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Judgment of the Court (Ninth Chamber) of 2 April 2020.

European Commission v Kingdom of Spain.

C-406/19 P • 62019CJ0406 • ECLI:EU:C:2020:276

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Judgment of the Court (Ninth Chamber) of 2 April 2020.

European Commission v Kingdom of Spain.

C-406/19 P • 62019CJ0406 • ECLI:EU:C:2020:276

Cited paragraphs only

ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

2 avril 2020 ( * )

« Pourvoi – FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par le Royaume d’Espagne – Retrait de reconnaissance d’organisations de producteurs – Non-récupération des aides versées – Charge de la preuve – Correction financière forfaitaire »

Dans l’affaire C‑406/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 24 mai 2019,

Commission européenne, représentée par M. F. Castillo de la Torre et M me J. Aquilina, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Royaume d’Espagne, représenté par M. S. Jiménez García, en qualité d’agent,

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. S. Rodin, président de chambre, M. M. Vilaras (rapporteur), président de la quatrième chambre, et M. D. Šváby, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 mars 2019, Espagne/Commission (T‑237/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:172), par lequel celui-ci, faisant partiellement droit au recours du Royaume d’Espagne, a annulé la décision d’exécution (UE) 2017/264 de la Commission, du 14 février 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2017, L 39, p. 12, ci-après la « décision litigieuse »), en tant qu’elle applique une correction forfaitaire de 10 % sur certaines dépenses effectuées par le Royaume d’Espagne.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

2 S’agissant de la réglementation pertinente de l’Union européenne sur les organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes, le règlement applicable pendant la période visée par la correction financière contestée devant le Tribunal était le règlement (CE) n o 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») (JO 2007, L 299, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n o 361/2008 du Conseil, du 14 avril 2008 (JO 2008, L 121, p. 1) (ci-après le « règlement n o 1234/2007 ») .

3 Aux termes de l’article 203 bis, paragraphe 2, du règlement n o 1234/2007 :

« Les organisations de producteurs et les associations d’organisations de producteurs déjà reconnues au titre du règlement (CE) n o 2200/96 [du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes (JO 1996, L 297, p. 1)] avant la date d’entrée en vigueur du présent règlement restent reconnues au titre du présent règlement. Si nécessaire, elles s’adaptent aux conditions du présent règlement avant le 31 décembre 2010.

Les organisations de producteurs et les associations d’organisations de producteurs déjà reconnues au titre du règlement (CE) n o 1182/2007 [du Conseil , du 26 septembre 2007 , établissant des règles spécifiques pour le secteur des fruits et légumes, modifiant les directives 2001/112/CE et 2001/113/CE ainsi que les règlements (CEE) n o 827/68, (CE) n o 2200/96, (CE) n o 2201/96, (CE) n o 2826/2000, (CE) n o 1782/2003 et (CE) n o 318/2006, et abrogeant le règlement (CE) n o 2202/96 (JO 2007, L 273, p. 1)] restent reconnues au titre du présent règlement. »

4 Conformément à l’article 203 bis, paragraphe 2, du règlement n o 1234/2007, les organisations de producteurs déjà reconnues au titre du règlement de base antérieur au règlement n o 1182/2007, à savoir le règlement n o 2200/96, étaient uniquement tenues de respecter, pendant la période visée par la correction financière contestée devant le Tribunal, les conditions de reconnaissance énoncées dans le règlement n o 2200/96, et notamment celles énoncées à l’article 11 de celui-ci.

5 L’article 11 du règlement n o 2200/96 dispose :

« 1. Aux fins du présent règlement, on entend par “organisation de producteurs” toute personne morale :

a) qui est constituée à l’initiative même des producteurs des catégories suivantes des produits visés à l’article 1 er , paragraphe 2 :

i) fruits et légumes ;

[...]

d) dont les statuts comportent des dispositions concernant :

[...]

3) les règles assurant, de façon démocratique, aux producteurs associés le contrôle de leur organisation et la maîtrise de ses décisions ;

[...] »

6 Le règlement (CE) n o 1580/2007 de la Commission, du 21 décembre 2007, portant modalités d’application des règlements n o 2200/96, (CE) n o 2201/96 et n o 1182/2007 du Conseil dans le secteur des fruits et légumes (JO 2007, L 350, p. 1), dispose, à son article 33, intitulé « Contrôle démocratique des organisations de producteurs » :

« Les États membres prennent les mesures qu’ils jugent nécessaires afin d’éviter tout abus de pouvoir ou d’influence d’un ou de plusieurs producteurs concernant la gestion et le fonctionnement de l’organisation de producteurs, qui comprennent les droits de vote. »

7 L’article 108 du règlement n o 1580/2007, intitulé « Contrôles sur place relatifs aux demandes d’aide en faveur des programmes opérationnels », prévoit :

« 1. Dans le contexte de la vérification de la demande d’aide visée à l’article 70, paragraphe 1, les États membres effectuent des contrôles sur place relatifs aux organisations de producteurs afin de s’assurer du respect des conditions d’octroi de l’aide ou du solde de l’aide pour l’année considérée.

Ces contrôles concernent en particulier :

a) le respect des critères de reconnaissance pour l’année considérée ;

[...]

