient au Tribunal, dans le cadre d’un recours porté devant lui en vertu de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, de contrôler la légalité de la décision de la chambre de recours. Par conséquent, le contrôle exercé par le Tribunal ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [arrêt du 22 juin 2004, « Drie Mollen sinds 1818 »/OHMI – Nabeiro Silveria (Galáxia), T‑66/03, EU:T:2004:190, point 45].

75 Force est de constater que la décision attaquée ne prend pas position sur l’argument résumé au point 71 ci-dessus. En effet, devant la chambre de recours, la requérante n’a pas invoqué la circonstance que le terme « aboca » pourrait avoir une signification par rapport aux produits en cause, mais a uniquement soutenu que ce terme, tel qu’il était présenté sur ces produits, à savoir dans une police de petits caractères et dans une position décalée, pouvait être perçu par le consommateur comme un signe descriptif et qu’il n’était pas donc susceptible d’être identifié en tant que marque.

76 Il y a donc lieu de déclarer cette argumentation, présentée pour la première fois devant le Tribunal, irrecevable, en application de la jurisprudence citée au point 74ci-dessus.

77 Compte tenu de ce qui précède et sans qu’il soit nécessaire d’examiner plus avant les autres preuves produites par l’intervenante, et donc les arguments avancés par la requérante afin de contester leur force probante, il y a lieu de conclure que la marque contestée a été utilisée en tant que marque.

Sur l’usage de la marque contestée, telle qu’elle a été enregistrée ou selon une variante acceptable de celle-ci n’altérant pas son caractère distinctif

78 Conformément à l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, constitue un usage de la marque de l’Union européenne un usage sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, que la marque soit ou non également enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire.

79 La chambre de recours a constaté que les éléments de preuve démontraient l’usage de la marque contestée dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement 2017/1001.

80 En effet, au point 82 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que, dans certains éléments de preuve, la marque contestée était présentée sous sa forme verbale, tandis que, dans d’autres, elle était présentée sous des formes, reproduites ci-après, légèrement différentes de celle sous laquelle elle avait été enregistrée :

81 La chambre de recours a considéré, d’une part, que les configurations graphiques dans lesquelles la marque contestée apparaissait n’altéraient pas son caractère distinctif. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces appréciations, au demeurant non contestées par la requérante.

82 D’autre part, la chambre de recours a également considéré que le caractère distinctif de la marque contestée n’était pas non plus altéré par son usage conjoint avec d’autres mots, tels que « gragnano », « chianti », « vino biologico » ou « rufina ».

83 Sans explicitement soutenir que le caractère distinctif de la marque contestée était altéré par son usage conjoint avec ces mots, la requérante fait valoir, dans ce contexte, que la marque indiquant l’origine commerciale des produits est composée des termes « grignano » et « chianti rufina » et que « la fonction du terme “aboca” dans ce contexte est donc inconnue ».

84 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

85 Ainsi que l’a souligné la chambre de recours, il n’existe aucune règle en matière de marque de l’Union européenne obligeant à prouver l’usage d’une marque de manière isolée, indépendamment de toute autre marque [voir arrêt du 14 décembre 2011, Völkl/OHMI – Marker Völkl (VÖLKL), T‑504/09, EU:T:2011:739, point 100 et jurisprudence citée].

86 Il importe également de souligner que, en matière d’étiquetage de produits vinicoles, l’apposition conjointe de marques ou d’indications séparées sur le même produit, en particulier le nom de l’établissement vinicole ainsi que le nom du produit, constitue une pratique commerciale courante. En outre, dans le secteur du vin, le consommateur a souvent un intérêt particulier pour l’origine géographique précise du produit et l’identité du producteur du vin, étant donné que la renommée de ces produits est souvent liée au fait qu’ils sont produits dans une région géographique déterminée par un établissement vinicole déterminé [arrêt du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, points 34 et 37].

87 En l’espèce, ainsi qu’il a été constaté par la chambre de recours, le terme « grignano » fait référence à un établissement vinicole, tandis que les termes « chianti », « vino biologico » ou « rufina » constituent des indications descriptives relatives à la nature des produits, y compris les indications géographiques. En raison de leurs différences de position ainsi que de police et de taille de caractères, ces termes et la marque contestée ne sont pas perçus comme une unité, mais comme une juxtaposition d’éléments indépendants.

88 Il ne s’agit donc pas d’une situation où la marque contestée est utilisée sous une forme qui diffère de celle sous laquelle elle a été enregistrée, mais de la situation où plusieurs indications sont utilisées simultanément sans altérer le caractère distinctif de cette marque. Or, selon la jurisprudence, l’emploi d’une marque en combinaison avec d’autres indications n’altérant pas son caractère distinctif est sans pertinence s’agissant de la question de savoir si le titulaire d’une marque de l’Union européenne a prouvé l’usage sérieux de cette marque (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2005, CRISTAL CASTELLBLANCH, T‑29/04, EU:T:2005:438, point 38).

89 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les arguments de la requérante ne sont pas susceptibles de remettre en cause les appréciations de la chambre de recours selon lesquelles les éléments de preuve démontrent l’usage de la marque contestée dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement 2017/1001.

