Lexploria - Legal research enhanced by smart algorithms
Lexploria beta Legal research enhanced by smart algorithms
Menu
Browsing history:

Judgment of the Court (Eighth Chamber) of 17 October 2013.

European Commission v Italian Republic.

C-344/12 • 62012CJ0344 • ECLI:EU:C:2013:667

  • Inbound citations: 1
  • Cited paragraphs: 1
  • Outbound citations: 18

Judgment of the Court (Eighth Chamber) of 17 October 2013.

European Commission v Italian Republic.

C-344/12 • 62012CJ0344 • ECLI:EU:C:2013:667

Cited paragraphs only

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

17 octobre 2013 ( * )

«Manquement d’État – Aides d’État – Aide accordée par la République italienne en faveur d’Alcoa Trasformazioni – Décision 2010/460/CE de la Commission constatant l’incompatibilité de cette aide et ordonnant sa récupération – Défaut d’exécution dans le délai imparti»

Dans l’affaire C‑344/12,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, introduit le 18 juillet 2012,

Commission européenne, représentée par MM. G. Conte et D. Grespan, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par M me G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M me C. Gerardis, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. C. G. Fernlund (rapporteur), président de la huitième chambre, faisant fonction de président de chambre, M me Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas pris, dans les délais impartis, toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre la décision 2010/460/CE de la Commission, du 19 novembre 2009, relative aux aides d’État C 38/A/04 (ex NN 58/04) et C 36/B/06 (ex NN 38/06) mises à exécution par l’Italie en faveur d’Alcoa Trasformazioni (JO 2010, L 227, p. 62), la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2 à 4 de cette décision ainsi que de l’article 288 TFUE.

Le cadre juridique

2 Le considérant 13 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), est libellé comme suit:

«[C]onsidérant que, en cas d’aide illégale incompatible avec le marché commun, une concurrence effective doit être rétablie; que, à cette fin, il importe que l’aide, intérêts compris, soit récupérée sans délai; qu’il convient que cette récupération se déroule conformément aux procédures du droit national; que l’application de ces procédures ne doit pas faire obstacle au rétablissement d’une concurrence effective en empêchant l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission; que, afin d’atteindre cet objectif, les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’effet utile de la décision de la Commission».

3 L’article 14 du règlement n° 659/1999, intitulé «Récupération de l’aide», énonce:

«1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire [...]. La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.

2. L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération.

3. Sans préjudice d’une ordonnance de la Cour de justice [de l’Union européenne] prise en application de l’article [278 TFUE], la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire.»

4 Aux termes de l’article 23, paragraphe 1, de ce règlement, intitulé «Non-respect des décisions et arrêts»:

«Si l’État membre concerné ne se conforme pas à une décision conditionnelle ou négative, en particulier dans le cas visé à l’article 14, la Commission peut saisir directement la Cour [...] conformément à l’article [108, paragraphe 2, TFUE].»

Les antécédents du litige

5 Alcoa Trasformazioni srl (ci-après «Alcoa») est une société de droit italien appartenant au groupe Alcoa. Elle produit de l’aluminium primaire en Italie. À partir de 1996, cette entreprise a bénéficié d’un tarif préférentiel pour l’électricité destinée à deux sites de production, l’un en Sardaigne, l’autre en Vénétie. Il ressort d’une communication de la Commission, adressée aux autres États membres et autres intéressés, conformément à l’article 93 paragraphe 2 du traité, concernant une aide d’État du gouvernement italien en faveur d’Alumix (JO 1996, C 288, p. 4), que ce tarif, initialement fixé pour une période de dix ans, a été autorisé par la Commission qui avait conclu à l’absence d’aide d’État.

6 À deux reprises, ledit tarif a été prorogé, d’abord jusqu’au mois de juin 2007, puis jusqu’en 2010.

7 Par la décision 2010/460, la Commission a considéré que ces prorogations constituaient des aides d’État incompatibles avec le marché commun et a ordonné à la République italienne de procéder à leur recouvrement, intérêts compris.

