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Arrêt de la Cour (neuvième chambre) du 3 juillet 2025. Communauté d’Agglomération du Boulonnais contre Commission européenne.

• 62024CJ0628 • ECLI:EU:C:2025:524

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Arrêt de la Cour (neuvième chambre) du 3 juillet 2025. Communauté d’Agglomération du Boulonnais contre Commission européenne.

• 62024CJ0628 • ECLI:EU:C:2025:524

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ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

3 juillet 2025 ( * )

« Pourvoi – Aides d’État – Exonération d’impôts en faveur des exploitants des ports français – Plaintes successives – Notion de “partie intéressée” – Notion d’“acte purement confirmatif” »

Dans l’affaire C‑628/24 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 septembre 2024,

Communauté d’Agglomération du Boulonnais, établie à Boulogne-sur-Mer (France), représentée par M e P. Schiele, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par M me C.-M. Carrega et M. B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, MM. A. Arabadjiev (rapporteur) et M. Condinanzi, juges,

avocat général : M. A. Biondi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, la Communauté d’Agglomération du Boulonnais (ci-après la « CAB ») demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 11 juillet 2024, Communauté d’Agglomération du Boulonnais/Commission (T‑582/23, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a rejeté le recours de la CAB tendant à l’annulation de la décision de la Commission européenne, du 18 juillet 2023, par laquelle celle-ci avait rejeté la plainte de la CAB, présentée le 11 avril 2023, qualifiant d’aide d’État illégale l’exonération de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises accordée aux gestionnaires des ports en application des articles 1449 et 1586 ter du code général des impôts (ci-après la « décision litigieuse »).

Le cadre juridique

2 L’article 1 er du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), intitulé « Définitions », est libellé comme suit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

h) “partie intéressée” : tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles. »

3 Aux termes de l’article 24, paragraphe 2, premier alinéa, de ce règlement :

« Toute partie intéressée peut déposer une plainte pour informer la Commission de toute aide présumée illégale ou de toute application présumée abusive d’une aide. À cet effet, la partie intéressée remplit en bonne et due forme un formulaire figurant dans une disposition d’application visée à l’article 33 et fournit les renseignements obligatoires qui y sont demandés. »

Les antécédents du litige

4 Les antécédents du litige sont résumés comme suit aux points 2 à 7 de l’ordonnance attaquée :

« 2 La requérante est une communauté d’agglomération française, située dans le département du Pas-de-Calais (France). Il s’agit d’un établissement public de coopération intercommunale créé en 2000, en application de la loi n o 99‑586, du 12 juillet 1999, relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (JORF du 13 juillet 1999, p. 10361).

3 Les ports de Boulogne-sur-Mer et de Calais sont situés sur le territoire de la CAB. En 2015, la Région Nord-Pas-de-Calais (qui a fusionné avec la Région Picardie pour former désormais la Région Hauts-de-France) a confié la gestion et le développement des ports à la Société d’Exploitation des Ports du Détroit (ci-après la “SEPD”). La SEPD succède ainsi à la Chambre de commerce et d’industrie Côte d’Opale en tant que concessionnaire des ports de Calais et de Boulogne-sur-Mer.

4 Le 3 juillet 2020, la [CAB] a déposé une première plainte auprès de la Commission, en utilisant le formulaire électronique de plainte pour manquement au droit de l’Union européenne. Cette plainte concernait les aides octroyées par la République française sous la forme d’exonération fiscales prévue aux articles 1449 et 1586 ter du [code général des impôts] au profit de la SEPD en tant qu’exploitant du port de Boulogne-sur-Mer.

5 Par lettre du 17 juillet 2020 (ci-après la “décision [antérieure]”), la Commission a constaté que la [CAB] n’avait pas la qualité de “partie intéressée”, au sens de l’article 1 er , sous h), du règlement [2015/1589]. Par conséquent, selon la Commission, les informations que la [CAB] lui avait fournies ne pouvaient être enregistrées comme une plainte formelle, au titre de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, mais uniquement comme des “renseignements d’ordre général concernant le marché”.

