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Order of the Court (Eighth Chamber) of 12 July 2018.

Acquafarm SL v European Commission.

C-40/18 P • 62018CO0040 • ECLI:EU:C:2018:566

Cited paragraphs only

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

12 juillet 2018 ( * )

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Responsabilité non contractuelle de l’Union européenne – Programme opérationnel financé par l’Union dans le secteur de la pêche – Impossibilité de mener à terme le projet malgré les investissements déjà réalisés – Réglementation de l’Union interdisant l’importation des crustacés faisant l’objet du programme opérationnel – Pourvoi manifestement irrecevable et manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑40/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 12 janvier 2018,

Acquafarm SL, établie à Huelva (Espagne), représentée par M e A. Pérez Moreno, abogado,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Malenovský, président de chambre, MM. M. Safjan et M. Vilaras (rapporteur), juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 Par son pourvoi, Acquafarm SL demande, notamment, l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 novembre 2017, Acquafarm/Commission (T‑458/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:810), par lequel celui-ci a rejeté sa demande d’indemnisation du préjudice prétendument subi à la suite de l’impossibilité de mener à terme un projet d’aquaculture de crustacés en provenance d’Australie.

Le cadre juridique

2 Le considérant 41 du règlement (CE) n o 1198/2006 du Conseil, du 27 juillet 2006, relatif au Fonds européen pour la pêche (JO 2006, L 223, p. 1), énonçait :

« Les États membres devraient adopter des mesures appropriées pour assurer le bon fonctionnement du système de gestion et de contrôle. À cette fin, une autorité de gestion, une autorité de certification et une autorité d’audit devraient être désignées pour chaque programme opérationnel et leurs responsabilités devraient être précisées. Celles-ci devraient porter principalement sur la bonne exécution financière, l’organisation de l’évaluation, la certification des dépenses, l’audit et le respect du droit communautaire. Il y a lieu de prévoir des rencontres régulières entre la Commission et les autorités nationales concernées pour le suivi de l’intervention. »

3 Selon le considérant 44 de ce règlement :

« Sans préjudice des compétences existantes de la Commission en matière de contrôle financier, il convient de renforcer la coopération entre les États membres et la Commission dans ce domaine. »

4 L’article 8 dudit règlement, intitulé « Partenariat », prévoyait :

« 1. Les objectifs du Fonds sont poursuivis dans le cadre d’une coopération étroite [...] entre la Commission et l’État membre. Les États membres organisent, conformément aux règles pratiques et nationales en vigueur, un partenariat avec les autorités et les organismes qu’ils désignent, tels que :

a) les autorités publiques régionales, locales et autres autorités publiques compétentes ;

b) les partenaires économiques et sociaux ;

c) tout autre organisme approprié.

2. Les États membres créent une association large et efficace de tous les organismes appropriés, conformément aux règles et pratiques nationales, en tenant compte de la nécessité de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que le développement durable à travers la prise en compte des exigences de protection et d’amélioration de l’environnement.

3. Le partenariat est conduit dans le respect total des compétences institutionnelles, juridiques et financières respectives de chaque catégorie de partenaires telle que définie au paragraphe 1.

4. Le partenariat porte sur la préparation, l’exécution, le suivi et l’évaluation du programme opérationnel. Les États membres associent chacun des partenaires appropriés aux différentes phases de la programmation dans le délai fixé pour chaque phase.

5. Chaque État membre organise, selon les modalités qu’il juge les plus adéquates, une consultation sur le plan stratégique national. »

5 L’article 10, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), du même règlement disposait :

« 1. Le budget communautaire alloué au [Fonds européen pour la pêche] est exécuté dans le cadre de la gestion partagée entre les États membres et la Commission, conformément à l’article 53, paragraphe 1, point b), du [règlement (CE, Euratom) n o 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1)], sauf pour ce qui concerne l’assistance technique prévue à l’article 46, paragraphe 1, du présent règlement qui est exécutée par la Commission dans le cadre d’une gestion directe.

Le principe de la bonne gestion financière s’applique conformément à l’article 48, paragraphe 2, du règlement [...] n o 1605/2002.