Sur l’usage de la marque contestée en rapport avec les produits pour lesquels elle est enregistrée

90 La chambre de recours a constaté, au point 92 de la décision attaquée, qu’il n’était pas contesté que l’usage démontré par les éléments de preuve faisait référence aux « vins » relevant de la classe 33.

91 Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces appréciations, au demeurant non contestées par la requérante.

Sur l’appréciation globale de l’usage de la marque contestée

92 Pour examiner le caractère sérieux de l’usage d’une marque, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement [arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 36, et du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42].

93 Compte tenu des appréciations concernant la durée, le lieu, l’importance ainsi que la nature de l’usage, il y a lieu de constater que, dans le cas d’espèce, les éléments de preuve permettent de conclure qu’il y a eu un usage sérieux de la marque contestée pour les vins au cours de la période pertinente.

94 En effet, même si certaines des preuves présentées par l’intervenante ne remplissent pas certaines des conditions auxquelles doivent satisfaire les preuves de l’usage sérieux mentionnées au point 14 ci-dessus, elles corroborent les factures figurant dans l’annexe A qui répondent pleinement auxdites conditions et qui, dès lors, constituent, en soi, une preuve suffisante pour conclure à l’usage sérieux de la marque contestée à l’égard des vins. Ainsi, la chambre de recours a constaté, à juste titre, que les arguments de la requérante visant à contester la force probante des différents éléments de preuve ne remplissant pas une ou plusieurs des conditions liées à l’usage ne sauraient prospérer.

95 Par ailleurs, il convient également d’écarter l’argument de la requérante selon lequel, dès lors qu’aucun guide, livre ou magazine concernant les vins ne mentionnerait de vin portant la marque contestée, l’usage sérieux de cette marque ne saurait être confirmé. En effet, ainsi qu’il est soutenu par l’EUIPO, le simple fait que les vins portant la marque contestée ne sont pas mentionnés dans de telles sources ne revêt pas une importance décisive pour l’appréciation de l’usage sérieux de ladite marque, notamment dans la mesure où cet usage a été démontré par d’autres preuves.

96 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du moyen unique.

Sur la seconde branche du moyen unique, tiré e du renversement de la charge de la preuve de l’usage sérieux

97 La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir indûment renversé la charge de la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée en considérant, au point 79 de la décision attaquée, que « la circonstance selon laquelle, sur les étiquettes de prix [d’un supermarché], l’un des vins de [l’intervenante] [...] ne porte pas la [marque] contestée ABOCA [...] ne prouve pas le non-usage de la [marque] contestée dans la vie des affaires, étant donné que les politiques des différents points de vente échappent au contrôle de [l’intervenante] et ne déterminent pas en soi que la [marque] contestée n’a pas été utilisée en tant que marque dans la vie des affaires ».

98 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

99 À cet égard, il convient d’observer, à l’instar de l’EUIPO et de l’intervenante, que les critiques de la requérante reposent sur une lecture erronée de la décision attaquée, dans la mesure où il ne saurait être déduit de cette dernière que la chambre de recours aurait, comme le soutient la requérante, renversé la charge de la preuve qui incombe exclusivement à l’intervenante.

100 En effet, l’appréciation de la chambre de recours figurant au point 79 de la décision attaquée n’est qu’une réponse à l’argument de la requérante, présenté devant la chambre de recours, selon lequel l’absence de la marque contestée sur les étiquettes de prix d’un supermarché prouverait que cette marque n’avait pas été utilisée pendant une période de cinq ans. À cet égard, la chambre de recours a constaté que cette circonstance n’était pas susceptible de remettre en cause l’usage sérieux de la marque contestée qui avait été démontré par d’autres preuves solides et suffisantes. Ce faisant, la chambre de recours n’a pas renversé la charge de la preuve, mais a uniquement répondu à l’argument de la requérante.

101 Ainsi, il y a lieu de constater que les arguments de la requérante soutenus dans le cadre de la seconde branche du moyen unique ne sont pas susceptibles de remettre en cause la légalité de la décision attaquée, de sorte que ladite branche doit être rejetée.

102 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique et, partant, le recours dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la fin de non-recevoir de l’EUIPO dirigée contre le premier chef de conclusions de la requérante, en ce qu’il vise la réformation de la décision attaquée.

Sur les dépens

103 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

104 Une audience ayant eu lieu et la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens devant le Tribunal, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

105 En outre, l’intervenante a également conclu à ce que la requérante soit condamnée à rembourser les dépens exposés devant les instances de l’EUIPO.

106 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, seuls les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Dès lors, la demande de l’intervenante concernant les dépens afférents à la procédure devant la division d’annulation, qui ne constituent pas des dépens récupérables, est irrecevable.

107 S’agissant des dépens relatifs à la procédure devant la chambre de recours, il suffit de relever que, étant donné que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le dispositif de celle-ci qui continue à régler les dépens en cause [voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2021, Yongkang Kugooo Technology/EUIPO – Ford Motor Company (kugoo), T‑324/20, non publié, EU:T:2021:280, point 89].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Aboca SpA Soc. agr. est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Azienda Agroalimentare Grignano Srl aux fins de la procédure devant le Tribunal.

Škvařilová-Pelzl

Kukovec

Meyer

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 novembre 2025.

Signatures

* Langue de procédure : l’italien.

© European Union, https://eur-lex.europa.eu, 1998 - 2025

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