6 Le 11 avril 2023, la [CAB] a adressé à la Commission, en utilisant le formulaire obligatoire visé à l’article 24 paragraphe 2, du règlement 2015/1589, une seconde plainte concernant la prétendue illégalité des aides d’État octroyées par la République française aux exploitants du port de Boulogne-sur-Mer en vertu des articles 1449 et 1586 ter du [code général des impôts].

7 Par la décision [litigieuse], la Commission a rejeté la plainte du 11 avril 2023. [...] »

La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

5 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2023, la CAB a introduit un recours fondé sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

6 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 22 décembre 2023, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité par laquelle elle faisait valoir que ce recours était manifestement irrecevable au motif que la décision litigieuse n’aurait constitué qu’un acte purement confirmatif de la décision antérieure et n’aurait pas été, de ce fait, susceptible de recours.

7 Le 1 er février 2024, la CAB a déposé au greffe du Tribunal ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, dans lesquelles elle contestait l’argumentation de la Commission en avançant deux séries d’arguments tirées, pour la première, de l’existence de faits nouveaux et substantiels, exposés dans la plainte du 11 avril 2023, et, pour la seconde, du réexamen de sa situation par la Commission, au regard de ces faits.

8 Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable en considérant que la décision litigieuse était un acte purement confirmatif de la décision antérieure, devenue définitive.

Les conclusions des parties

9 La CAB demande à la Cour :

– d’annuler l’ordonnance attaquée et

– de condamner la Commission aux dépens.

10 La Commission demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner la CAB aux dépens.

Sur le pourvoi

11 À l’appui de son pourvoi, la CAB soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré d’un défaut de motivation de l’ordonnance attaquée et se divise en deux branches relatives à une absence de motivation sur le point de savoir si, d’une part, la plainte du 11 avril 2023 comportait des faits nouveaux et, d’autre part, la décision litigieuse comportait des éléments nouveaux d’appréciation. Le second moyen se divise en quatre branches tirées d’erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal du fait, premièrement, de l’emploi de critères erronés lors de l’examen de cette plainte, deuxièmement, de l’emploi de critères insuffisants lors de l’examen de la décision litigieuse, troisièmement, d’une mauvaise interprétation de l’arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a. (C‑284/21 P, EU:C:2023:58 ), et, quatrièmement, d’une qualification erronée de la décision litigieuse comme étant purement confirmative de la décision antérieure. Il convient d’examiner d’abord et conjointement les deuxième et quatrième branches du second moyen.

Argumentation des parties

12 À l’appui de la deuxième branche du second moyen, la CAB relève que, aux points 36 et 37 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal constate que la décision antérieure et la décision litigieuse refusent de lui reconnaître la qualité de partie intéressée et d’accueillir ses demandes comme étant des plaintes formelles. Or, si cet examen serait certes nécessaire, il ne serait pas suffisant pour en déduire que la décision litigieuse ne comporte aucun élément nouveau. En effet, le Tribunal, dans son arrêt du 11 juin 2002, AICS/Parlement (T‑365/00, EU:T:2002:151 ), et le Tribunal de la fonction publique, dans son arrêt du 14 octobre 2010, W/Commission (F‑86/09, EU:F:2010:125 ), auraient jugé que le refus de l’institution de modifier sa position n’écarte pas l’existence d’un réexamen.

13 En outre, le Tribunal aurait jugé que constitue un élément nouveau la motivation par laquelle l’institution ou l’organe de l’Union expose pour la première fois le cadre dans lequel il a effectué son appréciation et complète la motivation d’une précédente décision (arrêt du 29 mai 2018, Fetdke/CESE, T‑801/16 RENV, EU:T:2018:312 , points 133 et 134). De même, le Tribunal aurait jugé que constitue bien un réexamen le fait pour la Commission de vérifier qu’une mesure antérieurement adoptée demeure justifiée au regard d’une modification de la situation de droit ou de fait intervenue entre-temps et que fournit un indice à cet égard le fait que l’acte attaqué témoigne de l’intention de l’administration de compléter l’acte antérieur à la lumière de son expérience (arrêt du 13 novembre 2014, Espagne/Commission, T‑481/11, EU:T:2014:945 , points 40 et 46).