3. Les résultats des contrôles sur place sont évalués en vue de déterminer si les éventuels problèmes rencontrés sont de nature systémique et laissent donc supposer un risque pour d’autres actions, bénéficiaires ou organismes similaires. L’évaluation détermine en outre les causes de ces situations, les analyses complémentaires éventuelles à effectuer et les mesures préventives et correctives à prendre.

Si les contrôles font apparaître des irrégularités significatives dans une région ou partie de région ou pour une organisation de producteurs donnée, l’État membre effectue des contrôles supplémentaires pendant l’année considérée et accroît le pourcentage des demandes correspondantes à contrôler l’année suivante.

[...] »

8 L’article 116 de ce règlement, intitulé « Non-respect des critères de reconnaissance », dispose :

« 1. Les États membres retirent la reconnaissance d’une organisation de producteurs lorsque le défaut de [respect] des critères de reconnaissance est substantiel et résulte d’un acte délibéré ou d’une négligence grave de l’organisation de producteurs.

[...]

Le retrait de la reconnaissance prévu au présent paragraphe prend effet à compter de la date à laquelle les conditions à remplir n’étaient pas respectées, sous réserve de toute législation horizontale applicable au niveau national en matière de prescription.

2. Lorsque le paragraphe 1 ne s’applique pas, les États membres suspendent la reconnaissance de l’organisation de producteurs si le défaut de [respect] des critères de reconnaissance est substantiel tout en n’étant que temporaire.

Aucune aide n’est versée pendant la durée de la suspension. La suspension prend effet à compter du jour du contrôle et prend fin le jour du contrôle montrant que les critères concernés sont remplis.

La durée de la suspension n’excède pas douze mois. Si les critères concernés ne sont pas remplis au bout de douze mois, la reconnaissance est retirée.

Les États membres peuvent effectuer des paiements après le délai fixé à l’article 71 lorsque cela est nécessaire pour l’application du présent paragraphe.

3. Dans les autres cas de non-respect des critères de reconnaissance, lorsque les paragraphes 1 et 2 ne s’appliquent pas, les États membres envoient une lettre d’avertissement indiquant les mesures correctives à prendre. Les États membres peuvent reporter le paiement de l’aide jusqu’à ce que lesdites mesures correctives aient été prises.

La non-exécution des mesures correctives dans un délai de douze mois est considérée comme un défaut substantiel de respect des critères concernés entraînant l’application du paragraphe 2. »

9 L’article 146 dudit règlement, intitulé « Sanctions nationales », énonce :

« Sans préjudice des sanctions décrites dans le présent règlement ou le règlement (CE) n o 1182/2007, les États membres prévoient l’application de sanctions, au niveau national, pour les irrégularités commises à l’égard des exigences énoncées dans le présent règlement ou dans le règlement (CE) n o 1182/2007, qui soient effectives, proportionnées et dissuasives de manière à assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés. »

10 Aux termes de l’article 52, paragraphe 2, du règlement (UE) n o 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) n o 352/78, (CE) n o 165/94, (CE) n o 2799/98, (CE) n o 814/2000, (CE) n o 1290/2005 et (CE) n o 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549, et rectificatif JO 2016, L 130, p. 13) :

« La Commission évalue les montants à exclure au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à l’Union. Elle fonde l’exclusion sur la mise en évidence des montants indûment dépensés et, lorsque ceux-ci ne peuvent être mis en évidence en déployant des efforts proportionnés, elle peut appliquer des corrections extrapolées ou forfaitaires. Des corrections forfaitaires ne sont appliquées que lorsque, en raison de la nature du cas ou parce que l’État membre n’a pas fourni les informations nécessaires à la Commission, il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer plus précisément le préjudice financier causé à l’Union. »

11 L’article 12 du règlement délégué (UE) n o 907/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement n o 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les garanties et l’utilisation de l’euro (JO 2014, L 255, p. 18), intitulé « Critères et méthodologie pour l’application de corrections dans le cadre de l’apurement de conformité », prévoit :

« 1. Aux fins d’adopter, conformément à l’article 52, paragraphe 1, du règlement (UE) n o 1306/2013, la décision relative aux montants à exclure du financement de l’Union, la Commission fait la distinction entre les montants ou partie de montants reconnus comme indûment dépensés et ceux déterminés par application de corrections extrapolées ou forfaitaires.

Afin de déterminer les montants pouvant être exclus du financement de l’Union, la Commission, lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément à la législation de l’Union, et, en ce qui concerne le [Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader)], conformément à la législation applicable dans l’Union et dans l’État membre, se fonde sur ses propres conclusions et prend en considération les informations mises à disposition par les États membres lors de la procédure d’apurement de conformité effectuée en application de l’article 52 du règlement (UE) n o 1306/2013.

2. La Commission fonde l’exclusion sur la mise en évidence des montants indûment dépensés uniquement si ceux-ci peuvent être déterminés en déployant des efforts proportionnés. Lorsque la Commission ne peut déterminer les montants indûment dépensés dans ces conditions, les États membres peuvent, dans le respect des délais prévus par la Commission durant la procédure d’apurement de conformité, soumettre des données relatives à la vérification de ces montants sur la base d’un examen des différents cas potentiellement concernés par la non-conformité. La vérification couvre l’ensemble des dépenses effectuées en violation de la législation applicable et imputées au budget de l’Union. Les données fournies incluent tous les montants non admissibles du fait de la non-conformité constatée.