8 Aux termes du considérant 285 de la décision 2010/460:

«[...] Alcoa avait conclu avec [le fournisseur d’électricité] ENEL un contrat bilatéral à un prix nominal proche du tarif standard appliqué par la compagnie d’électricité aux fournitures haute tension. Selon la Commission, il s’agit là du prix qu’Alcoa aurait payé en l’absence de tarif. La Commission estime donc que le montant à récupérer équivaut à la différence entre le prix contractuel et le prix préférentiel. Ce montant correspond à l’indemnité compensatoire touchée par l’entreprise sur la période concernée [...]»

9 Ce considérant est complété par une note en bas de page, selon laquelle «[l]a Commission ne dispose pas des données nécessaires pour procéder à un calcul précis de ce montant».

10 Le dispositif de la décision 2010/460 est libellé comme suit:

« Article premier

L’aide d’État accordée illégalement par l’Italie à partir du 1 er janvier 2006, en application du décret du président du Conseil des ministres du 6 février 2004 et de l’article 11, paragraphe 11, de la loi n° 80/2005, à Alcoa [...], en violation de l’article 88, paragraphe 3, [CE], est incompatible avec le marché commun. Le montant de l’aide est calculé selon la méthode indiquée au considérant 285 de la présente décision.

Article 2

1. L’Italie procède au recouvrement de l’aide visée à l’article 1 er qui a été versée au bénéficiaire. Pour la Vénétie, la récupération porte sur la période comprise entre le 1 er janvier 2006 et la date d’adoption de la présente décision. Pour la Sardaigne, elle porte sur la période comprise entre le 1 er janvier 2006 et le 18 janvier 2007.

2. Les montants à récupérer comprennent les intérêts courus entre la date à laquelle ils ont été mis à la disposition du bénéficiaire et celle de leur récupération effective.

3. Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) n° 794/2007 et au règlement (CE) n° 271/2008 de la Commission [...] modifiant le règlement (CE) n° 794/2004.

4. L’Italie annule tous les paiements à venir de l’aide visée à l’article 1 er à compter de la date d’adoption de la présente décision.

Article 3

1. La récupération de l’aide visée à l’article 1 er est immédiate et effective.

2. L’Italie applique la présente décision dans les quatre mois suivant la date de sa notification.

Article 4

1. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, l’Italie communique les informations suivantes à la Commission:

a) le montant total (principal et intérêts de recouvrement) à récupérer auprès du bénéficiaire;

b) une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision;

c) les documents démontrant que le bénéficiaire a été mis en demeure de rembourser l’aide.

2. L’Italie tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour exécuter la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide visée à l’article 1 er . Elle communique sans délai sur demande de la Commission les renseignements sur les mesures qui ont déjà été prises ou qui sont prévues pour se conformer à la présente décision. Elle fournit aussi des informations détaillées concernant les montants d’aide et d’intérêts déjà récupérés auprès du bénéficiaire.

Article 5

La République italienne est destinataire de la présente décision.»

Les recours introduits contre la décision 2010/460

11 Alcoa a introduit un recours contre la décision d’ouverture de la phase formelle d’examen de l’aide en cause, rejeté par l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission (T‑332/06). Le pourvoi formé par la requérante a été rejeté par l’arrêt du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission (C‑194/09 P, Rec. p. I‑6311).

12 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 avril 2010, Alcoa a introduit un recours visant à l’annulation de la décision 2010/460 (affaire pendante T-177/10). Par ailleurs, cette entreprise a, en vain, demandé au juge des référés qu’il soit sursis à l’exécution de cette décision. Par ordonnance du 14 décembre 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission [C‑446/10 P(R)], le président de la Cour a rejeté le pourvoi d’Alcoa contre l’ordonnance du président du Tribunal du 9 juillet 2010, Alcoa Trasformazioni/Commission (T‑177/10 R).

Les discussions menées avant l’introduction du présent recours

13 Le 20 novembre 2009, la Commission a notifié la décision 2010/460 à la République italienne.

14 Par lettre du 21 janvier 2010, la Commission a rappelé à la République italienne l’obligation d’information prévue à l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2010/460. La Commission a souligné que cet État membre était tenu de lui communiquer, au plus tard le 20 janvier 2010, le montant total de l’aide à récupérer, les mesures déjà prises pour se conformer à cette décision ainsi que les documents attestant de l’injonction faite au bénéficiaire de procéder au remboursement de cette aide.

