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Order of the Court (Ninth Chamber) of 21 February 2013. Isera & Scaldis Sugar SA and Others v Bureau d'intervention et de restitution belge.

C-154/12 • 62012CO0154 • ECLI:EU:C:2013:101

  • Inbound citations: 4
  • Cited paragraphs: 3
  • Outbound citations: 39

Order of the Court (Ninth Chamber) of 21 February 2013. Isera & Scaldis Sugar SA and Others v Bureau d'intervention et de restitution belge.

C-154/12 • 62012CO0154 • ECLI:EU:C:2013:101

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ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

21 février 2013 ( * )

«Article 99 du règlement de procédure – Agriculture – Organisation commune des marchés – Sucre – Règlement (CE) n° 318/2006 – Article 16 – Règlement (CE) n° 1234/2007 – Article 51 – Imposition d’une taxe à la production – Validité – Défaut de base légale – Défaut de motivation claire et univoque – Violation du principe de non-discrimination – Violation du principe de proportionnalité»

Dans l’affaire C‑154/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique), par décision du 15 mars 2012, parvenue à la Cour le 29 mars 2012, dans la procédure

Isera & Scaldis Sugar SA,

Philippe Bedoret and Co. SPRL,

Jean Rigot,

Mathieu Vrancken

contre

Bureau d’intervention et de restitution belge (BIRB),

en présence de:

Joseph Cockx e.a.,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. J. Malenovský, président de chambre, M. U. Lõhmus et M me A. Prechal (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

la Cour se proposant de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 99 de son règlement de procédure,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance,

rend la présente

Ordonnance

1 La demande de décision préjudicielle porte sur la validité des articles 16 du règlement (CE) n° 318/2006 du Conseil, du 20 février 2006, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 58, p. 1), et 51 du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement «OCM unique») (JO L 299, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Isera & Scaldis Sugar SA, productrice de sucre, Philippe Bedoret and Co. SPRL ainsi que MM. Rigot et Vrancken, producteurs de betteraves, soutenus par M. Cockx et 4 756 autres intervenants volontaires, également producteurs de betteraves (ci‑après, ensemble, les «demandeurs au principal»), au Bureau d’intervention et de restitution belge (BIRB) au sujet du remboursement des montants payés au titre de la taxe à la production.

Le cadre juridique

3 Le considérant 19 du règlement n° 318/2006 énonce:

«Il y a lieu d’instaurer une taxe à la production pour contribuer au financement des dépenses intervenant dans le cadre de l’organisation commune des marchés [(OCM)] dans le secteur du sucre.»

4 Aux termes de l’article 16 dudit règlement, intitulé «Taxe à la production»:

«1. À partir de la campagne de commercialisation 2007/2008, il est perçu une taxe à la production sur le quota de sucre, le quota d’isoglucose et le quota de sirop d’inuline attribué aux entreprises productrices de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline.

2. La taxe à la production est fixée à 12,00 [euros] par tonne de sucre sous quota et de sirop d’inuline sous quota. La taxe à la production applicable à l’isoglucose est fixée à 50 % de la taxe applicable au sucre.

3. La totalité de la taxe à la production acquittée conformément au paragraphe 1 est perçue par les États membres auprès des entreprises établies sur leur territoire en fonction du quota attribué pour la campagne de commercialisation concernée.

Les paiements sont effectués par les entreprises au plus tard à la fin du mois de février de la campagne de commercialisation correspondante.

4. Les entreprises de la Communauté productrices de sucre et de sirop d’inuline peuvent exiger des producteurs de betteraves, de cannes à sucre ou de chicorée qu’ils prennent à leur charge jusqu’à 50 % de la taxe à la production correspondante.»

5 Le règlement n° 318/2006 a été abrogé à compter du 1 er octobre 2008 par l’article 201, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1234/2007. Les libellés du considérant 27 et de l’article 51 de ce dernier règlement sont cependant, en substance, identiques à ceux du considérant 19 et de l’article 16 de ce premier règlement.

