Lexploria - Legal research enhanced by smart algorithms
Lexploria beta Legal research enhanced by smart algorithms
Menu
Browsing history:

Order of the Court (Sixth Chamber) of 28 January 2021.

HZ and OX v European Commission.

C-390/20 P • 62020CO0390 • ECLI:EU:C:2021:82

Cited paragraphs only

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

28 janvier 2021 ( * )

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Recours en indemnité – Abstention des juridictions nationales de soumettre une demande de décision préjudicielle à la Cour – Défaut de l’Union d’instituer un recours effectif propre à remédier à une telle abstention – Recours manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑390/20 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 17 août 2020,

HZ, agissant en qualité de mandataire liquidateur d’etc-gaming GmbH, établie à Vienne (Autriche),

OX, agissant en qualité de mandataire liquidateur de Casino-Equipment Vermietungs GmbH, établie à Vienne,

représentés par M e A. Schuster, Rechtsanwalt,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, M me C. Toader (rapporteure) et M. M. Safjan, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 Par leur pourvoi, HZ, agissant en qualité de mandataire liquidateur d’etc-gaming GmbH, et OX, agissant en qualité de mandataire liquidateur de Casino-Equipment Vermietungs GmbH, demandent l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 16 juin 2020, etc-gaming et Casino-Equipment/Commission (T‑803/19, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2020:270), par laquelle le Tribunal a rejeté comme étant irrecevable leur recours tendant à la condamnation de l’Union européenne par la Commission européenne à réparer le préjudice prétendument subi par etc-gaming et Casino-Equipment Vermietung du fait que l’Union n’a pas créé de recours effectif contre l’abstention de juridictions nationales de soumettre une demande de décision préjudicielle à la Cour.

2 Les parties requérantes sont des personnes physiques exerçant la qualité de syndic de la faillite d’etc-gaming et de Casino-Equipment Vermietung, sociétés établies en Autriche, qui exerçaient des activités d’organisation de jeux de cartes autorisés.

La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

3 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 novembre 2019, etc-gaming et Casino-Equipment Vermietung ont introduit leur recours.

4 Par leur recours, lesdites sociétés ont sollicité la réparation du préjudice qu’elles prétendent avoir subi en raison de leur assujettissement à la taxe sur les jeux de hasard, à la taxe au bénéfice des victimes de guerre et à la taxe sur les spectacles et les divertissements. En effet, ces taxes seraient illégales en tant qu’elles seraient l’expression du monopole d’État sur les jeux de hasard instauré par le Glücksspielgesetz (loi sur les jeux de hasard), du 28 novembre 1989 (BGBl. 620/1989) (ci-après le « GSpG »), lequel, eu égard aux réponses données par la Cour, notamment dans l’arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281), ainsi que dans l’ordonnance du 6 septembre 2018, Gmalieva e.a. (C‑79/17, non publiée, EU:C:2018:687), ne serait pas conforme au droit de l’Union.

5 Devant le Tribunal, ces mêmes sociétés ont fait valoir que leur préjudice résultait du manquement de l’Union à son obligation d’instituer, notamment par la voie législative, une voie de recours qui leur aurait permis, en l’absence de recours effectif au niveau national, de s’opposer à ce que les juridictions autrichiennes, statuant en dernier ressort, s’abstiennent d’adresser une demande de décision préjudicielle à la Cour et appliquent une position contraire à celle de la Cour concernant la conformité du GSpG au droit de l’Union.

6 Le 27 février 2020, la Commission a déposé un mémoire en défense.

7 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 12 mai 2020, etc-gaming et Casino-Equipment Vermietung ont informé le Tribunal du fait que, par ordonnances du Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne, Autriche) du 10 mars 2020, une procédure d’insolvabilité avait été ouverte contre chacune d’elles.

8 Lesdites sociétés ont demandé au Tribunal :

– de condamner l’Union, représentée par la Commission, à réparer le préjudice, s’élevant à 110 836 927,73 euros, qu’elles auraient subi en raison de l’absence de création d’une voie de recours, au sens de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), ainsi que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ;

– à titre subsidiaire, de condamner l’Union, représentée par la Commission, à réparer, quant à son principe, le préjudice qu’elles ont prétendument subi en raison de l’absence de création d’une voie de recours, au sens de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 13 de la CEDH, ainsi que de l’article 47 de la Charte ;

– de condamner l’Union, représentée par la Commission, aux dépens.