2. La Commission exerce ses compétences d’exécution du budget général de l’Union européenne selon les modalités suivantes :

a) elle s’assure de l’existence de systèmes de gestion et de contrôle dans les États membres, ainsi que de leur bon fonctionnement conformément aux articles 70 à 73 ».

6 Le chapitre III du règlement n o 1198/2006, intitulé « Responsabilités des États membres et de la Commission », comprenait une section I, intitulée « Responsabilités des États membres », qui contenait les articles 70 et 71 de ce règlement, et une section II, intitulée « Responsabilités de la Commission », qui contenait les articles 72 et 73 dudit règlement.

7 Aux termes de l’article 72 du même règlement, intitulé « Responsabilités de la Commission » :

« 1. La Commission s’assure, sur la base de la procédure établie à l’article 71, que les États membres ont mis en place des systèmes de gestion et de contrôle conformes aux articles 57 à 61 et, sur la base des rapports de contrôle annuels, de l’avis annuel de l’autorité d’audit et de ses propres audits, que les systèmes fonctionnent efficacement durant la période de mise en œuvre des programmes opérationnels.

2. Sans préjudice des audits réalisés par les États membres, les fonctionnaires de la Commission ou leurs mandataires peuvent procéder à des contrôles sur place pour vérifier le fonctionnement efficace des systèmes de gestion et de contrôle qui peuvent comprendre des contrôles des opérations s’inscrivant dans le programme opérationnel, moyennant un préavis de dix jours ouvrables au minimum, sauf dans les cas urgents. Les fonctionnaires de l’État membre ou leurs mandataires peuvent prendre part à ces audits.

Les fonctionnaires de la Commission ou leurs mandataires dûment habilités pour procéder aux contrôles sur place ont accès aux livres et à tous autres documents, y compris les documents et leurs métadonnées établies ou reçues et conservées sur support électronique, ayant trait aux dépenses financées par le [Fonds européen pour la pêche].

Les pouvoirs susvisés n’affectent pas l’application des dispositions nationales qui réservent certains actes à des agents spécifiquement désignés par la législation nationale. Les représentants habilités de la Commission ne participent pas, en particulier, aux visites domiciliaires ou à l’interrogatoire formel des personnes dans le cadre de la législation nationale de l’État membre concerné. Ils ont toutefois accès aux informations ainsi obtenues.

3. La Commission peut demander à un État membre d’effectuer un audit ou un contrôle sur place pour vérifier le fonctionnement efficace des systèmes ou la régularité d’une ou de plusieurs opérations. Les fonctionnaires de la Commission ou leurs mandataires peuvent prendre part à ces audits et contrôles. »

8 L’article 10 du règlement (CE) n o 1251/2008 de la Commission, du 12 décembre 2008, portant application de la directive 2006/88/CE du Conseil en ce qui concerne les conditions et les exigences de certification applicables à la mise sur le marché et à l’importation dans la Communauté d’animaux d’aquaculture et de produits issus de ces animaux et établissant une liste des espèces vectrices (JO 2008, L 337, p. 41), est libellé comme suit :

« 1. Les animaux d’aquaculture destinés à l’élevage, à des zones de reparcage, à des pêcheries récréatives avec repeuplement et à des installations ouvertes détenant des espèces d’ornement ne peuvent être importés dans la Communauté que s’ils proviennent des pays tiers, territoires, zones ou compartiments énumérés à l’annexe III.

2. Les lots d’animaux d’aquaculture visés au paragraphe 1 :

a) sont accompagnés d’un certificat zoosanitaire conforme au modèle de l’annexe IV, partie A, et complété conformément aux notes explicatives de l’annexe V ;

b) satisfont aux conditions de police sanitaire fixées dans le modèle de certificat et dans les notes explicatives visés au point a). »

9 L’annexe III de ce règlement fixe la liste des pays tiers, territoires, zones ou compartiments en provenance desquels il est autorisé d’importer, notamment, des animaux d’aquaculture destinés à l’élevage, ainsi que les catégories d’animaux autorisés pour chacun de ces pays tiers, territoires, zones ou compartiments.

10 S’agissant des animaux en provenance de l’Australie, l’annexe III dudit règlement ne vise que les poissons.

Les antécédents du litige

11 Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 17 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés de la manière suivante.