6 Adoptée sur le fondement des articles 269 CE et 173 EA, la décision 2000/597/CE, Euratom du Conseil, du 29 septembre 2000, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 253, p. 42), dispose, à son article 2, paragraphes 1 et 2:

«1. Constituent des ressources propres inscrites au budget de l’Union européenne, les recettes provenant:

a) [...] des cotisations et autres droits prévus dans le cadre de l’[OCM] dans le secteur du sucre;

[...]

2. Constituent, en outre, des ressources propres inscrites au budget de l’Union européenne les recettes provenant de toutes nouvelles taxes qui seraient instituées, dans le cadre d’une politique commune, conformément au traité CE ou au traité Euratom, pour autant que la procédure de l’article 269 [CE] ou de l’article 173 [EA] ait été menée à son terme.»

7 La décision 2000/597 a été remplacée par la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 163, p. 17), qui a pris effet le 1 er janvier 2007. Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de cette dernière décision, les ressources propres inscrites au budget général de l’Union continuent d’inclure, notamment, les cotisations et les autres droits prévus dans le cadre de l’OCM dans le secteur du sucre. En outre, le libellé de l’article 2, paragraphe 2, de la décision 2007/436 est identique à celui de l’article 2, paragraphe 2, de la décision 2000/597.

8 Aux termes de l’article 17 du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le «règlement financier»), qui fait partie du chapitre 5, intitulé «Principe d’universalité», du titre II, intitulé «Les principes budgétaires», de la première partie, elle-même intitulée «Dispositions communes», de ce règlement:

«L’ensemble des recettes couvre l’ensemble des crédits de paiement sous réserve de l’article 18. [...]»

9 Les recettes provenant de la taxe à la production ne font pas partie des exceptions au principe d’universalité, prévues à l’article 18 du règlement financier.

Le litige au principal et la question préjudicielle

10 Considérant que la taxe à la production prévue aux articles 16 du règlement n° 318/2006 et 51 du règlement n° 1234/2007 est illégale et entachée de nullité, les demandeurs au principal ont saisi la juridiction de renvoi d’un recours par lequel ils réclament au BIRB le remboursement de tous les montants indûment payés à ce titre, à augmenter des intérêts de retard depuis la date de paiement.

11 Pour ce qui concerne Isera & Scaldis Sugar SA, il s’agit, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, d’un montant, payé au titre de la taxe à la production, de 3 426 660 euros pour la campagne de commercialisation 2007/2008 et d’un montant de 2 280 000 euros pour chacune des campagnes de commercialisation 2008/2009, 2009/2010 et 2010/2011. Les autres demandeurs au principal ont provisoirement évalué le montant de la taxe qu’ils ont pris en charge à un euro pour chacun d’eux.

12 Selon les demandeurs au principal, la taxe à la production est invalide pour les motifs tirés d’un défaut de base légale, d’un défaut de motivation claire et non équivoque ainsi que d’une violation des principes de non-discrimination et de proportionnalité.

13 Dans ces conditions, le tribunal de première instance de Bruxelles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 16 du [règlement n° 318/2006], actuellement article 51 du [règlement n° 1234/2007], en imposant au secteur ‘sucre-betteraves’ une taxe de 12 [euros] par tonne de sucre en quota, est-il invalide:

– dans la mesure où la base légale utilisée par le législateur pour l’introduction de cette disposition est l’ancien article 37, [paragraphe] 2, troisième alinéa, [...] CE, actuellement article 43, [paragraphe] 2, [TFUE];

– dans la mesure où le législateur, qui aurait justifié la taxe comme une mesure destinée à financer les dépenses ‘OCM sucre’ alors qu’elle financerait en réalité les aides directes et/ou viserait à préserver la neutralité budgétaire de la réforme ‘sucre 2006’, ne ferait pas apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement pour l’introduction de la taxe tel que cela est exigé par l’article 296 [TFUE] (ancien article 253 [CE]);

– dans la mesure où la filière ‘sucre-betteraves’ serait le seul secteur qui se serait vu imposer une telle taxe contributive au budget général de l’Union [...], la taxe devrait être considérée comme discriminatoire tant entre planteurs ayant maintenu la production betteravière et ceux ayant arrêté cette production, qu’entre la filière ‘sucre-betteraves’ et tout autre secteur agricole ou non agricole;

– dans la mesure où la taxe devrait être considérée comme violant le principe de proportionnalité en n’étant ni appropriée, ni nécessaire pour le financement des dépenses dans l’OCM ‘sucre’, ni proportionnée par rapport aux dépenses réelles et aux perspectives de dépenses dans l’OCM ‘sucre’?»