9 La Commission a demandé au Tribunal :

– de rejeter le recours comme étant manifestement irrecevable et, en tout état de cause, comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit ;

– de condamner les requérantes aux dépens.

10 Par l’ordonnance attaquée, après avoir rappelé que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union pour comportement illicite de ses organes, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué, le Tribunal a considéré que, dans la mesure où la condition afférente à l’illégalité du comportement reproché à l’Union n’était manifestement pas remplie en l’espèce, la responsabilité non contractuelle de l’Union ne saurait être engagée.

Les conclusions des parties

11 Par leur pourvoi, les parties requérantes demandent à la Cour :

– d’annuler dans son intégralité l’ordonnance attaquée ;

– de faire droit aux conclusions de première instance ;

– de condamner la défenderesse aux dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

Sur le pourvoi

12 À l’appui de leur pourvoi, les parties requérantes soulèvent deux moyens visant, en substance, à critiquer l’application erronée du droit de l’Union par le Tribunal, dans la mesure où celui-ci aurait retenu à tort que, lorsqu’un particulier n’a pas eu la possibilité d’engager la responsabilité de l’État membre, dont il est ressortissant, pour violation des droits que celui-ci tire du droit de l’Union par des décisions rendues en dernier ressort par des juridictions de cet État membre, il n’y avait pas lieu de créer une voie de recours devant les juridictions de l’Union.

13 En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

14 Il y a lieu de faire application de cette disposition en l’espèce.

Sur les deux moyens pris dans leur ensemble

Argumentation des parties

15 Par leur premier moyen, les requérantes font valoir, en substance, que l’article 47 de la Charte confère à chacun un droit fondamental à un recours juridictionnel effectif, de sorte qu’un particulier tire de cette disposition un droit subjectif à introduire un recours non seulement devant les juridictions des États membres, mais également devant celles de l’Union.

16 Par leur second moyen, les parties requérantes reprochent, en substance, au Tribunal de ne pas avoir constaté que la réglementation autrichienne régissant l’action en réparation pour violation du droit de l’Union imputable à une décision d’une juridiction de cet État membre statuant en dernier ressort, ne respecte ni le principe d’équivalence ni le principe d’effectivité, dans la mesure où cette réglementation ne prévoit pas de voie de recours permettant de contrôler la violation, par ces juridictions, de l’obligation d’opérer un renvoi préjudiciel.

Appréciation de la Cour

17 À titre liminaire, il importe de souligner, comme l’a rappelé, à juste titre, le Tribunal, aux points 10 et 11 de l’ordonnance attaquée, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE est subordonné à la réunion d’un ensemble de trois conditions cumulatives, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions de l’Union, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (arrêt du 25 mars 2010, Sviluppo Italia Basilicata/Commission, C‑414/08 P, EU:C:2010:165, point 138 et jurisprudence citée).

18 Au point 24 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le recours, en concluant que la condition afférente à l’illégalité du comportement reproché à l’Union n’était manifestement pas remplie en l’espèce.

19 Le présent pourvoi, pris dans son ensemble, reproche, en substance, au Tribunal de ne pas avoir reconnu que l’Union, représentée par la Commission, était tenue de créer une voie de recours lorsqu’un requérant n’avait pas eu la possibilité d’engager la responsabilité de l’État membre, dont il est ressortissant, pour une violation alléguée des droits qu’il tire du droit de l’Union.

20 Tout d’abord, il convient de rappeler que le principe de protection juridictionnelle effective des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, auquel se réfère l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, constitue un principe général du droit de l’Union découlant des traditions constitutionnelles communes aux États membres, consacré initialement aux articles 6 et 13 de la CEDH, et à présent affirmé également à l’article 47 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C‑64/16, EU:C:2018:117, point 35).

21 Comme le Tribunal l’a retenu, à bon droit, au point 18 de l’ordonnance attaquée, conformément à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, c’est aux États membres qu’il incombe d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective, au sens notamment de l’article 47 de la Charte, dans les domaines couverts par le droit de l’Union (arrêt du 14 juin 2017, Online Games e.a., C‑685/15, EU:C:2017:452, point 54 ainsi que jurisprudence citée).

