CASE OF TAXQUET AGAINST BELGIUM
Doc ref: 926/05 • ECHR ID: 001-114009
Document date: September 26, 2012
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Resolution CM/ ResDH (2012) 112 [1] Taxquet against Belgium
Execution of the judgment of the European Court of Human Rights:
(Application No. 926/05, final judgment of 16 November 2010)
The Committee of Ministers, under the terms of Article 46, paragraph 2, of the Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms, which provides that the Committee supervises the execution of final judgments of the European Court of Human Rights (hereinafter “the Convention” and “the Court”),
Having regard to the final judgment transmitted by the Court to the Committee in the above case and to the violation established (see document DH-DD(2012)4 9 6F );
Recalling that the respondent State ’ s obligation under Article 46, paragraph 1, of the Convention to abide to by all final judgments in cases to which it has been a party and that this obligation entails, over and above the payment of any sums awarded by the Court, the adoption by the authorities of the respondent State, where required:
- of individual measures to put an end to violations established and erase their consequences so as to achieve as far as possible restitutio in integrum ; and
- of general measures preventing similar violations;
Having invited the government of the respondent State to inform the Committee of the measures taken to comply with its above mentioned obligation;
Having examined the action report provided by the government indicating the measures adopted in order to give effect to the judgment including the information provided regarding the payment of the just satisfaction awarded by the Court (see document DH-DD(20 1 2)496F );
Having satisfied itself that all the measures required by Article 46, paragraph 1, have been adopted;
DECLARES that it has exe r cised its functions under Article 46, paragraph 2, of the Convention in this case and
DECIDES to close the examination thereof.
BILAN D ’ ACTION
Exécution de l ’ arrêt de la Cour européenne des droits de l ’ homme
Taxquet c. Belgique
(Requête no 926/05, arrêt de Grande Chambre du 16 novembre 2010)
I. Résumé introductif de l ’ affaire
Le 7 janvier 2004, le requérant fut condamné à vingt ans d ’ emprisonnement par la cour d ’ assises pour l ’ assassinat en juillet 1991, à Liège, d ’ un Ministre d ’ Etat et pour tentative d ’ assassinat de la compagne de ce dernier. Pour rendre son verdict, le jury eut à répondre à 32 questions posées par le président de la Cour d ’ assises de Liège. Celles-ci étaient identiques pour tous les accusés. Quatre d ’ entre elles concernaient le requérant. Le jury répondit par l ’ affirmative aux quatre questions.
Invoquant l ’ article 6 § 1, le requérant soutenait que son droit à un procès équitable avait été méconnu, en raison du fait que l ’ arrêt de condamnation était fondé sur un verdict de culpabilité non motivé qui ne pouvait faire l ’ objet d ’ un recours devant un organe de pleine juridiction. S ’ appuyant sur l ’ article 6 §§ 1 et 3 d), il se plaignait, par ailleurs, de n ’ avoir pu, à aucun moment de la procédure, interroger ou faire interroger le témoin anonyme.
La Cour relève qu ’ en l ’ espèce, ni l ’ acte d ’ accusation, ni les questions posées au jury ne comportaient des informations suffisantes quant à l ’ implication du requérant dans la commission des infractions qui lui étaient reprochées. Même combinées avec l ’ acte d ’ accusation, les questions posées au jury ne permettaient pas au requérant de savoir quels éléments de preuve et circonstances de fait, parmi tous ceux ayant été discutés durant le procès, avaient finalement conduit les jurés à répondre par l ’ affirmative aux quatre questions le concernant. Ainsi, le requérant ne pouvait notamment différencier, de façon certaine, l ’ implication de chacun des coaccusés dans la commission de l ’ infraction; comprendre quel rôle précis pour le jury il avait joué par rapport à ses coaccusés; comprendre pourquoi la qualification d ’ assassinat avait été retenue plutôt que celle de meurtre; déterminer quels avaient été les éléments qui avaient permis au jury de conclure que deux des coaccusés avaient eu une participation limitée dans les faits reprochés, entraînant une peine moins lourde; et enfin, appréhender pourquoi la circonstance aggravante de préméditation avait été retenue à son encontre, s ’ agissant de la tentative de meurtre de la compagne du ministre d ’ État. Enfin, le système belge ne prévoyait pas la possibilité d ’ interjeter appel contre un arrêt de Cour d ’ assises.