Sur la question préjudicielle

14 En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une question préjudicielle est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué, lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question préjudicielle ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut statuer par voie d’ordonnance motivée.

15 La Cour estime que tel est le cas dans la présente affaire.

Sur la recevabilité

16 Le Conseil de l’Union européenne fait valoir que la demande de décision préjudicielle est irrecevable pour deux raisons.

17 En premier lieu, selon cette institution, le juge de renvoi se borne à faire état en des termes généraux de l’absence de bien-fondé de la base juridique constituée par l’article 37, paragraphe 2, troisième alinéa, CE et de la prétendue violation des principes de non-discrimination et de proportionnalité, sans préciser les raisons pour lesquelles cette disposition ne serait pas une base juridique adéquate et l’article 16 du règlement n° 318/2006 ne serait pas compatible avec les principes de non-discrimination et de proportionnalité.

18 En second lieu, concernant le quatrième tiret de la question préjudicielle, un arrêt de la Cour ne serait pas nécessaire pour que la juridiction nationale rende son jugement au sens de l’article 267, deuxième alinéa, TFUE, dès lors que la question préjudicielle portant sur la prétendue violation du principe de proportionnalité est matériellement identique à une question ayant déjà fait l’objet d’une décision à titre préjudiciel dans l’arrêt du 20 mai 2010, Agrana Zucker (C-365/08, Rec. p. I‑4341), dans lequel la Cour a reconnu la validité de l’article 16 du règlement n° 318/2006 notamment au regard du principe de proportionnalité.

19 À cet égard, il convient de rappeler qu’une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale ne saurait être déclarée irrecevable que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêt du 29 mars 2012, Belvedere Costruzioni, C‑500/10, non encore publié au Recueil, point 16 et jurisprudence citée).

20 Or, il y a lieu de constater, en premier lieu, que, même si la décision de renvoi ne contient qu’une description succincte du cadre juridique et factuel, la question est formulée d’une façon suffisamment précise pour permettre aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi qu’à la Cour de répondre à la question qui lui a été posée.

21 En second lieu, la circonstance selon laquelle la Cour s’est déjà prononcée sur la validité de l’article 16 du règlement n° 318/2006 dans l’arrêt Agrana Zucker, précité, ne permet pas, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 19 de la présente ordonnance, de déclarer irrecevable la question posée dans le cadre de la présente affaire.

22 Partant, la demande de décision préjudicielle doit être considérée comme recevable.

Sur le fond

Sur le premier tiret de la question

23 Les demandeurs au principal font valoir que l’article 16 du règlement n° 318/2006 est invalide au regard du principe d’attribution des compétences. En effet, la taxe à la production constituerait un impôt à caractère général qui ne peut être valablement instauré sur le fondement de l’article 37 CE.

24 À cet égard, il ressort du considérant 19 du règlement n° 318/2006 que la taxe à la production a été instaurée pour contribuer au financement des dépenses intervenant dans le cadre de l’OCM dans le secteur du sucre (arrêt Agrana Zucker, précité, point 32).

25 Ayant pour assiette le quota attribué aux entreprises, cette taxe permet de procurer au budget de l’Union des recettes stables en ce qu’elles ne dépendent pas des quantités réellement produites ou des éventuels retraits du marché (arrêt Agrana Zucker, précité, point 33).