3. Lorsque les montants indûment dépensés ne peuvent être mis en évidence conformément au paragraphe 2, la Commission peut déterminer les montants à exclure en appliquant des corrections extrapolées. Pour permettre à la Commission de déterminer les montants correspondants, les États membres peuvent, dans le respect des délais prévus par la Commission durant la procédure d’apurement de conformité, soumettre un calcul du montant à exclure du financement de l’Union en extrapolant par des moyens statistiques les résultats des contrôles effectués sur un échantillon représentatif de ces cas. L’échantillon est prélevé dans le groupe dans lequel la non-conformité constatée peut raisonnablement se produire.

[...]

6. Lorsque les conditions pour la détermination des montants à exclure du financement de l’Union visées aux paragraphes 2 et 3 ne sont pas remplies ou lorsque la nature du cas est telle que les montants à exclure ne peuvent être déterminés sur la base de ces paragraphes, la Commission applique des corrections forfaitaires appropriées, en tenant compte de la nature et de la gravité de l’infraction et de sa propre estimation du risque de préjudice financier pour l’Union.

Le niveau de correction forfaitaire est établi en tenant compte notamment du type de non-conformité constatée. À cet effet, la distinction suivante est faite entre les insuffisances dans les contrôles clés et dans les contrôles secondaires :

a) les contrôles clés sont les vérifications administratives et les vérifications sur le terrain, nécessaires pour établir l’admissibilité de l’aide et l’application correspondante de réductions et de sanctions ;

b) les contrôles secondaires recouvrent toutes les autres opérations administratives requises pour traiter correctement les demandes.

Si, dans le cadre de la même procédure d’apurement de conformité, divers cas de non-conformité sont établis, et que ces cas, pris individuellement, donneraient lieu à différentes corrections forfaitaires, seul le niveau le plus élevé de correction forfaitaire s’applique.

7. En établissant le niveau des corrections forfaitaires, la Commission tient spécifiquement compte des circonstances suivantes, qui indiquent un degré de gravité plus élevé des lacunes constatées et, partant, un risque accru de perte pour le budget de l’Union :

a) un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou sont si mal ou si rarement réalisés qu’ils sont jugés inefficaces pour déterminer l’admissibilité d’une demande ou pour prévenir les irrégularités ; ou

b) trois lacunes ou plus sont détectées pour le même système de contrôle ; ou

c) l’application par l’État membre d’un système de contrôle est jugée absente ou gravement déficiente, et il existe des preuves d’irrégularités et de négligence importantes dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses ; ou

d) une correction a déjà été appliquée à cet État membre pour des déficiences similaires dans le même secteur, compte tenu toutefois des éventuelles mesures correctives ou compensatrices prises par l’État membre.

[...] »

12 Dans l’exercice de ses fonctions en tant qu’organe d’apurement des comptes pour le financement de la politique agricole commune, la Commission a adopté, le 23 décembre 1997, le document VI/5330/97, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie ».

13 Le document VI/5330/97 précise, à son annexe II, dans la partie de celle-ci intitulée « Orientations pour l’application de corrections forfaitaires », que « [d]es corrections forfaitaires peuvent être envisagées lorsque les informations fournies par l’enquête ne permettent pas au contrôleur d’évaluer la perte à partir d’une extrapolation des pertes déterminées, par des moyens statistiques, ou par référence à d’autres données vérifiables, mais qu’elles lui permettent néanmoins de conclure que l’État membre a manqué à son obligation de vérifier de manière appropriée l’éligibilité de certaines demandes satisfaites ».

14 L’annexe II du document VI/5330/97 classe les contrôles en deux catégories, à savoir les contrôles clés et les contrôles secondaires. Les contrôles clés sont définis comme « des vérifications physiques et administratives requises pour contrôler les éléments quant au fond, en particulier la réalité de l’objet de la demande, la quantité et les conditions qualitatives, y compris le respect des délais, les exigences de récolte, les délais de rétention, etc. Ils sont effectués sur le terrain et par recoupement avec des informations indépendantes, telles que les registres cadastraux ». Les contrôles secondaires sont définis comme « des opérations administratives nécessaires pour traiter correctement les demandes, telles que la vérification du respect des délais de soumission, l’identification de demandes en doublon pour un même objet, l’analyse du risque, l’application de sanctions et la supervision adéquate des producteurs ».

15 Cette annexe énonce :

« Lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou sont si mal réalisés qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 10 %, car il est raisonnablement permis de penser qu’il existait un risque élevé de pertes importantes pour le [Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA)].