En conclusion, la Cour conclut que le requérant n ’ a pas joui de garanties suffisantes pour lui permettre de comprendre le verdict de condamnation prononcé à son encontre et la procédure a, donc, revêtu un caractère inéquitable contraire à l ’ article 6 § 1 de la Convention. La Cour juge qu ’ il n ’ y a pas lieu de statuer, séparément, sur le grief de violation de l ’ article 6 §§1 et 3 d) de la Convention.
II. Paiement de la satisfaction équitable et mesures individuelles
a) Paiement de la satisfaction équitable
Dommage matériel Dommage moral Frais & dépens Total
- 4. 000 Euros 8.173.22 Euros 12 173.22 euros
En vertu de l ’ article 1543 du Code judiciaire et en l ’ absence d ’ opposition du requérant, l ’ Etat belge, à juste titre, a payé cette somme, le 9 décembre 2010, à l ’ huissier de justice, Bruno Christiane, opérant en vertu d ’ une tiers saisie par les parties civiles (le délai de paiement s ’ explique par le fait que l ’ arrêt de Grande Chambre n ’ est intervenu qu ’ en date du 16 novembre 2010). Il appartenait, en effet, au requérant d ’ invoquer, dans le cadre d ’ une procédure en opposition devant le juge des saisies, qu ’ il pouvait obtenir la réouverture de la procédure d ’ assises, suite à l ’ arrêt de la Cour. Néanmoins, l ’ Etat belge a signalé au requérant qu ’ il pourrait solliciter, le cas échéant, auprès de lui, le remboursement de la somme de 12.173,22 Euros payée via la saisie-arrêt exécution, si la Cour d ’ assises de Namur venait à revenir sur la créance des parties civiles à son égard, accordée dans son arrêt du 21 octobre 2004.
b) Mesures individuelles
Le requérant se trouvant dans les conditions de la loi du 1er avril 2007 sur la réouverture de la procédure en matière pénale, il a introduit en mai 2011 une demande de réouverture auprès de la Cour de Cassation. Cette demande a été acceptée et son nouveau procès est en cours. Enfin, le requérant a été remis en liberté conditionnelle le 19 mai 2009 sur décision du Tribunal d ’ application des peines de Liège.
III. Mesures générales
Les autorités belges rappellent que suite à l ’ arrêt de Chambre dans cette affaire, la Cour de cassation a réagi promptement par son arrêt n o 2505 (P.09.0547.F) du 10 juin 2009. Celle-ci a jugé ainsi : « Aux termes d ’ un arrêt du 13 janvier 2009 de la Cour européenne des droits de l ’ homme ( ... ), le droit à un procès équitable garanti par l ’ article 6.1 de la Convention implique, en ce qui concerne la cour d ’ assises, que la décision rendue sur l ’ accusation mette en avant les considérations qui ont convaincu le jury de la culpabilité ou de l ’ innocence de l ’ accusé et indique les raisons concrètes pour lesquelles il a été répondu positivement ou négativement à chacune des questions. En raison de l ’ autorité de la chose interprétée qui s ’ attache actuellement à cet arrêt et de la primauté, sur le droit interne, de la règle de droit international issue d ’ un traité ratifié par la Belgique, la Cour est contrainte de rejeter l ’ application des articles 342 et 348 du Code d ’ instruction criminelle en tant qu ’ ils consacrent la règle, aujourd ’ hui condamnée par la Cour européenne, suivant laquelle la déclaration du jury n ’ est pas motivée ».
Par ailleurs, une fois l ’ arrêt de Grande Chambre rendu, il a fait l ’ objet d ’ une diffusion large. Il a été communiqué au Procureur général de la Cour de Cassation, au Collège des Procureurs généraux et il a été publié sur le site Juridat de la Cour de cassation (www.http://jure.juridat.just.fgov.be). Il a aussi fait l ’ objet de plusieurs publications dans des revues indépendantes. Cet arrêt a également été largement commenté dans tous les médias belges (tant écrits qu ’ audiovisuels).
Enfin, mais surtout, avec la loi du 21 décembre 2009 relative à la réforme de la Cour d ’ assises (M.B., 11 janvier 2010, entrée en vigueur le 21 janvier 2010), l ’ Etat belge a voulu prendre énergiquement des mesures en vue d ’ éviter des violations semblables à celle en cause dans l ’ affaire TAXQUET.