26 Quant aux dépenses intervenant dans le cadre de l’OCM dans le secteur du sucre et visées au considérant 19 dudit règlement, il ne s’agit pas uniquement des restitutions à l’exportation de sucre et d’isoglucose, des restitutions à la production pour l’utilisation du sucre dans l’industrie chimique et des dépenses liées aux mesures de stockage (arrêt Agrana Zucker, précité, point 34).

27 En effet, la réforme de l’OCM dans le secteur du sucre a traduit la volonté du législateur, dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune, d’abandonner progressivement la politique de soutien des prix et de la production au profit d’une politique de soutien des revenus agricoles découplé de la production. Une réduction du soutien du marché du sucre a été partiellement compensée par un soutien des revenus des entreprises agricoles sous la forme d’une aide directe dite «découplée». Le coût des nouvelles mesures, dont l’aide directe découplée constituait la partie principale, devait être compensé pour l’essentiel par les économies réalisées grâce à la forte réduction des dépenses de restitutions à l’exportation et à la suppression de l’aide au raffinage, la réforme devant respecter le statu quo des dépenses prévu lors de la présentation des propositions de la politique agricole commune au cours du mois de janvier 2003 (arrêt Agrana Zucker, précité, point 35).

28 Dans ce contexte, il convient de comprendre l’objectif mentionné au considérant 19 du règlement n° 318/2006 en ce sens que la taxe à la production contribue à financer les différentes mesures dans le secteur du sucre, y compris l’aide directe découplée qui représente la dépense la plus élevée (arrêt Agrana Zucker, précité, point 36), dont elle est la contrepartie.

29 Or, ainsi destinée à contribuer au financement des différentes mesures dans le secteur du sucre, la perception de la taxe à la production ne revêt pas le caractère d’une charge fiscale, mais constitue une mesure de politique agricole commune régulièrement adoptée sur la base de l’article 37 CE (voir, par analogie, arrêt du 28 juillet 2011, Agrana Zucker, C‑309/10, non encore publié au Recueil, point 29 et jurisprudence citée).

30 Cette interprétation n’est pas infirmée par l’argument des demandeurs au principal selon lequel la perception de la taxe à la production n’est pas conforme à l’article 2, paragraphes 1, sous a), et 2, de la décision 2000/597.

31 En effet, la décision 2000/597 a pour objet de définir les ressources propres inscrites au budget de l’Union et non les institutions de l’Union compétentes pour établir des droits, taxes, prélèvements, cotisations et autres formes de recettes. En tant que mesure de droit budgétaire, cette décision ne fait pas obstacle à l’adoption d’une mesure par le législateur de l’Union comme la perception d’une taxe à la production, alors que la compétence du législateur de l’Union pour adopter cette mesure trouve son fondement dans les dispositions du traité CE relatives à la politique agricole commune (voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 1982, Amylum/Conseil, 108/81, Rec. p. 3107, point 32, ainsi que du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest, C‑143/88 et C‑92/89, Rec. p. I‑415, point 40).

32 De même, s’agissant plus particulièrement de l’article 2, paragraphe 2, de la décision 2000/597, le texte de cette disposition fait apparaître qu’elle a pour seul objet de permettre, dans le cadre d’une politique commune, la création de nouvelles ressources propres, à condition que la procédure de l’article 269 CE soit respectée. Dès lors, ainsi que le fait valoir à bon droit le Conseil et contrairement à ce que soutiennent les demandeurs au principal, cette disposition ne saurait être interprétée, à l’encontre de son libellé, comme conduisant à rendre obligatoire le recours à la procédure de l’article 269 CE pour l’adoption d’une mesure s’inscrivant dans le cadre d’une politique commune, au seul motif qu’elle comporte la perception de recettes (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter, 265/87, Rec. p. 2237, point 11).

33 L’interprétation retenue au point 29 de la présente ordonnance n’est pas non plus remise en cause par l’argument des demandeurs au principal selon lequel les recettes provenant de la taxe à la production font partie des ressources propres du budget général de l’Union et qu’elles sont, à ce titre, affectées indistinctement au financement des dépenses générales de fonctionnement de l’Union.