[...] »

Le droit espagnol

16 L’article 3, paragraphe 2, du Real Decreto 1972/2008 sobre reconocimiento de organizaciones de productores de frutas y hortalizas (décret royal 1972/2008 relatif à la reconnaissance des organisations de producteurs de fruits et légumes), du 28 novembre 2008 (BOE n o 289, du 1 er décembre 2008, p. 47983), dispose, en substance, que, dans le cas où des membres non producteurs cumulent plus de 24 % des droits de vote pour la prise de décision concernant l’organisation de producteurs à laquelle ils appartiennent, l’entité devra regrouper les membres producteurs qui vont participer à l’activité de l’organisation de producteurs dans une section ou un groupement de producteurs dont le fonctionnement sera réglementé dans les statuts correspondants. L’article 9 de ce décret royal fait obligation aux organisations de producteurs de produire la documentation qui démontre la répartition des droits de vote au sein de chaque membre de ladite organisation.

Les antécédents du litige

17 Les antécédents du litige pertinents pour la présente procédure, tels qu’ils ressortent des points 12 à 26 de l’arrêt attaqué et du dossier de première instance, communiqué à la Cour conformément à l’article 167, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, sont les suivants.

18 À la suite de contrôles effectués par les autorités espagnoles et de l’ouverture d’une procédure de suspension de la reconnaissance de l’entité Tilla Huelva en tant qu’organisation de producteurs, cette dernière a demandé, par lettre du 11 octobre 2010, qu’il soit mis fin à sa reconnaissance en tant qu’organisation de producteurs. Le 13 octobre 2010, les autorités espagnoles ont procédé au retrait de la reconnaissance de l’entité Tilla Huelva en tant qu’organisation de producteurs.

19 Du 16 au 20 mai 2011, les services de la Commission ont effectué une enquête dans le secteur des programmes opérationnels des fruits et légumes concernant l’Andalousie (Espagne). Le 18 août 2011, la Commission a informé les autorités espagnoles du résultat des contrôles effectués dans le cadre de cette enquête et elle a, notamment, indiqué que l’analyse des dossiers relatifs à quatre organisations de producteurs, dont G. et Tilla Huelva, avait démontré que le suivi des constatations faites par ces autorités n’avait pas été efficace, en ce que le retrait de la reconnaissance de ces deux organisations de producteurs semblait ne pas avoir pris effet rétroactivement, alors que ces constatations suggéraient que les conditions de leur reconnaissance avaient cessé d’être satisfaites avant la date de ce retrait. Le Royaume d’Espagne a répondu par lettre du 28 octobre 2011.

20 Le 15 mai 2013, à l’initiative de la Commission, une réunion bilatérale entre celle-ci et les autorités espagnoles a eu lieu. Dans ce contexte, le Royaume d’Espagne a fourni à la Commission, à sa demande, des documents et des informations complémentaires.

21 Le 11 janvier 2016, la Commission a communiqué officiellement au Royaume d’Espagne les conclusions auxquelles elle était parvenue à la suite de son enquête. En ce qui concerne l’objet de la présente procédure, celles-ci étaient substantiellement les mêmes que celles mentionnées au point 19 du présent arrêt.

22 Par lettre du 17 février 2016, le Royaume d’Espagne a sollicité une audition de l’organe de conciliation. Dans son rapport final adopté le 15 septembre 2016, ce dernier a constaté que les points de vue du Royaume d’Espagne et de la Commission étaient inconciliables.

23 Le 17 octobre 2016, la Commission a notifié au Royaume d’Espagne sa position définitive, laquelle est précisée dans le rapport de synthèse du 1 er février 2017. La Commission a considéré que le système andalou de contrôle de la reconnaissance des organisations de producteurs souffrait de l’absence d’un contrôle clé étant donné que les autorités espagnoles n’avaient pas appliqué, avec la rigueur nécessaire, notamment, les sanctions prévues aux articles 116 et 146 du règlement n o 1580/2007. En ce qui concerne, en particulier, l’organisation de producteurs Tilla Huelva, la Commission a réitéré que la reconnaissance de cette organisation avait été indûment maintenue, au regard tant du règlement n o 2200/96 que du règlement n o 1182/2007, et que, par conséquent, ladite organisation ne pouvait pas bénéficier d’un cofinancement de l’Union, y compris antérieurement au 13 octobre 2010, date du retrait de sa reconnaissance par les autorités espagnoles.

24 C’est dans ces conditions que, par la décision litigieuse, la Commission a appliqué deux corrections financières sur les dépenses déclarées par le Royaume d’Espagne pour la période allant du 19 août 2009 au 31 décembre 2010, à savoir, d’une part, une correction ponctuelle relative aux aides versées à G. et à Tilla Huelva et, d’autre part, une correction forfaitaire de 10 % pour le reste des dépenses en lien avec les organisations de producteurs en Andalousie, correspondant à une estimation du risque pour le Fonds découlant du fait que, selon la Commission, les autorités espagnoles n’ont pas appliqué les sanctions prévues lorsqu’elles ont retiré la reconnaissance d’une organisation de producteurs pour non-respect des conditions de reconnaissance figurant dans le règlement n o 2200/96.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

25 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 avril 2017, le Royaume d’Espagne a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse en tant qu’elle exclut du financement de l’Union les dépenses effectuées par le Royaume d’Espagne mentionnées au point précédent. À l’appui de son recours, il a soulevé deux moyens.

