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TRIPA c. ROUMANIE

Doc ref: 75493/17 • ECHR ID: 001-218222

Document date: May 31, 2022

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TRIPA c. ROUMANIE

Doc ref: 75493/17 • ECHR ID: 001-218222

Document date: May 31, 2022

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QUATRIÈME SECTION

DÉCISION

Requête n o 75493/17 Aurel-Ștefan TRIPA contre la Roumanie

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant le 31 mai 2022 en un comité composé de :

Yonko Grozev, président, Iulia Antoanella Motoc, Pere Pastor Vilanova, juges, et de Ilse Freiwirth, greffière adjointe de section ,

Vu :

la requête n o 75493/17 contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Aurel-Ștefan Tripa (« le requérant ») né en 1950 et résidant à Ineu, représenté par M e P.A. Cor, avocate à Timişoara, a saisi la Cour le 16 octobre 2017 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

OBJET DE l’AFFAIRE

1. Le requérant, magistrat, demanda en 2007 son départ à la retraite anticipée et l’octroi d’une pension de retraite du régime spécial des magistrats (« pension spéciale »). La Caisse des retraites fit droit à sa demande le 30 octobre 2007. Toutefois, le paiement de sa pension spéciale fut suspendu, le requérant ayant obtenu l’autorisation de poursuivre son activité en tant que magistrat.

2 . Le 31 juillet 2009, sa pension spéciale fut recalculée, mais son paiement fut une nouvelle fois suspendu par une décision du 16 octobre 2009, le requérant ayant été autorisé une nouvelle fois à continuer son activité de magistrat.

3. Le requérant exerça jusqu’au 5 décembre 2013, lorsqu’il fut suspendu par le Conseil supérieur de la magistrature (« le CSM ») en raison d’une enquête pénale diligentée contre lui.

4. Le 10 décembre 2013, il déposa sa démission auprès du CSM.

5 . Le 17 juin 2014, l’enquête pénale aboutit à la condamnation définitive du requérant par la Haute Cour de cassation et de justice (« la Haute Cour »). Par conséquent, il fut démis de la magistrature pour faute, conformément à la loi n o 303/2004 sur le statut des magistrats. Le décret de destitution fut publié le 30 juillet 2014.

6 . Le 4 août 2014, le requérant fit valoir auprès de la Caisse des retraites son droit à une retraite anticipée en vertu du régime spécial ou, à défaut, à une retraite en vertu du régime commun.

7. Par des décisions complémentaires des 21 octobre et 23 décembre 2014, la Caisse des retraites décida, sur la base de la loi n o 303/2004, que, compte tenu de sa destitution, il n’avait pas le droit de bénéficier d’une pension spéciale. Par conséquent, elle lui octroya une pension de retraite pour limite d’âge en vertu du droit commun, à compter du 4 août 2014, date de la demande de l’intéressé (paragraphe 6 ci-dessus).

8. En désaccord avec ces décisions, le requérant les contesta en justice. En particulier, il souligna que sa condamnation pénale et sa destitution de la magistrature étaient intervenues après la confirmation de son droit à une pension spéciale, en juillet 2009 (paragraphe 2 ci-dessus). De surcroît, il prétendit que l’incompatibilité entre une pension spéciale et une condamnation pénale était le résultat d’une modification de l’article 83(2) de la loi n o 303/2004, intervenue le 24 juillet 2014 et que dès lors, la loi ne pouvait lui être appliquée avec effet rétroactif.

9 . Sa contestation fut rejetée d’abord par une décision du 18 juin 2015 du tribunal départemental de Arad. Le requérant déposa un recours devant la cour d’appel de Oradea.

10. Au cours de la procédure, la cour d’appel saisit la Haute Cour d’une demande en interprétation de l’amendement législatif invoqué par le requérant, intervenu le 24 juillet 2014. La Haute Cour confirma par une décision du 17 octobre 2016 qu’avant même cet amendement, ladite loi rendait l’octroi d’une pension de retraite spéciale incompatible avec la situation de destitution de la magistrature pour cause de condamnation pénale. La Haute Cour jugea ensuite qu’il n’y avait pas lieu de procéder à l’interprétation demandée, car la modification de la loi intervenue le 24 juillet 2014 visait une circonstance différente de celle indiquée par la cour d’appel, qui ne changeait en rien l’incompatibilité préexistante à cette modification.

