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Judgment of the Court (Ninth Chamber) of 2 September 2021.

European Commission v Portuguese Republic.

C-169/20 • 62020CJ0169 • ECLI:EU:C:2021:679

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Judgment of the Court (Ninth Chamber) of 2 September 2021.

European Commission v Portuguese Republic.

C-169/20 • 62020CJ0169 • ECLI:EU:C:2021:679

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ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

2 septembre 2021 ( * )

« Manquement d’État – Article 110 TFUE – Impositions intérieures – Impositions discriminatoires – Interdiction – Véhicules d’occasion importés des autres États membres – Composante de la taxe d’immatriculation calculée sur la base des émissions de dioxyde de carbone – Omission de tenir compte de la dépréciation du véhicule »

Dans l’affaire C‑169/20,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 23 avril 2020,

Commission européenne, représentée initialement par M. M. França et M me C. Perrin, puis par M. G. Braga da Cruz et M me C. Perrin, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République portugaise, représentée par MM. L. Inez Fernandes et N. Vitorino ainsi que par M mes A. Pimenta, P. Barros da Costa et S. Jaulino, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. N. Piçarra, président de chambre, M. M. Vilaras (rapporteur), président de la quatrième chambre, et M. D. Šváby, juge,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en excluant la dépréciation de la composante environnementale du calcul de la valeur applicable aux véhicules d’occasion mis en circulation sur le territoire portugais et achetés dans un autre État membre, dans le cadre du calcul de la taxe sur les véhicules, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 110 TFUE.

Le cadre juridique

2 L’article 1 er du Código do imposto sobre veículos (code de la taxe sur les véhicules), introduit par la loi n o 22‑A/2007 [ Diário da República, 1 re série, n o 124, du 29 juin 2007, p. 4164-(2)], tel que modifié par la lei 71/2018 (loi n o 71/2018, Diário da República, 1 re série, n o 251, du 31 décembre 2018, p. 6039) (ci-après le « code de la taxe sur les véhicules »), dispose :

« La taxe sur les véhicules est régie par le principe d’équivalence et vise à répercuter sur les contribuables les coûts que ceux-ci engendrent dans les domaines de l’environnement, des infrastructures routières et des accidents de la route, en application d’une règle générale d’égalité fiscale. »

3 L’article 7 du code de la taxe sur les véhicules, intitulé « Taux normaux – Véhicules automobiles », est libellé comme suit :

« I – Le tableau A ci-après établit les taux de taxation, en tenant compte de la cylindrée et de la composante environnementale, et s’applique aux véhicules suivants :

a) les voitures particulières ;

b) les véhicules mixtes et les véhicules légers destinés au transport de marchandises, auxquels ne s’appliquent ni les taux réduits ni le taux intermédiaire.

TABLEAU A

Cylindrée

Cylindrée (en cm³)

Taux par cm³ (en euros)

Abattement (en euros)

Inférieure ou égale à 1 000

0,99

767,50

Entre 1 001 et 1 250

1,07

769Supérieure à 1 250

5,06

5 600,00

Composante environnementale Véhicules à moteur essence

Niveau d’émission de CO2 (en g/km)

Taux (en euros)

Abattement (en euros)

Inférieure ou égale à 99

4,18

386,00

De 100 à 115

7,31

678,86

De 116 à 145

47,51

5 337,00

De 146 à 175

55,35

6 454,52

De 176 à 195

141,00

21 358,39

Plus de 195

185,91

30 183,74

Véhicules à moteur diesel

Niveau d’émission de CO2 (en g/km)

Taux (en euros)

Abattement (en euros)

Inférieure ou égale à 79

5,22

396,88

De 80 à 95

21,20

1 671,07

De 96 à 120

71,62

6 504,65

De 121 à 140

158,85

17 107,60

De 141 à 160

176,66

19 635,10

Supérieure à 160

242,65

30 235,96

[...] »