12 La requérante, Acquafarm, une société active dans le secteur de l’aquaculture en Espagne, a engagé des démarches administratives auprès des autorités locales et régionales d’Andalousie (Espagne) en vue de réaliser un projet d’aquaculture d’un crustacé d’eau douce en provenance d’Australie, le Cherax Quadricarinatus (ci-après l’« espèce en cause »), au sein d’une installation aquacole à Gibraleón (Espagne).

13 Au mois de juillet 2004, elle a introduit une demande de financement auprès des autorités régionales d’Andalousie.

14 À la suite d’échanges entre ces autorités et la requérante concernant les risques liés à la possible libération accidentelle de l’espèce en cause dans l’environnement, lesdites autorités ont, au mois de novembre 2005, accepté le projet d’aquaculture de la requérante.

15 Au mois de juin 2006, les mêmes autorités ont approuvé l’octroi d’une aide de 950 000 euros, dont 866 000 euros ont été définitivement approuvés aux mois de décembre 2008 et d’août 2010, à la suite de la réalisation des travaux envisagés par la requérante.

16 Au mois de novembre 2010, la requérante a présenté aux autorités régionales d’Andalousie une nouvelle demande de financement sur le fondement du règlement n o 1198/2006.

17 Au mois de juin 2011, ces autorités régionales ont décidé d’accorder une aide d’un montant d’environ 260 000 euros, qui devait être cofinancé par le Fonds européen pour la pêche, les autorités centrales espagnoles et elles-mêmes, sous réserve du respect d’une série de conditions.

18 À une date indéterminée, mais au plus tard au mois de mai 2012, la requérante a été informée par un producteur-exportateur australien que l’importation sur le territoire de l’Union de l’espèce en cause en tant qu’animal d’aquaculture destiné à l’élevage en provenance d’Australie n’était pas autorisée par l’annexe III du règlement n o 1251/2008.

19 Par lettres des 20 février et 6 mai 2013, la requérante a demandé, respectivement, à la Commission européenne et aux autorités nationales espagnoles une compensation pour le dommage prétendument subi en raison du manque de coordination entre les autorités espagnoles et l’Union, et de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

20 Par lettre du 14 mai 2013, la Commission a répondu que la gestion de l’Instrument financier d’orientation de la pêche (IFOP) et du Fonds européen pour la pêche relevait d’une compétence partagée entre l’Union et les autorités nationales, et que la gestion des projets individuels incombait aux autorités nationales.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

21 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 juillet 2016, la requérante a demandé la condamnation de l’Union et de la Commission au paiement d’une somme de cinq millions d’euros pour la réparation du préjudice subi.

22 À l’appui de son recours, la requérante a soulevé un moyen unique, tiré de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, les trois conditions d’engagement de celle-ci étant, selon elle, remplies.

23 La Commission a soutenu que le recours était irrecevable, au motif que la requérante n’avait pas démontré qu’il avait été introduit dans le délai de cinq ans prévu à l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, et qu’il était, en tout état de cause, non fondé.

24 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours au fond, sans statuer sur sa recevabilité. Il a jugé que les arguments de la requérante quant à l’illégalité du comportement de la Commission devaient être écartés.

25 Aux points 39 à 45 de cet arrêt, le Tribunal a écarté l’argument selon lequel il n’était pas nécessaire de démontrer l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union conférant des droits aux particuliers, au motif qu’un tel argument n’était pas fondé en droit.

26 Aux points 46 à 54 dudit arrêt, le Tribunal a répondu à la première branche du moyen unique présenté par la requérante, relative au prétendu manque de coordination entre la Commission et les autorités nationales.

27 Tout d’abord, il a considéré que l’argumentation avancée par la requérante à l’appui de cette branche tendait à reprocher à la Commission une omission ou une abstention d’agir, en ce que cette institution aurait permis l’octroi d’aides par les autorités nationales et ne l’aurait pas avertie que l’activité d’aquaculture de l’espèce en cause n’était pas licite.