34 En effet, d’une part, ainsi que l’observent à bon droit le gouvernement belge et la Commission européenne, le fait pour les recettes provenant de la taxe à la production d’être affectées, d’un point de vue budgétaire, à l’ensemble des dépenses de l’Union résulte du principe d’universalité, énoncé à l’article 17 du règlement financier et en vertu duquel l’ensemble des dépenses de l’Union est, en principe, affecté à l’ensemble des recettes de celle-ci.

35 Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 31 de la présente ordonnance, la seule circonstance qu’il n’existe pas de mesure d’ordre budgétaire prévoyant, par voie d’exception au principe d’universalité, l’affectation des recettes de la taxe à la production à certaines dépenses spécifiques ne permet pas, en elle-même, de considérer que l’instauration de cette taxe ne trouve pas son fondement dans les dispositions du traité CE relatives à la politique agricole commune.

36 D’autre part, il y a lieu de rappeler que le produit de la taxe à la production est, pour chaque campagne de commercialisation, inférieur à l’ensemble des dépenses liées aux différentes mesures dans le secteur du sucre au financement desquelles cette taxe vise à contribuer (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2010, Agrana Zucker, précité, point 37). Cette circonstance confirme que ladite taxe est de nature à contribuer effectivement au financement de ces dépenses.

37 Au vu de ce qui précède, la taxe à la production doit être considérée comme ayant été régulièrement instaurée sur la base de l’article 37 CE.

Sur le deuxième tiret de la question

38 Les demandeurs au principal et le gouvernement polonais font valoir que l’article 16 du règlement n° 318/2006 n’est pas correctement motivé, dès lors que la taxe à la production n’est rien d’autre qu’un instrument budgétaire sans lien avec la politique agricole commune.

39 À cet égard, il convient de rappeler que, si la motivation exigée par l’article 253 CE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’autorité de l’Union, auteur de l’acte en cause, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d’exercer son contrôle, il n’est toutefois pas exigé qu’elle spécifie tous les éléments de droit ou de fait pertinents. Le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Dès lors que l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution, il serait inutile d’exiger une motivation spécifique pour chacun des choix techniques qu’elle a opérés (voir, notamment, arrêt du 28 juillet 2011, Agrana Zucker, précité, point 35).

40 Or, il y a lieu de relever que, en énonçant à son considérant 19 que la taxe à la production a été instaurée pour contribuer au financement des dépenses intervenant dans le cadre de l’OCM dans le secteur du sucre, le règlement n° 318/2006 fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union en instaurant cette taxe.

41 Au demeurant, ainsi qu’il ressort des points 24 à 36 de la présente ordonnance, il n’apparaît pas que ladite motivation soit incorrecte.

Sur le troisième tiret de la question

42 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la taxe à la production a pour assiette non pas la quantité de sucre produite, mais le quota de sucre attribué (arrêt du 20 mai 2010, Agrana Zucker, précité, point 22).

43 Il s’ensuit que, par le troisième tiret de sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la taxe à la production est discriminatoire dès lors qu’elle est imposée aux seules entreprises auxquelles ont été alloués des quotas de sucre, à l’exclusion de toute autre entreprise, active dans le secteur du sucre, dans un autre secteur agricole ou dans un secteur non agricole.

44 Les demandeurs au principal et le gouvernement polonais estiment qu’il convient de répondre par l’affirmative à cette question, alors que le gouvernement belge, le Conseil et la Commission sont d’un avis contraire.

45 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 34, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, qui énonce l’interdiction de toute discrimination dans le cadre de la politique agricole commune, n’est que l’expression spécifique du principe général d’égalité, lequel exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (arrêt du 20 mai 2010, Agrana Zucker, précité, point 42 et jurisprudence citée).

46 Il ressort du considérant 14 du règlement n° 318/2006 que «la production sous quota attribuée aux entreprises est un moyen de garantir que les producteurs de betteraves et de cannes à sucre obtiennent les prix communautaires et écoulent leur production». Le régime des quotas constitue ainsi l’une des mesures ayant pour finalité ultime de stabiliser le marché de l’Union du sucre et, partant, d’assurer, notamment, le maintien des garanties nécessaires en ce qui concerne l’emploi et le niveau de vie des producteurs de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2006, Koninklijke Coöperatie Cosun/Commission, C‑68/05 P, Rec. p. I‑10367, point 59).