4 L’article 11 de ce code, intitulé « Taux – Véhicules d’occasion », dispose :

« 1. La taxe frappant les véhicules portant une plaque d’immatriculation communautaire définitive délivrée par un autre État membre de l’Union européenne fait l’objet d’une liquidation provisoire selon les modalités prévues par le présent code, à l’exception de la cylindrée, soumise aux pourcentages de réduction prévus au tableau D appliqués au taux prévu par le barème correspondant, lesquels sont associés à la dépréciation commerciale moyenne des véhicules sur le marché national :

TABLEAU D

Temps d’utilisation

Pourcentage de réduction

Inférieure ou égale à 1 an

10Entre 1 et 2 ans

20Entre 2 et 3 ans

28Entre 3 et 4 ans

35Entre 4 et 5 ans

43Entre 5 et 6 ans

52Entre 6 et 7 ans

60Entre 7 et 8 ans

65Entre 8 et 9 ans

70Entre 9 et 10 ans

75Plus de 10 ans

80

2. Aux fins de l’application du paragraphe précédent, on entend par “temps d’utilisation” la période qui s’est écoulée entre la délivrance de la première immatriculation et des documents correspondants par l’entité compétente et l’expiration du délai pour la présentation de la déclaration en douane de véhicules.

3. Sans préjudice de la liquidation provisoire effectuée, l’assujetti peut, dès lors qu’il estime que le montant de la taxe dont il s’est acquitté en vertu du paragraphe 1 excède celui de la taxe calculée en fonction de la formule indiquée ci-dessous, demander au directeur des douanes, moyennant le paiement préalable d’une taxe devant être déterminée par un arrêté du membre du gouvernement chargé des Finances, et jusqu’à l’expiration du délai de paiement indiqué à l’article 27, paragraphe 1, que la formule suivante soit appliquée pour calculer la taxation à laquelle le véhicule est soumis en vue de réaliser la liquidation définitive de la taxe :

ISV = (V ÷ VR x Y) + C

où :

ISV représente le montant de la taxe à payer ;

V représente la valeur commerciale du véhicule, fondée sur la valeur moyenne de référence déterminée en fonction de la marque, du modèle ainsi que de son équipement de série, de son ancienneté, de son mode de propulsion et de son kilométrage moyen de référence, figurant dans les publications spécialisées du secteur, présentées par l’intéressé ; VR est le prix de vente au public de véhicules identiques de la même année que celle de la première immatriculation du véhicule à taxer, conformément aux déclarations de l’intéressé, étant considérés comme tels les véhicules de la même marque, du même modèle et disposant du même système de propulsion, ou, dans le cas où ces informations ne sont pas disponibles, tout véhicule similaire mis sur le marché national l’année où le véhicule à mettre sur le marché a été immatriculé pour la première fois ;

Y représente le montant de la taxe calculé en fonction de la cylindrée, en tenant compte du barème et de la taxe en vigueur au moment de l’exigibilité de la taxe et qui sont applicables au véhicule ;

C est le “coût de l’impact environnemental”, applicable aux véhicules relevant du tableau A, en vigueur au moment de l’exigibilité de la taxe et dont la valeur correspond à la composante environnementale de ce même barème.

4. En l’absence de demande d’évaluation formulée conformément au paragraphe précédent, le redevable est présumé accepter comme définitive la liquidation de la taxe acquittée en application du barème défini au paragraphe 1.

[...] »

La procédure précontentieuse

5 Le 25 janvier 2019, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure à la République portugaise dans laquelle elle a attiré l’attention des autorités portugaises sur le fait que l’exclusion de la dépréciation de la composante environnementale du calcul de la valeur des véhicules d’occasion importés des autres États membres, dans le cadre de la détermination du montant de la taxe sur les véhicules, telle que prévue par le code de la taxe sur les véhicules (ci-après la « taxe en cause »), était susceptible de rendre la législation portugaise en la matière contraire à l’article 110 TFUE.

6 Les autorités portugaises ont répondu à la lettre de mise en demeure par lettre du 3 avril 2019, dans laquelle elles ont affirmé que la législation portugaise était pleinement conforme au traité FUE et à la jurisprudence de la Cour.