15 Cette demande étant restée sans réponse, la Commission a, par lettre du 9 mars 2010, invité la République italienne à lui transmettre dans un délai de 20 jours ouvrables les renseignements demandés. En l’absence de réponse complète dans le délai fixé, la Commission a indiqué qu’elle pourrait saisir la Cour en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

16 Par lettre du 23 mars 2010, la République italienne a indiqué que l’aide à récupérer s’élevait à environ 295 millions d’euros, dont 38 millions d’intérêts. Cet État membre a également précisé qu’un montant additionnel de 26 millions d’euros environ pourrait également être recouvré à l’issue d’un litige pendant devant les juridictions administratives.

17 Faute d’avoir reçu des renseignements sur les mesures destinées à mettre en œuvre la décision 2010/460, la Commission a, par lettre du 21 avril 2010, demandé à la République italienne de lui transmettre dans un délai de 20 jours ouvrables les renseignements et les documents visés à l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2010/460.

18 Par lettre du 25 mai 2010, la République italienne a informé la Commission que, en raison du recours formé par Alcoa contre la décision 2010/460 (affaires T‑177/10 et T‑177/10 R, précitées), elle ne jugeait pas approprié de présenter à Alcoa une demande de récupération.

19 Par lettre du 5 juillet 2010, la Commission a demandé de plus amples informations sur le montant de l’aide à récupérer et rappelé que, faute de réponse satisfaisante, elle pourrait saisir la Cour en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

20 Par lettre du 24 septembre 2010, la République italienne a évalué le montant de l’aide à récupérer à environ 254 millions d’euros et précisé qu’un montant supplémentaire d’environ 29 millions d’euros pourrait être récupéré à l’issue d’un recours administratif.

21 Le 3 novembre 2010, une réunion a eu lieu entre les représentants d’Alcoa et ceux de la Commission. À la suite de celle-ci, la République italienne a proposé une méthode de calcul du montant à récupérer différente de celle fixée par la décision 2010/460. Selon cette proposition, ce montant est égal à la différence entre le tarif consenti à Alcoa et le prix moyen payé par ses concurrents dans l’Union européenne, au lieu de la différence entre le prix convenu entre Alcoa et ENEL et le tarif préférentiel.

22 Par lettre du 19 novembre 2010, la Commission a rappelé que cette méthode avait déjà été écartée dans la décision 2010/460. Elle a, par ailleurs, réitéré ses demandes d’exécution de la décision 2010/460 en se référant au refus du président du Tribunal d’y surseoir. La Commission a invité la République italienne à répondre dans un délai de 20 jours ouvrables, délai au-delà duquel elle pourrait saisir la Cour au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

23 Par lettre du 17 décembre 2010, la République italienne a confirmé le montant de l’aide à récupérer indiqué dans sa lettre du 24 septembre 2010 et fourni certaines informations complémentaires concernant le calcul des intérêts.

24 Estimant que la République italienne n’avait toujours pas procédé à l’exécution de la décision 2010/460, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

Sur le recours

Argumentation des parties

25 La Commission estime que la République italienne n’a pas respecté, d’une part, l’obligation d’information prévue à l’article 4 de la décision 2010/460 et, d’autre part, l’obligation de récupération imposée aux articles 2 et 3 de cette décision. Elle considère, en conséquence, que cet État membre n’a pas pris toutes les mesures propres à assurer l’exécution de la décision 2010/460, en violation de l’article 288 TFUE.

26 S’agissant de l’obligation de récupération imposée aux articles 2 et 3 de la décision 2010/460, la Commission soutient que la République italienne a reconnu, dans sa lettre du 25 mai 2010, ne pas avoir demandé à Alcoa de rembourser l’aide perçue. Les recours en annulation n’ayant pas d’effet suspensif, la Commission estime que la République italienne ne pouvait se prévaloir du recours dans l’affaire T‑177/10, précitée, pour justifier son inaction.