De manière générale, le législateur confirme le maintien de la Cour d ’ assises, tout en prévoyant cependant une réforme et une modernisation de la procédure devant cette juridiction. L ’ augmentation du nombre d ’ affaires d ’ assises et de la complexité des dossiers criminels ainsi que le coût élevé de la procédure devant la Cour d ’ assises ont amené le législateur à vouloir limiter le nombre d ’ affaires examinées devant la Cour d ’ assises, à améliorer l ’ efficacité de la procédure d ’ assises et la qualité des arrêts de la Cour d ’ assises ainsi qu ’ à améliorer les droits de la défense.
La décision du jury sur la culpabilité doit, dorénavant, être motivée. Jusqu ’ à présent, seul le degré de la peine devait être motivé, conformément à la loi du 30 juin 2000. Le jury délibère d ’ abord sur la culpabilité sans la Cour, au moyen des questions mises à sa disposition. Ensuite, les juges professionnels se retirent avec les jurés et le greffier pour une seconde délibération pour rédiger la motivation (articles 322 à 338 du Code d ’ instruction criminelle).
Plus concrètement, l ’ audience du procès d ’ assises se déroule de la manière suivante :
- lecture de l ’ acte d ’ accusation par le Procureur général ;
- le cas échéant, lecture de l ’ acte de défense par l ’ accusé ou son avocat ;
- interrogatoire de l ’ accusé par le président de la Cour d ’ assises ;
- audition des témoins ;
- débats : la parole est donnée successivement à la partie civile ou son conseil, au Procureur général et à l ’ accusé et son conseil, avec possibilité de réplique (ou de réponse). Le dernier mot est toujours pour l ’ accusé ou son conseil, après quoi les débats sont clôturés ;
- questions du président de la Cour d ’ assises (il s ’ agit des questions auxquelles le jury doit répondre lors de la délibération sur la question de la culpabilité) ;
- instructions du président au jury sur les modalités de délibération ;
- remise du dossier et des pièces du procès au jury ;
- délibération du jury sur la culpabilité (première délibération) ;
- le chef du jury doit transcrire la déclaration du jury, la signer et la remettre au président en présence des membres du jury. Le président et le greffier signent tous les deux la déclaration et la glissent dans une enveloppe qui sera close par le greffier ;
- la Cour et le jury se retirent ensuite pour rédiger la motivation (deuxième délibération) et formulent les principales raisons de leur décision ;
- en cas de parité des voix (6/6), l ’ accusé est acquitté. Si la culpabilité a été prononcée à la majorité simple (7 membres du jury répondent oui à la question sur la culpabilité pour un fait principal et 5 autres répondent non), la Cour doit se prononcer et l ’ accusé est acquitté si la majorité de la Cour ne se rallie pas à la position de la majorité du jury ;
- lorsque l ’ accusé est déclaré coupable, la Cour peut reporter l ’ affaire à une autre audience de la Cour pour la soumettre à un nouveau jury. Tel est le cas lorsque la Cour estime que le jury s ’ est trompé concernant les principales raisons, en particulier en ce qui concerne la preuve, le contenu de termes juridiques ou l ’ application de règles de droit ayant mené à la décision ;
- la Cour et les jurés reviennent dans la salle d ’ audience et l ’ enveloppe contenant la déclaration du jury est ouverte et versée au dossier. Il est donné lecture de l ’ arrêt contenant cette déclaration et la motivation, en présence de l ’ accusé ;
- lorsque l ’ accusé a été déclaré non coupable, le président prononce son acquittement. Si l ’ accusé a été déclaré coupable, il s ’ ensuit un débat sur la culpabilité ;
- la Cour délibère avec le jury sur la peine à donner (troisième délibération) ;
- la Cour et les jurés reviennent dans la salle d ’ audience et il est donné lecture de l ’ arrêt de condamnation prononcé par la Cour et des motifs ayant conduit à la détermination de la peine infligée, en présence de l ’ accusé ;
- s ’ il y a une partie civile, les intérêts civils sont réglés le jour même ou par la suite.
IV. Conclusions de l ’ Etat défendeur
L ’ Etat belge estime que le requérant a bénéficié de mesures individuelles et précises, lui offrant la possibilité d ’ une restitutio in integrum . De plus, l ’ adoption de la loi sur la réforme de la Cour d ’ assises va empêcher de nouvelles violations semblables. Par conséquent, la Belgique a satisfait à toutes les exigences d ’ exécution du présent arrêt et demande, dès lors, la clôture de cette affaire.
Bruxelles , le 25 avril 2012
[1] Adopted by the Committee of Ministers on 26 September 2012 at the 11 50 th Meeting of the Ministers’ Deputies .