7 Par lettre du 28 novembre 2019, la Commission a adressé à la République portugaise un avis motivé, dans lequel elle a insisté sur le fait que, contrairement à ce qu’affirmaient les autorités portugaises, la perception par un État membre d’une taxe sur les véhicules d’occasion en provenance d’un autre État membre est contraire à l’article 110 TFUE lorsque le montant de la taxe, calculé sans tenir compte de la dépréciation réelle du véhicule, excède la taxe résiduelle incorporée dans la valeur des véhicules d’occasion similaires déjà immatriculés sur le territoire national, ce qui serait le cas de la taxe en cause.

8 La République portugaise a répondu à l’avis motivé par lettre du 27 décembre 2019 en maintenant sa position.

9 Estimant que la législation en vigueur au Portugal demeure incompatible avec le traité FUE, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

Sur le recours

Argumentation des parties

10 La Commission considère que, en excluant, dans le cadre de la détermination du montant de la taxe en cause, la dépréciation de la composante environnementale du calcul de la valeur des véhicules d’occasion importés sur le territoire portugais à partir d’un autre État membre, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 110 TFUE.

11 En effet, les modalités et le mode de calcul de la taxe en cause impliqueraient que la taxation d’un véhicule d’occasion importé d’un autre État membre serait presque toujours plus élevée que celle d’un véhicule d’occasion similaire immatriculé au Portugal, ce qui entraînerait une discrimination entre ces deux catégories de véhicules.

12 La Commission rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, afin de savoir si une taxe crée une discrimination indirecte entre les véhicules automobiles d’occasion importés et les véhicules automobiles d’occasion similaires déjà présents sur le territoire national, il convient d’examiner d’abord si cette taxe est neutre au regard de la concurrence entre ces deux catégories de véhicules.

13 En l’occurrence, les véhicules fabriqués ou assemblés au Portugal et immatriculés comme neufs dans cet État membre ne seraient soumis qu’une seule fois à la taxe en cause, qui comprend deux composantes, l’une liée au type de cylindrée, l’autre à la protection de l’environnement. Lors de la vente subséquente du véhicule concerné, en tant que véhicule d’occasion, sa valeur commerciale serait égale à un pourcentage résiduel de sa valeur initiale, en fonction de sa dépréciation, et elle inclurait le montant résiduel de la taxe acquittée.

14 En revanche, les véhicules d’occasion importés au Portugal en vue d’y être immatriculés, notamment ceux portant une plaque d’immatriculation définitive délivrée par un autre État membre, seraient taxés une seule fois, lors de la présentation de la déclaration en douane, à un taux réduit. Toutefois, conformément à l’article 11, paragraphe 1, du code de la taxe sur les véhicules, la composante environnementale utilisée pour calculer la valeur du véhicule ne serait pas dépréciée. Il en découlerait que la dépréciation prise en compte aux fins du calcul de la taxe en cause serait beaucoup plus faible que la dépréciation effective du véhicule.

15 Or, prendre en compte la valeur d’un véhicule à concurrence d’un montant supérieur à la valeur réelle et ne pas tenir compte de sa dépréciation réelle aboutirait à une taxation des véhicules d’occasion importés qui serait supérieure à la taxe résiduelle incorporée dans la valeur d’un véhicule d’occasion similaire acheté et déjà immatriculé sur le territoire national, ce qui serait contraire à l’article 110 TFUE.

16 Afin d’illustrer le caractère discriminatoire de la taxe en cause, la Commission produit une série de tableaux permettant de comparer le montant de cette taxe perçu lors de la première mise en circulation de véhicules neufs au Portugal et le montant de ladite taxe applicable aux véhicules d’occasion similaires ayant plus de dix ans, importés d’un autre État membre. Selon la Commission, ces tableaux illustrent que la taxe résiduelle incorporée dans la valeur de véhicules d’occasion comparables qui ont été immatriculés comme neufs au Portugal au cours de l’année 2008 équivaudrait à environ 20 % du montant de la taxe payé lors de leur immatriculation (à la suite d’une dépréciation d’environ 80 %) et, par conséquent, est inférieure en toute hypothèse à la taxe applicable aux véhicules similaires de plus de dix ans importés au Portugal au cours de l’année 2018.