27 S’agissant de l’existence d’une prétendue récupération partielle de l’aide en cause à concurrence de 53 millions d’euros environ au moyen d’une opération de «compensation», la Commission souligne, d’abord, que ce point n’a été soulevé par la République italienne que de manière laconique et imprécise dans sa lettre du 24 septembre 2010. Elle soutient, ensuite, que les explications présentées par la République italienne au cours de la présente procédure ne permettent toujours pas de comprendre la nature de cette opération. Enfin, elle fait valoir que, en tout état de cause, une récupération partielle ne suffirait pas à effacer le manquement à l’obligation de récupération de l’intégralité de l’aide visée par la décision 2010/460.

28 La Commission fait observer que la République italienne ne s’est pas prévalue, au cours de la procédure précontentieuse, d’une impossibilité absolue de récupérer l’aide en cause. Ses lettres du 25 mai 2010 et du 3 novembre 2010 ne contiendraient que de vagues références aux répercussions économiques et sociales qu’entraînerait cette récupération.

29 Enfin, s’agissant de la circonstance selon laquelle les autorités italiennes auraient exécuté, le 14 juin 2012, une garantie donnée par la société mère d’Alcoa pour un montant d’environ 250 millions d’euros, la Commission estime que cette mesure tardive n’équivaut pas à une récupération et n’efface pas la violation des articles 2 et 3 de la décision 2010/460.

30 La République italienne déclare avoir proposé une solution alternative aux modalités d’exécution visées dans la décision 2010/460 compte tenu de l’impossibilité absolue de récupérer les aides en cause. Elle indique être parvenue, six mois seulement après la décision 2010/460, à récupérer environ 53 millions d’euros par la voie de la compensation, ce que la Commission n’a pas pris en considération.

31 En outre, cet État membre rappelle avoir, dès l’ouverture de la phase formelle d’examen, subordonné l’exécution des mesures en cause à la présentation d’une garantie de la société mère d’Alcoa afin d’assurer sa récupération effective dans l’hypothèse où elle serait déclarée illicite. Ainsi, bien avant la décision 2010/460, la République italienne aurait déjà adopté une mesure concrète et effective pour récupérer les sommes versées.

32 Par décision du 4 juillet 2012, le Consiglio di Stato (Italie) aurait rejeté les recours d’Alcoa contre les décisions imposant la garantie en cause. La République italienne estime, en conséquence, qu’il était légitime d’attendre l’issue de la procédure devant le Consiglio di Stato avant d’exercer cette garantie. Par ailleurs, la République italienne rappelle que le Tribunal n’a pas encore statué au fond sur le recours dans l’affaire T‑177/10, précitée, circonstance qui revêt une certaine importance (arrêt du 26 juin 2003, Commission/Espagne, C‑404/00, Rec. p. I‑6695, point 45).

33 Par ailleurs, le 20 juillet 2012, Alcoa aurait proposé un remboursement de l’aide échelonné en cinq tranches de 50 millions d’euros environ. Le 30 octobre 2012, Alcoa aurait ainsi versé environ 50 millions d’euros. Par conséquent, le montant récupéré s’élèverait déjà à près de 103 millions d’euros. Compte tenu de ces circonstances, il ne saurait être reproché à la République italienne de ne pas avoir entrepris des actions concrètes en faveur de la récupération de l’aide en cause.

34 Enfin, la République italienne souligne les conséquences de la récupération pour l’emploi au niveau national et estime utile de porter à la connaissance de la Cour les éléments suivants, à savoir, d’une part, que la prorogation des conditions tarifaires octroyées à Alcoa était due au coût élevé de l’électricité, en particulier en Sardaigne et, d’autre part, que la Commission avait initialement reconnu que le tarif préférentiel de fourniture d’électricité dont bénéficiait Alcoa ne constituait pas une aide d’État.

35 Selon la République italienne, l’intransigeance de la Commission est incompatible avec son devoir de coopération loyale. L’exécution des décisions de récupération relèverait de la responsabilité conjointe de la Commission et des États membres. Lorsqu’un État membre est confronté à des difficultés imprévisibles au stade de la récupération et qu’il propose des modifications adéquates à la décision de la Commission, cette dernière serait tenue de collaborer de bonne foi pour surmonter les difficultés dans les règles du traité FUE.