22 Ainsi, cette dernière disposition n’impose pas la création de voies de droit nouvelles. En effet, ainsi que le Tribunal l’a souligné, au point 19 de l’ordonnance attaquée, et ainsi que la Cour l’a déjà jugé, en vertu de l’article 51, paragraphe 2, de la Charte, celle-ci n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et les tâches définies dans les traités (arrêt du 27 novembre 2012, Pringle, C‑370/12, EU:C:2012:756, point 179 et jurisprudence citée).

23 Ensuite, selon une jurisprudence constante, par différentes voies de recours, les États membres sont obligés de réparer les dommages causés aux particuliers par les violations du droit de l’Union qui leur sont imputables (voir, en ce sens, arrêts du 19 novembre 1991, Francovich e.a., C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428, point 37, ainsi que du 24 juin 2019, Popławski (C‑573/17, EU:C:2019:530, point 56).

24 Ce principe, selon lequel les États membres sont obligés de réparer les dommages causés aux particuliers par les violations du droit de l’Union qui leur sont imputables, est également applicable lorsque la violation en cause découle d’une décision d’une juridiction statuant en dernier ressort (arrêt du 30 septembre 2003, Köbler, C‑224/01, EU:C:2003:513, point 59).

25 Il y a encore lieu de préciser que, s’il ressort du libellé de l’article 267, deuxième et troisième alinéas, TFUE qu’une juridiction statuant en dernier ressort doit, dès lors qu’une question relative à l’interprétation du droit de l’Union est soulevée devant elle, interroger la Cour au moyen d’un renvoi préjudiciel, une telle juridiction peut, toutefois, motiver, conformément à cette disposition, les raisons pour lesquelles, selon elle, un renvoi préjudiciel ne s’impose pas, notamment lorsque celle-ci constate que la question soulevée n’est pas pertinente, que la disposition du droit de l’Union en cause a déjà fait l’objet d’une interprétation de la part de la Cour, que l’application correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable, l’existence d’une telle éventualité devant être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit de l’Union, des difficultés particulières que présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence à l’intérieur de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2018, Commission/France (Précompte mobilier), C‑416/17, EU:C:2018:811, points 108 à 110 et jurisprudence citée].

26 À cet égard, les parties requérantes ne précisent pas la position des juridictions autrichiennes statuant en dernier ressort relative à la conformité du GSpG au droit de l’Union et à la jurisprudence existante en la matière (voir, notamment, arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a., C‑390/12, EU:C:2014:281, ainsi que ordonnance du 6 septembre 2018, Gmalieva e.a., C‑79/17, non publiée, EU:C:2018:687). Ainsi, rien n’indique que les requérantes n’étaient pas en mesure d’invoquer une violation du droit européen devant les juridictions autrichiennes compétentes et que ces juridictions n’étaient pas en mesure d’examiner leurs griefs (voir, par analogie, arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a., C‑234/17, EU:C:2018:853, point 55).

27 Enfin, et en tout état de cause, il convient de souligner que la circonstance que des juridictions nationales se soient abstenues de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle ne saurait être reprochée aux organes de l’Union.

28 Eu égard aux considérations qui précèdent, le Tribunal a donc, à bon droit, jugé que la condition afférente à l’illégalité du comportement reproché à l’Union faisait manifestement défaut.

29 Aucun des deux moyens soulevés à l’appui du pourvoi n’ayant été accueillis, il convient de rejeter celui-ci comme étant manifestement non fondé.

Sur les dépens

30 En application de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

31 En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à la partie défenderesse en première instance et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que HZ, agissant en qualité de mandataire liquidateur d’etc-gaming, et OX, agissant en qualité de mandataire liquidateur de Casino-Equipment Vermietung, supporteront leurs propres dépens dans le cadre de la présente procédure.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :

1) Le pourvoi est rejeté comme étant manifestement non fondé.

2) HZ, agissant en qualité de mandataire liquidateur d’etc-gaming GmbH, et OX, agissant en qualité de mandataire liquidateur de Casino-Equipment Vermietungs GmbH, supportent leurs propres dépens.

Signatures

* Langue de procédure : l’allemand.

© European Union, https://eur-lex.europa.eu, 1998 - 2024
Active Products: EUCJ + ECHR Data Package + Citation Analytics • Documents in DB: 393980 • Paragraphs parsed: 42814632 • Citations processed 3216094