17 Dès lors, le montant de la taxe en cause dû à l’occasion de l’immatriculation au Portugal d’un véhicule d’occasion importé d’un autre État membre excéderait celui applicable à un véhicule d’occasion similaire déjà immatriculé au Portugal, ce qui constituerait une violation de l’article 110 TFUE, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour.

18 La Commission fait valoir, en outre, que, si les contribuables peuvent, en vertu de l’article 11, paragraphe 3, du code de la taxe sur les véhicules, opter pour une autre méthode de calcul de la taxe en cause, en demandant au directeur des douanes de recalculer cette taxe sur la base de l’estimation effective de la valeur du véhicule, il ressort néanmoins de la jurisprudence de la Cour que l’existence d’une méthode de calcul alternative d’une taxe ne dispense pas un État membre de l’obligation de respecter les principes fondamentaux d’une règle essentielle du traité FUE ni n’autorise cet État membre à enfreindre ce traité.

19 Selon la Commission, aucun des arguments exposés dans la réponse des autorités portugaises à la lettre de mise en demeure et à l’avis motivé, tirés du fait que le régime portugais de taxation des véhicules automobiles vise à promouvoir des véhicules émettant moins de dioxyde de carbone, poursuivant ainsi un objectif de protection de l’environnement dans le respect des principes consacrés à l’article 191 TFUE, ne saurait conduire à une conclusion différente.

20 À cet égard, premièrement, en réponse à l’argument de la République portugaise selon lequel l’instauration de la taxe en cause constituerait une application du principe d’équivalence qui est consacré à l’article 1 er du code de la taxe sur les véhicules et du principe du pollueur-payeur permettant de préserver l’égalité de traitement fiscal de tous les véhicules dont le niveau d’émission de CO2 est identique, la Commission rappelle qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que le principe selon lequel la taxe sur les véhicules d’occasion importés dans un État membre ne peut pas excéder la charge de la taxe résiduelle incluse dans le coût d’un véhicule similaire immatriculé pour la première fois dans cet État membre s’applique également aux taxes fondées en tout ou en partie sur un élément environnemental.

21 Pour cette même raison, l’argument tiré du fait que le potentiel polluant d’une voiture ne diminue pas avec l’âge de telle sorte que la composante environnementale de la taxe en cause ne saurait se déprécier ne saurait prospérer.

22 Deuxièmement, la Commission estime que l’argument de la République portugaise selon lequel la taxation des émissions de CO2 des véhicules neufs et d’occasion n’a pas pour but de restreindre l’importation de véhicules afin de protéger la production nationale, mais vise plutôt à inciter les consommateurs à acheter des véhicules émettant moins de CO2, dans un objectif principal de protection de l’environnement et dans le respect des principes consacrés à l’article 191 TFUE, doit être écarté. En effet, il ressortirait d’une jurisprudence constante que la poursuite d’un objectif environnemental ne dispense pas un État membre de la nécessité d’éviter toute discrimination.

23 La Cour aurait ainsi indiqué que l’objectif de protection de l’environnement peut être réalisé de manière plus complète et cohérente, par exemple, au moyen d’une taxation annuelle, qui ne favoriserait pas le marché national des véhicules d’occasion au détriment de la mise en circulation de véhicules d’occasion importés et qui serait, en outre, conforme au principe du pollueur-payeur.

24 La Commission ajoute, dans son mémoire en réplique, que l’article 110 TFUE ne permet aucune dérogation au principe de non-discrimination, directe ou indirecte, en ce qui concerne les « importations » d’autres États membres. Elle fait, par ailleurs, observer que, pour les véhicules immatriculés en tant que voitures neuves au Portugal, la composante environnementale de la taxe en cause n’est perçue qu’une seule fois, lors de l’immatriculation du véhicule concerné. Dès lors, le montant à payer pour immatriculer un véhicule d’occasion importé serait supérieur à celui applicable à un véhicule d’occasion similaire déjà immatriculé au Portugal, ce qui constituerait une violation de l’article 110 TFUE. En revanche, il n’y aurait pas lieu de comparer la taxation d’un véhicule d’occasion à celle d’un véhicule neuf, comme la République portugaise semblerait le proposer.