36 La République italienne souligne avoir porté à la connaissance de la Commission les difficultés de mise en œuvre de la décision 2010/460 et avoir, de bonne foi, mis en œuvre les opérations d’exécution de cette décision en procédant à la compensation d’une dette de 53 millions d’euros à l’encontre d’Alcoa.

Appréciation de la Cour

37 Il y a lieu de rappeler que la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité et que cette conséquence ne saurait dépendre de la forme dans laquelle l’aide a été octroyée (voir arrêt du 14 avril 2011, Commission/Pologne, C‑331/09, Rec. p. I‑2933, point 54 et jurisprudence citée).

38 En conséquence, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’État membre destinataire d’une décision l’obligeant à récupérer des aides illégales est tenu, en vertu de l’article 288 TFUE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution de cette décision. Il doit parvenir à une récupération effective des sommes dues (arrêts du 5 octobre 2006, Commission/France, C‑232/05, Rec. p. I‑10071, point 42, et Commission/Pologne, précité, point 55).

39 En cas de décision constatant le caractère illégal et incompatible d’une aide, la récupération de celle-ci, ordonnée par la Commission, a lieu dans les conditions prévues à l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999 (arrêt du 20 octobre 2011, Commission/France, C‑549/09, point 28).

40 En vertu de ladite disposition, la récupération d’une telle aide doit, ainsi qu’il ressort également du considérant 13 dudit règlement, s’effectuer sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission (arrêt du 20 octobre 2011, Commission/France, précité, point 29).

41 Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, une récupération tardive, postérieure aux délais impartis, ne saurait satisfaire aux exigences du traité (arrêts du 22 décembre 2010, Commission/Italie, C‑304/09, Rec. p. I‑13903, point 32, et du 14 juillet 2011, Commission/Italie, C‑303/09, point 30).

42 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que la date de référence pour l’application de l’article 108, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE est celle prévue dans la décision dont l’inexécution est contestée ou, le cas échéant, celle que la Commission a fixée par la suite (voir arrêts du 1 er juin 2006, Commission/Italie, C‑207/05, point 31, ainsi que Commission/Pologne, précité, point 50 et jurisprudence citée).

43 En l’occurrence, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2010/460, la République italienne était tenue d’assurer la récupération «immédiate et effective» de l’aide en cause. Cet État membre disposait à cette fin, en vertu du paragraphe 2 de cet article, d’un délai de quatre mois à compter de la notification de ladite décision.

44 La décision 2010/460 ayant été notifiée à la République italienne le 20 novembre 2009, le délai qui lui était imparti pour récupérer l’aide illégalement perçue par Alcoa expirait dès lors le 20 mars 2010.

45 Or, il n’est pas contesté que, à cette date, l’intégralité de l’aide en cause n’avait pas été récupérée par cet État membre.

46 Par ailleurs, il ressort des écritures de la République italienne que la procédure de récupération de l’aide en cause se poursuivait toujours après l’introduction du présent recours, soit plus de deux ans et demi après la notification de la décision 2010/460.

47 Une telle situation est manifestement inconciliable avec l’obligation de cet État membre de parvenir à une exécution immédiate et effective de cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2011, Commission/Italie, précité, point 32).

48 S’agissant des moyens invoqués par la République italienne pour sa défense, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le seul moyen de défense susceptible d’être invoqué par un État membre contre un recours en manquement introduit par la Commission sur le fondement de l’article 108, paragraphe 2, TFUE est celui tiré d’une impossibilité absolue d’exécuter correctement la décision en cause (voir, notamment, arrêts du 20 septembre 2007, Commission/Espagne, C‑177/06, Rec. p. I‑7689, point 46; du 13 novembre 2008, Commission/France, C‑214/07, Rec. p. I‑8357, point 44, et du 14 juillet 2011, Commission/Italie, précité, point 33).