47 Or, dès lors que les entreprises auxquelles ont été alloués des quotas de sucre, de même que les producteurs qui en dépendent, bénéficient, de ce fait, des garanties correspondantes en termes d’emploi et de niveau de vie, elles ne sauraient être considérées comme se trouvant dans une situation comparable par rapport aux entreprises qui ne bénéficient pas de ces quotas.

48 Il s’ensuit que le fait de faire contribuer au financement des dépenses intervenant dans le cadre de l’OCM dans le secteur du sucre uniquement les entreprises bénéficiant des quotas de sucre, à l’exclusion des entreprises qui n’en bénéficient pas et qui sont actives dans ce même secteur, dans un autre secteur agricole ou dans un secteur non agricole, ne saurait être considéré comme contraire au principe de non‑discrimination.

Sur le quatrième tiret de la question

49 Les demandeurs au principal et le gouvernement polonais font valoir que l’article 16 du règlement n° 318/2006 est contraire au principe de proportionnalité, dès lors que la taxe à la production n’est ni appropriée, ni nécessaire, ni proportionnée par rapport aux dépenses réelles et aux perspectives de dépenses dans l’OCM dans le secteur du sucre, telles qu’établies dès le départ.

50 À cet égard, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, notamment, arrêts du 11 juin 2009, Agrana Zucker, C‑33/08, Rec. p. I‑5035, point 31, et du 20 mai 2010, Agrana Zucker, précité, point 29).

51 En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions de la mise en œuvre d’un tel principe, il est de jurisprudence constante que le législateur de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation en matière de politique agricole commune et que, eu égard à ce pouvoir, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, notamment, arrêts précités du 11 juin 2009, Agrana Zucker, point 32, et du 20 mai 2010, Agrana Zucker, point 30).

52 Ainsi, il s’agit de savoir non pas si la mesure adoptée par le législateur de l’Union était la seule ou la meilleure possible, mais si elle était manifestement inappropriée (voir, notamment, arrêts précités du 11 juin 2009, Agrana Zucker, point 33, et du 20 mai 2010, Agrana Zucker, point 31).

53 La Cour a déjà jugé que l’inclusion de la quantité de sucre sous quota retirée du marché dans l’assiette de la taxe à la production n’est pas manifestement inappropriée pour atteindre l’objectif poursuivi et, par conséquent, ne saurait être considérée comme contraire au principe de proportionnalité (arrêt du 20 mai 2010, Agrana Zucker, précité, point 40).

54 Or, aucun indice ne permet de considérer qu’une autre interprétation s’imposerait pour ce qui concerne l’inclusion de la quantité de sucre sous quota effectivement produite dans l’assiette de la taxe à la production et, par conséquent, pour la taxe à la production dans son ensemble.

55 Les considérations qui précèdent relatives à l’article 16 du règlement n° 318/2006 s’appliquent mutatis mutandis à l’article 51 du règlement n° 1234/2007, les libellés tant de ces deux dispositions que des considérants 19 du règlement n° 318/2006 et 27 du règlement n° 1234/2007 étant, en substance, identiques. Il en est d’ailleurs de même des libellés de l’article 2, paragraphes 1, sous a), et 2, de la décision 2000/597, d’une part, et de la décision 2000/436, d’autre part, cette dernière décision ayant pris effet le 1 er janvier 2007.

56 Au vu de tout ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l’examen de celle-ci n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles 16 du règlement n° 318/2006 et 51 du règlement n° 1234/2007.

Sur les dépens

57 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit:

L’examen de la question préjudicielle n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles 16 du règlement (CE) n° 318/2006 du Conseil, du 20 février 2006, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, et 51 du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement «OCM unique»).

Signatures

* Langue de procédure: le français.

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