25 La Commission réfute également l’argument de la République portugaise selon lequel la composante environnementale de la taxe en cause constituerait une taxe séparée et autonome, distincte de la composante calculée sur la base de la cylindrée du véhicule concerné. En effet, la taxe en cause serait structurée comme un impôt unique, même si ses deux composantes étaient calculées de manière distincte. Par ailleurs, rien n’indiquerait que les recettes générées par la composante environnementale de cette taxe auraient une affectation distincte, par exemple pour financer des projets environnementaux. La Commission rappelle, à cet égard, qu’il aurait été possible d’atteindre l’objectif de protection de l’environnement d’une façon plus complète et cohérente, par exemple en instaurant une taxe séparée pour tous les véhicules mis en circulation sur le territoire de l’État membre concerné.

26 La République portugaise fait valoir qu’elle s’est conformée à l’arrêt du 16 juin 2016, Commission/Portugal (C‑200/15, non publié, EU:C:2016:453), en étendant le nombre de tranches qui servent au calcul de la dépréciation subie par les véhicules d’occasion importés sur son territoire. Toutefois, contrairement à la version précédente de cette réglementation, les taux de réduction s’appliqueraient désormais uniquement à la cylindrée, la composante environnementale étant due dans son intégralité.

27 Ce régime de taxation des véhicules d’occasion serait parfaitement logique, dans la mesure où les véhicules neufs supporteraient la totalité de la taxe en cause correspondant à la composante environnementale, en fonction de leurs niveaux d’émission de dioxyde de carbone. Les véhicules d’occasion devraient dès lors, à plus forte raison, supporter également l’intégralité de cette composante, les dommages qu’ils causent à l’environnement n’étant pas moins importants que ceux causés par les véhicules neufs.

28 La République portugaise considère ainsi que le régime de taxation des véhicules d’occasion applicable sur son territoire n’est pas contraire au droit de l’Union et respecte les orientations ainsi que les objectifs de l’Union en matière de réduction des émissions de dioxyde de carbone, afin de se conformer aux engagements environnementaux pris au titre du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, adopté le 11 décembre 1997, ainsi que de l’accord de Paris, adopté par la Conférence des parties à cette convention-cadre (COP 21) au mois de décembre 2015 et signé le 22 avril 2016, qui seraient tous les deux contraignants pour l’Union.

29 En outre, la modification de l’article 11 du code de la taxe sur les véhicules serait conforme au principe d’équivalence consacré à l’article 1 er de ce code. Dans la mesure où le potentiel polluant d’une voiture ne diminuerait pas en fonction de son âge mais aurait au contraire tendance à augmenter, il serait conforme à ce principe ainsi qu’au principe du pollueur-payeur, consacré par la Constitution portugaise et à l’article 191, paragraphe 2, TFUE, de ne pas prévoir de réduction de la composante environnementale de la taxe en cause en fonction de la dépréciation commerciale des véhicules. Une telle dépréciation conduirait, au contraire, à une violation du principe d’égalité, puisque les véhicules d’occasion seraient moins taxés pour chaque gramme de dioxyde de carbone émis par rapport aux véhicules neufs.

30 Par conséquent, selon la République portugaise, le régime portugais de taxation des véhicules n’a ni pour objet ni pour effet de réglementer l’importation des véhicules au Portugal. Il viserait à influencer le choix des consommateurs et à les amener à opter pour l’achat de véhicules à plus faibles émissions de dioxyde de carbone, afin de protéger l’environnement, dans le strict respect des principes consacrés par l’article 191 TFUE ainsi que par le protocole de Kyoto et par l’accord de Paris.

31 La République portugaise rappelle, par ailleurs, que, en l’état actuel du droit de l’Union, il n’est pas nécessaire que le montant d’une taxe frappant la mise en circulation d’un véhicule soit lié au prix de ce dernier. Par conséquent, les États membres seraient libres de soumettre les véhicules à un système de taxation progressive, en fonction de critères objectifs tels que ceux pris en compte par la législation portugaise, à savoir la puissance fiscale, la cylindrée ou les émissions de dioxyde de carbone du véhicule concerné, à condition que le système choisi ne produise pas d’effets discriminatoires ou protecteurs en faveur de produits nationaux.