49 La condition relative à l’existence d’une impossibilité absolue d’exécution n’est pas remplie lorsque l’État membre défendeur se borne à faire part à la Commission des difficultés juridiques, politiques ou pratiques que présente la mise en œuvre de la décision, sans entreprendre une véritable démarche auprès des entreprises en cause afin de récupérer l’aide et sans proposer à la Commission des modalités alternatives de mise en œuvre de la décision qui auraient permis de surmonter ces difficultés (voir arrêts du 5 mai 2011, Commission/Italie, C‑305/09, Rec. p. I‑3225, point 33 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 juillet 2011, Commission/Italie, précité, point 34).

50 La Cour a également jugé qu’un État membre qui, lors de l’exécution d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, rencontre des difficultés imprévues et imprévisibles ou prend conscience de conséquences non envisagées par la Commission doit soumettre ces problèmes à l’appréciation de cette dernière en proposant des modifications appropriées de la décision en cause. Dans un tel cas, l’État membre et la Commission doivent, en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions de l’Union des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire, notamment, l’article 4, paragraphe 3, TUE, collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité et, notamment, de celles relatives aux aides (arrêts précités du 22 décembre 2010, Commission/Italie, point 37 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 juillet 2011, Commission/Italie, point 35).

51 À cet égard, il convient de relever que, ni dans ses rapports avec la Commission avant l’introduction du présent recours ni dans le cadre de la procédure devant la Cour, la République italienne n’a invoqué une impossibilité absolue d’exécution de la décision 2010/460. Cet État membre s’est borné à faire part à la Commission des difficultés juridiques ou pratiques que présentait la mise en œuvre de ladite décision ainsi que de son souhait de parvenir à une solution négociée avec Alcoa.

52 Dès lors que la République italienne n’a pas pris, dans le délai imparti, les mesures nécessaires pour récupérer auprès du bénéficiaire l’aide visée par la décision 2010/460, le grief de cet État membre quant au manque allégué de coopération de la part de la Commission apparaît inopérant (voir, en ce sens, arrêt du 1 er mars 2012, Commission/Grèce, C‑354/10, point 78).

53 Il résulte de ce qui précède que le présent recours est fondé en ce que la Commission reproche à la République italienne de ne pas avoir pris, dans le délai prescrit, toutes les mesures nécessaires afin de récupérer la totalité de l’aide octroyée en vertu du régime d’aides en cause qui a été déclaré illégal et incompatible avec le marché commun par la décision 2010/460.

54 Compte tenu de la conclusion énoncée au point précédent, il n’y a pas lieu de statuer sur le chef des conclusions de la Commission visant à faire condamner la République italienne pour ne pas l’avoir informée des mesures mentionnées audit point, étant donné que cet État membre n’a précisément pas procédé à l’exécution de la décision 2010/460 dans le délai prescrit (voir arrêt du 22 décembre 2010, Commission/Italie, précité, point 57 et jurisprudence citée).

55 En conséquence, il convient de constater que, en n’ayant pas pris, dans le délai prescrit, toutes les mesures nécessaires afin de récupérer auprès du bénéficiaire l’aide d’État déclarée illégale et incompatible avec le marché commun à l’article 1 er de la décision 2010/460, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2 et 3 de cette décision.

Sur les dépens

56 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête:

1) En n’ayant pas pris, dans le délai prescrit, toutes les mesures nécessaires afin de récupérer auprès du bénéficiaire l’aide d’État déclarée illégale et incompatible avec le marché commun à l’article 1 er de la décision 2010/460/CE de la Commission, du 19 novembre 2009, relative aux aides d’État C 38/A/04 (ex NN 58/04) et C 36/B/06 (ex NN 38/06) mises à exécution par l’Italie en faveur d’Alcoa Trasformazioni, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2 et 3 de cette décision.

2) La République italienne est condamnée aux dépens.

Signatures

* Langue de procédure: l’italien.

© European Union, https://eur-lex.europa.eu, 1998 - 2024
Active Products: EUCJ + ECHR Data Package + Citation Analytics • Documents in DB: 393980 • Paragraphs parsed: 42814632 • Citations processed 3216094