11. Par un arrêt du 2 mai 2017 rédigé sur treize pages, la cour d’appel constata que le requérant avait continué à exercer en tant que magistrat jusqu’à sa destitution actée par décret, le 30 juillet 2014 (paragraphe 5 ci ‑ dessus) et jugea, après une analyse des arguments du requérant et de sa situation depuis 2007, à la lumière des différentes dispositions de la loi n o 303/2004 et de la décision de la Haute Cour, que l’intéressé ne pouvait se voir octroyer le bénéfice d’une pension spéciale.

12. Le requérant réitéra par la suite, sans succès, ses demandes de recalcul de sa pension de retraite aux fins d’obtenir le montant de la pension spéciale calculée en 2009.

13. Devant cette Cour, le requérant se plaint d’une violation de l’article 6 de la Convention qui garantit le droit à un procès équitable. Il estime que, dans son arrêt du 2 mai 2017, la cour d’appel a fait une application et interprétation erronées du droit interne. Selon lui, il a été privé de son droit à une pension spéciale sur la base de la modification de la loi n o 303/2004 intervenue le 24 juillet 2014, puisque ses droits à la retraite avaient été confirmés en 2007 et 2009. Il invoque en outre l’article 1 du Protocole n o 12 à la Convention et allègue que d’autres magistrats se trouvant dans une situation similaire à la sienne, ont pu bénéficier d’une pension spéciale.

APPRÉCIATION DE LA COUR

14. Les principes relatifs aux garanties d’un procès équitable applicables en l’espèce ont été établis dans l’affaire García Ruiz c. Espagne ([GC], n o 30544/96, § 26, CEDH 1999 ‑ I) et réitérées dans plusieurs affaires, par exemple dans l’affaire Perez c. France ([GC], n o 47287/99, § 82, CEDH 2004 ‑ I) et Bochan c. Ukraine (n o 2) ([GC], n o 22251/08, §§ 61-62, CEDH 2015). Plus particulièrement, la Cour rappelle qu’elle n’a pas à tenir lieu de juge de quatrième instance et ne remet pas en cause sous l’angle de l’article 6 § 1 l’appréciation des tribunaux nationaux, sauf si leurs conclusions peuvent passer pour arbitraires ou manifestement déraisonnables ( ibidem , § 61).

15. En l’espèce, il est à noter que la cour d’appel de Oradea a dûment pris en compte les différents moyens de défense et d’argumentation du requérant et qu’elle y a effectivement répondu dans un arrêt motivé sur environ treize pages. La Cour ne voit aucun arbitraire dans l’application et l’interprétation par la cour d’appel de la loi n o 303/2004, fondées sur une décision de la Haute Cour (paragraphe 9 ci-dessus), afin d’établir la pertinence de la condamnation pénale du requérant et de sa destitution dans le refus opposé à sa demande d’une pension spéciale de retraite. Par conséquent, l’interprétation en l’espèce de la législation interne par les juridictions internes ne saurait être remise en cause. Le fait que le requérant soit en désaccord avec l’interprétation et la motivation avancées par les juridictions internes ne saurait justifier un constat de procédure abusive ou d’arbitraire manifeste dans les conclusions auxquelles est parvenue la cour d’appel.

Dès lors, la Cour estime que la procédure envisagée dans son ensemble a été équitable.

16. Il s’ensuit que la partie de la requête concernant l’iniquité alléguée de la procédure devant la cour d’appel doit être rejetée en application de l’article 35 § 4 de la Convention.

17. Le requérant a également soulevé un grief sous l’angle de l’article 1 du Protocole n o 12 à la Convention. La Cour constate, au vu de l’ensemble des éléments en sa possession, et pour autant que les faits litigieux relèvent de sa compétence, que ce grief soit ne satisfait pas aux critères de recevabilité énoncés aux articles 34 et 35 de la Convention, soit ne fait apparaître aucune apparence de violation des droits et libertés consacrés par la Convention ou ses protocoles.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 § 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Fait en français puis communiqué par écrit le 23 juin 2022.

Ilse Freiwirth Yonko Grozev Greffière adjointe Président

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