32 Dans la mesure où la composante environnementale de la taxe en cause ne frapperait pas la valeur commerciale des véhicules concernés, il ne serait pas approprié de tenir compte de la dépréciation de leur valeur marchande. Tous les véhicules immatriculés sur le territoire portugais seraient soumis à cette composante de la taxe en cause et il n’existerait, par conséquent, aucune discrimination susceptible d’entraver la libre circulation des personnes et des marchandises dans le marché intérieur.

33 Dans son mémoire en duplique, la République portugaise ajoute qu’une nouvelle rédaction de l’article 11 du code de la taxe sur les véhicules est actuellement en discussion devant l’Assembleia da República (Assemblée de la République).

Appréciation de la Cour

34 Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’article 110 TFUE a pour objectif d’assurer la libre circulation des marchandises entre les États membres dans des conditions normales de concurrence par l’élimination de toute forme de protection pouvant résulter de l’application d’impositions intérieures discriminatoires à l’égard des produits originaires d’autres États membres. Cet article est violé lorsque l’imposition frappant le produit importé et celle frappant le produit national similaire sont calculées de façon différente et suivant des modalités différentes aboutissant, ne fût-ce que dans certains cas, à une imposition supérieure du produit importé (arrêt du 16 juin 2016, Commission/Portugal, C‑200/15, non publié, EU:C:2016:453, points 23 et 24 ainsi que jurisprudence citée).

35 Ainsi, la perception par un État membre d’une taxe sur les véhicules d’occasion en provenance d’un autre État membre est contraire à l’article 110 TFUE lorsque le montant de la taxe, calculé sans prise en compte de la dépréciation réelle du véhicule, excède le montant de la taxe résiduelle incorporé dans la valeur des véhicules automobiles d’occasion similaires déjà immatriculés sur le territoire national (voir, notamment, arrêt du 16 juin 2016, Commission/Portugal, C‑200/15, non publié, EU:C:2016:453, point 25 et jurisprudence citée).

36 Pour l’application de l’article 110 TFUE, et en particulier pour les besoins de la comparaison entre le régime de taxation des véhicules d’occasion importés et celui des véhicules d’occasion déjà présents sur le territoire de l’État membre, qui constituent des produits similaires ou concurrents, il y a lieu de prendre en considération non seulement le taux de l’imposition intérieure frappant directement ou indirectement les produits nationaux et les produits importés, mais également l’assiette et les modalités de la taxe en cause. Plus précisément, un État membre ne peut percevoir une taxe sur les véhicules d’occasion importés assise sur une valeur supérieure à la valeur réelle du véhicule, avec pour conséquence une taxation plus lourde de ceux-ci par rapport à celle des véhicules d’occasion similaires disponibles sur le marché national. La valeur du véhicule d’occasion importé retenue par l’administration en tant que base d’imposition doit refléter fidèlement la valeur d’un véhicule similaire déjà immatriculé sur le territoire national (arrêt du 16 juin 2016, Commission/Portugal, C‑200/15, non publié, EU:C:2016:453, point 26 et jurisprudence citée).

37 Dans ce cadre, afin de déterminer si une taxe crée une discrimination indirecte entre les véhicules automobiles d’occasion importés et les véhicules automobiles d’occasion similaires déjà présents sur le territoire national, il convient d’examiner si cette taxe est neutre au regard de la concurrence entre les véhicules d’occasion importés et les véhicules d’occasion similaires qui ont été immatriculés auparavant sur le territoire national et ont été soumis, lors de cette immatriculation, à ladite taxe (voir, par analogie, arrêt du 7 avril 2011, Tatu, C‑402/09, EU:C:2011:219, point 38).