14 Or, la CAB aurait démontré dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité que la décision litigieuse expose pour la première fois le cadre dans lequel s’est effectuée l’appréciation de la Commission et complète la motivation de la décision antérieure, qui ne contenait aucune motivation, par rapport à des éléments de jurisprudence postérieurs à celle-ci. La décision litigieuse comportant ainsi une appréciation concrète de la situation de la CAB, elle témoignerait de ce que la Commission a bien mené un réexamen de la situation de celle-ci.

15 Dans le cadre de la quatrième branche du second moyen, la CAB en déduit que l’ordonnance attaquée est entachée d’une erreur de droit, en ce qu’elle constate que la décision litigieuse est un acte purement confirmatif de la décision antérieure, devenue définitive. La CAB ayant démontré, notamment, que cette décision comporte des éléments nouveaux ainsi qu’un réexamen de la situation de la CAB, il y aurait eu lieu de conclure à la recevabilité de sa requête.

16 La Commission est d’avis que les arrêts cités par la CAB à l’appui de son argumentation n’offrent aucun soutien à sa position dès lors que, dans chacune des affaires ayant donné lieu à ces arrêts, la CAB aurait identifié un élément nouveau qui ne se retrouverait pas dans la présente affaire. En effet, la décision litigieuse ne comporterait ni de nouvelle motivation, ni de vérification telle que celle visée par les arrêts cités par la CAB, ni encore une volonté de la Commission de compléter la décision antérieure à la lumière de son expérience.

17 Dans la mesure où la décision antérieure et la décision litigieuse ne sont pas formulées en des termes identiques, cette institution souligne que ces décisions évoquent sommairement la définition de partie intéressée pour constater que la CAB ne répond pas à cette définition. Les éléments contenus dans lesdites décisions ne seraient donc pas substantiellement différents. Tout au plus, ils diffèreraient légèrement par leur forme. En tout état de cause, à l’instar du Tribunal, la Commission considère qu’une décision qui ne fait qu’expliquer le raisonnement d’une première décision d’une manière plus détaillée ne doit pas être considérée comme contenant un élément nouveau ou comme ayant été précédée d’un réexamen de la situation de la personne concernée.

18 Enfin, la Commission estime que l’argumentation de la CAB ne démontre ni une erreur de droit ni une dénaturation des faits commises par le Tribunal et constitue, tout au plus, une réitération de l’argumentation présentée en première instance, si bien qu’elle devrait être considérée comme étant irrecevable.

Appréciation de la Cour

19 Il convient de rappeler d’emblée que l’interprétation d’une décision en matière d’aides d’État adoptée par la Commission dans l’exercice de ses pouvoirs relève non pas d’une simple constatation de fait mais d’une appréciation juridique incombant au Tribunal et à la Cour et que des moyens dirigés contre une telle interprétation effectuée par le Tribunal sont, partant, recevables dans le cadre d’un pourvoi (arrêts du 6 octobre 2015, Commission/Andersen, C‑303/13 P, EU:C:2015:647 , point 74 ; du 26 mars 2020, Larko/Commission, C‑244/18 P, EU:C:2020:238 , point 102, et du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C‑933/19 P, EU:C:2021:905 , point 175).

20 Or, contrairement à ce que prétend la Commission, tel est le cas en l’espèce dès lors que l’argumentation avancée par la CAB sous les deuxième et quatrième branches du second moyen ne se borne pas à réitérer son argumentation présentée en première instance, mais vise spécifiquement des points de l’ordonnance attaquée dans lesquels le Tribunal a procédé à une interprétation de la décision litigieuse.

21 En outre, lorsqu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être de nouveau discutés dans le cadre d’un pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (arrêt du 4 octobre 2024, Aeris Invest/Commission et CRU, C‑535/22 P, EU:C:2024:819 , point 106 et jurisprudence citée).