26 Par le premier moyen, le Royaume d’Espagne a, en substance, reproché à la Commission une violation de l’article 11, paragraphe 1, du règlement n o 2200/96, à l’égard de l’organisation de producteurs Tilla Huelva, dès lors qu’elle a considéré, à tort, que cette organisation ne respectait pas les critères de reconnaissance établis par cette disposition, tout particulièrement celui relatif au contrôle démocratique, tel que défini à l’article 11, paragraphe 1, sous d), point 3, de ce règlement.

27 Pour les motifs exposés aux points 59 à 95 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ce moyen comme étant non fondé.

28 Par le second moyen, le Royaume d’Espagne a fait valoir une violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement n o 1306/2013, du document VI/5330/97 et de l’obligation de motivation, en ce que la Commission a imposé une correction forfaitaire de 10 % sur certaines des dépenses se rapportant à la période allant du 19 août 2009 au 31 décembre 2010, déclarées par le Royaume d’Espagne en lien avec les organisations de producteurs en Andalousie.

29 Le Tribunal a accueilli la première branche de ce moyen, tirée du caractère inopportun d’une correction forfaitaire, et, sans examiner la seconde branche du même moyen, il a annulé la décision litigieuse, en tant qu’elle applique la correction forfaitaire mentionnée au point précédent, et a rejeté le recours pour le surplus.

30 Ainsi qu’il ressort des points 105 à 107 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la Commission avait justifié l’application de cette correction forfaitaire afférente aux dépenses en lien avec 140 organisations de producteurs en Andalousie par le constat que des irrégularités avaient été relevées dans deux dossiers, ceux des organisations de producteurs G. et Tilla Huelva, sur un échantillon comportant seulement quatre dossiers, lequel, au demeurant, n’avait pas été sélectionné à l’aune de critères spécifiques visant, en particulier, à s’assurer de sa représentativité.

31 Le Tribunal a, dès lors, relevé, au point 108 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne saurait déduire du constat de la présence de deux irrégularités dans seulement quatre dossiers examinés l’existence de carences affectant le système de contrôle mis en place par les autorités espagnoles. Il a ajouté que, si la Commission soupçonnait que ces deux irrégularités pouvaient être indicatives de carences d’ordre systémique, il lui incombait d’élargir l’échantillon choisi afin de s’assurer de sa représentativité et du prétendu caractère systémique des carences relevées.

32 Le Tribunal a ainsi constaté, au point 109 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas démontré que, sur la base des éléments qui lui avaient été soumis par les autorités nationales, elle ne pouvait pas évaluer de manière ponctuelle les pertes liées aux défaillances avérées, ni fait état de difficultés qui auraient entraîné des efforts disproportionnés aux fins de calculer une correction ponctuelle pour remédier aux pertes occasionnées pour le budget de l’Union du fait des irrégularités constatées. Selon le Tribunal, le fait même que la Commission a pu calculer une correction ponctuelle à l’égard des organisations de producteurs G. et Tilla Huelva tendait à démontrer l’absence de telles difficultés.

33 Ces considérations ont amené le Tribunal à constater, au point 110 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne pouvait pas valablement considérer que les carences dans le système de contrôle mis en place par les autorités espagnoles présentaient un caractère systémique justifiant l’application d’une correction forfaitaire ce qui, selon le Tribunal, suffisait pour justifier l’annulation de la décision litigieuse en tant qu’elle a appliqué une telle correction.

Les conclusions des parties devant la Cour

34 La Commission demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué en ce que, par celui-ci, le Tribunal a annulé la décision litigieuse en tant qu’elle applique une correction forfaitaire de 10 % sur certaines dépenses effectuées par le Royaume d’Espagne, et de rejeter le recours en première instance ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

35 Le Royaume d’Espagne demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la Commission aux dépens.

Sur le pourvoi

36 À l’appui de son pourvoi, la Commission invoque un moyen unique, tiré d’une erreur dans l’administration de la charge de la preuve dans le cadre de l’application de corrections financières forfaitaires, conformément à l’article 52, paragraphe 2, du règlement n o 1306/2013.

Argumentation des parties

37 La Commission rappelle que la jurisprudence constante relative à la charge de la preuve en matière de Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et de Feader reconnaît l’existence d’un allégement de la charge de la preuve pour la Commission, à laquelle il incombe non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Selon cette même jurisprudence, l’État membre concerné ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle.

38 Or, tout en ayant rappelé cette jurisprudence, au point 47 de l’arrêt attaqué, le Tribunal ne l’aurait appliqué qu’aux seules fins de déterminer si des contrôles ont bien été réalisés s’agissant de certaines organisations de producteurs. En revanche, en ce qui concerne l’appréciation de l’existence d’une irrégularité systémique, le Tribunal aurait fait peser la charge de la preuve intégralement sur la Commission. En effet, il ressortirait du point 108 de l’arrêt attaqué qu’un État membre peut adopter une attitude totalement passive, dans la mesure où, selon le Tribunal, pour pouvoir justifier une correction forfaitaire, la Commission aurait dû, en l’occurrence, déployer un effort probatoire supplémentaire, en élargissant l’échantillon sur lequel elle s’était fondée.