38 En outre, la Cour a précisé que, dès l’acquittement d’une taxe d’immatriculation dans un État membre, le montant de cette taxe s’incorpore dans la valeur du véhicule. Ainsi, lorsqu’un véhicule immatriculé dans l’État membre concerné est, par la suite, vendu en tant que véhicule d’occasion dans ce même État membre, sa valeur marchande, comprenant le montant résiduel de la taxe d’immatriculation, sera égale à un pourcentage, déterminé par la dépréciation de ce véhicule, de sa valeur initiale (arrêt du 7 avril 2011, Tatu, C‑402/09, EU:C:2011:219, point 40 et jurisprudence citée).

39 En l’espèce, il ressort du dossier soumis à la Cour que, à la suite de l’arrêt du 16 juin 2016, Commission/Portugal (C‑200/15, non publié, EU:C:2016:453), la République portugaise a réformé son régime de taxation des véhicules faisant l’objet d’une première mise en circulation au Portugal. Selon le système réformé, la taxe en cause, perçue à cette occasion, comporte deux composantes, l’une calculée en fonction de la cylindrée du véhicule concerné et l’autre, appelée « composante environnementale », en fonction du niveau d’émission de dioxyde de carbone de ce véhicule.

40 À la différence de la composante de la taxe en cause calculée en fonction de la cylindrée du véhicule concerné, pour laquelle un pourcentage de réduction, en fonction de l’âge du véhicule, est prévu à l’article 11 du code de la taxe sur les véhicules, aucune réduction de la composante environnementale de cette taxe n’est prévue pour refléter la dépréciation de la valeur marchande du véhicule à ce titre.

41 Il en découle que la réglementation nationale établissant la taxe en cause a pour conséquence que le montant de la taxe d’immatriculation pour les véhicules d’occasion importés au Portugal des autres États membres est calculé sans prendre en compte la dépréciation réelle de ces véhicules. Dès lors, cette réglementation n’assure pas que les véhicules d’occasion importés d’un autre État membre soient soumis à une taxe d’un montant égal à celui de la taxe frappant les véhicules d’occasion similaires déjà présents sur le marché national, ce qui est contraire à l’article 110 TFUE.

42 À cet égard, sans contester le fait que le code de la taxe sur les véhicules ne prévoit aucune réduction de la composante environnementale de la taxe en cause visant les véhicules d’occasion importés sur son territoire, la République portugaise estime, tout d’abord, que cette circonstance est justifiée par un objectif de protection de l’environnement. En effet, le paiement intégral de la composante environnementale aurait pour but non pas de restreindre l’entrée de véhicules d’occasion au Portugal, mais de soumettre cette entrée à un critère sélectif en appliquant exclusivement des critères environnementaux.

43 Or, il convient de rappeler que, si les États membres sont, certes, libres d’établir un système de taxation différenciée pour certains produits et, partant, de définir les modalités du calcul de la taxe d’immatriculation de manière à tenir compte de considérations liées à la protection de l’environnement, il n’en demeure pas moins que de telles modalités doivent, notamment, être de nature à éviter toute forme de discrimination, directe ou indirecte, à l’égard des importations en provenance des autres États membres, ou de protection en faveur de productions nationales concurrentes, conformément à l’article 110 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Outokumpu, C‑213/96, EU:C:1998:155, point 30, et du 7 avril 2011, Tatu, C‑402/09, EU:C:2011:219, point 59).

44 À cet égard, la Cour a déjà eu l’occasion de souligner que l’article 110 TFUE s’oppose à une taxe relative à l’immatriculation des véhicules dont le montant déterminé, notamment, en fonction du « classement environnemental » des véhicules, est calculé sans tenir compte de la dépréciation de ceux-ci, de telle manière que, lorsqu’elle s’applique à des véhicules d’occasion importés d’autres États membres, elle dépasse le montant de ladite taxe compris dans la valeur résiduelle de véhicules d’occasion similaires qui ont déjà été enregistrés dans l’État membre d’importation (arrêt du 5 octobre 2006, Nádasdi et Németh, C‑290/05 et C‑333/05, EU:C:2006:652, points 56 et 57).