28 Ensuite, le Tribunal a rappelé que les omissions des institutions de l’Union n’étaient susceptibles d’engager la responsabilité de l’Union que dans la mesure où lesdites institutions ont violé une obligation légale d’agir résultant d’une disposition du droit de l’Union. Or, en l’espèce, la requérante n’avait identifié aucune disposition du droit de l’Union imposant à la Commission d’empêcher l’octroi des aides ou d’avertir la requérante que son activité était illicite. À titre principal, il a relevé que les dispositions citées par celle-ci en ce sens se bornaient à faire référence à une coopération étroite entre la Commission et les États membres, et précisaient que la mise en œuvre ainsi que le contrôle des interventions relevaient en premier lieu de la responsabilité de ces derniers. Il en a déduit qu’il ne ressortait pas desdites dispositions que la Commission pouvait être tenue pour responsable du contrôle de la légalité du financement de projets concrets, son rôle se limitant, conformément à ces dispositions, à s’assurer de l’existence de systèmes de gestion et de contrôle efficaces dans les États membres.

29 Enfin, le Tribunal a tenu compte de deux considérations spécifiques. D’une part, il a relevé que la première demande d’aide avait été accordée à titre provisoire par les autorités régionales avant l’entrée en vigueur du règlement n o 1251/2008, interdisant l’importation de l’espèce en cause, et que l’aide octroyée au regard de la seconde demande, déposée après l’entrée en vigueur de ce règlement, n’avait pas été cofinancée par le Fonds européen pour la pêche. Il en a déduit qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir violé une quelconque obligation de coordination résultant du régime applicable à ce Fonds. D’autre part, il a souligné qu’il appartenait aux entreprises de supporter le risque d’une appréciation erronée de leur situation juridique et que, dès lors, la requérante ne pouvait invoquer son ignorance du droit de l’Union pour faire naître une obligation pour la Commission de l’informer que son activité était devenue illégale. Il a dès lors constaté que la requérante n’avait pas démontré l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union conférant des droits aux particuliers.

30 Aux points 55 à 61 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a répondu à la seconde branche du moyen unique présenté par la requérante à l’appui de son recours, tirée de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

31 Tout d’abord, il a rappelé que le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union lui a fourni des assurances précises, inconditionnelles et concordantes. Or, en l’espèce, le Tribunal a constaté que la requérante n’avait avancé aucun élément susceptible de constituer de telles assurances, attestant sans ambiguïté que son projet d’activité était licite, les aides et les autorisations ayant été octroyées par les autorités nationales, sans intervention de cette institution.

32 Ensuite, il a considéré que, dans une telle situation, il n’était pas possible de fonder une confiance légitime sur la simple inaction de la Commission, alors même qu’il ne ressortait pas du dossier que le projet d’activité avait été porté à la connaissance de celle-ci avant le 20 février 2013. Il a également rappelé qu’une entreprise qui adopte délibérément un comportement contraire à la réglementation en vigueur n’est pas fondée à invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime au motif que cette illégalité ne lui aurait pas été indiquée par l’institution concernée. En outre, il a constaté que, même si la Commission avait fourni des assurances sur la licéité de l’activité planifiée par la requérante, ces assurances n’auraient pu fonder une confiance légitime, dès lors qu’elles auraient été contraires aux dispositions du règlement n o 1251/2008.

33 Enfin, le Tribunal a écarté les arguments de la requérante fondés sur le droit espagnol, en rappelant que le juge de l’Union n’est pas compétent pour apprécier la légalité d’un acte ou d’un comportement d’une institution de l’Union au regard du droit national. Il a, notamment, précisé que la référence, à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, aux principes généraux communs aux droits des États membres n’implique pas que le juge de l’Union puisse connaître de demandes fondées sur des dispositions de droit national.

34 En conséquence, le Tribunal a rejeté tous les arguments relatifs à l’illégalité du comportement de la Commission et a, par suite, rejeté le recours dans son ensemble comme non fondé, sans examiner les arguments relatifs au prétendu préjudice et au lien de causalité.

Les conclusions de la requérante

35 La requérante demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué et

– de lui accorder une indemnisation pour le préjudice que lui a causé l’absence de coordination de l’action administrative en relation avec son installation aquacole sise à Gibraleón.