22 Par les deuxième et quatrième branches du second moyen, la CAB soutient, en substance, que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé dans l’ordonnance attaquée, la décision litigieuse comporte des éléments nouveaux par rapport à la décision antérieure et a été précédée d’un réexamen de sa situation, de sorte que le Tribunal a commis une erreur de droit en qualifiant la décision litigieuse de décision de nature purement confirmative.

23 Aux points 35 à 39 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré ce qui suit :

« 35 La comparaison entre le contenu de la décision [antérieure] et celui de la décision [litigieuse] permet de constater que la Commission s’est limitée à examiner la recevabilité de deux plaintes, des 3 juillet 2020 et 11 avril 2023, sans se prononcer sur l’existence d’une aide d’État ou sur la compatibilité de celle-ci avec le marché intérieur. Il ressort de cette comparaison que le contenu de la décision [antérieure] et de la décision [litigieuse] est, en substance, identique, dans la mesure où la Commission y exprime le refus de deux plaintes portant sur les mêmes faits en raison du défaut de qualité de partie intéressée de la [CAB].

36 En effet, dans la décision [antérieure], la Commission a estimé que la [CAB] ne pouvait pas être qualifiée de partie intéressée, au sens de l’article 1 er , sous h), du règlement 2015/1589, et a traité les informations fournies en tant que renseignements d’ordre général concernant le marché. Dans la décision [litigieuse], la Commission a réitéré son refus de qualifier la [CAB] de partie intéressée et d’enregistrer les informations fournies par elle comme une plainte formelle, au sens de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589. Elle a également précisé que l’arrêt du 24 février 2021, Braesch e.a./Commission (T‑161/18, EU:T:2021:102 ), invoqué dans la plainte du 11 avril 2023, avait été annulé par la Cour et que “l’affectation d’intérêts financiers n’[était] au regard de la jurisprudence de la Cour pas suffisant pour revêtir la qualité de partie intéressée”.

37 La décision [litigieuse] se réfère ainsi pour la première fois à l’arrêt du 24 février 2021, Braesch e.a./Commission (T‑161/18, EU:T:2021:102 ), en réponse à des arguments soulevés par la [CAB] dans la plainte du 11 avril 2023.

38 Si, certes, l’arrêt du 24 février 2021, Braesch e.a./Commission (T‑161/18, EU:T:2021:102 ), est postérieur à la décision [antérieure] et n’a donc pas pu être pris en considération lors de l’adoption de celle-ci, cette circonstance ne suffit pas pour que cet arrêt puisse être regardé comme étant un élément nouveau au regard duquel la Commission aurait réexaminé la situation de la [CAB].

39 En effet, ainsi que l’a relevé, à juste titre, la Commission dans la décision [litigieuse], l’arrêt du 24 février 2021, Braesch e.a./Commission (T‑161/18, EU:T:2021:102 ), qui porte sur la notion de “partie intéressée”, a été annulé par la Cour dans l’arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a. (C‑284/21 P, EU:C:2023:58 ). La Commission s’est donc prononcée, dans la décision [litigieuse], dans un cadre juridique inchangé. »

24 Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un acte est à considérer comme purement confirmatif d’un acte antérieur lorsqu’il ne contient aucun élément juridique ou factuel nouveau par rapport à cet acte antérieur et qu’il n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du destinataire de cet acte antérieur (arrêts du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission, C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78 , point 67 et jurisprudence citée, ainsi que du 20 mai 2021, Dickmanns/EUIPO, C‑63/20 P, EU:C:2021:406 , point 34 et jurisprudence citée).