45 Par ailleurs, la Cour a également jugé que l’objectif de protection de l’environnement pourrait être réalisé de manière plus complète et cohérente en frappant d’une taxe annuelle tout véhicule mis en circulation dans un État membre, laquelle ne favoriserait pas le marché national des véhicules d’occasion au détriment de la mise en circulation de véhicules d’occasion importés d’autres États membres et serait, en outre, conforme au principe du pollueur-payeur (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2011, Tatu, C‑402/09, EU:C:2011:21, point 60).

46 En revanche, une taxe calculée en fonction du potentiel polluant d’un véhicule d’occasion qui, à l’instar de la taxe en cause, n’est intégralement perçue qu’à l’occasion de l’importation et de la mise à circulation d’un véhicule d’occasion en provenance d’un autre État membre, alors que l’acquéreur d’un tel véhicule déjà présent sur le marché de l’État membre concerné ne doit supporter que le montant de la taxe résiduelle incorporé dans la valeur marchande du véhicule qu’il achète, est contraire à l’article 110 TFUE.

47 Ensuite, la République portugaise fait valoir, en substance, que la composante environnementale de la taxe en cause constitue, en réalité, une taxe autonome, distincte de la composante de cette taxe calculée en fonction de la cylindrée du véhicule concerné.

48 À cet égard, il convient de constater que, à l’article 7 du code de la taxe sur les véhicules, la composante environnementale est présentée comme étant l’un des deux éléments utilisés pour le calcul d’une taxe unique et non pas comme une taxe distincte. De surcroît, et en tout état de cause, une telle taxe distincte demeurerait, ainsi qu’il ressort du point 46 du présent arrêt, discriminatoire à l’égard des véhicules d’occasion en provenance d’un autre État membre, dès lors que ladite taxe excéderait le montant de la taxe résiduelle incorporé dans la valeur des véhicules d’occasion similaires achetés et immatriculés sur le territoire national.

49 Par ailleurs, il convient de relever que, si les contribuables peuvent, en vertu de l’article 11, paragraphe 3, du code de la taxe sur les véhicules, opter pour une autre méthode de calcul de la taxe en cause, en demandant au directeur des douanes de recalculer cette taxe sur la base de l’estimation effective de la valeur du véhicule concerné, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’existence d’une méthode de calcul alternative d’une taxe ne dispense pas un État membre de l’obligation de respecter les principes fondamentaux d’une règle essentielle du traité FUE, ni n’autorise cet État membre à enfreindre ledit traité (voir, par analogie, arrêt du 16 juin 2016, Commission/Portugal, C‑200/15, non publié, EU:C:2016:453, point 34).

50 Enfin, en ce qui concerne l’affirmation de la République portugaise, avancée dans son mémoire en duplique, selon laquelle une nouvelle rédaction de l’article 11 du code de la taxe sur les véhicules était en discussion devant l’Assemblée de la République portugaise, il y a lieu de rappeler qu’un tel argument est dépourvu de pertinence, dans la mesure où l’existence d’un manquement doit, selon une jurisprudence constante de la Cour, être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé, de sorte que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêt du 21 mars 2019, Commission/Italie, C‑498/17, EU:C:2019:243, point 29 et jurisprudence citée).

51 Dans ces conditions, il convient de constater que, en excluant la dépréciation de la composante environnementale du calcul de la valeur applicable aux véhicules d’occasion mis en circulation sur le territoire portugais et achetés dans un autre État membre, dans le cadre du calcul de la taxe en cause, telle que prévue par le code de la taxe sur les véhicules, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 110 TFUE.

Sur les dépens

52 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République portugaise et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :

1) En excluant la dépréciation de la composante environnementale du calcul de la valeur applicable aux véhicules d’occasion mis en circulation sur le territoire portugais et achetés dans un autre État membre, dans le cadre du calcul de la taxe sur les véhicules, telle que prévue par le Código do imposto sobre veículos (code de la taxe sur les véhicules), tel que modifié par la lei 71/2018 (loi n o 71/2018), la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 110 TFUE.

2) La République portugaise est condamnée aux dépens.

Signatures

* Langue de procédure : le portugais.

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