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ANTONUCCI c. ITALIE

Doc ref: 31650/15 • ECHR ID: 001-217762

Document date: May 10, 2022

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ANTONUCCI c. ITALIE

Doc ref: 31650/15 • ECHR ID: 001-217762

Document date: May 10, 2022

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PREMIÈRE SECTION

DÉCISION

Requête n o 31650/15 Giovanni ANTONUCCI contre l’Italie

La Cour européenne des droits de l’homme première section, siégeant le 10 mai 2022 en un comité composé de :

Péter Paczolay, président, Raffaele Sabato, Davor Derenčinović, juges, et de Liv Tigerstedt, greffière adjointe de section ,

Vu :

la requête n o 31650/15 contre l’Italie et dont un ressortissant de cet État, M. Giovanni Antonucci (« le requérant ») né en 1952 et résidant à Trévise, a saisi la Cour le 18 juin 2015 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

OBJET DE l’AFFAIRE

1. La présente affaire porte sur les limites d’applicabilité de l’article 6 de la Convention, dans son volet civil, aux procédures en matière fiscale.

2. À la suite des arrêts n os 42 de 1980 et 87 de 1986 de la Cour constitutionnelle, certaines dispositions réglementant l’impôt local sur les revenus (« ILOR ») furent déclarées inconstitutionnelle dans la partie où elles n’excluaient pas, des catégories de revenus soumis à l’impôt, les revenus des travailleurs indépendants qui n’étaient pas assimilés aux revenus d’entreprise.

3. En 1991, le requérant, travailleur indépendant, se vit demander de l’administration fiscale le payement de l’ILOR pour les revenus de l’année précédente. Il versa les impôts demandés.

4. Face au refus de l’administration fiscale de reconnaître l’erreur d’application de la loi, en septembre 1994, il saisit la juridiction fiscale de première instance pour obtenir le remboursement de l’impôt payée, faisant valoir sa qualité de travailleur indépendant. Par un jugement définitif du 21 avril 2011, la commission fiscale centrale reconnut le droit du requérant au remboursement d’une partie de la somme versée, compréhensive d’intérêts, et rejeta le recours pour le reste. Le 10 avril 2013, l’administration fiscale remboursa le requérant.

5. Se plaignant de la durée de la procédure devant les juridictions fiscales, le requérant saisit la juridiction « Pinto » d’une demande de réparation pour la durée excessive de la procédure. Les juges internes rejetèrent sa demande en s’appuyant sur les principes dégagés dans l’arrêt Ferrazzini c. Italie ([GC], n o 44759/98, CEDH 2001 ‑ VII).

6. Devant la Cour, le requérant invoque l’article 6 § 1 de la Convention et l’article 1 du Protocole n o 1, se plaignant de la durée excessive de la procédure fiscale et du retard dans l’exécution de la décision de la commission fiscale centrale.

APPRÉCIATION DE LA COUR

7. Dans la présente affaire, le requérant ne conteste pas que son droit de crédit découle du paiement d’un impôt à l’administration fiscale. Toutefois, il estime que l’action entamée devant les juridictions fiscales n’était autre qu’une action en répétition de l’indu, vu l’erreur manifeste commise par l’administration qui aurait considéré les revenus de son activité professionnelle assimilables à ceux soumis à l’ILOR, en contraste avec les arrêts de la Cour constitutionnelle précités. L’action en répétition aurait eu pour but de permettre aux juges internes de vérifier a posteriori le caractère indu du paiement effectué en totalité par le requérant. Il souligne que la présente affaire porte sur la situation où le contribuable, remplissant son devoir de citoyen, a spontanément versé ce que l’autorité fiscale lui a demandé par erreur, et non l’hypothèse inverse où l’organisme public cherche à contraindre un contribuable récalcitrant à payer l’impôt.

8. La Cour note d’emblée que le requérant n’a pas fourni la preuve que les sommes litigieuses avaient été versées avec une réserve de répétition. En outre, s’il est vrai que, dans son recours, le requérant a indiqué, parmi d’autres éléments, qu’il avait versé lesdites sommes dans le seul but d’éviter l’application des sanctions prévues en cas de refus, il a principalement focalisé ses argumentations sur la nature, les caractéristiques et l’organisation de son activité professionnelle. Une fois prouvé son statut de travailleur indépendant bénéficiant d’une exemption de l’ILOR, il a rappelé les arrêts constitutionnels et demandé aux juridictions tributaires de confirmer l’inexistence de l’obligation fiscale à son encontre et de reconnaître son droit au remboursement des sommes versées.

9. Ainsi, aux yeux de la Cour, l’action du requérant visait essentiellement à contester l’existence des conditions préalables au payement de l’impôt. Elle estime que la nature publique de la relation entre le requérant, en sa qualité de contribuable, et l’État était en l’espèce prépondérante (voir, mutatis mutandis , Kalavros c. Grèce, (déc.), n o 27602/14, § 42, 17 novembre 2015). Dès lors, même si auparavant elle a conclu, dans de très rares cas, à l’applicabilité de l’article 6 ( Editions Périscope c. France , 26 mars 1992, série A n o 234-B, p. 66, § 40, et National & Provincial Building Society, Leeds Permanent Building Society et Yorkshire Building Society c. Royaume ‑ Uni , 23 octobre 1997, § 98, Recueil 1997 ‑ VII), avec l’arrêt Ferrazzini (précité, § 29), elle a dit que la matière fiscale ressortit encore au noyau dur des prérogatives de la puissance publique, le caractère public du rapport entre le contribuable et la collectivité restant prédominant, et que le contentieux fiscal échappe au champ des droits et obligations de caractère civil, en dépit des effets patrimoniaux qu’il a nécessairement quant à la situation des contribuables.

10. Partant, confirmant les conclusions de l’arrêt précité ( ibidem , § 31), la Cour considère que l’article 6 § 1 de la Convention ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. Cette partie de la requête doit donc être déclarée incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention et partant irrecevable, conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

11. Sur le terrain de l’article 1 du Protocole n o 1, le requérant se plaint des effets que la lenteur de la procédure fiscale et le retard dans le versement du remboursement auraient eu sur sa situation patrimoniale.

12. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle l’obligation financière née du prélèvement d’impôts ou de cotisations peut méconnaître la garantie consacrée par l’article 1 du Protocole n o 1 si les conditions de remboursement imposent à la personne ou à l’entité en cause une charge excessive ou portent fondamentalement atteinte à sa situation financière (voir, Antonov c. Bulgarie , n o 58364/10, §§ 58-59, 28 mai 2020, avec les références à Buffalo S.r.l. en liquidation c. Italie , n o 38746/97, § 32, 3 juillet 2003, et Eko-Elda AVEE c. Grèce , n o 10162/02, § 30, CEDH 2006 ‑ IV).

13. Cependant, la Cour note que cette partie de la requête concerne la lenteur de la procédure fiscale, qui s’est terminée le 21 avril 2011, et le retard dans le remboursement de la somme versée à titre d’impôt, ayant eu lieu le 10 avril 2013. Or, attendu que la requête a été introduite le 18 juin 2015, la Cour constate que ce grief a été soumis bien au-delà des six mois à partir de la date de la décision interne « définitive ».

14. Il s’ensuit que cette partie de la requête est tardive et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Fait en français puis communiqué par écrit le 2 juin 2022.

Liv Tigerstedt Péter Paczolay Greffière adjointe Président

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