Sur le pourvoi

36 En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, cette dernière peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de le rejeter, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

37 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent pourvoi.

38 À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque trois moyens, tirés de la violation, le premier, de l’article 340 TFUE, le deuxième, de la jurisprudence de l’Union, compte tenu d’un comportement illicite de l’Union, et, le troisième, des principes de protection de la confiance légitime ainsi que de bonne administration.

Sur le premier moyen

Argumentation de la requérante

39 La requérante soutient que l’article 340 TFUE renvoie, en matière de responsabilité non contractuelle de l’Union, aux principes généraux communs aux droits des États membres. À cet égard, elle indique que, en droit espagnol, la responsabilité de l’administration est objective et découle du seul constat de l’existence du dommage causé, indépendamment du point de savoir si le fonctionnement de l’administration a été normal ou non. Ainsi, il suffirait qu’un comportement de l’administration ait causé un dommage effectif, susceptible d’être évalué économiquement et individualisé, pour que la responsabilité de l’administration concernée soit engagée. Elle en tire la conséquence que l’arrêt attaqué dénature le principe du régime spécial de responsabilité objective de l’administration en droit espagnol.

Appréciation de la Cour

40 La requérante soutient, en substance, que, l’article 340 TFUE renvoyant, en matière de responsabilité non contractuelle de l’Union, aux principes généraux communs aux droits des États membres, il conviendrait de tenir compte de ce que la responsabilité de l’administration, en droit espagnol, est objective et découle de l’existence du seul dommage. Elle en déduit que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit, dans la mesure où le Tribunal a considéré que l’engagement de la responsabilité de l’Union du fait d’une omission requérait l’existence d’un comportement fautif.

41 Il convient de constater que la requérante avançait déjà une argumentation similaire aux points 48 à 54 de sa requête devant le Tribunal, sous un titre « Responsabilité extracontractuelle de l’Union européenne : régime juridique ».

42 Ainsi que l’a rappelé le Tribunal au point 47 de l’arrêt attaqué, il a été jugé par la Cour que les omissions des institutions de l’Union ne sont susceptibles d’engager la responsabilité de l’Union que dans la mesure où lesdites institutions ont violé une obligation légale d’agir résultant d’une disposition du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, point 58).

43 Par conséquent, en rejetant l’argumentation de la requérante pour le motif qu’elle n’identifie aucune disposition du droit de l’Union qui imposait à la Commission une obligation d’empêcher l’octroi des aides au projet en cause ou de l’avertir que son activité était illicite, le Tribunal a jugé à bon droit que le grief soulevé par la requérante n’était pas fondé en droit.

44 Notamment, la référence figurant à l’article 340 TFUE aux principes généraux communs aux droits des États membres ne saurait être interprétée en ce sens que les conditions d’engagement de la responsabilité de l’Union seraient régies par le droit de l’État membre concerné, mais doit être comprise comme se référant aux traditions juridiques des États membres qui sont communes à ces derniers.

45 Par conséquent, le premier moyen doit être écarté comme manifestement non fondé.

Sur le deuxième moyen

Argumentation de la requérante

46 En visant les points 49 et 54 de l’arrêt attaqué, la requérante fait valoir que cet arrêt comporte une erreur de droit en ce qu’il affirme que les institutions et les organes de l’Union ne devaient pas contrôler la légalité des projets financés par des aides de l’Union.

47 En effet, selon la requérante, le règlement n o 1198/2006 établit un système de collaboration complète entre les États membres et les organes de l’Union. Le rôle de ces derniers ne se limiterait pas à s’assurer de l’existence d’un système de contrôle efficace des États, mais serait également d’effectuer eux-mêmes de tels contrôles, ainsi que cela ressortirait du considérant 4 de ce règlement.

48 La requérante se fonde également sur le considérant 44 dudit règlement, duquel il ressort que le législateur de l’Union a entendu renforcer la coopération entre les États membres et la Commission. Elle cite également l’article 8 du même règlement, qui fait état d’une coopération étroite dans le cadre d’un partenariat respectant les compétences de chaque catégorie de partenaires et portant sur la préparation, l’exécution, le suivi et l’évaluation du programme opérationnel, les différents partenaires étant associés par ces États aux différentes phases de la programmation.