39 Les considérations énoncées au point 106 de l’arrêt attaqué quant au caractère non-représentatif de l’échantillon sur lequel s’était fondée la Commission en l’espèce ne sauraient justifier une conclusion différente. Le Tribunal aurait omis de tenir compte du fait que, dans le cadre du système de gestion partagée qui caractérise la politique agricole commune, le contrôle des demandes de paiement des agriculteurs incombe aux États membres et la Commission ne sélectionne pas des échantillons représentatifs pour effectuer ces contrôles. Considérer le contraire méconnaîtrait la nature même desdits contrôles.

40 Il ne ressortirait ni de la législation pertinente ni de la jurisprudence de la Cour qu’il incombe à la Commission de sélectionner un échantillon représentatif. Ainsi, premièrement, la Cour et le Tribunal auraient pu conclure à l’existence de défaillances systémiques sur la base de données ou d’échantillons isolés, sans exiger de la Commission qu’elle ait préalablement sélectionné un échantillon représentatif ou que cette institution constitue un échantillon supplémentaire qui soit représentatif. Deuxièmement, une telle exigence viderait cette jurisprudence de son sens, dans la mesure où des constatations fondées sur un échantillon représentatif fourniraient par elles-mêmes la preuve d’un problème systémique. Dans une telle hypothèse, donner à l’État membre la possibilité d’apporter la preuve contraire ne servirait à rien. Par ailleurs, l’article 12, paragraphe 3, du règlement délégué n o 907/2014 ne ferait pas de référence à des échantillons représentatifs fournis par les États membres. Troisièmement, aux termes de l’article 12, paragraphe 3, du règlement délégué n o 907/2014, s’il n’incomberait pas à la Commission d’assurer la représentativité de l’échantillon, il appartiendrait en revanche à l’État membre d’assurer cette représentativité lorsqu’il fournit à cette institution des données en vue de calculer un montant à exclure par extrapolation.

41 Enfin, la Commission rappelle qu’il ressort du rapport de synthèse du 1 er février 2017 que, lors de l’audit qu’elle a effectué, l’absence de système de contrôle a été constatée en ce qui concerne les deux organisations de producteurs auxquelles la reconnaissance avait été retirée par les autorités espagnoles. Les deux autres organisations de producteurs incluses dans l’échantillon ne se seraient pas vu retirer la reconnaissance par les autorités espagnoles et n’auraient donc pas été soumises à ce contrôle.

42 Le Royaume d’Espagne fait valoir que l’allégement de la charge de la preuve, évoqué par la Commission dans son argumentation, ne découle pas de l’article 52 du règlement n o 1306/2013. En outre, la plupart des arrêts invoqués par la Commission à l’appui de son argumentation concerneraient des domaines différents du droit de l’Union.

43 Le Royaume d’Espagne rappelle que, dans le cadre de son enquête, la Commission n’a examiné que quatre dossiers, alors qu’elle avait reçu des informations concernant 140 organisations de producteurs. Elle aurait elle-même clôturé l’enquête à l’égard de deux des quatre dossiers examinés, dès lors qu’il a été établi que les autorités espagnoles avaient agi correctement. S’agissant du troisième de ces quatre dossiers, celui afférent à Tilla Huelva, le contrôle démocratique de cette organisation par ses membres producteurs aurait été démontré et aucun risque n’aurait été encouru par le FEAGA et le Feader. Dès lors, seul un des dossiers examinés par la Commission aurait présenté des irrégularités, lesquelles ne sauraient, en aucun cas, être jugées suffisantes pour prouver l’existence d’une carence systémique.

44 En outre, le Royaume d’Espagne reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du caractère « subsidiaire et ultime » de la méthode de la correction forfaitaire. En effet, l’analyse des données soumises à la Commission mettrait en évidence le fait que les contrôles ont été effectués de manière efficace et que les carences existantes ont été détectées et corrigées.

45 À titre subsidiaire, le Royaume d’Espagne fait valoir que la correction forfaitaire de 10 %, imposée par la décision litigieuse, est disproportionnée et n’est pas dûment motivée. Elle correspondrait aux incidences et aux anomalies prétendument détectées dans deux dossiers, qui représentent 1,4 % du total de la population, sur un total de 140 dossiers.

46 Par ailleurs, le Royaume d’Espagne souligne qu’il a bel et bien présenté des preuves de l’absence de bien-fondé d’une correction forfaitaire. À cet égard, il rappelle que, contrairement à ce que soutient la Commission, les irrégularités ont été constatées non pas dans tous les dossiers de l’échantillon, mais dans seulement deux des quatre dossiers examinés. Dans ces conditions, le Royaume d’Espagne estime que la considération du Tribunal, au point 108 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission ne saurait déduire du constat d’irrégularités dans ces deux dossiers l’existence de carences systémiques touchant le contrôle mis en place par les autorités espagnoles, serait pleinement conforme aux règles de la charge de la preuve.

Appréciation de la Cour

47 À titre liminaire, il importe de relever que, dans le cadre de l’apurement des comptes du FEAGA, les États membres jouent un rôle primordial en ce qu’ils doivent permettre de garantir que ce Fonds ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions du droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles.

48 En effet, c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEAGA (voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, EU:C:2005:103, point 36).

