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SOCIÉTÉ HAVAS c. FRANCE

Doc ref: 5369/18 • ECHR ID: 001-217478

Document date: April 28, 2022

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SOCIÉTÉ HAVAS c. FRANCE

Doc ref: 5369/18 • ECHR ID: 001-217478

Document date: April 28, 2022

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CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

Requête n o 5369/18 SOCIÉTÉ HAVAS contre la France

La Cour européenne des droits de l’homme, cinquième section, siégeant le 28 avril 2022 en un comité composé de :

Ganna Yudkivska, présidente, Lado Chanturia, Mattias Guyomar, juges, et de Martina Keller, greffière adjointe de section ,

Vu :

la requête n o 5369/18 contre la France et dont la société Havas (« la requérante »), société anonyme enregistrée le 28 juillet 1981 et dont le siège social est situé à Puteaux, représentée par M e P. Zoubritzky, avocat à Neuilly ‑ sur-Seine, a saisi la Cour le 24 janvier 2018 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

OBJET DE l’AFFAIRE

1. La présente affaire concerne le contentieux des conditions de restitution du précompte mobilier, impôt spécial perçu lors de la redistribution de dividendes versés aux sociétés mères par leurs filiales établies dans d’autres États membres. La requérante invoque la violation des articles 6 de la Convention et 1 er du Protocole n o 1.

2. Par un arrêt du 15 septembre 2011 (affaire C-310/09, Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique c. Accor SA ), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a déclaré le dispositif du précompte mobilier contraire aux articles 49 et 63 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), dans la mesure où la législation française n’offrait pas la possibilité à une société mère d’imputer sur le précompte mobilier l’avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes s’ils provenaient d’une filiale établie dans un autre État membre.

3. Sans attendre l’intervention de l’arrêt de la CJUE, la requérante, qui avait perçu des dividendes versés par ses filiales établies dans d’autres États membres de l’Union européenne que la France, saisit la juridiction administrative pour contester les précomptes mobiliers qu’elle avait acquittés au titre des années 2000 à 2002 et s’élevant à la somme totale de 33 539 868 euros (EUR).

4. Par deux jugements des 10 juillet 2008 et 14 octobre 2008, les tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise et de Paris accordèrent à la société requérante la restitution de la totalité de ces sommes.

5. A la suite de l’arrêt précité de la CJUE, le Conseil d’État précisa, par deux décisions rendues le 10 décembre 2012, les modalités de restitution des sommes indûment versées, comme l’y invitait la CJUE. Il rappela que les dispositions en cause qui « ont pour objet, compte tenu de l’objectif de neutralité fiscale du régime des sociétés mères, de permettre à de telles sociétés d’imputer les avoirs fiscaux attachés aux dividendes reçus de leurs filiales sur le précompte dont elles sont redevables lorsqu’elles redistribuent ces derniers » « ne sauraient - être regardées - comme ayant pour objet ou pour effet d’autoriser les sociétés mères à imputer tout autre crédit d’impôt attaché aux produits de participation qu’elles ont perçus depuis cinq ans, mais qu’elles n’ont pas redistribués, sur le précompte dû » (CE 10 décembre 2012 n os 317074 et 317075). En effet, le principe de restitution ne doit pas aboutir à une double non-imposition au détriment du Trésor public.

6. Par un arrêt du 23 mai 2014, la cour administrative d’appel de Paris annula les deux jugements rendus en faveur de la requérante. Appliquant les principes dégagés par la CJUE et le Conseil d’État, elle considéra qu’en l’espèce la requérante n’apportait « aucun élément relatif, pour chaque dividende en litige, au taux d’imposition effectivement appliqué et au montant de l’impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par ses filiales installées dans les autres États membres » et ne se prévalait « d’aucune circonstance exceptionnelle ». Elle en conclut que les précomptes mobiliers auxquels la requérante avait été assujettie au titre des années 2000 à 2002 et dont elle a été déchargée par les jugements attaqués, devaient être remis à sa charge « sans qu’il soit besoin de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne ».

7. Le 28 juillet 2017, le pourvoi en cassation formé par la requérante contre cet arrêt fit l’objet d’une décision de non-admission

8. Invoquant la violation de l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint du fait qu’elle n’a pas bénéficié d’un procès équitable. Elle soutient qu’en adoptant sa décision de non-admission, le Conseil d’État l’aurait privée de la possibilité de débattre de la conformité au droit européen des exigences posées par les textes et la jurisprudence internes, exigences qui ne pouvaient, selon elle, être interprétées que restrictivement par les juridictions internes compte tenu du cadre posé par l’arrêt de la CJUE du 15 septembre 2011. La requérante fait valoir qu’un recours en manquement déposé par la Commission devant la CJUE était toujours pendant lorsque le Conseil d’État s’est prononcé, pour en déduire que les moyens invoqués à l’appui de son pourvoi ne pouvaient être considérés comme dépourvus de caractère sérieux. Elle soutient également que le Conseil d’État a porté une atteinte injustifiée au principe d’exécution des décisions de justice, en l’espèce la décision de la CJUE du 15 septembre 2011, en ne motivant pas son refus de poser une nouvelle question préjudicielle à la CJUE.

9. Invoquant en outre la violation de l’article 1 er du Protocole n o 1, la requérante soutient qu’en refusant d’admettre son pourvoi en cassation, de poser une question préjudicielle à la CJUE ou d’attendre l’issue de la procédure en manquement pendante devant cette Cour, le Conseil d’État aurait porté une atteinte injustifiée et disproportionnée à son espérance légitime de pouvoir obtenir le remboursement de sommes indûment acquittées.

L’APPRÉCIATION DE LA COUR

10. En ce qui concerne le grief tiré de l’article 6 de la Convention, la Cour constate d’emblée que les litiges en matière fiscale échappent au champ d’application des droits et obligations de caractère civil, en dépit de l’effet patrimonial qu’ils produisent à l’égard du contribuable, ce contentieux faisant partie du noyau dur des prérogatives des pouvoirs publics ( Ferrazzini c. Italie [GC], n o 44759/98, § 29, CEDH 2001 VII, et Polimerkonteyner, TOV c. Ukraine, n o 23620/05, § 25, 24 novembre 2016). Par ailleurs, mettant en œuvre les critères dégagés dans son arrêt Engel , la Cour relève que la demande de remboursement du précompte, qui n’implique aucune question de majoration de l’impôt, ne présente pas de caractère pénal ( a contrario A et B c. Norvège [GC], n os 24130/11 et 29758/11, §§ 136-139 et 148, 15 novembre 2016, qui concernait une majoration de l’impôt).

11. Il s’ensuit que ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention

12. S’agissant du grief tiré de l’article 1 er du Protocole n o 1, la Cour relève qu’il ne ressort pas du dossier que la requérante ait soulevé, même en substance, cette question devant les juridictions nationales.

13. Il s’ensuit que cette partie de la requête est irrecevable en raison du non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

{signture_p_1}

Fait en français puis communiqué par écrit le 19 mai 2022.

{signature_p_2}

Martina Keller Ganna Yudkivska Greffière adjointe Présidente

© European Union, https://eur-lex.europa.eu, 1998 - 2025

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