25 En l’espèce, la décision antérieure a rejeté la plainte du 3 juillet 2020 dans les termes suivants :

« La [CAB] que vous représentez n’est pas une “partie intéressée” au sens [de l’article 1 er , sous h), du règlement 2015/1589]. Votre communication ne peut donc être examinée comme une plainte formelle au sens de l’article 24, paragraphe 2, [de ce règlement]. Néanmoins, la Commission traitera ces informations comme des “renseignements d’ordre général concernant le marché” [auxquels] il lui appartient de donner une suite appropriée selon les cas et au vu de ses priorités. »

26 Partant, la décision antérieure se borne à constater que la CAB n’est pas une « partie intéressée », au sens de l’article 1 er , sous h), du règlement 2015/1589 et à informer la CAB de ce que les informations fournies seraient traitées comme des renseignements d’ordre général concernant le marché. Par ailleurs, cette décision ne contient aucune motivation au soutien de la constatation selon laquelle la CAB n’est pas une partie intéressée.

27 Le Tribunal a ainsi pu relever, au point 36 de l’ordonnance attaquée, que la décision antérieure de la Commission prévoyait que la CAB ne pouvait pas être qualifiée de « partie intéressée », au sens de l’article 1 er , sous h), du règlement 2015/1589, et que les informations fournies par celle-ci seraient considérées comme des renseignements d’ordre général concernant le marché.

28 La décision litigieuse a rejeté la plainte du 11 avril 2023 dans les termes suivants :

« Conformément à l’article 24, paragraphe 2, du règlement [2015/1589], seules les parties intéressées peuvent déposer une plainte formelle [...]. À cet égard, l’article [1 er , sous h), du règlement 2015/1589] dispose qu[e sont] considéré[s] comme une partie intéressée “tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles”. En ce qui concerne les entreprises qui ne sont pas en concurrence avec le bénéficiaire de l’aide, celles-ci doivent démontrer une incidence concrète de la mesure d’aide sur leur situation.

Les services de la Commission considèrent à ce stade que la CAB ne semble pas remplir les conditions pour être considérée comme une partie intéressée au sens de l’article [1 er , sous h), du règlement 2015/1589]. En tant que communauté d’agglomération, la CAB ne peut pas être qualifiée d’État membre, puisque la notion d’État membre au sens des dispositions des [t]raités vise uniquement les autorités centrales et ne comprend pas les autorités infra-étatiques. Par ailleurs, la CAB n’est pas une entreprise dont la position concurrentielle serait affectée par l’aide. Enfin, les intérêts de la CAB qui seraient selon vous affecté[s] par l’octroi de la mesure apparaissent purement financier[s]. Vous soutenez dans votre mémoire de plainte [...] que le Tribunal a confirmé dans [l’arrêt du 24 février 2021, Braesch e.a./Commission, T‑161/18, EU:T:2021:102 ,] que la simple affectation d’intérêts financiers est suffisante pour revêtir la qualité de partie intéressée. Cependant, cet arrêt a été annulé par la Cour dans son [arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a., C‑284/21 P, EU:C:2023:58 ]. Les services de la Commission considèrent donc que l’affectation d’intérêts financiers n’est au regard de la jurisprudence de la Cour pas suffisant[e] pour revêtir la qualité de partie intéressée.

Dans la mesure où la CAB ne semble pas remplir les conditions pour être considérée comme une partie intéressée, votre requête ne peut être examinée comme une plainte formelle au sens de l’article 24, paragraphe 2, du [règlement 2015/1589]. Je vous remercie toutefois pour les renseignements que vous nous avez transmis. La Commission les enregistrera comme des informations générales relatives au marché. »

29 Il découle de ces termes que la décision litigieuse expose les exigences concrètes de l’article 1 er , sous h), du règlement 2015/1589 ainsi que de l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement pour qu’une personne puisse être qualifiée de partie intéressée et spécifie que les entreprises qui ne sont pas en concurrence avec le bénéficiaire de l’aide doivent démontrer, à cet égard, une incidence concrète de la mesure d’aide sur leur situation.