49 Selon la jurisprudence constante de la Cour, il appartient à la Commission, aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles, non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres (arrêt du 15 octobre 2014, Danemark/Commission, C‑417/12 P, EU:C:2014:2288, point 81 et jurisprudence citée).

50 L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle. En conséquence, il incombe à l’État membre concerné de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (arrêt du 15 octobre 2014, Danemark/Commission, C‑417/12 P, EU:C:2014:2288, points 82 et 83 ainsi que jurisprudence citée).

51 En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 104 à 106 de l’arrêt attaqué, la Commission a considéré qu’il existait des défaillances de caractère systémique dans le contrôle du respect des exigences de reconnaissance des organisations de producteurs justifiant l’application d’une correction à taux forfaitaire de 10 %, en se fondant sur le fait qu’une telle carence a été constatée par ses services dans les dossiers de deux de ces organisations, G. et Tilla Huelva, qui faisaient partie d’un échantillon analysé par la Commission. Cet échantillon était constitué de quatre dossiers, choisis parmi ceux de 140 organisations de producteurs en Andalousie.

52 Il importe également de rappeler, d’une part, que le Royaume d’Espagne n’a pas contesté devant le Tribunal les constatations de la Commission à l’égard de l’organisation de producteurs G. et, d’autre part, que, si le Royaume d’Espagne a contesté, devant le Tribunal, les constatations de la Commission afférentes à l’organisation de producteurs Tilla Huelva, ce volet de son recours a été écarté comme non fondé par le Tribunal, au point 96 de l’arrêt attaqué. Cette partie dudit arrêt, non contestée devant la Cour par le Royaume d’Espagne, est revêtue de l’autorité de la chose jugée.

53 Or, le fait qu’une carence a été constatée par la Commission dans deux des quatre dossiers qu’elle a contrôlés constituait un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable, au sens de la jurisprudence citée au point 49 du présent arrêt, que la Commission éprouvait à l’égard du caractère suffisant des contrôles effectués par les administrations de l’État membre concerné.

54 Il ressort de la même jurisprudence, ainsi qu’il a été relevé au point 50 du présent arrêt, que, dans une telle situation, il incombait à l’État membre concerné, en l’occurrence le Royaume d’Espagne, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission. À défaut de présentation d’une telle preuve, les constatations de la Commission ne sauraient être infirmées et devaient être considérées comme exactes.

55 Il s’ensuit que, en jugeant, au point 108 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne saurait déduire du constat de la présence de deux irrégularités dans seulement quatre dossiers examinés l’existence de carences systémiques touchant le système de contrôle mis en place par les autorités espagnoles, sans élargir l’échantillon choisi, le Tribunal a commis une erreur de droit.

56 Il ressort, en effet, des points 50 et 54 du présent arrêt que, une fois qu’un élément de doute sérieux a été établi par la Commission, il n’incombe pas à celle-ci de procéder à des contrôles et à des vérifications supplémentaires. C’est l’État membre concerné qui, dans une telle situation, doit présenter des preuves détaillées et complètes de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres, afin de démontrer, à tout le moins, que les carences relevées par la Commission étaient ponctuelles et ne présentaient pas un caractère systémique.

57 De même, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 109 de l’arrêt attaqué, sur la base du caractère résiduel de la correction forfaitaire, qu’il appartenait à la Commission de démontrer qu’elle ne pouvait pas évaluer de manière ponctuelle les pertes liées aux défaillances constatées en raison des efforts disproportionnés qu’une telle évaluation aurait exigés.

58 Il ressort des considérations qui précèdent que le Tribunal a également commis une erreur de droit en jugeant, au point 110 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne pouvait pas valablement considérer, sur la base du constat de deux irrégularités ponctuelles, que les carences dans le système de contrôle mis en place par les autorités espagnoles présentaient un caractère systémique justifiant l’application d’une correction forfaitaire.

59 En effet, à défaut de présentation, par le Royaume d’Espagne, de preuves telles que celles exigées par la jurisprudence citée au point 50 du présent arrêt, pour remettre en cause les constatations de la Commission, cette dernière était en droit de considérer que le fait qu’une carence a été constatée dans deux des quatre dossiers examinés démontrait que celle-ci présentait un caractère systémique.

60 Or, le Tribunal n’a nullement vérifié si le Royaume d’Espagne a présenté des preuves de nature à remettre en cause le caractère systémique des carences constatées par la Commission.

61 Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de faire droit à l’unique moyen de la Commission et d’annuler l’arrêt attaqué, en tant que, par celui-ci, le Tribunal a annulé la décision litigieuse, en ce qu’elle applique une correction forfaitaire de 10 %.

Sur le recours devant le Tribunal

62 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, la Cour peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce.

63 L’arrêt attaqué ne devant être que partiellement annulé, en ce que, par celui-ci, le Tribunal a fait droit au second moyen du Royaume d’Espagne, il y a lieu, pour la Cour, de n’examiner que ce second moyen, qui se subdivise en deux branches.