49 La requérante estime que, si les articles 70 et suivants du règlement n o 1198/2006 définissent les compétences de la Commission en matière de contrôle des systèmes de suivi des États membres, cela ne signifie pas pour autant que la responsabilité de cette institution soit limitée à ce contrôle. Elle souligne que ce règlement prévoit que l’Union approuve le programme opérationnel de chaque État membre, que l’article 66 dudit règlement prévoit un comité de suivi de ce programme incluant la Commission et comportant un mécanisme d’échange constant d’informations par voie électronique. Elle en déduit que la fonction de contrôle et de gestion exercée par les États membres se fait en coopération avec la Commission.

50 Selon la requérante, il existe, en l’espèce, une absence grave de coordination par l’Union dans le cadre de l’exercice de ses compétences. Elle relève, à cet égard, avoir obtenu les autorisations pertinentes pour exercer l’activité d’aquaculture de l’espèce en cause, alors même que le législateur de l’Union avait, par le règlement n o 1251/2008, interdit l’importation de cette espèce. Même postérieurement à ce règlement, elle aurait obtenu une autorisation sanitaire pour l’exercice de cette activité et des aides du Fonds européen pour la pêche lui auraient été accordées.

51 Par ailleurs, la requérante estime que c’est à tort que le Tribunal a considéré qu’elle n’était pas fondée à se prévaloir du fait qu’elle ignorait l’interdiction d’importation édictée par l’annexe III du règlement n o 1251/2008, dès lors que ce dernier règlement manque de clarté et ne contient pas de liste des espèces concrètes dont l’importation n’est pas autorisée. Elle note que, dans cette annexe, l’Australie figure parmi les pays en provenance desquels il est autorisé d’importer des animaux destinés à l’aquaculture.

52 Elle en déduit que l’annexe III du règlement n o 1251/2008 n’interdit pas une telle importation, mais que c’est l’homologation des systèmes de contrôle australiens qui a été refusée au regard des systèmes de contrôle espagnols. Or, ce refus ne ressortirait pas expressément de cette annexe et n’aurait pas été publié.

53 Selon la requérante, il convient également de tenir compte, dans ce contexte, du fait que l’État membre en cause et les institutions de l’Union ont pris des mesures pour autoriser le projet et accorder des aides. Elle mentionne, à cet égard, l’autorisation sanitaire délivrée au cours de l’année 2010 par la Comunidad Autónoma de Andalucía (Communauté autonome d’Andalousie, Espagne). Elle indique avoir effectué des importations de l’espèce en cause du mois d’octobre 2004 au mois d’avril 2008. Elle déduit de l’ensemble de ces circonstances de fait et de droit qu’elle ne pouvait savoir, avec une sécurité juridique absolue, qu’il était interdit d’importer l’espèce en cause.

Appréciation de la Cour

54 Par la première branche de son deuxième moyen, la requérante soutient, en substance, que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit, en ce qu’il décide, aux points 49 et 54 de celui-ci, que la réglementation de l’Union n’obligeait pas la Commission à exercer le contrôle de la légalité des projets financés par des aides de l’Union, alors que, au regard de plusieurs considérants et dispositions du règlement n o 1198/2006, la Commission a manqué à ses obligations en matière de coordination de l’action de l’Union quant au contrôle et à la gestion de tels projets.

55 Par la seconde branche de son deuxième moyen, elle soutient que le règlement n o 1251/2008 ne contient pas de liste des espèces concrètes dont l’importation n’est pas autorisée et qu’il ne lui était pas possible, eu égard au fait que des mesures avaient été prises pour autoriser le projet et accorder des aides, de savoir avec une sécurité juridique absolue qu’il était interdit d’importer l’espèce en cause. En outre, elle relève qu’il n’était pas mentionné dans l’annexe III de ce règlement que les systèmes de contrôle australiens n’avaient pas été homologués au regard des systèmes de contrôle espagnols.