30 En outre, il est précisé, dans cette décision, que les « services de la Commission considèrent à ce stade » que la CAB ne semble pas remplir les conditions pour être considérée comme une « partie intéressée » dès lors qu’elle ne peut pas, en tant qu’autorité infra-étatique, être qualifiée d’État membre, qu’elle n’est pas une entreprise dont la position concurrentielle serait affectée par l’aide et que les intérêts qu’elle défend et qui seraient affectés par l’octroi de la mesure apparaissent purement financiers, ce qui ne serait pas suffisant, au regard de la jurisprudence de la Cour, pour que la qualité de « partie intéressée » lui soit reconnue. À ce dernier égard, la Commission relève que l’arrêt du Tribunal du 24 février 2021, Braesch e.a./Commission (T‑161/18, EU:T:2021:102 ), invoqué par la CAB dans la plainte du 11 avril 2023, a été annulé par l’arrêt de la Cour du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a. (C‑284/21 P, EU:C:2023:58 ).

31 Le Tribunal a donc pu considérer, au point 36 de l’ordonnance attaquée, que la Commission avait, dans la décision litigieuse, réitéré son refus de qualifier la CAB de partie intéressée et confirmé qu’il enregistrait les informations fournies par elle comme une plainte formelle, au sens de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589.

32 Il a également pu constater, aux points 36 et 37 de l’ordonnance attaquée, que la décision litigieuse se référait pour la première fois à l’arrêt du 24 février 2021, Braesch e.a./Commission (T‑161/18, EU:T:2021:102 ), en réponse à des arguments soulevés par la CAB dans sa plainte du 11 avril 2023 et que, cet arrêt ayant été annulé par la Cour, la décision litigieuse avait précisé que l’affectation d’intérêts financiers n’était pas suffisante, au regard de la jurisprudence de la Cour, pour que la CAB puisse se voir reconnaître la qualité de partie intéressée.

33 En revanche, le Tribunal ne pouvait pas considérer, aux points 38 et 39 de l’ordonnance attaquée, sans commettre une erreur de droit, que la circonstance selon laquelle ledit arrêt était postérieur à la décision antérieure et ne pouvait donc pas être pris en considération lors de l’adoption de celle‑ci suffisait pour ôter au même arrêt le caractère d’élément nouveau au regard duquel la Commission aurait réexaminé la situation juridique de la CAB. Le fait que l’arrêt en question a été annulé par la Cour dans l’arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a. (C‑284/21 P, EU:C:2023:58 ), et que ces arrêts n’ont donc pas, en définitive, modifié la situation juridique de la CAB ne saurait pas non plus fonder une telle considération.

34 En effet, les éléments de la décision litigieuse relevés au point 30 du présent arrêt font apparaître que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal dans l’ordonnance attaquée, l’adoption de la décision litigieuse par la Commission a été précédée d’un nouvel examen de la situation de la CAB au regard des arguments que cette dernière avait avancés dans la plainte du 11 avril 2023, dans la mesure où les prétentions avancées dans cette plainte ont fait l’objet d’une appréciation au regard de l’évolution, depuis la décision antérieure, de la jurisprudence des juridictions de l’Union relative à la notion de « partie intéressée ».

35 Eu égard à la jurisprudence rappelée au point 24 du présent arrêt, il découle des considérations qui précèdent que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la décision litigieuse était purement confirmative de la décision antérieure.

36 Par conséquent, les deuxième et quatrième branches du second moyen doivent être accueillies, de sorte que l’ordonnance attaquée doit être annulée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres branches et moyens du pourvoi.

Sur le renvoi de l’affaire au Tribunal

37 Conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

38 En l’espèce, le Tribunal n’ayant pas examiné le recours sur le fond, le litige n’est pas en état d’être jugé, de sorte que l’affaire doit être renvoyée devant le Tribunal pour qu’il statue.

Sur les dépens

39 L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :

1) L’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 11 juillet 2024, Communauté d’Agglomération du Boulonnais/Commission (T 582/23), est annulée.

2) L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.

3) Les dépens sont réservés.

Jääskinen

Arabadjiev

Condinanzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 juillet 2025.

Le greffier

Le président de chambre

A. Calot Escobar

N. Jääskinen

* Langue de procédure : le français.

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