64 Par la première branche du second moyen, tirée du caractère inopportun de l’imposition d’une correction forfaitaire, le Royaume d’Espagne fait valoir, en substance, que la Commission aurait dû se limiter à imposer une correction ponctuelle dans les deux dossiers où des carences ont été détectées, sans imposer une correction forfaitaire, car il n’y a eu en aucun cas absence de contrôle systématique des conditions de reconnaissance des organisations de producteurs.

65 À cet égard, il ressort des considérations exposées aux points 53 à 58 du présent arrêt que, à la suite de la constatation, par la Commission, des carences dans deux des quatre dossiers qu’elle a contrôlés, lesquelles constituaient un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable que la Commission éprouvait à l’égard du caractère suffisant des contrôles effectués par les administrations espagnoles, il incombait au Royaume d’Espagne, afin de démontrer que ces carences étaient ponctuelles et ne présentaient pas un caractère systémique, d’apporter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission.

66 Or, le Royaume d’Espagne n’affirme pas qu’il a présenté une telle preuve et sa présentation ne ressort pas non plus du dossier.

67 En effet, le Royaume d’Espagne s’est limité à contester les constatations de la Commission afférentes à l’organisation de producteurs Tilla Huelva et n’a pas présenté des arguments et des éléments de preuve tendant à démontrer que les carences constatées par la Commission à l’égard de cette organisation de producteurs, ainsi que de l’organisation de producteurs G., à savoir l’omission d’infliger à ces organisations qui ne remplissaient pas les conditions pour leur reconnaissance les sanctions prévues pour l’ensemble de la période pendant laquelle elles avaient cessé de remplir ces conditions tout en bénéficiant d’un cofinancement de l’Union, constituaient des cas isolés et n’étaient pas susceptibles de s’être reproduites à l’égard d’autres organisations de producteurs dans la même situation.

68 Faute de présentation de telles preuves, le Royaume d’Espagne ne saurait infirmer la constatation de la Commission, quant au caractère systémique des carences constatées par celle-ci. Partant, il y a lieu d’écarter la première branche du second moyen comme étant non fondée.

69 La seconde branche du second moyen est tirée du caractère disproportionné de la correction forfaitaire de 10 % imposée, ainsi que de la violation de l’obligation de motivation.

70 Plus particulièrement, par la seconde branche de son second moyen, le Royaume d’Espagne fait valoir que les critères, établis par la Commission dans le document VI/5330/97, qui peuvent justifier l’application d’une correction forfaitaire à hauteur de 10 %, n’étaient pas remplis, dès lors que, en substance, il avait effectué les contrôles requis de telle sorte qu’aucune absence de contrôle ni inefficacité dans lesdits contrôles ne saurait lui être reproché.

71 Cette argumentation ne saurait prospérer.

72 Pour appliquer une correction forfaitaire de 10 %, la Commission s’est fondée, dans la décision litigieuse, sur l’omission du Royaume d’Espagne de poursuivre le remboursement des aides versées à des organisations de producteurs reconnues qui, lorsqu’elles ont perçu ces aides, ne remplissaient pas les critères prévus pour leur reconnaissance.

73 Une telle omission justifie effectivement l’application d’une correction forfaitaire à hauteur de 10 %, conformément aux critères prévus dans le document VI/5330/97, dès lors qu’il s’agit d’un contrôle clé, afférent au respect des conditions pour l’acceptation d’une demande d’aide, qui n’a pas été réalisé, ou qui a été réalisé si mal qu’il est inefficace.

74 La circonstance, alléguée par le Royaume d’Espagne, qu’il a contrôlé le respect des critères de reconnaissance des organisations de producteurs et qu’il a retiré la reconnaissance des organisations qui ne respectaient pas ces critères ne saurait conduire à une conclusion différente.

75 En effet, le Royaume d’Espagne n’a ni affirmé ni, encore moins, démontré que, en parallèle avec le retrait de la reconnaissance des organisations de producteurs qui ne respectaient pas les critères de reconnaissance, il a contrôlé si des aides avaient été indûment versées à ces organisations lors de la période pendant laquelle elles avaient cessé de respecter ces critères et, dans l’affirmative, qu’il a demandé le remboursement de ces aides.

76 Dès lors, la décision de la Commission d’appliquer une correction forfaitaire de 10 % s’avère proportionnée et dûment motivée. Il s’ensuit que la seconde branche du second moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

77 Partant, il y a lieu de rejeter le recours du Royaume d’Espagne.

Sur les dépens

78 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

79 En l’espèce, la Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume d’Espagne aux dépens et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission relatifs tant à la procédure de première instance dans l’affaire T‑237/17 qu’à la procédure de pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :

1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 mars 2019, Espagne/Commission (T 237/17, non publié, EU:T:2019:172), est annulé, en ce que, par celui-ci, le Tribunal a annulé la décision d’exécution (UE) 2017/264 de la Commission, du 14 février 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), en tant qu’elle applique une correction forfaitaire de 10 % sur certaines dépenses effectuées par le Royaume d’Espagne.

2) Le recours est rejeté.

3) Le Royaume d’Espagne supportera, outre ses propres dépens relatifs tant à la procédure de première instance dans l’affaire T 237/17 qu’à la procédure de pourvoi, ceux exposés par la Commission européenne relatifs à ces mêmes procédures.

Signatures

* Langue de procédure : l’espagnol.

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