56 Il convient de relever que la première branche du deuxième moyen est dirigée contre les points 49 et 54 de l’arrêt attaqué. Or, pour contester ces points, la requérante se borne à faire référence aux dispositions du règlement n o 1198/2006 instituant une coopération étroite entre les États membres et la Commission, sans préciser en quoi le raisonnement suivi par le Tribunal serait entaché d’une erreur de droit lorsque ce dernier a jugé, aux points 46 à 54 de cet arrêt, que la réglementation de l’Union applicable en l’espèce ne conférait pas à la Commission la responsabilité d’exercer le contrôle de la légalité des projets financés par des aides de l’Union.

57 Dès lors, il convient de constater que le deuxième moyen, en sa première branche, doit être écarté comme manifestement irrecevable.

58 En ce qui concerne la seconde branche du deuxième moyen, il convient de rappeler que, selon l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. La compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est en effet limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait, par conséquent, soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (voir ordonnance du 7 juin 2017, Holistic Innovation Institute/Commission, C‑411/16 P, non publiée, EU:C:2017:445, points 64 et 65).

59 Or, il y a lieu de constater que la requérante n’avait pas soulevé, dans le cadre de son recours en indemnité devant le Tribunal, de moyens tirés, d’une part, de l’absence d’énonciation claire, par l’annexe III du règlement n o 1251/2008, d’une interdiction d’importer des espèces aquacoles en provenance d’Australie en vue de l’élevage en captivité ainsi que de l’impossibilité de savoir avec une sécurité juridique absolue qu’une telle importation était interdite et, d’autre part, de l’absence de mention dans cette annexe du fait que les systèmes de contrôle australiens n’avaient pas été homologués au regard des systèmes de contrôle espagnols.

60 Dès lors, le deuxième moyen, en sa seconde branche, constitue un moyen nouveau, qui, en tant que tel, est irrecevable au stade du pourvoi.

61 Par conséquent, le deuxième moyen doit être écarté comme manifestement irrecevable.

Sur le troisième moyen

Argumentation de la requérante

62 La requérante considère que l’arrêt attaqué est contraire au principe de protection de la confiance légitime, l’Union étant obligée de répondre des dommages causés à une personne agissant de bonne foi et avec la confiance légitime créée par l’action de l’administration. Eu égard au fait que le règlement n o 1251/2008 n’interdisait pas formellement l’importation de produits aquacoles d’Australie et qu’elle ne pouvait savoir que les systèmes de contrôle australiens n’avaient pas été homologués, elle estime que le droit à une bonne administration, qui est lié au principe de protection de la confiance légitime, a été violé par l’arrêt attaqué.

Appréciation de la Cour

63 Il convient de rappeler que les éléments d’un pourvoi qui ne contiennent aucune argumentation visant à identifier une irrégularité dont seraient entachés l’arrêt ou l’ordonnance attaqués ne répondent pas à l’exigence selon laquelle un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, et doivent, par conséquent, être écartés comme étant manifestement irrecevables (voir, en ce sens, ordonnance du 14 décembre 2017, Verus/EUIPO, C‑101/17 P, non publiée, EU:C:2017:979, point 21 et jurisprudence citée).

64 Si la requérante fait valoir que l’arrêt attaqué est contraire au principe de protection de la confiance légitime, force est de constater qu’elle ne précise aucunement les points de cet arrêt qui emporteraient une méconnaissance de ce principe. En tout état de cause, pour soutenir l’existence d’une telle violation, elle réitère l’argument selon lequel le règlement n o 1251/2008 n’interdirait pas formellement l’importation des produits aquacoles en provenance d’Australie, déjà mentionné dans le deuxième moyen de son pourvoi, qui constitue un moyen qu’elle n’avait pas soulevé à l’appui de son recours en indemnité devant le Tribunal et que celui-ci n’a, partant, pas pu examiner.

65 Par conséquent, le troisième moyen doit être écarté comme manifestement irrecevable.

66 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté, en partie, comme manifestement irrecevable et, en partie, comme manifestement non fondé.

Sur les dépens

67 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à l’autre partie et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

1) Le pourvoi est rejeté, en partie, comme manifestement irrecevable et, en partie, comme manifestement non fondé.

2) Acquafarm SL est condamnée aux dépens.

Signatures

* Langue de procédure : l’espagnol.

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